Droits des Compositeurs : 7 décembre 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/06005

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Droits des Compositeurs : 7 décembre 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 20/06005
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Chambre des Baux Ruraux

ARRÊT N° 41

N° RG 20/06005 – N° Portalis DBVL-V-B7E-RERP

Mme [E] [S] [H]

M. [Y] [G]

C/

M. [U] [V]

Mme [C] [X] épouse [V]

Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Gobbé

Me Gaonac’h

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 07 DECEMBRE 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,

Assesseur : Madame Virginie PARENT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,

GREFFIER :

Madame Isabelle OMNES, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 07 Septembre 2023, devant Madame Pascale LE CHAMPION, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

contradictoire, prononcé publiquement le 07 Décembre 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTS :

Madame [E] [S] [H]

née le 29 aout 1992 à [Localité 8], de nationalité française, exploitante agricole

[Adresse 6]

[Localité 2]

Monsieur [Y] [G]

né le 2 octobre 1974 à [Localité 5] (Belgique), de nationalité française

[Adresse 6]

[Localité 2]

représentés par Me Myriam GOBBÉ de la SCP AVOCATS LIBERTÉ, avocat au barreau de RENNES

INTIMES :

Monsieur [U] [V]

né le 9 juillet 1973 à [Localité 7], de nationalité française

[Adresse 3],

[Localité 1]

Madame [C] [X] épouse [V]

née le 29 juillet 1973 à [Localité 4], de nationalité française,

[Adresse 3],

[Localité 1]

représentés par Me Arnaud GAONAC’H, avocat au barreau de QUIMPER

Par acte sous seing privé du 13 juillet 2016, M. [U] [V] a consenti à Mme [E] [S] [H] la location d’une maison d’habitation de 90 m² et de 13 ha de terrain situés [Adresse 6] à [Localité 2], moyennant un loyer mensuel de 850 euros. Les parties ont soumis le contrat de bail aux dispositions de la loi du 6 juillet 1989.

Un compromis de vente a été conclu entre les parties.

Un congé pour vendre a été signifié le 25 mars 2019.

Par requête enregistrée au greffe le 12 novembre 2019, Mme [E] [S] [H] et M. [Y] [G] ont sollicité la convocation en conciliation de M. et Mme [V] pour voir requalifier le contrat en bail rural.

Les parties ont été convoquées à l’audience du 13 janvier 2020 à laquelle le tribunal paritaire des baux ruraux a constaté l’absence d’accord des parties.

Suivant jugement du 19 octobre 2020, le tribunal paritaire des baux ruraux de Quimper a :

– dit que les parties sont liées par un bail soumis à la loi du 6 juillet 1989,

En conséquence,

– débouté de leur demande de requalification en bail rural et des demandes subséquentes,

– condamné Mme [E] [S] [H] et M. [Y] [G] à payer à M. [U] [V] et Mme [C] [V] née [X] la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du jugement ,

– débouté les parties de toute demande plus ample ou contraire,

– condamné Mme [E] [S] [H] et M. [Y] [G] aux dépens et à payer à M et Mme [V] une indemnité de 2 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens,

– ordonné l’exécution provisoire.

Suivant déclaration du 17 novembre 2020, M. [Y] [G] et Mme [E] [S] [H] ont interjeté appel de cette décision.

Un commandement de payer les loyers a été signifié à Mme [S] [H] et M. [G] le 20 avril 2022.

Aux termes de leurs dernières écritures notifiées le 31 août 2023, M. [Y] [G] et Mme [E] [S] [H] demandent à la cour de :

– infirmer le jugement prononcé par le tribunal paritaire des baux ruraux de Quimper le 19 octobre 2020 en ce qu’il :

* a dit que les parties sont liées par un bail soumis à la loi du 6 juillet 1989,

* les a déboutés de leur demande de requalification en bail rural et des demandes subséquentes,

* les a condamnés à payer à M. [U] [V] et Mme [C] [V] née [X] la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

* a débouté les parties de toute demande plus ample ou contraire,

* les a condamnés à payer à M. [U] [V] et Mme [C] [V] née [X] la somme de 2 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens,

Statuant à nouveau :

– juger que le contrat régularisé entre les parties le 13 juillet 2016 est soumis aux dispositions du statut d’ordre public du fermage et qu’il s’agit donc d’un bail rural,

– déclarer fondée et recevable la demande de révision triennale et désigner avant-dire droit tel expert qui lui plaira avec pour mission de :

* se faire remettre par les parties tous documents utiles, notamment le bail et les plans des bâtiments,

* convoquer les parties sur les lieux où sont édifiés les constructions et les terres objet du bail,

* visiter les biens immobiliers et les décrire,

* visiter les terres et les décrire,

* évaluer le montant du fermage correspondant aux terres,

* évaluer le montant du fermage correspondant aux bâtiments d’exploitation,

* indiquer si la maison d’habitation correspond aux conditions de salubrité et de décence conformément aux règles applicables en la matière,

* évaluer le montant du loyer correspondant à la maison d’habitation,

* déterminer les travaux qui s’imposent pour rendre le logement décent et salubre,

* déterminer les travaux qui s’imposent s’agissant des hangars,

* établir tout compte locatif entre les parties,

* au besoin, l’autoriser à se faire assister d’un sapiteur de son choix,

* dresser un pré-rapport,

* répondre aux dires des parties.

– débouter M. [U] [V] et Mme [C] [V] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

– condamner solidairement M. [U] [V] et Mme [C] [V] à leur payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance,

En tout état de cause :

– débouter M. [U] [V] et Mme [C] [V] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

– condamner solidairement M. [U] [V] et Mme [C] [V] à leur payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel,

– condamner solidairement les mêmes aux dépens de première instance et d’appel qui comprendront les frais d’expertise dont les époux [V] devront faire l’avance.

Aux termes de leurs dernières écritures notifiées le 31 mars 2023, M. [U] [V] et Mme [C] [X] épouse [V] demandent à la cour de :

– confirmer la décision du tribunal paritaire des baux ruraux de Quimper du 19 octobre 2020 en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

– condamner solidairement Mme [E] [S] et M. [Y] [G] à une indemnité de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l’appel.

À l’audience, M. et Mme [V] sollicitent le rejet des pièces communiquées le 31 août et le 1er septembre 2023 par les consorts [S]-[G] soit les pièces 23 à 28 et 29 à 31 pour avoir été envoyées tardivement.

Les consorts [S]-[G] s’opposent à cette demande de rejet.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément aux articles 946, 455 et 749 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

– Sur le rejet des pièces 23 à 31 de Mme [S] [H] et M. [G] [Y].

Mme [S] [H] et M. [G] ont constitué avocat le 28 décembre 2020. Ils ont conclu le 1er juin 2022.

À l’audience du 6 avril 2023, le dossier a fait l’objet d’un renvoi pour l’audience du 7 septembre 2023. Les parties ont disposé ainsi d’un délai de 5 mois pour conclure et communiquer les pièces qu’ils estiment nécessaires à leurs prétentions.

Les pièces 23 à 31 sont constituées de nombreux documents dont certains sont antérieurs à l’entrée dans les lieux de Mme [S] [H] et M. [G] et nécessitent un examen approfondi pour y répondre, examen qui n’est pas possible en quelques jours. Ces pièces auraient pu être communiquées antérieurement sans aucune difficulté.

En transmettant tardivement ces documents, les appelants n’ont pas permis aux intimés d’y répondre.

En conséquence, il convient d’écarter des débats les pièces 23 à 31 de Mme [S] [H] et M. [G].

– Sur le fond.

Mme [S] [H] et M. [G] expliquent que Mme [S] [H] a cherché à établir son exploitation agricole d’élevage canin, félin et équin en France.

Ils énoncent qu’ils ont convenu avec M. et Mme [V] que les biens de ces derniers seraient mis à leur disposition moyennant un fermage et qu’in fine les biens leur seraient vendu, les fermages devant constituer une avance sur le prix de vente.

Mme [S] [H] et M. [G] précisent qu’à leur entrée dans les lieux, les parcelles n’avaient pas été débarrassées et contenaient des déchets et des immondices et que la maison d’habitation était remplie d’immondices et n’avait pas fait l’objet de travaux utiles. Ils signalent que leur entrée dans les lieux a été de ce fait différée.

Ils signalent qu’ils n’ont pas obtenu le financement pour la vente, faute de pouvoir produire une attestation des époux [V] confirmant la déduction des loyers sur le prix de vente.

Ils soutiennent que :

– les biens donnés à bail sont mis à disposition à titre onéreux,

– les biens loués ont une vocation agricole s’agissant d’une ferme, d’une étable, une grange et des terres,

– Mme [S] [H] exerçait une activité d’éleveuse en Belgique et exploite une activité d’élevage sur place,

– Mme [S] [H] a obtenu l’autorisation d’exploiter de la part de la DDTM.

Pour eux, la maison d’habitation est secondaire et permet seulement à l’exploitant de résider à proximité de son exploitation.

En réponse à leur condamnation à des dommages et intérêts et à la demande en résiliation des époux [V] en cours devant le juge des contentieux de la protection, Mme [S] [H] et M. [G] précisent que la maison et les bâtiments d’exploitation sont insalubres, état qui justifie une exception d’inexécution sur le paiement des loyers.

Mme [S] [H] et M. [G] estiment que le fermage réclamé est trop élevé au regard de l’état de la maison, des bâtiments et des terres.

En réponse, les époux [V] indiquent qu’il ont arrêté leur activité agricole à la fin de l’année 2015, qu’ils ont été contactés par Mme [S] [H] qui souhaitait louer avant d’acheter.

Ils affirment qu’en octobre 2018, les locataires ont arrêté de payer le loyer faute de revenus. Ils indiquent que les locataires se sont installés comme agriculteurs en contradiction avec le bail d’habitation et sans leur accord.

Ils prétendent que la volonté commune des parties était de soumettre l’immeuble au statut du droit commun du bail d’habitation.

M. et Mme [V] expliquent que les locataires ont souhaité faire un usage agricole du bien qu’en décembre 2020.

Ils considèrent que les conditions d’application du statut du fermage telles que prévues à l’article L. 411-1 du code rural et de la pêche maritime ne sont pas réunies.

Ils font état d’une dette locative de 40 800 euros en octobre 2022.

Selon l’article 12 du code de procédure civile, le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables.

Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.

Toutefois, il ne peut changer la dénomination ou le fondement juridique lorsque les parties, en vertu d’un accord exprès et pour les droits dont elles ont la libre disposition, l’ont lié par les qualifications et points de droit auxquels elles entendent limiter le débat.

Le litige né, les parties peuvent aussi, dans les mêmes matières et sous la même condition, conférer au juge mission de statuer comme amiable compositeur, sous réserve d’appel si elles n’y ont pas spécialement renoncé.

Il convient de rechercher la commune intention des parties au jour de la signature du bail, la qualification d’un acte ne pouvant pas être modifiée unilatéralement.

Les parties ont signé le 13 juillet 2016 un contrat à usage d’habitation ‘soumis au titre 1er de la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986″.

Ce contrat porte la mention ‘Locaux vides à usage d’habitation’.

Il décrit le logement comme une ‘ferme composée d’une maison et de deux hangars, d’une surface de 90 m² pour la maison construite avant 1949, ainsi que de 13 hectares.

Mme [S] [H] et M. [G] ont fait une proposition d’achat des biens qu’ils décrivent comme suit : ‘au [Adresse 6]-France, composé d’une maison de 90 m², deux hangars (180 m et 300 m) et de 13 hectares.

Il n’est pas fait mention d’une exploitation agricole.

Le compromis de vente du 29 juin 2018, rédigé par un notaire, décrit le bien ainsi :

‘une propriété rurale comprenant :

1/ une maison d’habitation construite en 1930 en pierres, couvertes d’ardoises comprenant au rez-de-chaussée une cuisine, une chambre, et à l’étage en combles, deux chambres et un dégagement ; hors oeuvre au rez-de-chaussée, une salle de bain et un WC,

2/ contigüe une ancienne étable en pierres couvertes de tôles d’environ 20 m²,

3/ deux hangars : l’un bardé de tôles couvert d’éverite (250 m²), l’autre bardé partiellement de tôles couvert d’éverite, et une vieille grange,

4/ des terres de diverses natures.

Il n’est pas fait mention d’une exploitation agricole.

Comme l’ont très justement relevé les premiers juges, il n’est pas fait état de cheptel ou de matériel agricole dans cet acte.

Dans un courrier du 21 janvier 2019, Mme [S] [H] a répondu à M. [V]. Elle conteste le congé délivré sans discuter la nature du bail.

Elle fait état de l’absence de versements de ‘ses droits’ auprès de la CAF en raison de la non remise des quittances de loyer par le bailleur.

Or la perception d’allocation de la CAF n’est pas compatible avec le statut du bail rural.

Mme [S] [H] rappelle l’intérêt de l’envoi des quittances de loyer en bonne et due forme. Or les quittances mensuelles n’existent pas dans le cadre d’un bail rural classique.

Elle ne fait pas état de l’affectation du bien à une activité agricole.

Ainsi il convient de considérer que, le 13 juillet 2016, l’intention commune des parties était de signer un bail d’habitation.

Le jugement est confirmé à ce titre.

Il n’est pas besoin de statuer sur la demande des appelants au titre de la révision triennale.

– Sur l’article 32-1 du code de procédure civile.

Selon l’article précité, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive doit réparation du préjudice causé.

Il est évident qu’un conflit pérenne s’est installé entre bailleurs et locataire.

Le fait de se tromper sur la nature de ses droits ne peut, à lui seul, justifier un abus de la partie.

Dans le cas présent, la présente instance a été engagée le 12 novembre 2019. Il n’est pas justifié d’une autre instance introduite au titre du congé délivré le 25 mars 2019. Si une instance a été introduite c’est à l’initiative de Mme [S] [H] et M. [G] par acte du 15 juin 2022.

Le jugement est infirmé à ce titre.

M. et Mme [V] sont déboutés de cette demande.

– Sur les autres demandes.

Succombant en appel, Mme [S] [H] et M. [G] sont déboutés de leur demande au titre des frais irrépétibles et sont condamnés à payer à M. et Mme [V] une somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens, étant par ailleurs précisé que les dispositions du jugement sur les frais irrépétibles et les dépens sont confirmées.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe :

Ecarte des débats les pièces 23 à 31 communiquées par Mme [S] [H] et M. [G] ;

Confirme le jugement entrepris sauf en sa disposition condamnant Mme [S] [H] et M. [G] au paiement d’une somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Statuant à nouveau,

Déboute M. et Mme [V] de leur demande en paiement d’une somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

Y ajoutant,

Déboute Mme [S] [H] et M. [G] de leur demande en frais irrépétibles ;

Condamne Mme [S] [H] et M. [G] à payer à M. [U] [V] et Mme [C] [X] épouse [V] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mme [S] [H] et M. [G] aux dépens.

Le greffier, La présidente,

 


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