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République Française
Au nom du Peuple Français
C O U R D ‘ A P P E L D E D O U A I
RÉFÉRÉ DU PREMIER PRÉSIDENT
ORDONNANCE DU 6 JUILLET 2023
N° de Minute : 84/23
N° RG 22/00114 – N° Portalis DBVT-V-B7G-URH7
DEMANDEURS :
Monsieur [R] [F]
né le 22 Juillet 1967 à [Localité 8]
demeurant [Adresse 3]
[Adresse 3] (BELGIQUE)
SPRL de droit belge DUCA
dont le siège social est situé [Adresse 1]
[Adresse 1] ( BELGIQUE)
SPRL de droit belge FINANCIERE VAUBAN
dont le sige est situé [Adresse 2]
[Adresse 2] (BELGIQUE)
ayant pour avocat Me Marie-Hélène LAURENT, avocat au barreau de Douai et pour avocat plaidant Me Alexandre REYNAUD, avocat au barreau de Paris substitué par Me Florian RENAUX
DÉFENDEURS :
S.A.R.L. FINANCIERE [V] [Y]-FINARCO
dont le siège social est [Adresse 12]
[Adresse 12]
Monsieur [G] [Y]
né le 04 Novembre 1986 à [Localité 7]
demeurant [Adresse 13]
[Adresse 13]
agissant à titre personnel et aux droits de ses frères et soeurs, [U], [T] [Y] et [M] et [V] [Y] pris en la personne de leur administrateur légal dous contrôle judiciaire leur mère Mme [J] [W] et [D] [Y], héritiers de [V] [Y]
S.A.R.L. FIJECO
dont le siège social est [Adresse 6]
[Adresse 6]
ayant pour avocat Me Bernard FRANCHI, avocat au barreau de Douai et pour avocat plaidant Me Samuel VANACKER, avocat au barreau de Lille
PRÉSIDENTE : Hélène CHATEAU, première présidente de Chambre désignée par ordonnance pour remplacer le Premier Président empêché
GREFFIER : Christian BERQUET
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DÉBATS : à l’audience publique du 12 juin 2023
Les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’ordonnance serait prononcée par sa mise à disposition au greffe
ORDONNANCE : contradictoire, prononcée publiquement par mise à disposition au greffe le six juillet deux mille vingt trois, date indiquée à l’issue des débats, par Hélène CHATEAU, Présidente, ayant signé la minute avec Christian BERQUET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire
Exposé de la cause :
La société Édifices de France exerçant une activité de promotion immobilière, par le biais de participation dans des sociétés civile de construction vente, avait pour actionnaires à l’origine [V] [Y] ( depuis décédé), son fils, M. [G] [Y], M. [R] [F] et la S.A.R.L. FINARCO.
A la suite de désaccords entre actionnaires, le 10 mai 2011, les parties ont régularisé un protocole afin de mettre en ‘uvre une conciliation qui s’est finalement soldée par un échec le 6 février 2012.
La sentence arbitrale
Le 15 novembre 2013, M. [B] [L], arbitre unique agissant en tant qu’amiable compositeur, a rendu la sentence arbitrale suivante :
Sur les demandes des consorts [Y] ,
– condamne les consorts [F] solidairement entre eux à rapporter aux caisses sociales la somme globale de 1 618 802,43 € HT plus TVA selon taux en vigueur, selon détail figurant au dispositif de la présente sentence, à titre de prélèvements indus au-delà des 5 % de MOD auxquels les consorts [F] avaient droit,
– condamne les consorts [F] solidairement entre eux à rapporter aux caisses sociales, à savoir les SCCV concernées, la somme de 145 721,63 € TTC au titre des prestations de menuiseries surfacturées,
– condamne les consorts [F] solidairement entre eux à rapporter aux caisses sociales, à savoir les SCCV concernées, la somme de 48 287,54 € TTC à titre de prestations informatiques indûment facturées,
– déboute les consorts [Y] de leur demande de remboursement des sommes versées aux sociétés TCR Construction ‘ Casa Renov ‘ RD Invest,
– condamne les consorts [F] solidairement entre eux à reverser aux caisses sociales la somme globale de 139 598,20 € à titre de facturations supportées par lesdites sociétés indûment,
– condamne les consorts [F] solidairement entre eux en ce y inclus la SPRL Duca contrôlée par M. [F] à reverser le bénéfice net réalisé in fine sur le programme Hôpital du [Localité 11],
– désigne les experts SOGECCA et COMEXPERT à l’effet d’arrêter le bénéfice net réalisé par les consorts [F] et/ou la SPRL Duca, dans la réalisation du programme Hôpital du [Localité 11], et disons que ce bénéfice net devra prendre en charge la rémunération de 5 % de MOD due aux consorts [F], et disons que les experts devront rendre leur rapport commun au plus tard le 31 mars 2014, sauf demande de report dûment justifiée.
– condamne les consorts [F] solidairement entre eux à verser à la société Édifices de France une somme de 750 000 € à valoir sur l’indemnisation due au titre de l’opération Hôpital du [Localité 11], compte tenu de la marge brute prévisionnelle sur cette opération annoncée par les consorts [F].
– déboute les consorts [Y] de leur demande relative à l’opération de [Localité 10],
– déboute les consorts [Y] de leur demande de cession à leur profit, au prix de 1 €, des parts sociales Édifices de France détenues par les consorts [F].
Sur les demandes des consorts [F],
– condamne les consorts [Y] solidairement entre eux à reverser aux caisses des sociétés concernées la somme de 225 000 € TTC facturée à titre de gérance,
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– condamne les consorts [Y] solidairement entre eux à reverser à la SCCV La Cotonnière la somme de 154 000 € au titre de 22 parkings acquis par eux de cette société,
– déboute les consorts [F] au titre de leur demande concernant les lofts acquis des consorts [Y] de la SCCV La Cotonnière,
– désigne les experts SOGECCA et COMEXPERT pour déterminer le transfert de marge d’édifices De France à [Localité 5] Promotion sur l’opération immobilière de [Localité 9], et disons que les experts devront rendre leur rapport commun pour le 31 mars 2014 au plus tard, sauf report sur requête motivée,
Pour le surplus,
– déboute les parties de leurs demandes d’injonctions de productions de pièces, auditions et transports sur les lieux,
– constate l’accord des parties pour que les comptes consolidés d’édifices de France soient traités postérieurement à la présente sentence.
– en conséquence, avant dire droit, nommons les experts SOGECCA et COMEXPERT pour établir les comptes consolidés d’édifices de France au 31 décembre 2012 dans les termes fixés par la mission d’arbitrage et disons que les experts devront rendre leur rapport commun pour le 31 mars 2014 au plus tard, sauf report sur requête motivée,
– déboute les parties des demandes formulées dans leurs mémoires à caractère procédural,
– déboute les parties de leurs autres demandes,
– déboute les parties de leurs demandes d’article 700 du NCPC et autres dommages et intérêts,
– dit que les frais d’arbitrage qui s’élèvent à 75 000 € HT au provisoire, seront supportés par moitié par les deux parties,
– dit que les frais d’expertises réalisés par COMEXPERT et SOGECCA seront supportés par moitié par les parties.
Les décisions de la cour d’appel de Douai relatives à cette sentence :
M. [F] et la société Financière Vauban ont formé devant la cour d’appel de Douai un recours en annulation à l’encontre de cette sentence et par un premier arrêt du 17 mars 2016, rendu sur déféré d’une ordonnance du conseiller de la mise en état, la cour d’appel a déclaré recevable le recours en annulation et, par un second arrêt du 18 janvier 2018, la cour a annulé la sentence arbitrale et a rejeté une demande de dommages-intérêts pour recours abusif et a renvoyé l’affaire en mise en état pour permettre aux parties de conclure au fond.
L’arrêt de la Cour de cassation du 26 septembre 2019 :
Sur pourvoi formé contre les deux arrêts par les sociétés Finarco et Fijeco, M. [G] [Y] pris en son nom personnel et en sa qualité de légataire universel et d’héritier de [V] [Y] ainsi que les autres héritiers de [V] [Y], la Cour de cassation a, par arrêt du 26 septembre 2019 (2e Civ., 26 septembre 2019, pourvoi n° 18-14.708), cassé et annulé en toutes ses dispositions l’arrêt du 17 mars 2016, et, cette cassation entraînant l’annulation de l’arrêt du 18 janvier 2018, la Cour, statuant sur le fond, a déclaré le recours en annulation formé par M. [F] et la société Financière Vauban irrecevable.
La procédure devant la Cour européenne des droits de l’Homme
M. [F] a saisi la Cour européenne des droits de l’Homme d’une requête contre l’État français et par un arrêt du 9 juin 2022 (Affaire [R] [F] c. France – requête n° 15567/20) cette Cour a déclaré la requête recevable, dit qu’il y avait eu violation de l’article 6§1 de la Convention et condamné l’État à verser à M. [F] des sommes pour son dommage moral et ses frais et dépens.
La procédure de tierce opposition engagée par la SPRL Duca à l’encontre de la sentence arbitrale
A la suite de cet arrêt de la Cour de cassation, par assignations délivrées le 14 octobre 2019 à l’encontre des sociétés Finarco et Fijeco, de M. [G] [Y] en son nom personnel et en sa qualité de légataire universel et d’héritier de [V] [Y], Mmes [U], [T] et M. [D] [Y] ainsi que MM. [M] et [V] [Y] pris en la personne de leur administrateur légal sous contrôle judiciaire, leur mère Mme [J] [X], en qualité d’héritiers de [V] [Y], la SPRL Duca (société privée à responsabilité limitée de droit belge) a formé tierce opposition contre la sentence arbitrale devant le tribunal de commerce d’Arras. M. [F] et la société Financière Vauban sont intervenus à la procédure.
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Par jugement du 19 octobre 2022 le tribunal de commerce d’Arras a :
– déclaré recevable la tierce opposition formée par la SPRL Duca à l’encontre de la sentence arbitrale du 15 novembre 2013,
– en conséquence, réformé intégralement la sentence arbitrale et suspendu son exécution,
– débouté les consorts [Y] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
– condamné les consorts [Y] à payer la SPRL Duca la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l’instance, incluant les frais et débours de greffe taxés et liquidés à la somme de 274,56 euros.
Sur appel de cette décision, la chambre commerciale de la cour d’appel de Douai a par arrêt du 11 mai 2023,
– rejeté la demande tendant à voir annuler le jugement rendu le 19 octobre 2022 par le tribunal de commerce d’Arras ;
-confirmé le jugement en ce qu’il a déclaré recevable la tierce opposition formée par la SPRL Duca à l’encontre de la sentence arbitrale du 15 novembre 2013 et débouté les consorts [Y] de l’ensemble de leurs demandes ;
– infirmé le jugement pour le surplus ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
– déclaré irrecevables les demandes de M. [R] [F] et de la société Financière Vauban tendant à voir réformer la sentence arbitrale en ce qu’elle a considéré que le programme ‘Hôpital du Hainaut’ constituait un actif de la société Édifices de France et a condamné sur cette base la société Duca, solidairement avec les consorts [F] à reverser le bénéfice net réalisé in fine sur ledit programme et à verser une provision de 750 000 euros à valoir sur l’indemnisation due au titre de cette opération ;
– rejeté la demande tendant à voir infirmer l’intégralité de la sentence arbitrale et à voir suspendre son exécution ;
– infirmé la sentence arbitrale en ce qu’elle a :
– condamné la SPRL Duca à reverser le bénéfice net réalisé in fine sur le programme Hôpital du [Localité 11],
– désigné les experts SOGECCA et COMEXPERT à l’effet d’arrêter le bénéfice net réalisé par la SPRL Duca, dans la réalisation du programme Hôpital du [Localité 11].
– débouté M. [R] [F], la société Financière Vauban et la société Duca de leurs demandes de remboursement des sommes versées en exécution de la sentence arbitrale ;
– dit n’y avoir lieu à ordonner la restitution des sommes versées en exécution de la sentence arbitrale par la société Duca ;
– rejeté la demande tendant à voir déclarer pleinement opposable à la société Duca la sentence arbitrale du 15 novembre 2013 ;
– rejeté les demandes fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en première instance et en cause d’appel.
Les procédures d’exécution engagées à l’encontre de M. [F]
Par procès-verbal du 8 septembre 2020, précédé d’un itératif commandement de payer la somme de 1 395 657,13 euros, la société Édifices de France a, sur le fondement de la sentence arbitrale du 15 novembre 2013 et de l’arrêt de la Cour de cassation du 26 septembre 2019, fait procéder à la saisie de meubles garnissant les locaux professionnels de M. [F].
Par acte en date du 21 septembre 2020, M. [F] a fait assigner la société Édifices de France devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire d’Arras aux fins de contester la saisie-vente.
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Par jugement en date du 1er juillet 2021, ce juge de l’exécution a :
– dit n’y avoir lieu à suspension des opérations de saisie-vente pratiquée à l’encontre de M. [R] [F] le 8 septembre 2020, par Maître [S] [C], huissier de justice à [Localité 4] pour le compte de la société à responsabilité limitée Édifices de France ;
– débouté M. [R] [F] de sa demande aux fins d’annulation de la saisie-vente du 8 septembre 2020 ;
– débouté M. [R] [F] de sa demande aux fins d’indemnisation d’un abus de saisie commis par la Sarl Édifices de France ;
débouté M. [R] [F] de sa demande aux fins de nullité et mainlevée de la saisie-vente du 8 septembre 2020 en ce qu’elle porterait sur des biens insaisissables ;
Par arrêt en date du 3 février 2022, la 8° chambre section 3 de la cour d’appel de Douai a :
confirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
– débouté M. [R] [F] de sa demande tendant à voir annuler la saisie-vente et à voir ordonner sa mainlevée pour extinction de la créance ;
– débouté M. [R] [F] de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné M. [R] [F] à régler à la société Édifices de France la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné M. [R] [F] aux dépens d’appel.
Par arrêt en date du 7 juin 2023, la 1° chambre civile de la Cour de cassation a cassé et annulé en toutes ses dispositions cet arrêt du 3 février 2022, considérant que la cour d’appel avait violé les articles 1487 et 1498 du code de procédure civile en considérant que le fait que le recours en annulation avait été déclaré irrecevable par la Cour de cassation, n’avait pas pour effet de conférer l’exéquatur à la sentence.
Le nouveau recours contre la sentence arbitrale :
Le 24 juin 2022, M. [R] [F] a formé un nouveau recours en annulation contre la sentence arbitrale. Cette procédure est toujours en cours devant la 8° chambre section 3 de la cour d’appel de Douai.
Le jugement objet de la demande formée devant la juridiction du premier président :
Par jugement rendu le 5 mai 2022 (et rectifié par jugement en date du 19 mai 2022), le tribunal de commerce de Lille Métropole s’est déclaré compétent et a :
– débouté M. [F], la Financière Vauban et la société Duca de leurs demandes de sursis à statuer dans l’attente du jugement du tribunal de commerce d’Arras, de la Cour de cassation ou de la Cour européenne des droits de l’Homme ;
– Débouté M. [F], la Financière Vauban et la société Duca de leur demande d’irrecevabilité ;
– Désigné les experts SOGECCA [‘] à l’effet d’arrêter le bénéfice net réalisé par les consorts [F] (M. [F] et la société Financière Vauban et/ou la SPRL Duca dans la réalisation du programme Hôpital du [Localité 11] [‘] ;
– Confirmé l’exécution provisoire du jugement.
Par déclaration en date du 5 août 2022, M. [F], les sociétés Financière Vauban et Duca ont interjeté appel de cette décision.
La procédure devant le premier président
Par acte en date du 14 octobre 2022, M. [F], les sociétés Financière Vauban et Duca ont fait assigner en référé devant le premier président de la cour d’appel de Douai les sociétés FINARCO et FIJECO, ainsi que M. [G] [Y] afin, au visa de l’article 514-3 du code de procédure civile, afin d’obtenir l’arrêt de l’exécution provisoire attachée au jugement rendu le 5 mai 2022 par le tribunal de commerce de Lille-Métropole.
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L’affaire appelée successivement aux audiences des 31 octobre 2022, 28 novembre 2022, 12 décembre 2022, 16 janvier 2023, 6 mars 2023 a été renvoyée à la demande des avocats des parties.
A l’audience du 12 juin 2023 à laquelle l’affaire a été retenue,
M. [F], les sociétés Financière Vauban et Duca demandent, au visa de l’article 514-3 du code de procédure civile :
– arrêter l’exécution provisoire attachée aux jugements rendus par le tribunal de commerce de Lille les 5 et 19 mai 2022 ;
– condamner les défendeurs au paiement de la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner les défendeurs au paiement des entiers dépens.
Ils précisent dans un premier temps que l’appel qu’ils ont interjeté contre ce jugement du 5 mai 2022 est recevable, dès lors que :
– les dispositions de l’article 83 du code de procédure civile ne s’appliquent que lorsque le juge s’est prononcé seulement sur sa compétence, sans statuer sur le fond du litige, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, plus aucune question ne restant à trancher ;
– les dispositions de l’article 272 de ce même code ne sont pas davantage applicables dès lors que la seule demande formée par les défendeurs était une demande d’expertise, de sorte qu’aucun jugement n’est attendu sur le fond.
Ils arguent de l’existence de moyens sérieux d’annulation ou de réformation de la décision rendue en première instance en ce que :
1. la sentence, fondement exclusif de l’expertise, n’est pas revêtue de la force exécutoire en France, comme l’a récemment confirmé la Cour de cassation.
2. la sentence, fondement exclusif de l’expertise, a été réformée par décision du tribunal de commerce d’Arras, confirmée par arrêt de la cour d’appel de Douai du 11 mai 2023,
3. le tribunal de commerce de Lille-Métropole est incompétent pour connaître de la demande d’expertise dès lors que :
3.1 ce tribunal n’a pas été saisi en tant que juge d’appui au sens de l’article 1459 du code de procédure civile ;
3.2 l’instance arbitrale est éteinte par application de l’article 1477 du code de procédure civile depuis le 30 avril 2014,. car les experts désignés par l’arbitre n’ont pas respecté le délai pour déposer leurs rapports si bien que le délai d’arbitrage a expiré et les juridictions étatiques sont redevenues compétentes, comme cela a été jugé par ordonnance du président du tribunal de commerce d’Arras du 13 octobre 2020, confirmée par arrêt du 24 juin 2021 ;
4. les demandes des consorts [Y] sont irrecevables sur le fondement de l’autorité de la chose jugée, les demandes formées entre les mêmes parties étant identiques à la sentence arbitrale ;
5. Les demandes des consorts [Y] sont mal fondées :
5.1 l’expertise ordonnée par le tribunal de commerce de Lille a pour conséquence de donner effet à une sentence arbitrale manifestement contraire à l’ordre public ; en effet, la société Duca n’a pas fait partie ni de la convention ni de la procédure d’arbitrage ; le principe du contradictoire n’a donc pas été respecté si bien que la sentence arbitrale ne peut pas être mise en ‘uvre contre la société Duca ;
5.2. le tribunal de commerce de Lille Métropole a désigné comme experts les mêmes cabinets d’expertise comptable que ceux qui avaient été désignés par l’arbitre unique au terme de sa sentence, qu’ils avaient été mandatés par les parties à l’arbitrage afin de vérifier les montants facturés par chacune d’elles et pour siéger au sein de la commission de conciliation prévue au protocole d’accord du 25 avril 2021, qu’il convient de nommer un expert indépendant des consorts [Y] et [F] ; que par ailleurs ces experts ne se sont pas montrés diligents jusqu’alors.
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5.3. l’astreinte fixée par le tribunal de commerce de Lille-Métropole est mal fondée en ce que l’exécution de la sentence arbitrale a été suspendue entre le 26 novembre 2013 et le 18 janvier 2018. Dès lors, M. [F] et les sociétés Financière Vauban et Duca n’avaient aucunement l’obligation de communiquer les documents comptables relatifs à l’opération « Hôpital du [Localité 11] ».
De plus, M. [F], les sociétés Financière Vauban et Duca considèrent que l’exécution de la décision rendue en première instance entraînerait des conséquences manifestement excessives en ce que :
– des moyens en temps et en argent considérables devront être mobilisés pour mener à bien l’expertise fixée par le tribunal de commerce de Lille-Métropole sur un programme immobilier important et ancien; – le pilotage d’une telle opération forcerait M. [F] et ses équipes à délaisser la gestion de nombreux projets immobiliers actuels ;
– il y a risque sérieux que M. [F] ne puisse se faire rembourser les frais afférents à la tenue de cette expertise car les comptes de la société Édifices de France sont « désastreux » ;
– la société Édifices de France a été placée en redressement judiciaire, aucune assemblée générale a été convoquée depuis deux ans, aucun investissement n’a été effectué, de sorte que sa survie est largement menacée ;
– il existe des suspicions d’abus de biens sociaux et un risque de provoquer la mise en mouvement de l’action publique ;
– les trois millions d’euros qui ont été payés par M. [F] et les sociétés Financière Vauban et Duca en application de la sentence arbitrale n’ont toujours pas été affectés au remboursement des créanciers de cette société.
M. [G] [Y], agissant à titre personnel et venant par acte notarié du 7 février 2019 aux droits des ses frères et s’urs, [U], [T] [Y] et [M] [Y] pris en la personne de leur administrateur sous contrôle judiciaire de leur mère Mme [J] [W] et [D] [Y], héritiers de [V] [Y], les sociétés FIJECO et Financière [V] [Y]-Finarco demandent au premier président, au visa des articles 378 et suivants du code de procédure civile et 514-3 du code de procédure civile, de :
– in limine litis de sursoir à statuer dans l’attente de la décision que rendra le tribunal judiciaire de Lille sur requête en exequatur de la sentence arbitrale du 15 novembre 2013, précisant qu’ils vont saisir le juge de l’exequatur d’une requête en application de l’article 1487 du code de procédure civile
dans tous les cas,
– rejeter la demande d’arrêt de l’exécution provisoire attachée aux jugements rendus par le tribunal de commerce de Lille métropole les 5 et 19 mai 2022 et partant débouter M. [F], les sociétés Financière Vauban et/ou la SPRL Duca de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;
– condamner solidairement M. [F], les sociétés Financière Vauban et/ou la SPRL Duca aux entiers dépens, ainsi qu’à payer à chacune des parties défenderesses la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Ils exposent que :
1. le tribunal de commerce de Lille a caractérisé les carences procédurales et les man’uvres dilatoires de M. [F] pour refuser d’écarter l’exécution provisoire ;
2. les demandeurs ne démontrent pas que l’exécution provisoire entrainerait des conséquences manifestement excessives, et l’éventuelle infirmation du jugement ne présente aucun risque de non-restitution car ce sont les consorts [Y] qui ont la charge financière du processus expertal et les propos sur la mauvaise gestion de la société Édifices de France sont mensongers, Maître [K] assurant depuis 2015 le plan de continuation de l’entreprise ;
3. les demandeurs ne justifient pas de moyens sérieux de réformation ou d’annulation car
3.1 leur appel sera nécessairement déclaré irrecevable en application des articles 83 à 89 du code de procédure civile sur les délais et formes pour faire appel d’un jugement statuant sur la compétence, qui n’ont pas été respectés en l’espèce et également en application de l’article 272 du code de procédure civile, un jugement ordonnant une expertise ne pouvant faire l’objet d’un appel que sur autorisation du premier président,
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3.2 leur appel est en tout état de cause mal fondé, l’arrêt du 11 mai 2023 a validé le contenu de la sentence sur l’ensemble de ses dispositions dont le programme Hôpital du [Localité 11] à l’endroit de M. [R] [F] et de la SPRL Financière Vauban
3.3. Les moyens liés à la prétendue incompétence de la juridiction du tribunal de commerce de Lille Métropole ou à l’autorité de la chose jugée ne sont pas pertinents.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande de sursis à statuer
Il résulte des écritures mêmes de M. [Y], de la SARL Fijeco et de la Financière [V]-[Y]-Financo présentées oralement à l’audience du 12 juin 2023 qu’au 12 juin 2023, aucune requête aux fins d’exequatur n’avait encore été déposée, de sorte que la présente juridiction ne peut prononcer un sursis à statuer dans l’attente d’une décision sur une requête non déposée.
Sur la recevabilité de la demande d’arrêt d’exécution provisoire
Il ressort des dispositions de l’article 514-3 alinéa 1er du code de procédure civile, applicable aux instances introduites après le 1er janvier 2020, ce qui est le cas en l’espèce, qu’en cas d’appel, le premier président peut arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsque celle ci risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives et lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation de la décision de première instance;
L’alinéa 2 du même article dispose que :
‘La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d’observations sur l’exécution provisoire n’est recevable que si, outre l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.’
Il résulte de la lecture de la décision du 5 mai 2022 que M. [F], la société Financière Vauban et la société Duca avait bien demandé expressément au premier juge lors de l’audience du tribunal de commerce de Lille Métropole du 24 février 2022 d’écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir.
En conséquence, est recevable en son principe la demande d’arrêt de l’exécution provisoire formée par M. [F], la société Financière Vauban et la société Duca, que ce soit au vu de circonstances manifestement excessives antérieures ou postérieures à la première décision.
Sur le bien fondé de la demande d’arrêt d’exécution provisoire
M. [F], la société Financière Vauban et la société Duca font valoir qu’ils devront consacrer énormément de temps et des moyens considérables pour mener à bien l’expertise, laquelle porte sur un projet immobilier pharaonique mené à l’initiative de M. [F] depuis plus d’une décennie.
Il sera rappelé que :
– le coût de l’expertise est avancé non pas par M. [F], la société Financière Vauban et la société Duca, mais bien par les sociétés Finarco et Fijeco, et M. [G] [Y] et s’ils devaient au final supporter le coût de cette expertise, ce ne serait qu’après jugement de condamnation au fond, qui compte tenu de l’esprit procédurier des parties, ne saurait intervenir avant de longues années, de sorte que la situation financière actuelle alléguée de leurs adversaires ne peut en aucun cas constituer une circonstance manifestement excessive ;
– si cette expertise porte sur un projet ancien, M. [F], la société financière Vauban et la société Duca savent depuis la sentence arbitrale du 15 novembre 2013 que cette expertise avait été ordonnée, de sorte qu’ils ont du conserver en bon père de famille tous les éléments nécessaires au bon déroulement de celle-ci, et que le déroulement des opérations ne leur demandera pas autant de temps et de moyens qu’allégués ;
Ne sera donc pas retenue l’existence de circonstances manifestement excessives.
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Les deux conditions relatives aux moyens sérieux d’annulation ou de réformation de la décision de première instance et à l’existence de circonstances manifestement excessives du maintien de l’exécution provisoire sont cumulatives ; dès lors que la présente juridiction a écarté l’existence de circonstances manifestement excessives, la demande d’arrêt d’exécution provisoire sera rejetée, sans même qu’il soit nécessaire d’examiner les moyens sérieux d’annulation ou de réformation.
Sur les dépens et indemnités d’article 700 du code de procédure civile
Parties perdantes, M. [F], les sociétés Financière Vauban et/ou la SPRL Duca seront condamnés aux dépens de la présente instance.
Il ne sera pas fait droit aux demandes respectives des parties formées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Déboute M. [G] [Y], les sociétés Fijeco et financière [V]-[Y] Finarco de leur demande de sursis à statuer,
Déboute M. [F], la société Financière Vauban et la société Duca, de leur demande d’arrêt de l’exécution provisoire attachée aux jugements rendus par le tribunal de commerce de Lille les 5 et 19 mai 2022,
Condamne M. [F], la société Financière Vauban et la société Duca aux dépens de la présente instance,
Déboute les parties de leurs demandes réciproques d’indemnité d’article 700 du code de procédure civile.
Le greffier La présidente
C. BERQUET H. CHÂTEAU