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COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
1ère chambre 1ère section
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
Code nac : 56Z
DU 07 NOVEMBRE 2023
N° RG 21/06606
N° Portalis DBV3-V-B7F-U2DP
AFFAIRE :
S.A.R.U. GROUPE AMADEUS
C/
Epoux [V]
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Septembre 2021 par le Tribunal Judiciaire de VERSAILLES
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 20/04925
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
-Me Audrey ALLAIN,
-Me Florence MULLER-TAILLEFER
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SEPT NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
S.A.R.U. GROUPE AMADEUS
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social
N° SIRET : 334 174 687
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 2]
représentée par Me Audrey ALLAIN, avocat – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 344 – N° du dossier 20211012
APPELANTE
****************
Monsieur [Y], [I], [Z] [V]
né le 07 Décembre 1989 à [Localité 5]
de nationalité Française
et
Madame [L] [H] épouse [V]
née le 30 Décembre 1990 à [Localité 6]
de nationalité Française
demeurant tous deux [Adresse 1]
[Localité 3]
représentés par Me Florence MULLER-TAILLEFER, avocat postulant – barreau de VERSAILLES, vestiaire : 516
Me Clément HERERA substituant Me Bettina FERREIRA HOUDBINE de la SELAS JDS AVOCATS, avocat – barreau de PARIS, vestiaire : A0612
INTIMÉS
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 07 Septembre 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Anna MANES, Présidente chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anna MANES, Présidente,
Madame Pascale CARIOU, Conseiller,
Madame Sixtine DU CREST, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,
FAITS ET PROCÉDURE
La société Groupe Amadeus (ci-après, autrement nommée, la ‘société Amadeus’) a pour activité la location de lieux de réceptions et l’organisation d’événements.
Par contrat du 9 novembre 2018, elle a consenti à M. [V] et Mme [H] la réservation du [Adresse 4] les 3 et 4 juillet 2020 pour leur réception de mariage.
Ce contrat incluait la location du lieu ainsi que la restauration pour 101 invités pour la soirée du 3 juillet et 75 sous la forme d’un ‘brunch’ le lendemain, moyennant un prix total de 23 598,50 euros toutes taxes comprises. Un acompte de 11 800 euros a été versé à la commande.
La survenance, au début du printemps 2020, de la crise sanitaire en lien avec le coronavirus a conduit M. [V] et Mme [H] à devoir envisager le report de la célébration de leur mariage et la réception subséquente.
Par lettre recommandée du 8 juin 2020, ils sollicitaient de la société Amadeus le report de leur événement à l’été 2021, en proposant trois dates distinctes.
Par courrier en réponse du 26 juin 2020, la société Amadeus s’opposait à cette demande, exposant que l’allégement des mesures sanitaires à compter du 14 juin 2020 permettait la tenue de la réception à la date prévue.
Par lettre recommandée du 1er juillet 2020, M. [V] et Mme [H] maintenaient leur position tendant à obtenir de la société Amadeus qu’elle admette la survenance d’un cas de force majeure et consente au report de la réception à l’été 2021.
Aucune solution amiable n’étant intervenue entre les parties, par acte d’huissier de justice délivré le 21 septembre 2020, M. [V] et Mme [H] ont fait assigner la société Amadeus devant le tribunal judiciaire de Versailles.
Par un jugement contradictoire rendu le 28 septembre 2021, le tribunal judiciaire de Versailles a :
– Prononcé la résolution judiciaire du contrat de location et de prestation du 3 novembre 2018,
– Condamné la société Groupe Amadeus à restituer à M. [Y] [V] et Mme [L] [H] ensemble la somme de 11 800 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 21 septembre 2020, date de 1’assignation,
– Condamné la société Groupe Amadeus à verser à M. [Y] [V] et Mme [L] [H] ensemble la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la résistance abusive,
– Condamné la société Groupe Amadeus aux dépens,
– Condamné la société Groupe Amadeus à verser à M. [Y] [V] et Mme [L] [H] ensemble la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépetibles en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– Débouté les parties du surplus de leurs demandes,
– Rappelé que l’exécution provisoire est de droit.
La société Groupe Amadeus a interjeté appel de ce jugement le 2 novembre 2021 à l’encontre de M. [V] et Mme [H].
Par d’uniques conclusions notifiées le 1er février 2022, la société Groupe Amadeus demande à la cour de :
Vu l’article 16 du code de procédure civile,
– Annuler le jugement du tribunal judiciaire de Versailles du 28 septembre 2021,
Subsidiairement,
– Infirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal judiciaire de Versailles du 28 septembre 2021,
Statuant à nouveau,
– Fixer à 17 698,80 euros l’indemnité contractuelle à la charge de M. [V] et Mme [H],
– Condamner M. [V] et Mme [H] à lui payer la somme de 5 898,80 euros toutes taxes comprises avec intérêts aux légal à compter de la signification de l’arrêt,
A titre subsidiaire,
– Fixer à 11 800 euros le montant de l’indemnité de résolution du contrat du 9 novembre 2018 due par M. [Y] [V] et Mme [L] [H],
En tout état de cause,
– Débouter M. [V] et Mme [H] de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions
– Condamner M. [V] et Mme [H] aux entiers dépens de l’instance ainsi qu’à la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par d’uniques conclusions notifiées le 20 avril 2022, M. [V] et Mme [H] demandent à la cour, au fondement des articles 1103,1104, 1186, 1187, 1194, 1195, 1217, 1218, 1226, 1227, 1229, 1240 et 1351 du code civil, de :
Vu les articles 542, 562 et 563 du code de procédure civile,
– Les recevoir en leurs demandes,
– Débouter Groupe Amadeus de toutes ses demandes,
– Confirmer le jugement du 28 septembre 2021 en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il leur a octroyé la somme de 1 000 euros en réparation de leur préjudice résultant de la résistance abusive de la société Groupe Amadeus,
– L’infirmer de ce dernier chef,
Statuant à nouveau,
– Condamner la société Groupe Amadeus à leur payer la somme de 5 000 euros pour sa résistance abusive,
Y ajoutant,
– Condamner la société Groupe Amadeus à leur payer la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre de leurs frais irrépétibles exposés en cause d’appel,
– Condamner la société Groupe Amadeus aux entiers dépens d’appel,
A titre subsidiaire et en cas d’annulation du jugement du 28 septembre 2021,
– Constater la résolution du contrat du 9 novembre 2018,
A titre subsidiaire,
– Prononcer la résolution du contrat du 9 novembre 2018,
A titre très subsidiaire,
– Constater la caducité du contrat du 9 novembre 2018,
En tout état de cause, et en cas d’annulation du jugement du 28 septembre 2021,
– Condamner la société Groupe Amadeus à leur payer la somme de 11 800 euros avec intérêt au taux légal à compter de l’assignation du 21 septembre 2020,
– Condamner la société Groupe Amadeus à leur payer la somme de 5 000 euros pour sa résistance abusive,
– Condamner la société Groupe Amadeus à leur payer la somme de 4 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre de leurs frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d’appel,
– Condamner la société Groupe Amadeus aux entiers dépens de première instance et d’appel.
La clôture de l’instruction a été ordonnée le 8 juin 2023.
SUR CE, LA COUR,
Sur les limites de l’appel,
Il résulte des écritures susvisées que le jugement est critiqué en toutes ses dispositions.
Devant le premier juge, les demandeurs ont fondé leur demande en résolution du contrat du 9 novembre 2018 sur les dispositions de l’article 1218 du code civil. A titre principal, ils maintiennent ce fondement au soutien de leur demande en résolution du contrat. Ce n’est qu’à titre subsidiaire, qu’ils sollicitent la résolution de leur contrat en raison d’un changement de circonstances imprévisibles lors de la conclusion du contrat, donc sur les dispositions de l’article 1195 du code civil, fondement juridique retenu par le premier juge pour accueillir leur demande.
L’appelante invite cette cour à annuler le jugement pour avoir relevé d’office sans soumettre à la contradiction le moyen tiré de l’application à l’espèce des prévisions de l’article 1195 du code civil ce qui n’avait pas été sollicité par M. [V] et Mme [H].
Sur l’annulation du jugement :
– Moyens des parties
Se fondant sur les dispositions des articles 16 et 12 du code de procédure civile, la société Amadeus fait grief au jugement de relever d’office sans soumettre à la contradiction le moyen tiré de l’application à l’espèce des prévisions de l’article 1195 du code civil alors que les demandeurs sollicitaient l’application de l’article 1218 du code civil.
Selon l’appelante, le juge de première instance ne s’est pas borné à restituer aux faits leur exacte qualification, mais a mis dans le débat des éléments de droit, à savoir l’imprévision, qui constitue un régime juridique dont l’application répond à des conditions complexes, qui n’ont pas été discutés contradictoirement par les parties, les privant de la possibilité d’opposer des moyens de faits et de droit de nature à combattre l’application de l’article 1195 du code civil.
Elle en déduit que, conformément aux dispositions de l’article 458 du code de procédure civile, en raison de l’atteinte portée au principe du contradictoire et aux droits de la défense par les juges du fond la nullité du jugement doit être prononcée.
M. [V] et Mme [H] répliquent que les conditions de l’article 12 du code de procédure civile sont remplies autorisant le juge de première instance à requalifier une action en résolution du contrat pour cas de force majeure en action en résolution pour imprévision.
Ils soutiennent que le juge use de son pouvoir de requalification sans introduire de nouveaux éléments au débat et invoquent à l’appui différents arrêts rendus par la Cour de cassation.
Ils observent que les éléments de fait et de droit soumis au premier juge lui permettait de rechercher non seulement si les conditions de mise en oeuvre de l’article 1218 du code civil étaient réunies, mais également si celles prévues par l’article 1195 du code civil l’étaient aussi. Cet examen l’a conduit, selon les intimés, à retenir que la demande de report du contrat par les demandeurs était fondée autant sur la force majeure que sur l’imprévision, donc l’article 1195 du code civil, et que dans tous les cas le refus de la société Amadeus devait entraîner la résolution du contrat et partant la restitution de l’acompte. Ils soutiennent donc que le premier juge s’est borné à requalifier l’action en résolution pour cas de force majeure en action en résolution pour imprévision. Ils observent que l’office du juge consiste à vérifier que les conditions d’application de la loi sont remplies et qu’en procédant de la sorte il n’introduit aucun élément nouveau ni ne relève aucun moyen de droit nouveau. En l’espèce, ils prétendent qu’en requalifiant une action en résolution pour force majeure (article 1218 du code civil) et action en résolution pour imprévisibilité (article 1195 du code civil) le juge n’a fait qu’user de son pouvoir de requalification prévu à l’article 12 du code de procédure civile.
Par conséquent, les intimés considèrent que le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Versailles le 28 septembre n’encourt pas l’annulation.
‘ Appréciation de la cour
L’article 4 du code de procédure civile dispose que ‘ L’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. Ces prétentions sont fixées par l’acte introductif d’instance et par les conclusions en défense. Toutefois l’objet du litige peut être modifié par des demandes incidentes lorsque celles-ci se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.’
L’article 12 du même code précise que ‘ Le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables.
Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.
Toutefois, il ne peut changer la dénomination ou le fondement juridique lorsque les parties, en vertu d’un accord exprès et pour les droits dont elles ont la libre disposition, l’ont lié par les qualifications et points de droit auxquels elles entendent limiter le débat.
Le litige né, les parties peuvent aussi, dans les mêmes matières et sous la même condition, conférer au juge mission de statuer comme amiable compositeur, sous réserve d’appel si elles n’y ont pas spécialement renoncé.’
Selon l’article 16 du même code, ‘Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement.
Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu’il a relevés d’office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.’
L’article 458 du code de procédure civile dispose que ‘Ce qui est prescrit par les articles 447, 451, 454, en ce qui concerne la mention du nom des juges, 455 (alinéa 1) et 456 doit être observé à peine de nullité.
Toutefois, aucune nullité ne pourra être ultérieurement soulevée ou relevée d’office pour inobservation des formes prescrites aux articles 451 et 452 si elle n’a pas été invoquée au moment du prononcé du jugement par simples observations, dont il est fait mention au registre d’audience.’
En l’espèce, le moyen soulevé par la société Amadeus tiré de la violation de l’article 16 du code de procédure civile n’est pas de nature à entraîner la nullité du jugement au fondement de l’article 458 du code de procédure civile.
Au surplus, c’est sans violer le principe de la contradiction, en se bornant à faire application des dispositions des articles 4 et 12 du code de procédure civile, que le premier juge a requalifié l’action en résolution pour cas de force majeure en action en résolution pour imprévision. Il sera observé que l’ensemble des éléments de fait et de droit permettant d’opérer ainsi était dans le débat de sorte que c’est en vain que la société Amadeus prétend que le premier juge a violé les dispositions de l’article 16 du code de procédure civile.
La demande d’annulation du jugement formée par la société Amadeus sera dès lors rejetée.
Sur l’application de l’article 1218 du code civil
‘ Moyens des parties
M. [V] et Mme [H], se fondant sur les dispositions de l’article 1218 du code civil, font valoir que :
* au moment de la signature du contrat le 9 novembre 2018, les parties n’envisageaient pas la survenance en 2020 d’une pandémie similaire à celle de la Covid 19 ;
* cet événement a empêché l’organisation dans les conditions contractuelles initiales de leur mariage ;
* le contrat prévoyait la location du clos de l’orangerie les vendredi 3 juillet et samedi 4 juillet 2020 pour 101 invités de tous âges, venant de la France entière, voire pour certains de l’étranger, outre la fourniture des boissons, d’un DJ et d’un repas (pièce 1) ;
* l’article 1er du décret n° 2020-663 du 31 mai 2020 a prorogé l’état d’urgence sanitaire instauré en mars 2020 jusqu’au 10 juillet 2020 et son annexe 1 définit les mesures d’hygiène et de distanciation sociale à respecter incluant la distanciation physique d’au moins un mètre entre deux personnes ;
* l’article 45, III, dans sa version issue du décret n° 2020-759 du 21 juin 2020, précisait que les établissements de type L ‘à usage multiple’, dont font partie les salles de réception, les conditions d’accueil du public étaient réglementées, en particulier les personnes accueillies devaient avoir une place assise, une distance minimale d’un siège inoccupée entre les sièges occupés par chaque personne ou chaque groupe de moins de dix personnes venant ensemble ou ayant réservé ensemble, l’accès aux espaces permettant des regroupements étant en outre interdit, sauf aménagement spécial ;
* le lieu de réception prévu au contrat constituait un établissement de type L à usage multiple de sorte que les restrictions susmentionnées lui étaient applicables malgré les dénégations de l’appelante ; qu’au reste dans un courriel du 6 mai 2020 (pièce 8/1) elle admettait relever des mesures applicables aux établissements recevant du public (ERP) ; elle le reconnaissait encore dans ses écritures en page 9, paragraphe 1 (page 8 des écritures des intimés) ;
* à supposer que le lieu de réception relève de la réglementation applicable aux établissements de type N, comme le suggère la société Amadeus, il n’en demeurera pas moins que l’article 40 de ce même décret imposait aux gérants de ces établissements, comprenant donc les restaurants et débits de boissons, d’offrir une place assise à toutes les personnes accueillies, ne pas placer sur une même table des personnes venant ensemble ou ayant réservé ensemble, dans la limite de dix personnes, imposer une distance minimale d’un mètre entre les tables occupées par chaque personne ou groupe de personnes venant ensemble ou ayant réservé ensemble, sauf si une paroi fixe ou amovible assure une séparation physique.
M. [V] et Mme [H] invitent donc la cour d’appel à suivre le jugement dans son raisonnement qui considère que les restrictions posées par les dispositions précitées étaient incontestablement opposables et applicables à l’espèce. Ils soutiennent donc que, compte tenu des restrictions imposées par le législateur, la société Amadeus n’était pas en mesure d’honorer les obligations prévues au contrat. Ils insistent sur le fait qu’une réception de mariage, donc une occasion unique et festive, ne se conçoit pas en respectant ces consignes (port de masques, distanciation sociale…).
Ils ajoutent que la célébration de la cérémonie a en outre été annulée à l’initiative du maire en application de son pouvoir de police (pièce 7/2) alors que les mariages n’étaient plus à cette date interdits à l’échelle nationale depuis le 2 juin 2020. Il s’ensuit, selon eux, qu’en application des dispositions de l’article 1186 du code civil, le contrat devenait caduc puisqu’un de ses éléments essentiels avait disparu. Ils soutiennent que contrairement à ce que prétend la société Amadeus, la célébration du mariage constituait bien un élément essentiel du contrat et l’absence de célébration rendait la réception sans objet.
Ils font enfin valoir que la société Amadeus admet cependant qu’une incertitude pesait sur l’exécution de la prestation puisqu’en avril (pièce 8/2) puis en mai 2020 (pièce 8/1) son co contractant écrivait qu’ ‘il y a encore peu de visibilité sur les conditions dans lesquelles les événements pourront avoir lieu à ces dates…’ de sorte qu’il est, selon eux, pour le moins contradictoire de sa part de prétendre en juin 2020 (pièce 5) que ‘votre mariage prévu le 3 juillet 2020 au clos de l’Orangerie pourra avoir lieu et se déroulera dans les meilleures conditions’.
La société Amadeus rétorque que la loi d’urgence sanitaire et le décret du 31 mai 2020 ne permettent pas de caractériser un empêchement à l’exécution du contrat présentant les caractères de la force majeure au sens de l’article 1218 du code civil.
Elle fait valoir qu’elle n’a pas été empêchée en raison de ces événements d’exécuter ses obligations.
Selon elle, le clos de l’Orangerie n’est pas un ‘lieu public’ ni ‘ouvert au public’ et les mesures mentionnées par ses adversaires ne lui étaient pas applicables. Elle ajoute qu’elle a pu accueillir des événements privés de ses clients et réunir jusqu’à 5 000 personnes et non 10 personnes au maximum. Elle soutient que les dispositions de l’article 3-V du décret du 31 mai 2020 lui sont applicables. Elle observe qu’à supposer que les dispositions invoquées par ses adversaires à l’appui de leurs prétentions étaient applicables, l’article 45 III n’impose nullement aux convives de rester assis à table et que l’accès aux espaces permettant les regroupements peuvent être aménagés de manière à garantir le respect de l’article 1er (article 45, IV, 3°).
Elle souligne que la lettre de la mairie annonçant que le mariage ne sera pas célébré le 3 juillet 2020 n’est pas probante puisqu’elle ne précise pas les raisons pour lesquelles la municipalité a procédé à cette annulation alors que les célébrations de mariage avaient repris sur l’ensemble du territoire.
En tout état de cause, elle fait valoir que la célébration d’un mariage n’est pas le préalable nécessaire à la réception convenue et ne constitue pas un élément essentiel de l’exécution du contrat. Il s’ensuit, selon elle, que le moyen subsidiaire et la prétention à la suite sont inopérants.
‘ Appréciation de la cour
L’article 1103 du code civil dispose que ‘les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.’
Selon l’article 1218 du même code, ‘il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur.
Si l’empêchement est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l’empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1.’
Il revient dès lors à M. [V] et Mme [H] de démontrer que la société Amadeus n’était pas en mesure d’exécuter ses obligations contractuelles conformément à ce qui avait été prévu dans le contrat signé entre les parties le 9 novembre 2018 en raison de la force majeure.
Le contrat souscrit entre les parties le 9 novembre 2018 prévoyait ce qui suit (pièce 1 des intimés) :
– ‘vendredi 3 juillet 2020 18h à 4 heures et samedi 4 juillet ‘2019″ (sic) de 11 heures à 16 heures, mariage, 101 adultes / 75 au brunch’
– ‘prestation suivant devis : 17 531,27 euros hors taxes ; DJ : 1 575 euros hors taxes ; forfait alcool all inclusive : 2 020 euros hors taxes, TOTAL 21 126,27 euros hors taxes TVA 10% 1 753,13 euros TVA 20% 719 euros soit TOTAL : 23 598,40 euros toutes taxes comprises’. Le contrat précisait que deux chèques d’acompte devaient être remis à la réservation représentant 25% du montant toutes taxes comprises. Il est manifeste que la date du 4 juillet 2019 procède d’une erreur purement matérielle de ‘plume’ et qu’il faut lire 2020.
Les intimés justifient avoir versé à la société Amadeus la somme totale de 11 800 euros à titre d’acompte (pièce 2/1 et 2/2).
Il est constant que la société Amadeus est un prestataire de services, louant des salles de réception et des lieux de réception avec traiteur pour des événements tels que des mariages, des anniversaires, des baptêmes… Les lieux sont mis à disposition du public avec des prestations convenues (DJ, restauration, alcool).
La pandémie consécutive à la propagation du coronavirus revêt assurément les caractéristiques de la force majeure en ce qu’elle est irrésistible pour les parties au contrat puisqu’elles ne peuvent exécuter les stipulations du contrat dans les conditions prévues au moment de sa signature et imprévisible tant il est indéniable qu’au moment de la signature du contrat les parties n’ont pas prévoir la survenance d’une pandémie qui viendrait contrarier leurs plans.
Il est en outre démontré que la région Ile de France, au cours du mois de juillet 2020, était passée en zone verte et que les dispositions du décret n° 2020-663 du 31 mai 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de la Covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire s’appliquaient à la situation de l’espèce.
Les dispositions de l’article 45 III, 1°, et IV du décret précisent (souligné par cette cour) que ‘III. Dans les départements situés en zone verte, les établissements recevant du public figurant ci-après ne peuvent accueillir de public que dans les conditions prévues au présent article, 1° (les) Etablissements de type L : Salles d’auditions, de conférences, de projection, de réunions, de spectacles ou à usage multiple ;
…
IV. Pour l’application de l’article 1er, les gérants des établissements mentionnés au 1° et 2° du III, organisent l’accueil du public dans les conditions suivantes :
1° Les personnes accueillies ont une place assise ;
2° Une distance minimale d’un siège est laissée entre les sièges occupés par chaque personne ou chaque groupe de moins de dix personnes venant ensemble ou ayant réservé ensemble ;
3° L’accès aux espaces permettant des regroupements est interdit, sauf s’ils sont aménagés de manière à garantir le respect de l’article 1er.’
A supposer qu’il faille considérer que la société Amadeus ne mettait pas à disposition une salle à usage multiple, au sens de l’article 45 précité, mais que cela soit l’article 40 de ce décret qui s’applique, celui-ci indique que pour les établissements de type N, à savoir les restaurants, les mesures ci-après sont applicables :
‘Les établissements recevant du public relevant des types suivants définis par le règlement pris en application de l’article R. 123-12 du code de la construction et de l’habitation ne peuvent accueillir du public que dans le respect des conditions prévues au présent article … que dans les conditions suivantes :
1° Les personnes accueillies ont une place assise ;
2° Une même table ne peut regrouper que des personnes venant ensemble ou ayant réservé ensemble, dans la limite de dix personnes ;
3° Une distance minimale d’un mètre est garantie entre les tables occupées par chaque personne ou groupe de personnes venant ensemble ou ayant réservé ensemble, sauf si une paroi fixe ou amovible assure une séparation physique.’
Il s’ensuit que des mesures restrictives, guidées par l’état d’urgence sanitaire, étaient en vigueur au jour de la réception litigieuse.
Contrairement à ce que soutient la société Amadeus, ces mesures s’appliquaient à son établissement et dans sa lettre du 26 juin 2020 adressée à M. [V] et Mme [H] en réponse à leur demande de report de la réception à une date ultérieure, elle précisait elle-même que ‘à ce jour les tables ne peuvent accueillir plus de 10 personnes en respect des conditions sanitaires actuelles’. Elle écrivait encore dans ses dernières écritures (page 9, paragraphe 1) que le Clos de l’Orangerie disposait d’une salle pour le service à table classée ERP de type N ainsi que des hébergements classés ERP de type O conformes aux recommandations sanitaires édictées par les pouvoirs publics.
Il résulte ainsi de ces dispositions que des mesures de précaution étaient imposées ne permettant pas de profiter d’une réception de mariage d’une manière aussi festive que prévue au jour de la conclusion du contrat.
M. [V] et Mme [H] démontrent en outre qu’ils ont sollicité un report de la réception à l’été 2021, en proposant trois dates, ce qui leur était refusé, la société Amadeus n’acceptant qu’un report en septembre 2020 à l’Orée du Bois, soit un autre lieu de réception. Elle indiquait très clairement ne pas avoir les moyens de faire d’autres propositions (pièce 5).
M. [V] et Mme [H] justifient enfin que le maire qui devait célébrer la cérémonie nuptiale prévue le 3 juillet 2020 l’a annulée de sorte que la réception au Clos de l’Orangerie ne pouvait nécessairement pas avoir lieu le 3 juillet 2020. C’est au reste contrairement aux termes même du contrat que la société Amadeus prétend qu’une réception de mariage aurait pu avoir lieu alors que le mariage était annulé. Le fait d’inviter une centaine de convives et payer la somme de 23 598,40 euros n’est pas anodin pour la plupart des jeunes couples et correspond à une dépense exceptionnelle justifiée par un événement exceptionnel comme un mariage. Prétendre que M. [V] et Mme [H] n’étaient pas légitimes à solliciter un report n’est pas sérieux et atteste de la mauvaise foi de la société Amadeus.
Il s’ensuit que M. [V] et Mme [H] ont caractérisé un cas de force majeure rendant impossible l’exécution des obligations contractuelles, l’empêchement étant définitif puisqu’il est établi que la société Amadeus a refusé de reporter la date de la réception et ce qu’elle a proposé ne correspondait pas à ce que le contrat prévoyait, en particulier sur le lieu de la réception. C’est donc à bon droit que le premier juge a prononcé la résolution judiciaire du contrat.
C’est également à bon droit que le jugement a décidé qu’en conséquence de la résolution du contrat en raison de la force majeure et en application de la clause du contrat, le remboursement de l’acompte versé, soit la somme totale de 11 800 euros, majoré des intérêts, devait être ordonné.
Le jugement sera confirmé de ces chefs.
Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive
C’est par d’exacts motifs, adoptés par cette cour, que le premier juge relevant que la société Amadeus avait manqué à son obligation de bonne foi qui aurait dû la conduire à reconsidérer les modalités d’exécution du contrat compte tenu des circonstances de la cause, qui de mauvaise foi prétendait que l’annulation du mariage en mairie n’était pas indispensable à la tenue de la ‘réception de mariage’, a retenu la résistance abusive de la société Amadeus.
Il sera ajouté que le contrat lui-même précisait que si la société Amadeus ne pouvait pas assurer les prestations prévues au contrat, elle s’engageait à en avertir M. [V] et Mme [H] et procéder au remboursement sous 10 jours ce qu’elle n’a manifestement pas fait puisque ces derniers ont dû agir en justice pour obtenir satisfaction.
Le tribunal a exactement accordé la somme de 1 000 euros au titre du préjudice moral subi par M. [V] et Mme [H] en lien causal avec la faute de la société Amadeus. A hauteur d’appel M. [V] et Mme [H] ne justifient pas que leur préjudice n’a pas été exactement évalué.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur les demandes accessoires
Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile.
La société Amadeus, qui succombe, supportera les dépens d’appel. Elle sera déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
L’équité commande d’allouer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à M. [V] et Mme [H], somme qui sera acquittée par la société Amadeus.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant par arrêt contradictoire et mis à disposition,
CONFIRME le jugement,
Y ajoutant,
CONDAMNE la société Groupe Amadeus aux dépens d’appel ;
CONDAMNE la société Groupe Amadeus à verser à M. [V] et Mme [H] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE toutes autres demandes.
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
– signé par Madame Anna MANES, présidente, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, La Présidente,