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R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
COUR D ‘ A P P E L D E B O R D E A U X
N° RG 23/00219 – N° Portalis DBVJ-V-B7H-NO4R
ORDONNANCE
Le DIX NEUF OCTOBRE DEUX MILLE VINGT TROIS à 10 H 00
Nous, Noria FAUCHERIE, conseillère à la Cour d’appel de Bordeaux, agissant par délégation de madame la première présidente de ladite Cour, assistée de François CHARTAUD, greffier,
En l’absence du Ministère Public, dûment avisé,
En présence de Madame Corinne NAUD, représentante du Préfet de La Gironde,
En présence de Madame [R] [N], interprète en langue espagnole déclarée comprise par la personne retenue à l’inverse du Français, inscrite sur la liste des experts de la cour d’appel de Bordeaux,
En présence de Monsieur [D] [M] [B], né le 18 Septembre 1984 à CARACAS (VENEZUELA), de nationalité Vénézuélienne, et de son conseil Me Okah Atenga CRESCENCE MARIE FRANCE,
Vu la procédure suivie contre Monsieur [D] [M] [B]
né le 18 Septembre 1984 à CARACAS (VENEZUELA), de nationalité Vénézuélienne et l’arrêté préfectoral de reconduite à la frontière du 12 avril 2023 visant l’intéressé,
Vu l’ordonnance rendue le 16 octobre 2023 à 14h15 par le juge des libertés et de la détention au tribunal judiciaire de Bordeaux, ordonnant la prolongation de la rétention administrative de Monsieur [D] [M] [B], pour une durée de 28 jours,
Vu l’appel interjeté par le conseil de Monsieur [D] [M] [B], né le 18 Septembre 1984 à CARACAS (VENEZUELA), de nationalité Vénézuélienne, le 17 octobre 2023 à 14h05,
Vu l’avis de la date et de l’heure de l’audience prévue pour les débats donné aux parties,
Vu la plaidoirie de Maître Okah Atenga CRESCENCE MARIE FRANCE, conseil de Monsieur [D] [M] [B], ainsi que les observations de Madame [T] [I], représentante de la préfecture de La Gironde et les explications de Monsieur [D] [M] [B] qui a eu la parole en dernier,
A l’audience, Madame la Conseillère a indiqué que la décision serait rendue le 19 septembre 2023 à 10h00,
Avons rendu l’ordonnance suivante :
PROCÉDURE
Monsieur [D] [M] [B], né le 18 septembre 1984, à Caracas, de nationalité vénézuélienne, a fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français prononcée à son encontre le 12 avril 2023 par le préfet de la Gironde et, pour l’exécution de cette mesure d’éloignement, d’une décision initiale de placement en rétention administrative prise le 13 octobre 2023 par l’autorité préfectorale.
La requête en date du 14 octobre 2023 du préfet de la Gironde fait état de ce que l’intéressé a été interpellé le 11 octobre 2023 par les services de police bordelais pour des faits de violences, viols et menace de mort commis sur sa concubine.
L’examen de sa situation a fait apparaître qu’il séjourne en France démuni de documents de voyage en cours de validité, sans domicile fixe (il précise vivre dans un squat), sans ressources légales sur le territoire national et s’oppose à son éloignement du territoire français puisqu’il n’a pas déféré à l’obligation de quitter le territoire pris à son encontre le 12 avril 2023 par le préfet de la Gironde.
L’autorité préfectorale a donc sollicité du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bordeaux la prolongation de la rétention administrative de Monsieur [B].
Le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Bordeaux par une décision en date du 16 octobre 2023 à 14h15 a prolongé la rétention administrative de l’intéressé pour une durée de 28 jours.
Par l’intermédiaire de son conseil, Monsieur [B] a interjeté appel de la décision le 17 octobre 2023 à 14 heures 05. L’appel est dûment accompagné d’un mémoire motivé dont il convient de se rapprocher pour plus amples renseignements. Il est sollicité en substance, outre l’octroi de frais irrépétibles pour la somme de 1000 € ainsi que le bénéfice de l’aide juridictionnelle provisoire, de voir remettre l’intéressé en liberté par manque de diligence de l’autorité préfectorale sur le fondement de l’article L 741’3 du CESEDA.
À l’audience du 17 juillet 2023, le conseil de Monsieur [B] a développé oralement ses conclusions écrites.
L’intéressé a expliqué que dès son arrivée en Italie, en 2019, il a fait une demande d’asile politique mais suite à une rupture avec la mère de sa fille, il n’avait plus de domiciliation et donc sa demande est devenue caduque. Alors qu’en France, il peut y avoir une domiciliation dans un organisme, en Italie, il faut une adresse chez un particulier. Il a expliqué être entré en France légalement avec un visa touriste.
À son arrivée en France, fin 2020, à [Localité 1], il a essayé de faire une demande d’asile mais la préfecture lui indiquait que ce n’était pas possible. Il a exposé s’être fait voler l’ensemble de ses effets personnels dont ses papiers d’identité et son téléphone à [Localité 1].
Il a présenté, à l’audience, des documents en langue espagnole indiquant qu’il n’avait pas de casier judiciaire au Venezuela ainsi qu’un bulletin de paye quand il était journaliste. Il a ajouté craindre pour sa vie s’il retourne au Venezuela.
La représentante de la préfecture a exposé que son placement en rétention intervient suite aux OQTF qui n’ont pas été contestées. Il aurait pu produire des documents à ce moment-là. Et s’il est en rétention c’est parce qu’il n’est pas parti de lui-même.
Toutes les diligences ont été faites. Le Venezuela l’a reconnu le 16 octobre 2023. Il a été demandé par les autorités vénézuéliennes le routing afin qu’un laissez-passer soit délivré par la suite. Monsieur [B] n’a aucune garantie de représentation France, il est SDF, sans ressource légale et a déclaré que toute sa famille vit au Venezuela est pas en France.
MOTIFS DE LA DÉCISION
– Sur la recevabilité de l’appel
La déclaration d’appel régulièrement motivée, a été formée dans le délai légal, elle est donc recevable.
– Sur le manque de diligence de l’autorité préfectorale
Au visa de l’article L741-3 du CESEDA : « un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L’administration doit exercer toute diligence à cet effet ».
Il résulte de ce texte que le placement ou le maintien en rétention d’étrangers faisant l’objet d’une mesure ordonnant leur éloignement du territoire français ne saurait, sans méconnaître l’objet assigné par la loi à la mise en rétention, être décidé par l’autorité administrative lorsque les perspectives d’éloignement effectives du territoire à brève échéance sont inexistantes. À cet égard le magistrat doit apprécier concrètement dans chaque dossier l’existence de telles perspectives sans se déterminer par des considérations exprimées en des termes généraux.
Le conseil constitutionnel a par ailleurs dans une décision en date du 20 novembre 2003 indiqué que : « l’autorité judiciaire conserve la possibilité d’interrompre à tout moment, la prolongation du maintien en rétention lorsque les circonstances de droit ou de fait le justifient ».
Il appartient donc au juge des libertés et de la détention de s’assurer d’une part que l’administration a tout mise en ‘uvre pour procéder à l’éloignement de l’intéressé, dès son placement en rétention et tout au long de la période de rétention administrative et d’autre part qu’il existe des perspectives réelles de reconduite à la frontière.
L’autorité préfectorale a fait une juste application de l’article L 742’3 du CESEDA.
En effet, les diligences effectuées auprès des autorités consulaires vénézuéliennes ont été prises à bref délai, elles ont d’ailleurs reconnu l’intéressé le 16 octobre 2023 et sont dans l’attente de la délivrance d’un routing afin de faire parvenir au préfet de la Gironde un laissez-passer consulaire permettant la reconduite de Monsieur [B] vers son pays d’origine.
Il est reproché à l’autorité préfectorale de pas avoir effectué de diligences vers l’Italie. Cependant le titre de séjour de Monsieur [B] n’est plus valide depuis 2022, par ailleurs ne disposant pas d’une adresse dans ce pays, il ne peut prétendre à ce que sa situation administrative soit à nouveaux étudiée par l’Italie.
Par ailleurs les autorités françaises ne peuvent intervenir dans les prises de décision de l’Italie. Sans un titre de séjour en cours de validité, l’autorité judiciaire ne peut pas permettre ce retour vers l’Italie de l’intéressé.
Il est également soutenu que la décision de placement en rétention aurait été prise par l’autorité préfectorale en violation des articles 2 et 3 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Si il existe une censure au Venezuela, et que des journalistes ont été victimes d’agressions depuis le début des manifestations antigouvernementales début février 2023, Monsieur [B] ne peut démontrer qu’il est en danger de mort ou peut être victime de maltraitances s’il est renvoyé dans son pays, étant rappelé qu’il a quitté le Venezuela en 2019 et qu’il n’a pas sauf preuve contraire, continuer son activité journalistique en dehors de son territoire national en ayant rédigé des écrits pouvant mettre sa vie en danger.
Il y a lieu en conséquence de rejeter le moyen soulevé, de confirmer la décision de première instance et de rejeter la demande du retenu relative aux frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant après débats en audience publique et en dernier ressort ;
Déclare l’appel recevable en la forme mais mal fondé ;
Accorde à Monsieur [D] [M] [B] le bénéfice de l’aide juridictionnelle provisoire dont distraction au profit de Me CRESCENCE MARIE FRANCE OKAH ATENGA ;
Confirme l’ordonnance du juge des libertés la détention du 16 octobre 2023 14h15 en toutes ses dispositions ;
Rejette toute autre demande ;
Dit que la présente ordonnance sera notifiée par le greffe en application de l’article R.743-19 du Code de l’Entrée et du Séjour des Étrangers et du Droit d’Asile,
Le Greffier, La Conseillère déléguée,