Droits des Compositeurs : 7 mars 2023 Cour d’appel de Reims RG n° 18/02261

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Droits des Compositeurs : 7 mars 2023 Cour d’appel de Reims RG n° 18/02261
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ARRET N°

du 07 mars 2023

N° RG 18/02261 – N° Portalis DBVQ-V-B7C-ER5S

[G]

c/

[K]

Etablissement CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE [Localité 9]

S.A. LA MEDICALE DE FRANCE

Formule exécutoire le :

à :

la SCP ACG & ASSOCIES

Me Christophe VAUCOIS

COUR D’APPEL DE REIMS

CHAMBRE CIVILE-1° SECTION

ARRET DU 07 MARS 2023

APPELANT :

d’un jugement rendu le 21 septembre 2018 par le Tribunal judiciaire de REIMS

Monsieur [H] [G]

[Adresse 3]

[Localité 10]

Représenté par Me Gérard CHEMLA de la SCP ACG & ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS

INTIMES :

Monsieur [D] [K]

[Adresse 5]

[Localité 10]

Représenté par Me Eric RAFFIN de la SELARL RAFFIN ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS

Etablissement CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE [Localité 9]

Etablissement de droit privé en charge d’un service public régi par le Code de la Sécurité Sociale, agissant poursuites et diligences de son Directeur domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 10]

Représentée par Me Christophe VAUCOIS, avocat au barreau des ARDENNES

S.A. LA MEDICALE DE FRANCE

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentée par Me Eric RAFFIN de la SELARL RAFFIN ASSOCIES, avocat au barreau de REIMS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

Madame MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre, et Madame MAUSSIRE, conseillère, ont entendu les plaidoiries, les parties ne s’y étant pas opposées. Elles en ont rendu compte à la cour dans son délibéré.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, présidente de chambre

Madame Véronique MAUSSIRE, conseillère

Madame Florence MATHIEU, conseillère

GREFFIER :

Madame Yelena MOHAMED-DALLAS, greffière lors des débats et Monsieur MUFFAT-GENDET Nicolas, greffier lors du prononcé

DEBATS :

A l’audience publique du 24 janvier 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 07 mars 2023,

ARRET :

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 07 mars 2023 et signé par Madame Elisabeth MEHL-JUNGBLUTH, président de chambre, et Monsieur MUFFAT-GENDET Nicolas, greffier auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Le 29 août 2008, en début d’après-midi, M. [H] [G] âgé de 47 ans, musicien, vivant chez sa mère, célibataire sans enfant, a été reçu en consultation par le docteur [D] [K], médecin généraliste remplaçant le médecin habituel en congé.

Le 29 août à 18h41, M. [H] [G] fait un arrêt cardio respiratoire à son domicile.

Il est pris en charge par le SAMU pour cet infarctus du myocarde latéral évolutif et a été ensuite hospitalisé pendant 15 mois pour de très importantes séquelles neuro orthopédiques et neurologiques résultant d’une anoxie cérébrale liée à l’arrêt cardiaque, secondaire au syndrome coronarien aigu.

Le patient a été hospitalisé en réanimation à [Localité 10] du 30 août au 1er octobre 2008 et suivra une rééducation dans le service de soins de suite du CHU de [Localité 10] du 1er octobre au 8 décembre 2008, puis au centre WARQ de [Localité 7] du 8 décembre 2008 au 28 novembre 2009, puis au centre de rééducation du CHU de [Localité 10] du 30 novembre au 23 décembre 2009 ; ont suivi d’autres périodes d’hospitalisation.

A sa sortie, il peut marcher avec un déambulateur sur quelques mètres. Il présente un varus équin bilatéral en rapport avec une dystonie sur un pied creux bilatéral une hyperextension des métatasophalangiennes avec griffes d’orteil ; de fausses routes aux solides sont signalées. Sur le plan neuropsychologique, il présente un syndrome dysexécutif des difficultés d’organisation, d’apprentissage de communication et d’attention.

Il séjourne temporairement chez sa mère puis intègre le 8 juillet 2011, un établissement médico social dans lequel il réside toujours du fait de son manque d’autonomie neurologique et de son besoin d’aides de substitution et d’une présence de sécurité où il dispose d’un studio d’aides et des soins réguliers.

M. [H] [G] a saisi d’une demande d’indemnisation amiable, la Commission Régionale de conciliation et d’indemnisation des accidents médicaux de [Localité 6] qui a désigné le docteur [S] [Y] en qualité d’expert aux fins d’analyser si les circonstances dans lesquelles il a été pris en charge par le docteur [K] à compter du 25 août 2008 répondent aux règles de l’art et aux données acquises de la science médicale, de décrire l’état du patient et d’évaluer le cas échéant, le préjudice en lien avec un manquement du médecin.

Le docteur [Y] a déposé son rapport le 16 mars 2011.

Il souligne que dans la mesure où le médecin n’a laissé aucune trace écrite de la consultation dans le dossier médical du patient et que la victime déclare n’avoir aucun souvenir des journées qui ont précédé son arrêt cardiaque, le déroulement des faits repose sur la description orale qu’en font la mère de la victime et le docteur [K].

Il retient dans ce cadre  :

– une erreur du diagnostic de bronchite aiguë fait par le docteur [K] puisqu’il

n’existait aucun argument en faveur de celui-ci, ni fièvre, toux, expectoration dyspnée

ou signe d’encombrement pulmonaire,

– un défaut de diligences et d’examens complémentaires notamment ECG ou dosage

biologique qui auraient permis d’évoquer le diagnostic de syndrome coronarien,

– que des thérapeutiques urgentes dans le cadre de la prévention d’un infarctus n’ont

donc pas pu être mises en ‘uvre,

– que celles-ci n’auraient peut-être pas permis d’éviter la survenue de l’arrêt cardiaque ni les séquelles consécutives à celui-ci mais aurait conduit à « une

évolution toute autre ».

Ainsi, à ce titre il affirme que « ce retard a pu influencer l’évolution de la survenue de l’infarctus du myocarde dont les séquelles fonctionnelles cardiologiques justifient un taux d’AIPP de 20 % mais que néanmoins ce retard est sans influence sur l’évolution naturelle ultérieure de la cardiopathie ischémique dont on connaît le caractère imprévisible et qui s’est compliqué par un arrêt cardio-circulatoire brutal qui peut survenir à tout moment dans l’histoire naturelle de la cardiopathie ischémique et inaugure même souvent cette maladie ».

La Commission, estimant que ces conclusions et l’état du dossier ne lui permettaient pas de statuer sur la demande d’indemnisation de M. [H] [G], a ordonné une contre expertise le 13 avril 2011 et désigné les docteurs [I] [B], cardiologue, et [R] [U] en qualité d’experts, devant lesquels Monsieur [G] régulièrement convoqué ne s’est pas présenté.

Ils ont déposé leur rapport le 30 janvier 2013.

Ils y développent qu’en l’absence de notes prises par le docteur [K] pendant les deux consultations de Monsieur [G] qui constituent un manquement aux règles de l’art, celui-ci n’est pas à même de démontrer les arguments cliniques qui ont pu le conduire à aboutir au diagnostic de bronchite au mois d’août 2008 et à ne pas faire d’examens complémentaires pour écarter une pathologie cardiaque.

Ils y précisent également que néanmoins, il leur est impossible de répondre à la question de l’existence d’un lien de causalité entre ce manquement et l’encéphalopathie anoxique liée à l’arrêt cardiaque survenu le 29 août 2008 ayant entraîné les séquelles. Ils ont, avec les réserves d’usage, et en l’absence du patient, régulièrement convoqué par LRAR, procédé à l’évaluation du dommage de celui-ci au vu des pièces produites notamment par le docteur [Y].

Par avis du 9 avril 2013 et sur le fondement de l’article L1142-1 du code de la santé publique, la Commission réunie en formation de règlement amiable a considéré que le docteur [D] [K] avait commis une erreur de diagnostic entraînant un retard dans la prise en charge du patient à l’origine d’une perte de chance de ne pas subir le même préjudice estimée à 60% et a invité la SA La Médicale, assureur responsabilité civile professionnelle du docteur [K], à adresser une offre d’indemnisation à M. [H] [G] en ce sens dans le délai de 4 mois sauf pour celui-ci à saisir l’ONIAM pour être indemnisé.

Par actes d’huissier en date des 21 septembre et 20 octobre 2015, la Caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 9] (ci-après la CPAM) a fait assigner le docteur [D] [K], la SA La Médicale en sa qualité d’assureur responsabilité civile professionnelle et M. [H] [G] devant le tribunal de grande instance de Reims aux fins de voir dire le docteur [D] [K] entièrement responsable de l’accident cardiaque par arrêt cardio-circulatoire secondaire à l’infarctus myocardique subi par M. [H] [G] le 29 août 2008, et condamner solidairement le docteur [D] [K] et la SA La Médicale à lui payer :

– débours exposés : 71.903,30 euros,

– indemnité forfaitaire de gestion : 1.037 euros,

– intérêts au taux légal sur ces sommes à compter de l’assignation du 21 septembre 2015 : Mémoire

– indemnité de l’article 700 du code de procédure civile : 1.200 euros.

Dans le cadre de cette procédure, M. [H] [G] a demandé au tribunal de dire que le docteur [K] a commis une erreur de diagnostic fautive et est entièrement responsable de l’arrêt cardiaque et de l’encéphalopathie anoxique secondaire qu’il a subi, à titre subsidiaire ,si la responsabilité du docteur [K] était engagée au titre d’une perte de chance, de retenir que sa responsabilité ne pouvait être inférieure à 90%, et en conséquence de le condamner, solidairement avec la SA La Médicale, son assureur, à indemniser l’intégralité subsidiairement 90 % de ses préjudices développés et aboutissant au total de 2.262.369 euros.

Le docteur [D] [K] et son assureur la SA La Médicale ont soulevé l’irrecevabilité des conclusions du rapport d’expertise des docteurs [U] et [B] au motif qu’ils avaient répondu de manière incomplète aux termes de la mission, et sans examiner le patient.

Sur le fond, ils ont conclu à l’absence de démonstration d’un lien de causalité entre l’existence d’une erreur de diagnostic et le préjudice invoqué par Monsieur [H] [G] et donc au débouté de toutes ses demandes et de celles de la CPAM ; à titre subsidiaire, si l’existence d’une perte de chance était retenue à la fixation d’un taux maximum de responsabilité du médecin de 20% dans la mesure où il n’existe aucun lien de causalité entre le retard de diagnostic reproché au docteur [K] et les préjudices invoqués par M. [H] [G] au titre de sa pathologie neurologique, que seuls les préjudices liés à la survenance de l’arrêt cardiaque seraient susceptibles d’être pris en compte et qu’il convenait de surcroît de procéder à réduction à de plus justes proportions des seuls postes de préjudices imputables à celui-ci.

Par jugement en date du 21 septembre 2018, le tribunal de grande instance de Reims a:

– rejeté la demande d’irrecevabilité des conclusions de l’expertise des docteurs [B] et [U],

– jugé que le docteur [D] [K] a commis une faute de technique médicale ayant

entraîné une perte de chance de 25% pour M. [H] [G] d’éviter l’accident cardiaque et l’anoxie cérébrale subséquente survenus le 29 août 2008,

En conséquence a,

– limité le droit à indemnisation de M. [H] [G] à 25 %,

– débouté M. [H] [G], de sa demande d’indemnisation des chefs du préjudice

d’établissement, de l’assistance par tierce personne permanente et des dépenses

de santé futures,

– fixé la liquidation des autres préjudices subis par M. [H] [G] comme suit :

‘frais divers : 467,77 euros,

‘dépenses de santé actuelles: 18.145,88 euros dont 17.465,67 euros revenant à la CPAM de [Localité 9],

‘assistance temporaire d’une tierce personne : 3 552 euros,

‘perte de gains professionnels actuelle : 4 219 euros,

‘déficit fonctionnel temporaire : 5 713,12 euros,

‘souffrances endurées : 5 000 euros,

‘préjudice esthétique temporaire : 2 000 euros,

‘déficit fonctionnel permanent : 52 800 euros,

‘perte de gains professionnel échue : 9. 929 euros,

‘perte de gains professionnels future : 34.000,90 euros,

‘préjudice esthétique permanent : 2 500 euros,

‘préjudice sexuel : 2 500 euros,

‘incidence professionnelle: 5 000 euros,

‘préjudice d’agrément : 5 000 euros,

Total : 150.827,67 euros dont 17.465,67 euros revenant à la CPAM de [Localité 9],

– condamné in solidum le docteur [D] [K] et son assureur la SA La Médicale

payer à M. [H] [G] la somme de 133.362 euros et à la CPAM de [Localité 9] la

somme de 17 465,67 euros au titre des débours exposés augmentée des intérêts au

taux légal à compter du 21 septembre 2015, outre la somme de 1 037 euros à titre

d’indemnité forfaitaire de gestion.

Le tribunal a estimé qu’en posant le diagnostic de bronchite aiguë alors qu’il n’existait pas d’argument en faveur de celui-ci et sans faire un examen clinique correct et des examens complémentaires et notamment un ECG ou un dosage biologique qui auraient peut-être permis d’évoquer le diagnostic de syndrome coronarien, le docteur [K] a commis une faute ; que cette faute a fait perdre à la victime 25% de chance d’éviter l’accident cardiaque et surtout l’encéphalopathie anoxique qui a suivi et occasionné les séquelles neurologiques.

Par déclaration enregistrée le 23 octobre 2018, M. [H] [G] a interjeté appel de ce jugement.

Par arrêt avant dire droit rendu le 22 septembre 2020, la cour d’appel de Reims a retenu que le docteur [K] avait commis une faute en ne procédant pas à des examens complémentaires pour écarter un syndrome coronarien.

Estimant que les rapports d’expertise au dossier étaient insuffisants pour lui permettre de statuer sur la perte de chance de ne pas subir d’arrêt cardiaque ou les séquelles dans l’ampleur constatée, ainsi que pour apprécier le préjudice de la victime, la cour a ordonné une expertise médicale judiciaire de Monsieur [G] confiée au docteur [I] [C] cardiologue outre un sapiteur neuropsychologue avec la mission d’évaluer le préjudice de la victime, de décrire les circonstances dans lesquelles M. [H] [G] a été pris en charge à son domicile le 28 août 2008, décrire tous les soins dispensés, investigations et actes annexes qui ont été réalisés et répondre aux questions suivantes:

1) Peut-on affirmer que compte tenu de la nature de la pathologie constatée quelques heures après la consultation et décrite dans les comptes rendus hospitaliers, celle-ci n’était dans tous les cas pas détectable par le généraliste quelques heures plus tôt malgré des soins diligents et consciencieux ‘

2) Si celle-ci était au contraire détectable par des examens en cabinet ou complémentaire d’ECG ou prise de sang, dans quelle mesure et proportion, cette détection précédent l’accident cardiaque, aurait-elle diminué les probabilités de survenue de cet accident ‘

3) A supposer que l’infarctus ait eu lieu aux urgences ou dans un service spécialisé dans les examens cardiaques et pas au domicile du patient, dans quelle mesure et proportion cette prise en charge optimale aurait- elle pu réduire les séquelles neurologiques ‘

4) Est-il possible de distinguer dans le préjudice du patient celui-ci qui aurait pu être évité par une prise en charge plus précoce, de celui qui résulterait d’une maladie qu’il développait en tout état de cause lorsqu’il est allé en consultation et qui s’est déclenché par l’arrêt respiratoire ‘ Et si oui, le faire.

5) Au regard de ces éléments, dire dans quelles mesures et quel pourcentage le patient a-t-il perdu une chance de ne pas développer le préjudice qu’il présente avec une prise en charge plus précoce dans la journée, faire toutes observations utiles au débat en ce sens.

Le docteur [I] [C] nommé a été successivement remplacé par le Docteur [A], par ordonnance du 15 octobre 2020, puis par le docteur [I] [B], spécialiste en cardiologie, par ordonnance du 23 novembre 2020. Le docteur [F] [O] sapiteur neuropsychologue a été remplacé par le Professeur [Z] [M], spécialiste en neurologie, par ordonnance du 10 mars 2021.

Le rapport définitif des experts été transmis le 25 mai 2022 par le professeur [Z] [M] et le docteur [I] [B]. A l’issue, ils fixent la perte de chance de M. [H] [G] de ne pas avoir les séquelles qu’il présente, à défaut de faute imputable, à M.[D] [K] à 14%.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 28 novembre 2022, M. [H] [G] demande à la cour :

– d’infirmer le jugement sur le quantum de la perte de chance de 25% fixé par le

tribunal de ne pas retenir le taux de 14 % fixé par les experts et de fixer celle-ci à

80%,

– de confirmer le jugement en ce qu’il a évalué les postes de préjudices comme suit :

‘Préjudice d’agrément : 20.000 euros

‘Dépenses de santé actuelles restant à charges: 680,21 euros

‘Frais d’aménagement du domicile : 741 euros

– de l’infirmer sur les postes de préjudice suivants et statuant à nouveau de les fixer comme suit :

‘Déficit fonctionnel temporaire : 25.692,50 euros

‘Souffrances endurées : 45.000 euros

‘Préjudice esthétique temporaire : 20.000 euros

‘Déficit fonctionnel permanent : 433.925 euros

‘Préjudice esthétique définitif : 20.000 euros

‘Préjudice sexuel : 20.000 euros

‘Préjudice d’établissement : 10.000 euros

‘Frais divers : 1.480,10 euros

‘Assistance par une tierce personne avant consolidation : 113.248,65 euros

‘Perte de gains professionnels actuels : 17.322,93 euros

‘Assistance par une tierce personne post-consolidation : 2.359.750,22 euros

‘Perte de gains professionnels future : 200.133,67 euros

‘Incidence professionnelle : 500.000 euros

Il développe qu’aux termes de leur rapport d’expertise, les experts judiciaires nommés par la cour d’appel concluent à une perte de chance de 20% de ne pas faire d’arrêt cardiaque et de 14% de ne pas avoir de séquelle neurologique anoxique en conséquence de cet arrêt.

Il conteste ces évaluations, estime en premier lieu que la perte de chance d’éviter l’arrêt cardio-respiratoire devrait être évaluée à 33% sur la base d’un chronométrage du temps dont il disposait pour obtenir des soins, partant de 14h30 au lieu de 15h20 au regard de l’heure de consultation chez le docteur [K] ; que ces 33% de personnes n’avaient nécessairement aucune séquelle ; qu’il faut rajouter à ce taux, celui de 70% de chance des 67% autres faisant un arrêt cardiaque de ne pas avoir de séquelles lorsqu’ils sont pris en charge à l’hôpital.

Le concluant estime donc que sa perte de chance d’échapper aux séquelles postanoxiques si l’infarctus avait été suspecté lors de l’examen médical doit être fixée à :

– 33% au titre de la perte de chance d’éviter l’arrêt cardio-respiratoire survenu à 18h41 et donc toutes séquelles

+

– 46,90 % (70%X67%) au titre de la perte de chance d’éviter les séquelles neurologiques conservées malgré la survenance de l’arrêt cardiaque

– Soit un total de 79,90% pouvant être arrondi à 80%

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 2 novembre 2022, la CPAM, intimée, demande à la cour de confirmer le jugement de la 1ère chambre civile du tribunal de grande instance de Reims du 21 septembre 2018 en ce qu’il a rejeté la demande d’irrecevabilité des conclusions du rapport d’expertise des Docteurs [I] [B] et [R] [U] du 30 janvier 2013, en ce qu’il a jugé que le Docteur [D] [K] a commis une faute de technique médicale ayant entraîné une perte de chance pour Monsieur [H] [G] d’éviter l’accident cardiaque et l’anoxie cérébrale subséquente survenus le 29 août 2008, en ce qu’il a jugé que les intérêts au taux légal sur ce reliquat ainsi déterminé seront dus à compter du 21 septembre 2015 et en ce qu’il a condamné in solidum le Docteur [D] [K] et son assureur, la S.A la médicale, à payer, au titre de l’indemnité de l’article 700 du code de procédure civile à la caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 9] la somme de 1.200 euros 00 et de l’infirmer pour le surplus ;

Statuant à nouveau, sur l’appel incident de la CPAM de [Localité 9], elle demande à la cour de :

– fixer le droit à indemnisation de Monsieur [H] [G] à 80 % sur la base du calcul

de la victime soit 33% pour le taux de perte de chance de ne pas avoir fait un arrêt

cardiaque et de 46,90% pour le taux de perte de chances de ne pas avoir de séquelles neurologiques qui doivent s’additionner

– fixer la liquidation des préjudices subis par Monsieur [H] [G] s’agissant des

postes de dépenses de santé actuelles et de dépenses de santé futures, postes sur

lesquels la caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 9] a un recours

subrogatoire à exercer, de dire qu’il y a lieu de retenir la somme totale de 605.271

euros

En conséquence,

– Condamner in solidum le docteur [D] [K] et son assureur, la S.A la médicale, à payer à la caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 9] la somme de 484.081 euros avec intérêt au taux légal à compter de la date de la notification de l’assignation du 21 septembre 2015 et capitalisation de ces intérêts dès qu’ils seront dus pour une année entière (application faite du taux de perte de chance de 80% sur les dépenses de santé totales de 605.271 euros et déduction faite de la somme de 680,21 euros au titre des dépenses de santé actuelles exposées personnellement par Monsieur [H] [G]).

– Condamner in solidum le Docteur [D] [K] et son assureur, la S.A la médicale, à payer à la caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 9] ladite somme de 1.114 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion.

– Débouter le Docteur [D] [K] et son assureur, la S.A la médicale, de l’ensemble de leurs moyens, prétentions et demandes.

-Les condamner in solidum à payer à la caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 9], au titre de l’indemnité de l’article 700 du code de procédure civile, à hauteur d’appel, la somme de 1.500 euros.

– Condamner in solidum le Docteur [D] [K] et la S.A. La médicale, son assureur, aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Aux termes de leurs dernières conclusions en date du 3 janvier 2023, M. [D] [K] et son assureur, la SA la médicale, demandent à la cour, au visa de l’article L 1142-1 alinéa 1 du Code de la santé publique, d’infirmer le jugement rendu le 21 septembre 2018 par le tribunal judiciaire de Reims en tous ses points statuant à nouveau, sur l’appel incident du docteur [K] et de la SA la médicale,

A titre principal,

– Limiter le droit à indemnisation de Monsieur [H] [G] à 11,2 %,

A titre subsidiaire,

– Limiter le droit à indemnisation de Monsieur [H] [G] à 14 %,

A titre principal :

– Fixer l’indemnité destinée à réparer les préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux de Monsieur [N] [G] à la somme globale de 827.067,84 euros, déduction faite des créances des tiers payeurs et avant application du taux de perte de chance, ventilée de la manière suivante:

‘Dépenses de santé actuelles: 680,21 euros

‘Frais divers (à titre principal) 28.591,10euros

‘Perte de gains professionnels actuels: 4.093,63 euros

‘Assistance par une tierce personne (à titre principal): 226.791,36 euros

‘Perte de gains professionnels futurs: 48.294,04 euros

‘Incidence professionnelle: 10.000,00euros

‘Déficit fonctionnel temporaire: 25.692,50 euros

‘Souffrances endurées: 30.000,00 euros

‘Préjudice esthétique temporaire: 5.000,00 euros

‘Déficit fonctionnel permanent: 433.925,00 euros

‘Préjudice esthétique permanent: 8.000,00 euros

‘Préjudice d’agrément: Néant

‘Préjudice sexuel : 6.000,00 euros

‘Préjudice d’établissement: Néant

Soit un total de: 827.067,84 euros

A titre subsidiaire, l’indemnité destinée à réparer les préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux de Monsieur [N] [G] à la somme globale de 1.230.252,48 euros, déduction faite des créances des tiers payeurs et avant application du taux de perte de chance, ventilée de la manière suivante:

‘Dépenses de santé actuelles : 680,21 euros

‘Frais divers (à titre subsidiaire): 81.381,10 euros

‘Perte de gains professionnels actuels: 4.093,63 euros

‘Assistance par une tierce personne (à titre subsidiaire) : 629.976,00 euros

‘Perte de gains professionnels futurs: 48.294,04 euros

‘Incidence professionnelle: 10.000,00euros

‘Déficit fonctionnel temporaire: 25.692,50 euros

‘Souffrances endurées: 30.000,00 euros

‘Préjudice esthétique temporaire: 5.000,00 euros

‘Déficit fonctionnel permanent: 433.925,00 euros

‘Préjudice esthétique permanent: 8.000,00 euros

‘Préjudice d’agrément: Néant

‘Préjudice sexuel: 6.000,00 euros

‘Préjudice d’établissement: Néant

Soit un total de: 1.230.252,48 euros

En conséquence,

A titre principal,

– Fixer l’indemnité destinée à réparer les préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux de Monsieur [N] [G] par la somme globale de 92.631,60 euros après application d’une perte de chance de 11,2 % et déduction faite des créances des tiers payeurs, ou de 115.789,50 euros, après application d’une perte de chance de 14 % et déduction faite des créances des tiers payeurs,

A titre plus subsidiaire,

– Fixer l’indemnité destinée à réparer les préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux de Monsieur [N] [G] par la somme globale de 137.788,28 euros, après application d’une perte de chance de 11,2 % et déduction faite des créances des tiers payeurs,

A titre plus subsidiaire encore,

– Fixer l’indemnité destinée à réparer les préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux de Monsieur [N] [G] par la somme globale de 172.235,35 euros, après application d’une perte de chance de 14 % et déduction faite des créances des tiers payeurs,

En tout état de cause,

– Réduire dans de plus justes proportions la demande de Monsieur [N] [G] au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

– Appliquer le taux de perte de chance retenu aux sommes allouées à la Caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 9] au titre de ses débours et de l’indemnité forfaitaire de gestion,

– Débouter la CPAM au titre de sa demande afférente aux dépenses de santé futures,

– Débouter la CPAM de la sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, compte-tenu de la demande formée au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion.

– Débouter Monsieur [N] [G] et la CPAM de [Localité 9] de toute demandes supplémentaires plus amples ou contraires, celles-ci étant soit irrecevables soit mal-fondées, notamment au titre des intérêts.

Ils contestent l’évaluation faite par M. [G], à hauteur de 80%, largement au dessus de celle des experts et estiment que les conclusions de ceux-ci démontrent que la prise en charge de Monsieur [G] n’aurait pas permis d’éviter l’accident vasculaire.

Ils observent que malgré leurs développements en ce sens, les experts ont quand même admis l’existence d’une perte de chance de ne pas présenter un arrêt cardio-vasculaire de 20 %, pourcentage qui semble surévalué si l’on rajoute aux circonstances qu’ils ont relevées le stress causé par la peur du diagnostic qui aurait placé le patient dans une situation de stress psychologique et biologique qui conduit à l’avancée dans le temps de l’accident cardio-vasculaire ; que si finalement cette perte de chance de ne pas avoir d’accident cardio vasculaire peut être fixée à 20% avec les experts au mieux des intérêts de la victime, elle ne peut toutefois être portée à sa demande à 33%.

Sur la perte de chance de Monsieur [G] de ne pas avoir subi des séquelles neurologiques en suite de l’arrêt cardiaque et du temps mis par les secours pour le ressusciter, ils expliquent que s’ils retiennent le taux de 14% de ne pas avoir de séquelles fixé par l’expert dans l’intérêt de la victime, et appliquent le taux de 80% de faire un infarctus, la perte de chance globale pour Monsieur [G] d’éviter tout préjudice doit être évaluée à 14% des 80% = 11,2% ; qu’au plus, ce taux peut être fixé au 14% mais que dans tous les cas, les probabilités de perte de chance de ne pas faire d’arrêt cardiaque (20% selon les experts 33% selon la victime) et de perte de chance de ne pas avoir de séquelles s’il avait été à l’hôpital (14% selon les experts/ 70% selon la victime ) ne peuvent se cumuler ; qu’ainsi la victime ne peut opérer le total des 33% de perte de chance de ne pas faire un arrêt cardiaque au 46,90% ( 70% des chances de ne pas avoir de séquelles dans les 67% de chances de faire un arrêt cardiaque selon la victime) pour aboutir à 79,9 arrondi à 80% de perte de chance de ne pas subir des séquelles neurologiques.

L’ordonnance de clôture est en date du 10 janvier 2023.

MOTIFS

Sur la responsabilité du docteur [K]

Aux termes de leurs dernières conclusions en date du 3 janvier 2023, M. [D] [K] et son assureur, la SA la médicale, demandent à la cour, au visa de l’article L. 1142-1 alinéa I du Code de la santé publique, d’infirmer le jugement rendu le 21 septembre 2018 par le tribunal judiciaire de Reims en tous ses points statuant à nouveau, sur l’appel incident du docteur [K] et de la SA la médicale, à titre principal, de limiter le droit à indemnisation de Monsieur [H] [G] à 11,2 %,à titre subsidiaire de limiter le droit à indemnisation de Monsieur [H] [G] à 14 %.

Il en résulte qu’ils ne forment plus de prétentions à infirmation du jugement en ce qu’il a retenu à la demande de Monsieur [G] et de la CPAM, l’existence d’une faute technique médicale du docteur [K] lors de la consultation du 25 août 2008.

Sur la perte de chance de ne pas avoir de séquelles neurologiques en lien avec la faute retenue

Dans son arrêt avant dire droit du 22 septembre 2020, la cour d’appel de céans qui a développé dans sa motivation qu’elle considérait que le praticien avait en effet commis une faute en écartant un syndrome coronarien sans faire des examens complémentaires et susceptible d’engager sa responsabilité sur le fondement de l’article L1142-1 al 1 du code de la santé publique au motif que cette faute a pu faire perdre à Monsieur [G] la chance de ne pas faire d’arrêt cardiaque et ne pas avoir les séquelles qu’il présente, a ordonné une expertise médicale confiée à un cardiologue et un sapiteur neurologue avec la mission d’évaluer le préjudice de la victime, de décrire les circonstances dans lesquelles M. [H] [G] a été pris en charge à son domicile le 28 août 2008, décrire tous les soins dispensés, investigations et actes annexes qui ont été réalisés et répondre aux questions suivantes :

1) Peut-on affirmer que compte tenu de la nature de la pathologie constatée quelques heures après la consultation et décrite dans les comptes rendus hospitaliers, celle-ci n’était dans tous les cas pas détectable par le généraliste quelques heures plus tôt malgré des soins diligents et consciencieux ‘

2) Si celle-ci était au contraire détectable par des examens en cabinet ou complémentaires d’ECG ou prise de sang, dans quelle mesure et proportion, cette détection précédent l’accident cardiaque, aurait-elle diminué les probabilités de survenue de cet accident ‘

3) A supposer que l’infarctus ait eu lieu aux urgences ou dans un service spécialisé dans les examens cardiaques et pas au domicile du patient, dans quelle mesure et proportion cette prise en charge optimale aurait-elle pu réduire les séquelles neurologiques ‘

4) Est -il possible de distinguer dans le préjudice du patient ,celui-ci qui aurait pu être évité par une prise en charge plus précoce, de celui qui résulterait d’une maladie qu’il développait en tout état de cause lorsqu’il est allé en consultation et qui s’est déclenchée par l’arrêt respiratoire ‘ Et si oui, le faire.

5) Au regard de ces éléments, dire dans quelles mesures et quel pourcentage le patient a-t-il perdu une chance de ne pas développer le préjudice qu’il présente avec une prise en charge plus précoce dans la journée, faire toutes observations utiles au débat en ce sens.

Les experts ont répondu que le diagnostic d’infarctus est parfois difficile mais généralement assez simple et repose sur un faisceau d’arguments, d’interrogatoires et d’examens cliniques permettant d’aboutir sur un terrain à risque vasculaire à un doute ou une suspicion suffisamment forte qui va permettre de lancer les investigations dans le cadre d’une hospitalisation en urgence; que l’arrêt cardiaque qui s’est produit à 18h41 le 29 août 2008 est en lien direct et certain avec l’acutisation de la pathologie coronaire que présentait le patient sous la forme d’une occlusion thrombotique de la diagonale constatée lors de la coronarographie réalisée en urgence lors de l’admission au CHU de [Localité 10] ; qu’il est impossible en l’absence de notes de consultation traçables de dire si lors de celle-ci, qui s’est déroulée entre 14h et 15h, il avait, ou pas, démarré son processus ischémique myocardique mais que si un doute existait, le médecin disposait d’environ 3h /3h20 au décours de la consultation avant que ne se produise l’infarctus ; que reprenant la chronologie des faits qui aurait pu se dérouler à compter de la consultation et basée sur les supputations qui leur apparaissaient les plus réalistes possibles, ils expliquent qu’ils ont écarté l’hypothèse d’un appel d’un cardiologue en ce que le patient n’avait aucune certitude d’obtention d’un rendez vous d’urgence en l’absence de situation alarmante à ce stade ; que celle d’un appel du SMUR a donc été retenu, avec les mêmes restrictions puisqu’aucun signe d’alarme urgente n’est justifié (pas d’évocation de l’existence d’une grande douleur chez le généraliste ou à domicile qui aurait généré l’arrivée immédiate du SAMU ou une grande agitation à l’arrivée aux urgences), mais qui, s’il se déplaçait, serait intervenu dans les 15 à 30 minutes aurait pris entre 10 à 15 minutes pour se rendre à l’hôpital, l’aurait atteint vers 16h10 environ où le patient aurait attendu une heure pour être vu vers 17h10 ( avec réalisation entre temps d’un prélèvement de troponine et d’un électro cardiogramme) qui pouvaient ne rien déceler d’inquiétant et à l’issue duquel il serait parti ou, en cas d’anomalie de l’un de ces paramètres aurait été transféré en salle de coronographie pour reperméabiliser d’urgence l’artère coupable (démarche à risque vital qui n’est envisagée qu’après un minimum de certitude), ce qui prenait encore dans le meilleur des cas, 15 minutes.

Ils en concluent que de toute évidence, même en « jouant serré » malgré le manquement du docteur [K], Monsieur [G] aurait fait son arrêt cardiaque.

Il en résulte que M.[D] [K] et sa compagnie d’assurance soutiennent à tort que malgré leurs développements visant à montrer que le patient aurait fait un arrêt cardiaque dans tous les cas, les experts ont quand même admis l’existence d’une perte de chance de ne pas présenter un arrêt cardio-vasculaire de 20 %.

M. [H] [G], avec la CPAM, entendent voir augmenter cette perte de chance à 33% en critiquant le point de départ à 15h20 de la chronologie des soins pour le voir remonter à 14h30.

Mais l’heure exacte de la consultation reste indéterminée pour tous, si ce n’est qu’elle s’est déroulée « en début d’après midi » ; s’il peut être reproché au médecin de ne pas avoir indiqué les symptômes du patient ou les examens réalisés lors de sa consultation au regard de l’état du patient, en revanche aucun usage ne posait l’obligation d’indiquer l’heure de la consultation, pas plus que le temps nécessaire pour parvenir au diagnostic.

Aussi pèse sur Monsieur [G] qui entend s’en prévaloir, la charge de la preuve que compte tenu de l’heure de la consultation et du temps nécessaire à un diagnostic de suspicion d’un arrêt cardiaque, le point de départ du déroulé des faits doit débuter à 14h30 et non 15h20.

Or il n’en justifie pas.

Par ailleurs, la cour observe que les experts dans leur chronologie purement théorique compte tenu du nombre d’aléas qu’elle inclut, ont pris largement en compte les hypothèses les plus favorables au patient et notamment le fait que, malgré un état du patient qui n’apparaissait pas spécialement préoccupant compte tenu des motifs de consultation développés par la mère de celui-ci, non seulement le SAMU n’aurait pas différé son intervention et n’aurait, de plus, connu aucun délai de transport (cf. bouchon constaté de fait par celui-ci pour venir à son domicile le 22 août 2008), mais de surcroît, le patient aurait été immédiatement pris en charge pour ses examens préliminaires à l’hôpital, qu’il aurait encore trouvé immédiatement une place en salle d’opération avec un chirurgien disponible ; qu’ils ont repris largement et redéveloppé leurs explications quant au temps nécessaire et au point de départ de la chronologie à 15h20 dans leur réponse aux dires de la victime pour refuser de suivre son calcul du temps nécessaire pour arriver à la reperméabilisation et estimer qu’elle était possible avant l’arrêt cardiaque alors qu’il manquait sans doute une heure de battement pour que cette hypothèse soit possible.

Les responsables précisent à juste titre qu’il peut être rajouté aux circonstances précédentes, la peur du diagnostic qui aurait placé le patient dans une situation de stress psychologique et biologique qui pouvait conduire même à l’avancée dans le temps de l’accident cardio-vasculaire qui l’a frappé par surprise à son domicile à 18h41.

En conséquence, la cour retient avec les experts, que la faute du docteur [K] est sans lien avec l’arrêt cardiaque de Monsieur [G] qui dans tous les cas, aurait eu lieu.

Il s’agit alors de considérer le pourcentage de chances perdu par Monsieur [G] de ne pas avoir de séquelles parce qu’il a été victime d’un infarctus à son domicile et pas à l’hôpital.

La prise en charge d’une personne victime d’un infarctus à l’hôpital n’exclut pas les décès en raison de l’impossibilité dans laquelle se trouve le corps médical de la « ressusciter » et au contraire ce pourcentage est très important de l’ordre de 70 à75%.

En effet, les experts judiciaires dans leur rapport, retiennent que l’arrêt cardiaque hospitalier est affecté d’un coefficient de survie de l’ordre 25 à 30% .

Aussi même sans faute du docteur [K], Monsieur [G] , en arrêt cardiaque à l’hôpital, n’avait que 25 à 30% de chance de survie.

Mais, il en avait également dans le cadre extra hospitalier, ce qui a été démontré dans son cas d’espèce, et les pourcentages considèrent que dans ce cas, le taux est de 5 à 10%.

Les experts précisent que ces pourcentages ne peuvent être affinés selon l’âge, les pathologies sous-jacentes les délais d’intervention.

Il en résulte que la faute du docteur [K] n’a fait perdre à Monsieur [G] que la différence, soit 20% de chance de survivre.

Et dans ces 20% de chance, n’était pas exclue la possibilité d’avoir quand même des séquelles puisque les experts estiment que la chance d’une probabilité d’issue neurologique satisfaisante aux termes d’un arrêt cardiaque récupéré, est seulement de 70%.

A ce stade, ils ne font pas de distinction selon l’endroit dans lequel se trouve la victime « récupérée », ce dont il faut déduire que Monsieur [G] n’a pas perdu de chance de ne pas avoir de séquelles parce qu’il n’était pas à l’hôpital lorsqu’il l’a fait et donc l’absence de causalité de la faute qu’il reproche au docteur [K] consistant à ne pas avoir mis en ‘uvre un ensemble de moyens pour le diriger le plus rapidement possible

vers l’hôpital.

Il en résulte que M. [H] [G] a perdu 20% de chance de survie après son arrêt cardiaque et non pas qu’il a perdu 20% de chance de ne pas faire d’arrêt, et que dans ce pourcentage de survie perdu, il n’a perdu que 70% de chances d’issue neurologique satisfaisante puisque quelque soit l’endroit où il se serait trouvé, y compris à l’hôpital, il risquait à 30% d’avoir des séquelles.

La cour retient en conséquence avec les experts que la perte de chance de M. [H] [G], en lien avec la mauvaise prise en charge du docteur [K], de sortir en bonne forme neurologique de son arrêt cardio respiratoire est de 70% de la différence de chance de survie de 20% constatée entre des arrêts intra et extra-hospitalier soit de 14%.

En conséquence, la perte de chance de M. [H] [G] en lien de causalité avec la faute de le docteur [K] est de 14% et le jugement est infirmé à ce titre.

Sur la liquidation du préjudice résultant des conséquences de l’accident cardiovasculaire du 29 août 2008

La liquidation du préjudice se fera sur la base du rapport d’expertise judiciaire du Docteur [I] [B], cardiologue ,et du Professeur [Z] [M], neurologue, nommés par la cour dans son arrêt avant dire droit du 22 septembre 2020 et déposé le 25 mai 2022.

Dans ce cadre, la cour retient les éléments suivants utiles à l’appréciation de la nature et de l’ampleur de son préjudice et donc :

– que Monsieur [H] [G] est né le [Date naissance 1] 1960, il vit chez sa mère au moment des faits, demeure actuellement dans une résidence médico-sociale de type foyer de vie à [Localité 10] («La sève et le rameau ») depuis le 8 juillet 2010 et rentre le week-end;

– qu’il est célibataire, sans enfant, était musicien, auteur compositeur au moment des faits;

– qu’il n’a été relevé aucun antécédent contributif, de sorte que les séquelles sont considérées comme la conséquence directe de l’épisode d’anoxie cérébrale subi le 30/08/2008;

– que M. [G] présente à ce jour un déficit neurologique sévère concernant les 4 membres, asymétrique (plus marqué à droite), comportant à la fois une composante motrice déficitaire, mais surtout une composante dystonique très marquée. Cette atteinte résulte aux membres inférieurs en un tableau de paraplégie spastique ne permettant pas la marche autonome, aggravée d’une atteinte sphinctérienne urinaire modérée (vessie neurologique) ne nécessitant pas le sondage permanent. Aux membres supérieurs, on observe une dystonie distale altérant la dextérité fine, surtout à droite. M. [G] n’est pas capable de transferts autonomes, de sorte qu’il est totalement dépendant d’une aide extérieure en cas d’urgence. Il existe une dystonie oro-pharyngée, responsable d’une dysarthrie et de troubles de déglutition gênants, et une dystonie palpébrale, responsable de blépharospasme. Des séquelles cognitives sont conservées avec des difficultés exécutives, mnésiques, et attentionnelles modérées, sans altération majeure du niveau d’efficience globale ni des capacités de jugement;

– que sa consolidation cardiologique est fixée à 6 mois de l’événement, soit le 1er mars 2009;

– que la consolidation neurologique peut être fixée au 26/09/2011, date de sortie de la dernière hospitalisation pour soin actif au CHU de [Localité 8];

– que la nature et la sévérité des séquelles sont globalement similaires dans les périodes avant ou après consolidation.

Le préjudice est évalué ainsi :

– DFP : 85%

– DFT :

* total depuis le jour de l’accident, soit le 30/08/2008 jusqu’à la fin de la période d’hospitalisation en rééducation, soit le 23/12/2009.

* partiel du 24/12/2009 au 26/09/2011, date de sortie de la dernière hospitalisation pour soin actif au CHU de [Localité 8] qui sera retenue pour la consolidation neurologique. Le taux de DFTP sera de classe IV (taux équivalent au taux de DFP de de consolidation).

– Incidence professionnelle : impossibilité totale et définitive de reprise de la profession antérieure de musicien professionnel, comme de toute activité lucrative quelconque. Aucune reconversion n’est possible.

– Préjudice d’agrément : toutes les activités de loisir antérieures ont été abandonnées. Il ne peut conduire de véhicule automobile de façon autonome.

– Pretium doloris : les souffrances endurées sont estimées à 6/7 pour tenir compte des souffrances physiques (pied droit), les séjours hospitaliers prolongés (rééducation), les interventions itératives de neuro orthopédie, et d’importances souffrances psychologiques réactionnelles.

– Préjudice esthétique temporaire / permanent : il n’y a pas lieu de distinguer avant ou après consolidation. Le préjudice esthétique définitif est estimé à 4/7. M. [G] est en fauteuil roulant, avec un déficit dystonique important et une dystonie palpéable.

– Préjudice sexuel : lié aux séquelles neurologiques et psychologiques.

– Soins futurs comportent :

‘kinésithérapie d’entretien à domicile pour 2 à 3 séances par semaine

‘un suivi régulier par un médecin rééducateur au rythme d’une consultation tous les 6 mois, pour adaptation des soins d’entretien et renouvellement du matériel

‘renouvellement d’usage lit médicalisé électrique et matelas anti-escarre

‘renouvellement d’usage/entretien fauteuil roulant électrique.

Sur les préjudices patrimoniaux

A) Sur les préjudices patrimoniaux temporaires

1) Sur les dépenses de santé actuelles

Il s’agit des frais médicaux et pharmaceutiques, non seulement les frais restés à la charge effective de la victime, mais aussi les frais payés par des tiers (sécurité sociale, mutuelle), les frais d’hospitalisation, et tous les frais paramédicaux (infirmier, kinésithérapie), même occasionnels mais médicalement prévisibles, rendus nécessaires par l’état pathologique de la victime avant sa consolidation.

Lorsque les dépenses ont été prises en charge par l’organisme social, il convient de se reporter au décompte définitif et actualisé produit par l’organisme social (prestation en nature) en les ajoutant aux dépenses que la victime justifie avoir conservé à sa charge.

Si l’organisme social ne réclame aucune somme, il convient néanmoins de fixer le montant de sa créance et de préciser les dépenses éventuellement restées à la charge de la victime.

Monsieur [G] fait valoir qu’avant consolidation, il a exposé des dépenses de santé restées à sa charge à hauteur de 680,21euros :

– Fauteuil électrique : 20 + 569 = 589 euros

– Urinoir : 6,77 + 4,15 = 10,92 euros

– Alèse : 10 euros

– Déambulateur : 45,19 euros

– Matelas anti-escarre + dossier fauteuil : 25,10 euros.

Le tribunal judiciaire l’a indemnisé à hauteur de ce montant qui n’est pas contesté par le docteur [K] et la SA la médicale et la CPAM.

La CPAM fait valoir que s’y rajoutent ses débours exposés pour le compte de son assuré au titre du régime obligatoire de la sécurité sociale qui s’établissent à 192.417,56 euros pour ce poste de préjudice et que dès lors, le montant total des dépenses de santé actuelles s’élève à 193.097, 77 euros.

Ces débours avant consolidation (frais hospitaliers- bilans-consultations-soins-matériel) ne font pas l’objet de débat par le docteur [K] et la SA la médicale et sont justifiés (attestation d’imputabilité des frais dressée par le médecin conseil).

2) sur les frais divers

Ce sont les frais autres que les frais médicaux restés à la charge de la victime.

Ils sont fixés en fonction des justificatifs produits (ticket modérateur, surcoût d’une chambre individuelle, frais de téléphone / TV, forfait hospitalier..). Ces frais doivent être justifiés par un décompte précis, peuvent être de confort, mais ne doivent pas être abusifs.

A ce titre, monsieur [G] demande 2.221 euros incluant les frais télévision/téléphone lors des hospitalisations, les frais de déplacement et de restauration pour la réunion de la CCI du 09/04/2013, les frais de déplacement et hébergement, les frais d’aménagement de son domicile (total de 741 euros indemnisé séparément par le premier juge), rajoutant en dernier lieu au total de 1871,10 euros accordé à ce titre par le premier juge, le montant de la note d’honoraire du médecin l’ayant assisté à l’expertise judiciaire.

Le docteur [K] et la SA la médicale ne s’opposent pas aux demandes formulées par Monsieur [G] à ce titre.

3) Sur la tierce personne

Ce poste vise à indemniser l’aide apportée à la victime incapable d’accomplir seule certains actes essentiels de la vie courante avant consolidation.

Il est apprécié en fonction des besoins justifiés, et non pas de la dépense exposée, et ne peut pas être réduit en cas d’assistance bénévole par un proche de la victime (Cass, 2e civ 15 avril 2010, n°09-14.042).

La date de consolidation est fixée au 26 septembre 2011 avec un DFP de 85%.

Les périodes d’hospitalisation ne sont pas incluses dans l’appréciation du préjudice en ce que l’aide nécessaire y est fournie.

La période court donc du 24/12/2009 au 26/09/2011, soit 642 jours, ce qui ne fait pas débat.

Les experts expliquent que les séquelles neurologiques rendent M. [G] dépendant d’une aide extérieure pour la réalisation des actes de la vie quotidienne, raison pour laquelle il réside de façon définitive dans un centre spécialisé type MAS, que l’aide viagère est estimée à 8 heures par jour pour les besoins d’aide active et de substitution (soins, toilette, habillage, aide aux transferts, préparation des repas, surveillance des repas (fausses routes) et aide partielle au repas, ménage et soins du linge, incluant les temps de déplacement éventuels pour des consultations médicales ou examens) et à 16 heures pour l’aide de supervision distante de sécurité (notamment la surveillance nocturne est nécessaire, M. [G] ne pouvant sortir seul de son lit ni se mettre dans son fauteuil électrique en cas d’urgence).

Dans ce cadre posé, Monsieur [G] sollicite la somme totale de 113.248,65 euros calculée sur la base d’un taux horaire de 16euros pour la tierce personne active et de 12euros pour la tierce personne de supervision et en distinguant deux périodes :

– Du 24 décembre 2009 au 8 juillet 2010 = 197 jours de retour au domicile à temps complet : 197 jours x 8h x16euros + 197 jours x 16h x 12euros = 63.040 euros;

– Du 9 juillet 2010 au 26 septembre 2011= 445 jours (séjour dans un foyer) nécessitant tout de même l’assistance de ses proches (taches administratives, courses etc. + vacances chez sa mère + chaque week-end (du samedi 8h au dimanche 16h ) soit  :

*Une assistance de 8h par jour en actif et de 16 heures par jour en passif chaque week-end ce qui représente :

445 jours / 7 jours x 2 jours x 8h x 16 euros = 16.274,28 euros

445 jours / 7 jours x 2 jours x 16h x 12 euros = 24.411,43 euros

TOTAL = 40.685,71 euros

*Une aide active de 4h par semaine pour les tâches administratives, les courses et les déplacements soit pendant 445 jours / 7 jours x 4h x 16 euros = 4.068,57 euros

*Le coût du foyer restant à la charge de Monsieur [G] qui s’est élevé à 5.454,37 euros du 8 juillet 2010 au 31 août 2011

Soit la somme totale de 50.208,65 euros

S’agissant de la première période, le docteur [K] et la SA la médicale contestent la durée d’assistance nécessaire faite par les experts.

Ils développent qu’au vu de la journée type de Monsieur [G] décrite par les experts, celui-ci présente un besoin d’assistance quotidien moyen de 6 heures/ jour et pas d’assistance de nuit, de sorte qu’en retenant un taux horaire de 15 euros, ils proposent sur la période du 24 décembre 2009 au 8 juillet 2010 de 197 jours au domicile familial, la somme de 197 jours x 6 h x 15euros = 17.730euros.

Mais les premiers juges qui ont fixé le besoin à 4 heures par jour ne disposaient pas du rapport des experts nommés par la cour et se sont basés sur le rapport d’un expert qui a évalué son préjudice sur pièce puisque Monsieur [G] ne s’était pas présenté devant lui.

Et les derniers experts ont fait une juste appréciation des besoins de Monsieur [G] en les détaillant et en incluant des besoins la nuit dans la mesure où il est dépendant de l’aide d’autrui pour tous ses mouvements.

En revanche, les taux horaires réclamés correspondent à ceux actuellement appliqués, de sorte qu’ils seront réduits pour le premier dans la limite des 15 euros proposés par le docteur [K] et la SA la médicale, le second à 8 euros.

En conséquence, il sera fait droit à hauteur d’un montant de 48.856 euros au titre de cette première période.

S’agissant de la seconde période du 9 juillet 2010 au 26 septembre 2011, le docteur [K] et la SA la médicale expliquent qu’il y a 64 week-end avec un besoin d’assistance familiale par week end d’environ 9h compte tenu des heures d’arrivées et de départ de la victime et proposent 64 week-end x 9h x 15euros = 8.640euros.

La cour estime qu’il pourra être retenu un besoin journalier d’assistance et de surveillance équivalent à celui retenu précédemment, si ce n’est de le réduire au prorata du temps passé puisque Monsieur [G] développe lui-même qu’il arrive le samedi vers 8h et donc levé, habillé, lavé, et repart le dimanche vers 16h avant les mêmes opérations et son coucher réduisant d’autant son besoin d’assistance et qu’il n’y a qu’une nuit.

Minorant dès lors les besoins au regard de ces considérations, la cour fixe le préjudice de Monsieur [G] à ce titre à 445 jours/7 week-end X 12hX 15 euros + 445 jours/7 week-end x 16h x 8 euros = 19 580 euros .

La nature et l’ampleur des tâches administratives des courses et des déplacements pour son compte ne sont pas développées, elles seront indemnisées par la somme de 3.000 euros.

S’agissant de la demande de paiement des frais de foyer restés à sa charge du 8 juillet 2010 au 31 août 2011, le docteur [K] et la SA la médicale s’y opposent dès lors qu’il s’agit de dépenses normales sans lien avec l’accident. En tout état de cause, M. [G] aurait dû payer un loyer et des frais de restauration en l’absence d’accident.

Mais si Monsieur [G] n’était pas en foyer, le docteur [K] et la SA la médicale auraient dû supporter des frais d’assistance d’une tierce personne de sorte que les frais ainsi exposés par lui pour résider dans cet établissement qui offre cette assistance de tierce personne salariée par l’établissement qu’il paie, incluent des frais qui doivent être mis à la charge des responsables.

Considérant ses besoins en tierce personne précédemment analysée et leur coût, outre la période du 9 juillet 2010 au 26 septembre 2011, il apparaît ainsi que l’allocation d’une somme de 5.000 euros pour couvrir les frais restés à sa charge (déduction faite de la demande 5.454,37 euros de divers frais facturés apparaissant sans rapport avec une aide)

En conséquence, le montant total de ce poste se fixe à 48 856+ 19580+ 3 000+ 5 000 euro= 76 436 euros, et le jugement est infirmé.

4) Sur la perte de gains professionnels actuels

Celle-ci concerne le préjudice économique subi par la victime pendant la durée de son incapacité temporaire, soit entre la date du dommage et la date de consolidation fixée par l’expert, étant rappelé que celle-ci peut être totale ou partielle.

L’évaluation de ce poste doit être appréciée in concreto, au regard de la preuve d’une perte de revenus établie par la victime jusqu’au jour de sa consolidation. La perte de revenus se calcule en net et hors incidence fiscale.

Seule peut être indemnisée l’incapacité temporaire consécutive au fait dommageable. Il existe une présomption d’imputabilité pour les dommages immédiatement constatés.

Mais si les dommages sont constatés ultérieurement, il incombe à la victime d’apporter la preuve du lien de causalité entre l’accident et le dommage ( Cass.2e civ., 31 mai 2007, n°06-18.780).

En l’espèce, les experts ont relevé qu’aucune activité professionnelle n’a pu être reprise depuis l’infarctus, de sorte qu’il faut retenir une incapacité temporaire totale.

Monsieur [G] développe qu’il a exercé plusieurs métiers au cours de sa vie et qu’à partir de 1990, il a réussi à faire de sa passion pour le piano un métier, que les avis d’imposition montrent qu’il lui procurait des revenus annuels de quelques 5 625 euros et considérant la période d’incapacité temporaire totale du 29 août 2008 au 26 septembre 2011 en déduit qu’il a perdu 5.625,33 euros / 365 jours x 1.124 jours = 17.322,93 euros.

Mais le docteur [K] et la SA la médicale constatent à juste titre que les éléments qu’il produit ne montrent pas cette moyenne qui n’est obtenue qu’en raison d’une année 2004 qui apparaît exceptionnelle (12 983 euros) et ancienne puisque depuis lors, les revenus sont décroissants, n’étaient plus que de 3 500 euros 3 ans avant les faits (2005), non informés en 2006 (ou non existants), seulement de 986 euros l’année précédente (2007) et encore non existants, tout au moins non informés sur les 8 mois de l’année 2008 précédant l’accident.

En conséquence, au mieux des intérêts de la victime, la cour ne retient que la moyenne de salaire annuel de 1 495,65 euros conduisant au montant de 4 093,63 euros pour la période considérée et proposée par le docteur [K] et la SA la médicale.

B) Sur les postes de préjudice patrimoniaux permanents

1) Sur les dépenses de santé futures

Il s’agit des frais médicaux et pharmaceutiques, non seulement les frais restés à la charge effective de la victime, mais aussi les frais payés par des tiers payeurs (sécurité sociale, mutuelle), les frais d’hospitalisation, et tous les frais paramédicaux (infirmiers, kinésithérapie), même occasionnels mais médicalement prévisibles, rendus nécessaires par l’état pathologique de la victime après consolidation. Ils sont postérieurs à la consolidation de la victime, dès lors qu’ils sont médicalement prévisibles, répétitifs et rendus nécessaires par l’état pathologique permanent et chronique de la victime après sa consolidation définitive.

Il peut s’agir de dépenses uniques ou de dépenses qui vont être exposées de manière viagère. Dans ce cas, l’indemnité est capitalisée.

Monsieur [G] demande à ce que ce poste de préjudice soit réservé, dès lors qu’il n’est pas possible de déterminer les sommes qui resteront à sa charge.

Dans sa notification définitive de débours du 13 octobre 2022, la CPAM a opéré une distinction entre les frais échus au moment de la consolidation le 26 septembre 2011 de 193 097,77 euros et les frais futurs « du 26 septembre 2011 au 1er décembre 2021 » de 412 853,60 euros.

Ces frais futurs échus ainsi fixés incluent le coût des prestations continues et viagères

( fauteuils roulants manuels et électriques tous les 5 ans- forfaits réparation- lit médicalisé- pansements- frais pharmaceutiques…).

Le docteur [K] et la SA la médicale soutiennent à juste titre, qu’au regard des dispositions de l’article L.376-1 du code de la sécurité sociale, la caisse ne peut prétendre à un remboursement de ses dépenses qu’au fur et à mesure de leur engagement sans l’accord du tiers responsable.

En revanche, alors qu’ils développent que la CPAM ne subdivise pas les dépenses de santé futures échues et à échoir pour s’opposer à toutes demandes de remboursements de dépenses postérieures à la date de consolidation, la cour constate au contraire qu’elle produit un décompte supplémentaire qui permet cette ventilation et démontre l’engagement de dépenses de santé post consolidation jusqu’au 1er décembre 2021 de 106.202,55 euros.

En conséquence, ces dépenses de santé futures constituent des débours de la CPAM.

2) Sur la tierce personne post consolidation

Monsieur [G] rappelle que les experts ont retenu une assistance par tierce personne évaluée à 8h par jour pour l’aide active et 16h par jour pour la supervision.

Il applique un tarif prestataire de 20 euros pour une assistance passive et de 25 euros pour une assistance active et demande un total de 2.359.750,22 euros dont 731.554,48 correspondant au montant échu au 31/12/2022 et 1.628.195,74 correspondant au capital à échoir au 01/01/2023.

Le docteur [K] et la SA la médicale reprennent, à titre principal, leurs développements précédents tenant à la constatation d’un besoin général de 6h/jour sans besoin d’assistance de nuit et de 9H par week-end sur la base d’un taux horaire de 15 euros et proposent en conséquence :

– Période du 27 septembre 2011 au 31 décembre 2022 : 587 week-ends x 9h x 15euros = 79.245 euros

– Pour l’avenir : 9 h x 52 week-ends /an = 7.020,00euros. Ce coût annuel capitalisé sur la base du Barème de capitalisation de la Gazette du Palais publié en 2020, pour un homme âgé de 62 ans à la date de la liquidation 7.020,00euros x 21,018 = 147.546,36euros

Total : 226.791,36euros.

A titre subsidiaire, en retenant les propositions des experts mais en tenant compte de la prise en charge partielle du foyer pendant le week-end et sur la base d’un taux horaire de 15euros pour l’assistance active et 10 euros pour l’assistance passive:

-Période du 27 septembre 2011 au 31 décembre 2022 : 587 week-end x 12h x 15euros = 105.660,00 euros et 587 week-ends x 19H30 x 10 euros = 114.465,00 euros.

– Pour l’avenir, le coût annuel pour l’assistance tierce personne sera de : 12h x 52 week-ends x 15euros = 9.360 euros et 19h30 x 52 week-ends x 10euros = 10.140euros. Soit un total de 19.500,00euros à l’année, capitalisé sur la base du Barème de capitalisation de la Gazette du Palais publié en 2020, conformément à la jurisprudence actuelle de la Cour d’appel de Reims, pour un homme âgé de 62 ans à la date de la liquidation 19.500,00 euros x 21,018 = 409.851,00 euros.

Total : 629.976,00 euros.

Ils persistent à refuser la prise en charge des frais d’hébergement et de restauration sans lien avec l’accident.

La cour reprend alors son raisonnement précédent aboutissant à fixer les besoins de Monsieur [G] pendant les week-end à 12h d’assistance et à 16h de surveillance.

Par ailleurs, elle réévalue les taux horaires pour faire une moyenne pour la période de 2011 à 2022 à 17 euros pour l’assistance et à 11 euros pour la surveillance de sorte que le préjudice retenu pour la période post consolidation du 27 septembre 2011 au 31 décembre 2022  comprenant 587 week-ends est de : 587x 12h x 17 euros + 587 X 16h x 11 euros = 260 438 euros.

S’y rajoutent pour les motifs développés précédemment, une participation du responsable au coût du foyer restant à charge et qui inclut le coût de son besoin d’assistance d’une tierce personne si ce n’est de diminuer les prétentions de Monsieur [G] pour tenir compte des dépenses personnelles incluses dans ses factures d’hébergement soit une somme totale de 60 000 euros outre une somme de 10 000 euros pour le temps administratif et de déplacements pour son compte pour toutes ces années.

Ainsi, le préjudice pour la période du 27 septembre 2011 au 31 décembre 2022 se fixe à 330 438 euros.

La capitalisation s’agissant des besoins postérieurs au 31 décembre 2022, s’appréciera sur la base de 52 week-ends par an avec des besoins d’assistance active de 12 h et passive de 16h au coût respectif horaire de 20 euros et 12 euros augmenté d’une participation forfaitaire aux frais du foyer de 7 000 euros et des besoins d’aide administrative et de déplacements annuels de 1 000 euros soit une assiette de 30 464 euros.

Ce coût annuel pour un homme de 62 ans au 1er janvier 2023 et une valeur du point de 24,306 selon le dernier barème publié à la Gazette du palais en octobre 2022 fixe son préjudice à un montant total de 740 457 euros.

3) Perte de gains professionnels futurs

Ce poste correspond à la perte ou à la diminution des revenus consécutive à l’incapacité permanente à compter de la date de consolidation. La victime est déclarée inapte à exercer toute activité professionnelle, ou bien inapte à poursuivre l’exercice de son activité antérieure mais apte à exercer d’autres emplois, sujet à reconversion professionnelle.

Pour évaluer le préjudice, il convient dans le cas d’une victime qui ne peut plus travailler de se reporter aux avis d’imposition antérieurs à l’accident et dans le cas d’une victime qui doit se reconvertir, de comparer les avis d’imposition antérieurs et postérieurs à l’accident.

A ce titre, les experts ont conclu que les troubles de la victime à l’issue de son arrêt cardiaque sont incompatibles avec toute activité professionnelle et que les séquelles neurologiques sont responsables d’une impossibilité totale et définitive de reprise de la profession antérieure de musicien professionnel sans aucune reconversion possible.

Monsieur [G] réclame le calcul de sa perte de revenus en résultant sur la base du salaire moyen annuel de 5.625,33euros que la cour a fixé avec les responsables à la somme de 1 495,67 euros.

Ainsi au 1er janvier 2023, la perte de revenus post-consolidation doit être fixée selon les calculs proposés par les responsables que la cour reprend, si ce n’est à prendre en compte le dernier barème publié en octobre 2022 :

– Perte échue du 27 septembre 2011 au 31 décembre 2022 (soit 4.114 jours) : 1.495,67 euros / 365 jours x 4.114 jours = 16 858,05 euros

– Perte à échoir : 1.495,67 euros par an x 24,306 (PeurosR viager pour un homme âgé de 62 ans au 1er janvier 2023 selon le barème publié à la Gazette du palais en octobre 2022 = 36.353,75 euros

Soit un total de 53.211,80 euros

4) Incidence professionnelle

Ce poste vise à réparer non pas la perte de revenus liée à l’invalidité et analysée précédemment, mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle, comme la dévalorisation sur le marché du travail le risque de perte d’emploi, l’augmentation de la pénibilité de l’emploi occupé imputable au dommage, l’obligation d’abandonner la profession exercée la perte de chance de bénéficier d’une promotion professionnelle.

Monsieur [G] sollicite 500.000euros en se prévalant de la perte de chance de promotion professionnelle et d’évolution.

Il explique qu’au moment des faits, il avait 47 ans, était pianiste, auteur, compositeur, interprète et professeur et se consacrait à l’écriture d’un livre de méthode d’apprentissage de piano ; qu’en outre il avait postulé avec de bonnes chances de succès quelques mois avant son arrêt cardiaque, sur un poste au conservatoire de musique ; qu’au regard de l’ampleur de la perte de chance d’évolution professionnelle et de son âge de la victime, il estimait l’incidence professionnelle à 12.000euros par an somme à laquelle il a appliqué l’euro de rente viager pour un homme de 47 ans de 41,576 et réclame en conséquence un montant de 500 000 euros.

Mais il a été vu que Monsieur [G] n’a justifié d’aucun revenu au cours des années 2007 et 2008 (accident au mois d’août).

En outre, le docteur [K] et la SA la médicale observent à juste titre qu’il n’apporte aucun élément permettant de retenir que l’activité qu’il développe avait connu des avancées au cours des dernières années (coupure de presse de 1996- contrats de 2000 à 2002- enregistrements de dépôts de titres en 1997-..).

Par ailleurs, sa candidature au poste de professeur de composition et d’analyse a été rejetée (cf.courrier du 29 octobre 2008) sans qu’il ne soutienne qu’il pouvait prétendre postuler au poste de « professeur de composition et d’orchestration » qui s’ouvrait en remplacement.

Il n’en reste pas moins que quelques soient les faibles revenus qu’il lui procurait, Monsieur [G] a été contraint d’abandonner un métier qu’il exerçait sous de multiples facettes depuis près de 20 ans (auteur compositeur professeur..) et dans lequel les modalités d’évolution étaient nombreuses et qu’il ne peut être considéré qu’il ne lui offrait pas de perspectives.

A ce titre, le préjudice est constitué et insuffisamment réparé par la somme de 10 000 euros proposée par le docteur [K] et la SA la médicale et de 20 000 euros fixé par les premiers juges.

Infirmant le jugement, la cour fixe ce préjudice à la somme de 50 000 euros.

Sur les préjudices extra-patrimoniaux

A) A titre temporaire

1) Déficit fonctionnel

Il inclut, pour la période antérieure à la consolidation, la perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique, le préjudice temporaire d’agrément, éventuellement le préjudice sexuel temporaire.

L’évaluation des troubles tient compte de la durée de l’incapacité temporaire, du taux de cette incapacité (totale ou partielle), des conditions plus ou moins pénibles de cette incapacité. Le tout sera multiplié par la durée de l’incapacité temporaire, avec un abattement proportionnel si l’incapacité temporaire n’est pas totale.

Les experts retiennent :

– un déficit fonctionnel temporaire total de l’accident jusqu’à la fin de l’hospitalisation en rééducation du 29 août 2008 au 23 décembre 2009 soit pendant 482 jours.

– un déficit fonctionnel partiel du 24 décembre 2009 jusqu’à la consolidation, le 26 septembre 2011, soit un total de 642 jours, de classe IV, équivalent au taux du déficit fonctionnel permanent évalué par ailleurs à 85%.

Monsieur [G] sollicite l’infirmation du jugement qui lui a accordé la somme de 22.852,50 euros et demande une indemnité de 25 euros par jour soit :

– Déficit total : 482 jours x 25 euros = 12.050 euros

– Déficit partiel à 85% : 642 jours x 25 euros x 85% = 13.642,50 euros

Total de : 25.692,50 euros.

Le Docteur [K] et la SA la médicale ne s’opposent pas à la demande de Monsieur [G] .

Il y est dès lors fait droit et le jugement est infirmé.

2) Souffrances endurées

Il s’agit d’indemniser des souffrances tant physiques que morales/ psychiques ainsi que les troubles associés, endurés par la victime du fait des atteintes à son intégrité, dignité et intimité présentées et des traitements, interventions, hospitalisations qu’elle a subis durant la maladie traumatique, c’est-à-dire du jour de l’accident jusqu’à la consolidation. Après consolidation, les souffrances chroniques sont une composante du déficit fonctionnel.

Les experts ont évalué les souffrances endurées à 6/7.

Monsieur [G] réclame un montant de 45 000 euros et rappelle avoir été hospitalisé pendant plus d’un an, avoir subi des douleurs physiques et des pertes de mémoire, ainsi que la perte totale de son autonomie.

Compte tenu de la jurisprudence de la cour sur la base du référentiel Mornet, le montant de 30 000 euros proposé par le docteur [K] et la SA la médicale apparaît insuffisant pour réparer ce préjudice qui est fixé au montant réclamé de 45.000 euros.

3) Préjudice esthétique temporaire

Ce poste concerne l’indemnisation des atteintes et altérations de l’apparence physique subis par la victime jusqu’à la consolidation. C’est l’indemnisation d’un préjudice d’image.

La nomenclature Dintilhac retient notamment : les cicatrices, Port d’attelles, de plâtres ;Utilisation de béquilles ou fauteuil, d’un corset ; des pansements importants, amputations, brûlures etc.

En l’espèce, les experts ont évalué le préjudice esthétique temporaire à 4/7.

Le tribunal lui a accordé 8 000 euros, Monsieur [G] en sollicite 20.000euros et le docteur [K] et la SA la médicale proposent une somme de 5.000euros.

La cour retient que Monsieur [G] présentait avant sa consolidation, des séquelles visibles altérant son apparence et concernant les 4 membres ; que les membres inférieurs ne permettaient pas la marche autonome, que son atteinte sphinctérienne urinaire modérée (vessie neurologique) nécessitait le sondage la nuit ; qu’aux membres supérieurs une dystonie distale altérait sa dextérité fine, surtout à droite, le rendant incapable de transferts autonomes, qu’il présentait encore une dystonie oro-pharyngée, responsable d’une dysarthrie et de troubles de déglutition gênants, et une dystonie palpébrale, responsable de blépharospasme toutes séquelles visibles et altérant son apparence dès avant sa consolidation.

Il n’avait néanmoins pas de cicatrices de brûlures ni d’autres signes visibles altérant son apparence, n’évoque pas de vie sociale, a séjourné longtemps à l’hôpital puis au domicile de sa mère.

En conséquence, le montant de 8 000 euros alloué par le tribunal sera confirmé.

B) A titre permanent

1) Déficit fonctionnel

Ce poste tend à indemniser la réduction définitive (après consolidation) du potentiel physique, psychosensoriel, ou intellectuel résultant de l’atteinte à l’intégrité anatomo-physiologique, à laquelle s’ajoute les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d’existence (personnelles, familiales et sociales).

Il s’agit, pour la période postérieure à la consolidation, de la perte de qualité de vie, des souffrances après consolidation et des troubles ressentis par la victime dans ses conditions d’existence (personnelles, familiales et sociales) du fait des séquelles tant physiques que mentales qu’elle conserve.

Les experts ont évalué le déficit fonctionnel permanent à 85%.

Monsieur [G] âgé de 50 ans au jour de la consolidation, fixe la valeur du point à 5.105 euros tel que mentionné dans le référentiel MORNET et réclame en conséquence la somme de 5.105 x 85 = 433.925 euros qui est acceptée par le docteur [K] et la SA la médicale.

2) Préjudice d’agrément

Selon la nomenclature Dintilhac, ce poste de préjudice vise exclusivement à réparer le préjudice spécial lié à l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisir.

La jurisprudence ne limite pas l’indemnisation du préjudice d’agrément à l’impossibilité de pratiquer une activité sportive ou de loisirs exercée antérieurement à l’accident. Elle indemnise également les limitations ou les difficultés à poursuivre ces activités (Civ, 2e, 29 mars 2018, n°17-14.499).

L’appréciation se fait in concreto, en fonction des justificatifs, de l’âge, du niveau sportif, etc, (Cass, 2e civ, 28 mai 2009, n°08-16.829).

Monsieur [G] rappelle qu’il pratiquait de façon régulière la marche et l’écriture, qu’il était passionné de piano, qu’il pratiquait quotidiennement. Il ne peut plus rien faire de tout cela. Il est donc demandé 20.000 euros sur ce chef.

Si le docteur [K] et la SA la médicale, à défaut d’élément probatoire concernant la marche et l’écriture, refusent à juste titre de considérer leur perte, en revanche, ils ne peuvent être suivis lorsqu’ils considèrent qu’une pratique professionnelle, indemnisée au titre de la perte de revenus actuels et futurs ou de l’incidence professionnelle exclut une pratique ludique et de loisirs sans visée professionnelle.

A ce titre, un préjudice d’agrément lié à l’impossibilité pour un musicien de jouer de son instrument est retenu et le jugement est confirmé en ce qu’il fait droit à la demande de Monsieur [G].

3) Préjudice d’établissement

Il consiste en la perte d’espoir et de chance normale de réaliser un projet de vie familiale en raison de la gravité du handicap. L’évaluation se fait en fonction de l’âge.

Il ne peut être confondu, ni avec le préjudice d’agrément, ni avec le préjudice sexuel.

Monsieur [G] fait valoir qu’il n’avait pas encore fondé de famille lorsqu’il a été victime de son infarctus mais conservait le désir et l’espoir de se marier et d’avoir des enfants. Il fait valoir qu’à l’heure actuelle, ses chances sont compromises et réclame une indemnisation à hauteur de 10.000euros.

Le Docteur [K] et la SA la médicale sollicitent la confirmation du jugement rejetant la demande M. [G] au titre du préjudice d’établissement faute de preuve que M. [G] souhaitait construire un couple ou qu’il désirait avoir des enfants alors que de surcroît, au moment de l’accident, il résidait chez sa mère.

Mais un homme à 47 ans conserve une chance de fonder une famille s’il choisit de le décider, chance que Monsieur [G] a perdu au regard de la nature et de l’importance de son déficit fonctionnel permanent.

Elle sera indemnisée par la somme de 10 000 euros réclamée.

4) Préjudice esthétique permanent

Ce poste de préjudice vise à réparer les altérations définitives de l’apparence physique de la victime.

Les experts ont évalué ce poste à 4/7, ce qui offre une fourchette de 8 000 à 20 000 euros dans le barème Mornet.

M.[G] demande 20.000euros, le docteur [K] et la SA la médicale proposent 8.000euros.

La cour reprendra les développements du poste de préjudice esthétique temporaire en ce que les symptômes visibles n’ont pas subi d’amélioration significative et confirmera le montant de 10 000 euros alloué par le tribunal.

5) Préjudice sexuel

Ce dernier poste a trait à la fois de première part au préjudice morphologique lié à l’atteinte aux organes sexuels résultants du dommage subi, de deuxième part du préjudice lié à l’acte sexuel lui même qui repose sur la perte du plaisir lié à l’accomplissement de l’acte sexuel (perte de l’envie de la libido, perte de la capacité physique à réaliser l’acte sexuel, perte de la capacité à accéder au plaisir), et de troisième part du préjudice lié à une impossibilité ou difficulté à procréer.

Il n’existe pas de taux et l’évaluation se fait au cas par cas en fonction des conséquences précises du dommage décrites par l’expert et de l’âge et de la situation de la victime.

Monsieur [G] explique qu’il a subi un syndrome frontal et qu’en s’appuyant sur le barème de la société de médecine légale qui retient en ce sens une perte très fréquente de la libido en cas de traumatisme crânien, justifiant une qualification habituelle de 2 à 3/7, au regard de son âge au moment des faits (47 ans), il est fondé à solliciter une somme de 20.000 euros.

Le Docteur [K] et la SA la médicale proposent un montant de 6 000 euros.

La cour constate que les développements de Monsieur [G] restent théoriques alors notamment qu’il n’était pas en couple au moment de son accident, qu’il n’évoque pas de relations antérieures, qu’il vivait chez sa mère et donc n’avait pas projet à moyen terme de procréation (dont la perte de chance a été prise en compte dans le préjudice d’établissement qu’il réclame), qu’il avait 50 ans à la date de sa consolidation et que ses organes n’ont pas été atteints.

En conséquence, la somme de 10 000 euros accordée par le tribunal est satisfactoire.

Finalement :

1) le préjudice de Monsieur [G] consécutif aux séquelles de l’arrêt respiratoire est ainsi fixé.

‘Dépenses de santé actuelles :193.097,77 euros

dont restant à charges de Monsieur [G]: 680,21 euros

dont payées par la CPAM:192 417,46 euros

‘frais divers (incluant les frais d’aménagement du domicile de 741 euros) : 2 221 euros

‘Assistance par une tierce personne avant consolidation : 76.436€

‘Perte de gains professionnels actuels : 4 093,63 euros

‘Dépenses de santé futures : 106 202,55 euros

dont payées par la CPAM: 106 202,55 euros

‘Assistance par une tierce personne post-consolidation: 740 457 euros

‘Perte de gains professionnels future : 53 211,80 euros

‘Incidence professionnelle : 50 000 euros

‘Déficit fonctionnel temporaire : 25.692,50 euros

‘Souffrances endurées : 45.000 euros

‘Préjudice esthétique temporaire : 8 000 euros

‘Déficit fonctionnel permanent : 433.925 euros

‘Préjudice d’agrément : 20.000 euros

‘Préjudice esthétique définitif : 10.000 euros

‘Préjudice sexuel : 10.000 euros

‘Préjudice d’établissement : 10.000 euros

TOTAL Monsieur [G] : 1 488 717,14 euros

TOTAL CPAM : 298 620,01 euros

Sur les conséquences de l’imputation à le docteur [K] de 14% de ces préjudices

Sur les droits de la CPAM

En raison de la limitation du droit à indemnisation de la victime s’agissant d’une indemnisation de 14% de son préjudice au titre de la perte de chance retenue de ne pas le subir et imputable à la faute du docteur [K], le droit de préférence de la victime sur celle-ci sur la dette du tiers responsable, a pour conséquence que le préjudice corporel de Monsieur [G], évalué poste par poste, doit être intégralement réparé pour chacun de ces postes dans la mesure de l’indemnité laissée à la charge du tiers responsable, et que le tiers payeur ne peut exercer son recours, le cas échéant, que sur le reliquat.

En conséquence le recours de la CPAM se fixe ainsi :

– Recours total dépenses de santé actuelles: 193.097,77euros X 14 % de perte de chance = 27 033,68 euros

– Recours prioritaire de Monsieur [H] [G] : 680,21 euros

– Solde sur lequel s’exerce le recours de la CPAM : (27 033,68 ‘ 680,21euros) = 26 353,47 euros .

– Recours total dépenses de santé futures :106 205,55 euros X14%= 14 868,77 euros

En conséquence, le docteur [K] et la SA la médicale sont condamnés in solidum à lui payer 41 222,24 euros outre intérêts au taux légal à compter de l’assignation du 21 septembre 2015 et capitalisation des intérêts dus pour une année entière à compter de la notification de l’arrêt.

A ces montants, se rajouteront la somme de 1 076 euros accordée par le tribunal au titre de l’indemnité de gestion prévue à l’alinéa 9 de l’article L376-1 du code de la santé publique outre 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel, le montant de 1 200 euros alloué à ce titre en première instance étant confirmé.

Sur les droits de Monsieur [G]

Il a été vu que les droits de Monsieur [G] sur les dépenses de santé actuels restant à sa charge de 680,21 euros sont préservés en leur totalité.

Pour le surplus, ils doivent être limités au niveau de responsabilité du docteur [K] dans le préjudice qu’il a subi.

Ainsi, les responsables sont condamnés in solidum à lui payer la somme de 1 488 717,14 X14% + 680,21= 209 100,61 euros et le jugement est infirmé sur ce point.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement et contradictoirement,

Infirme le jugement dans ses dispositions contestées si ce n’est quant au montant de l’indemnité de gestion de la CPAM, des montants alloués aux parties au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens de première instance,

Statuant à nouveau,

Fixe le taux de responsabilité du docteur [K] assuré auprès de la SA la médicale, dans le préjudice de Monsieur [G] résultant des suites de l’accident cardiaque du 22 août 2008 à 14%,

Fixe le préjudice de Monsieur [G] à la somme de 1 488 717,14 euros dont 254 263,20 euros à la charge du docteur [K] et de son assurance en application de ce taux,

Fixe les débours de la CPAM échus au 30 septembre 2021 à la somme de 298 620,01 euros dont 41 222,24 euros à la charge du docteur [K] et son assurance en application de ce taux et des règles de répartition prioritaire entre la CPAM et la victime,

En conséquence,

Condamne in solidum le docteur [D] [K] et son assureur, la S.A la médicale, à payer à Monsieur [G] la somme de 254 263,20,

Condamne in solidum le docteur [K] et la SA la médicale à payer à la caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 9] ladite somme de 41 222,24 euros outre intérêts au taux légal à compter du 21 septembre 2015 et capitalisable pour chaque année entière,

Déboute Monsieur [G] du surplus de ses demandes,

Condamne in solidum le docteur [K] et la SA la médicale à payer à la caisse primaire d’assurance maladie de [Localité 9], au titre de l’indemnité de l’article 700 du code de procédure civile, à hauteur d’appel, la somme de 1.500 euros et le même montant à Monsieur [G],

Condamne in solidum le docteur [D] [K] et la S.A. La médicale, son assureur, aux dépens.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

 


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