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8 mars 2023
Cour d’appel de Montpellier
RG n°
19/06095
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
1re chambre sociale
ARRET DU 08 MARS 2023
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 19/06095 – N° Portalis DBVK-V-B7D-OKHC
Arrêt n° :
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 23 JUILLET 2019 du CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER – N° RG F18/01032
APPELANTE :
SAS SCHNEIDER ELECTRIC ENERGY FRANCE Prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es qualité audit siège
[Adresse 1]
Représentée par Me Philippe JABOT de la SELARL CHEVILLARD, JABOT, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMES :
Monsieur [P] [I] [V],, héritier de Monsieur [V] [O] décédé,
[Adresse 3]
Représenté par Me Philippe SENMARTIN de la SELARL CSA, avocat au barreau de MONTPELLIER (postulant) et par Me MORA, avocat au barreau de MONTPELLIER (plaidant)
Madame [X] [N], [T] [V] héritière de Monsieur [V] [O], décédé,
[Adresse 3]
Représentée par Me Philippe SENMARTIN de la SELARL CSA, avocat au barreau de MONTPELLIER (postulant) et par Me MORA, avocat au barreau de MONTPELLIER (plaidant)
Madame [F], [C] [V], héritière de Monsieur [V] [O], décédé,
[Adresse 3]
Représentée par Me Philippe SENMARTIN de la SELARL CSA, avocat au barreau de MONTPELLIER (postulant) et par Me MORA, avocat au barreau de MONTPELLIER (plaidant)
Ordonnance de clôture du 21 Décembre 2022
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 JANVIER 2023, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :
Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre
Mme Véronique DUCHARNE, Conseillère
Madame Magali VENET, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Marie BRUNEL
ARRET :
– contradictoire
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par Monsieur Philippe DE GUARDIA, Président de chambre, et par Mme Marie BRUNEL, Greffière.
*
* *
FAITS ET PROCÉDURE
[O] [V], décédé le 19 avril 2019, aux droits duquel viennent [P] [V], [X] [V] et [F] [V], ès-qualités d’héritiers, a été embauché par la société AREVA T&D, aux droits de laquelle vient la SAS SCHNEIDER ELECTRIC ENERGY FRANCE, à compter du 2 octobre 2000. Il exerçait en dernier lieu les fonctions de pilote génie civil, affecté à l’établissement de [Localité 2], avec un salaire mensuel brut moyen de l’ordre de 2 500€.
Au cours de l’année 2014, la SAS SCHNEIDER ELECTRIC ENERGY FRANCE a procédé à une réorganisation en vue de sauvegarder la compétitivité de son secteur d’activité PSS (Prefabricated Sub Station).
Un plan de sauvegarde de l’emploi a été établi le 21 mai 2015.
Le 2 mai 2016, les parties ont signé une convention de rupture d’un commun accord du contrat de travail pour motif économique.
Soutenant que son consentement était affecté d’un vice et que le motif économique invoqué n’était pas constitué, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Montpellier qui, par jugement en date du 23 juillet 2019, a condamné la SAS SCHNEIDER ELECTRIC ENERGY FRANCE à lui payer les sommes de 40 000€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 800€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La SAS SCHNEIDER ELECTRIC ENERGY FRANCE a interjeté appel. Elle conclut à l’infirmation, à l’irrecevabilité de la contestation du motif économique de la rupture d’un commun accord et à l’octroi de la somme de 2000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
A titre subsidiaire, elle demande de limiter à six mois de salaire le montant des dommages et intérêts alloués.
Relevant appel incident, les héritiers de [O] [V] demandent de leur allouer les sommes de 75 000€ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 2 000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, il y a lieu de se reporter au jugement du conseil de prud’hommes et aux conclusions déposées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la convention de rupture :
Attendu que lorsque la résiliation du contrat de travail résulte de la conclusion d’un accord de rupture amiable conforme aux prévisions d’un plan de sauvegarde de l’emploi soumis aux représentants du personnel, la cause de la rupture ne peut être contestée sauf fraude ou vice du consentement, ce que ne constitue pas la seule contestation, fût-elle fondée, d’une ‘réorganisation liée à une supposée situation économique obérée’ ;
Attendu que le moyen tenant à la contestation de la cause économique de la rupture sera donc écarté ;
Sur l’obligation de reclassement :
Attendu que lorsque les départs volontaires prévus dans un plan de sauvegarde de l’emploi s’adressent aux salariés dont le licenciement est envisagé en raison de la réduction d’effectifs, sans engagement de ne pas les licencier si l’objectif n’est pas atteint au moyen de ruptures amiables des contrats de travail des intéressés, l’employeur est tenu, à l’égard de ces salariés, d’exécuter au préalable l’obligation de reclassement prévue dans le plan, en leur proposant des emplois disponibles et adaptés à leur situation personnelle, dans les sociétés du groupe dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation leur permettent la permutation de tout ou partie du personnel ;
Attendu qu’en l’espèce, il est clair à la lecture des documents adressés à [O] [V] que si l’objectif visé par la SAS SCHNEIDER ELECTRIC ENERGY FRANCE n’était pas atteint au moyen des ruptures amiables des contrats de travail des intéressés, son licenciement serait envisagé ;
Qu’en effet, l’employeur écrit dans un courrier qu’il lui a adressé le 12 juin 2015 qu’il appartient à une catégorie professionnelle pour laquelle il est envisagé la suppression de cinq postes à qu’à défaut de solution de reclassement interne, ‘une éventuelle mesure de licenciement serait réalisée’.
Attendu que l’offre de reclassement, qui correspond à une obligation individuelle, doit être précise, concrète et personnalisée ;
Que tel n’est pas le cas de l’offre de reclassement vague et hypothétique proposée à [O] [V], refusée par celui-ci, qui :
– ne comporte pas d’horaires précis ;
– prévoit une simple fourchette de rémunération, avec des écarts importants ;
– est proposée en termes identiques et de manière conjointe à des salariés exerçant des fonctions et jouissant d’ancienneté différentes, pour lesquelles la SAS SCHNEIDER ELECTRIC ENERGY FRANCE précise que ‘l’acceptation d’une ou plusieurs de ces propositions de postes ne signifie pas pour autant que (l’intéressé) obtiendra systématiquement ces postes en cas de candidatures multiples’ et qu’il conviendra de faire application d’un barème de points, c’est-à-dire d’un ordre ;
Qu’a fortiori en est-il ainsi de la communication d’une liste des postes disponibles au sein du groupe, consultable par l’ensemble des salariés ;
Attendu qu’il en résulte que la rupture est sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu qu’au regard de l’ancienneté de [O] [V], de son salaire au moment de la rupture mais à défaut d’élément sur sa situation familiale et l’évolution de sa situation professionnelle jusqu’à son décès, il y a lieu de réformer le jugement du conseil de prud’hommes et d’allouer à sa succession la somme de 25 000€ à titre de dommages et intérêts pour rupture sans cause réelle et sérieuse ;
* * *
Attendu que, conformément à l’article L. 1235-4, le remboursement par l’employeur fautif des indemnités de chômage payées au salarié doit être également ordonné dans la limite maximum prévue par la loi ;
Attendu qu’enfin, l’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile devant la cour d’appel ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Confirme le jugement en ce qu’il a dit la rupture sans cause réelle et sérieuse et condamné la SAS SCHNEIDER ELECTRIC ENERGY au paiement de la somme de 800€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Mais, le réformant pour le surplus et statuant à nouveau,
Condamne la SAS SCHNEIDER ELECTRIC ENERGY à payer à la succession de [O] [V], décédé le 19 avril 2019, la somme de 25000€ à titre de dommages et intérêts pour rupture sans cause réelle et sérieuse;
Rejette toute autre demande ;
Ordonne le remboursement par la SAS SCHNEIDER ELECTRIC ENERGY FRANCE des indemnités de chômage payées au salarié, du jour de la rupture au jour du présent arrêt, à concurrence de 6 mois d’indemnités ;
Condamne la SAS SCHNEIDER ELECTRIC ENERGY FRANCE aux dépens.
La Greffière Le Président