Your cart is currently empty!
CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 5 octobre 2022
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 719 F-D
Pourvoi n° X 20-23.629
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 5 OCTOBRE 2022
M. [M] [L] dit [T] [L], domicilié [Adresse 5] (Suisse), a formé le pourvoi n° X 20-23.629 contre l’arrêt rendu le 21 avril 2020 par la cour d’appel de Versailles (1re chambre, 1re section), dans le litige l’opposant :
1°/ à M. [P] [Y], domicilié [Adresse 1], agissant en son nom personnel et sous le nom commercial JRG éditions musicales – Caminair,
2°/ à M. [D] [F], domicilié [Adresse 3],
3°/ à la société BMG Rights management, société à responsabilité limitée unipersonnelle, venant aux droits de la société BMG VM Music France, dont le siège est [Adresse 4],
4°/ à M. [O] [W] [Z] dit [H] [O], domicilié [Adresse 2] (Luxembourg),
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Serrier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de M. [L] dit [T] [L], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de MM. [Y] et [F] et de la société BMG Rights management, après débats en l’audience publique du 12 juillet 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Serrier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Versailles, 21 avril 2020) rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 30 septembre 2015, pourvoi n° 14-11.944, Bull. 2015, I, n° 226), soutenant que les chansons intitulées « Aïcha 1 » et « Aïcha 2 » contrefaisaient la composition musicale dénommée « For Ever » dont il est l’auteur, M. [L], dit [T] [L], a assigné M. [Y], tant en sa qualité d’auteur-compositeur qu’en sa qualité d’éditeur, sous le nom commercial JRG éditions musicales, des deux oeuvres arguées de contrefaçon, ainsi que M. [F], coauteur des arrangements, et la société EMI Virgin Music Publishing, aux droits de laquelle se trouve la société BMG VM Music France, coéditeur, aux fins d’obtenir réparation de l’atteinte prétendument portée à ses droits moraux et patrimoniaux d’auteur.
2. Il a, ensuite, attrait à l’instance M. [O] [W] [Z], dit [H] [O], auteur d’une partie des paroles écrites en arabe de l’oeuvre intitulée « Aïcha 2 ».
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. M. [L] fait grief à l’arrêt de rejeter l’ensemble de ses demandes, alors :
« 1°/ que l’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite ; qu’en l’espèce la cour d’appel a rejeté la demande tendant à juger que les oeuvres “Aïcha l” et “Aïcha 2” constituent des contrefaçons de l’oeuvre “For Ever”, qu’elle avait pourtant caractérisées, en raison d’une “rencontre fortuite”, sans relever ni l’importance limitée des ressemblances entre les deux oeuvres, ni que les ressemblances entre ces oeuvres s’expliquent par des réminiscences provenant d’une source d’inspiration commune à leurs auteurs respectifs, la cour d’appel a violé les articles L. 111-1, alinéa 1, L. 111-2 et L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle ;
2°/ qu’il y a, en matière civile, incompatibilité entre l’indifférence de la bonne foi à la caractérisation de la contrefaçon et l’admission de l’exception de rencontre fortuite ; qu’en accueillant en l’espèce l’exception de rencontre fortuite, la cour d’appel n’a en réalité accueilli qu’une exception de bonne foi, inopérante en matière civile ; qu’elle a ainsi violé les articles L. 111-1, alinéa 1, L. 111-2 et L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle ;
3°/ que le droit d’auteur naît du seul fait de la création de l’oeuvre, indépendamment de sa divulgation et plus encore de son dépôt éventuel ; qu’en retenant que l’auteur ne démontre pas, par les attestations produites, que l’oeuvre intitulée For Ever alors diffusée est identique à celle qu’il a déclarée le 7 juillet 1994 et qui fait l’objet de la présente procédure, la cour d’appel a imposé à l’auteur de démontrer que son oeuvre a fait l’objet d’une diffusion suffisante permettant au contrefacteur d’en prendre directement connaissance, ce que la loi n’impose nullement, et a ainsi violé l’article L.111-1, alinéa 1, du code de la propriété intellectuelle, ensemble l’article 1315 ancien du code civil, devenu 1353 du code civil ;
4°/ que l’auteur n’a pas à réfuter l’argumentation du contrefacteur selon laquelle ce dernier n’aurait pas eu accès à l’oeuvre ; que c’est au contrefacteur prétendu qu’il incombe de prouver qu’il n’a pu accéder à l’oeuvre ; qu’en retentant que l’auteur “ne justifie pas de la perception d’un droit ne démontre pas, par ces attestations, que l’oeuvre intitulée For Ever alors diffusée est identique à celle qu’il a déclarée le 7 juillet 1994 et qui fait l’objet de la présente procédure ne verse pas aux débats de pièces justifiant d’une renommée particulière de ces discothèques”, la cour d’appel a inversé la charge de la preuve en violation de l’article 1315 ancien du code civil, devenu 1353 du code civil. »
Réponse de la Cour
4. Il résulte des articles L. 111-1, L. 111-2 et L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle que l’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur celle-ci, du seul fait de sa création et indépendamment de toute divulgation publique, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous, et que la contrefaçon de cette oeuvre résulte, indépendamment de toute faute ou mauvaise foi, de sa seule reproduction et ne peut être écartée que lorsque celui qui la conteste démontre que les similitudes existant entre les deux oeuvres procèdent d’une rencontre fortuite ou de réminiscences issues d’une source d’inspiration commune.
5. Après avoir énoncé, à bon droit, qu’il appartient à celui qui invoque l’existence d’une rencontre fortuite d’en rapporter la preuve par la production de tous éléments utiles, c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, sans accueillir une exception de bonne foi ni inverser la charge de la preuve, que la cour d’appel a estimé que M. [Y] établissait que l’oeuvre « For Ever » avait eu une diffusion limitée en Suisse sur la station « Radio Rhône », ainsi que dans un bar et des discothèques, et que, si celui-ci s’était produit à Lausanne les 11 et 12 juin 1994, cette station n’y était pas reçue et les établissements en cause en étaient éloignés, de sorte qu’il n’en avait pas eu connaissance et que les similitudes entre les oeuvres en cause résultaient d’une rencontre fortuite, exclusive d’une contrefaçon.
6. Le moyen n’est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [L] aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq octobre deux mille vingt-deux.