Droits des Compositeurs : 30 juin 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/12261

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Droits des Compositeurs : 30 juin 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/12261
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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-2

ARRÊT AU FOND

DU 30 JUIN 2023

N° 2023/221

Rôle N° RG 19/12261 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BEVS3

[Z] [H]

C/

Etablissement Public LYCÉE [3]

Copie exécutoire délivrée

le : 30 juin 2023

à :

Me Alexandra BEAUX, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

(Vestiaire 16)

Me Matthieu DARMON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

(Vestiaire 366)

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation de départage d’AIX EN PROVENCE en date du 13 Juin 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F 15/00683.

APPELANT

Monsieur [Z] [H], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Alexandra BEAUX, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

Etablissement Public LYCÉE [3] représenté par son Proviseur en exercice, domicilié es qualité au siège de l’établissement, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Matthieu DARMON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 03 Mai 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseillère, chargé du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre

Madame Véronique SOULIER, Présidente de chambre suppléante

Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Cyrielle GOUNAUD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 30 Juin 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 30 Juin 2023

Signé par Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre et Mme Cyrielle GOUNAUD, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCEDURE

Monsieur [Z] [H], dit ‘[B]’ (nom d’artiste), est intermittent du spectacle inscrit auprès du Guichet Unique du Spectacle Occasionnnel (GUSO) et relève de l’Assurance Chômage de la Caisse des Congés spectacles.

Soutenant avoir été lié au Lycée [3] par un contrat de travail et sollicitant notamment des dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat, Monsieur [H] a saisi le 19 avril 2012 la formation de référé du conseil de prud’hommes d’Aix-en-Provence de demandes financières pour rupture abusive d’un contrat de travail.

Par ordonnance de référé du 3 août 2012, la formation de référé du conseil a dit n’y avoir lieu à référé en l’état de contestations sérieuses sur l’existence d’une relation de travail.

Monsieur [Z] [H] a saisi le 10 décembre 2012 le conseil des prud’hommes d’Aix-en-Provence, section activités diverses, lequel, par jugement rendu le 8 septembre 2014, s’est déclaré incompétent au motif que la présomption de salariat était levée au regard de la relation commerciale entre ‘[B]’ et le Lycée [3], a invité les parties à former leurs demandes éventuelles devant une autre juridiction et dit que les dépens restaient à la charge respectives des parties.

Par arrêt du 29 mai 2015, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a :

– infirmé le jugement entrepris en ce qu’il s’est déclaré incompétent et invité les parties à former leurs demandes devant une autre juridiction,

– reçu Monsieur [Z] [H] en son contredit,

– dit le conseil de prud’Hommes d’Aix-en-Provence compétent,

– ordonné le renvoi de l’affaire devant cette juridiction,

– dit que la présente décision et l’entier dossier seront transmis au greffe du conseil de prud’hommes d’Aix-en-Provence par les soins du greffe,

– rejeté les demandes plus amples ou contraires,

– condamné le Lycée [3] aux entiers dépens.

Le conseil de prud’hommes s’est déclaré en partage de voix par procès-verbal du 23 février 2017.

Par jugement du 13 juin 2019 notifié le 2 juillet 2019, le conseil de prud’hommes d’Aix-en-Provence, en sa formation de départage, a ainsi statué :

– prononce la nullité relative du contrat de travail invoqué par Monsieur [Z] [H],

– déboute Monsieur [Z] [H] de l’ensemble de ses demandes,

– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– rejette toute autre demande ou plus ample,

– condamne Monsieur [Z] [H] aux entiers dépens.

Par déclaration du 25 juillet 2019 notifiée par voie électronique, Monsieur [H] a interjeté appel du jugement et sollicité son infirmation en toutes ses dispositions.

Par conclusions notifiées le 12 janvier 2020, l’établissement public Lycée [3] a interjeté appel incident de ce jugement en ce qu’il l’a débouté de ses demandes reconventionnelles.

PRÉTENTIONS ET MOYENS

Dans ses dernières conclusions notifiées au greffe par voie électronique le 20 mars 2023, Monsieur [Z] [H], appelant, demande à la cour de :

– le recevoir en son appel et le dire bien fondé,

– infirmer le jugement rendu le 13 juin 2019 par le conseil de prud’hommes d’Aix-en-Provence

en ce qu’il a prononcé la nullité relative du contrat de travail qu’il a invoqué, l’a débouté de l’ensemble de ses demandes, dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et l’a condamné aux entiers dépens,

statuant à nouveau,

– dire et juger que l’artiste intermittent du spectacle Jean [H] et l’EPLE Lycée [3] sont liés par un contrat de travail à durée déterminée en date du 13 décembre 2011 consistant en la production de deux spectacles en date du 9 février 2012,

– dire et juger que le contrat de travail du 13 décembre 2011 est valable,

– dire et juger que l’EPLE Lycée [3] a rompu ce contrat de travail avant l’échéance du terme,

– dire et juger que la rupture du contrat n’est ni fondée sur la faute du salarié, ni sur un cas de force majeure,

– qu’en tout état, l’EPLE Lycée [3] n’a pas respecté la clause de report prévu au contrat,

– condamner en conséquence, l’EPLE Lycée [3] à lui payer les sommes suivantes :

– 1 485,00 euros au titre de dommages et intérêts pour rupture abusive de contrat correspondant aux deux concerts annulés et non reportés,

– 1 778,19 euros x 6 mois de salaire au titre de l’indemnité forfaitaire due pour défaut de DPAE, soit 10 669,14 euros,

– 44,00 euros au titre des indemnités repas stipulées par contrat (2 x 22 €),

– 1008,11 euros au titre des frais professionnels engagés par le salarié pour se rendre jusqu’en Normandie,

– 183,60 euros au titre des frais de péage,

– 842,16 euros au titre de la baisse du taux journalier du salarié sur ses indemnités Pôle Emploi à cause des concerts non comptabilisés,

– 270,28 euros au titre du paiement de congés payés ou congés ‘Spectacle’ non versés à l’artiste,

– 453,86 euros au titre des droits d’auteur-compositeur non perçus suite aux deux concerts annulés par l’employeur,

– 4 000,00 euros au titre de l’atteinte portée à son image de confiance suite à la campagne en dénigrement,

– 5 000,00 euros au titre du préjudice lié à l’atteinte à la réputation et à l’image de marque de l’artiste,

– 1 856,64 euros au titre des journées de travail perdues par le salarié à cause du producteur,

– condamner l’employeur au paiement des intérêts légaux sur l’ensemble des condamnations à

compter de la demande en justice initiale en date du 19 avril 2012,

– confirmer le jugement pour le surplus,

– débouter l’EPLE Lycée [3] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

en tout état de cause,

– condamner l’EPLE Lycée [3] à lui payer la somme de 3 500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner l’EPLE Lycée [3] aux entiers dépens.

A l’appui de son recours, l’appelant fait valoir en substance que :

– les deux contrats signés procédaient de deux projets différents, d’une part, deux concerts prévus le 9 février 2012 par le chanteur ‘[B]’, soit lui-même seul, et d’autre part, un projet plus axé sur l’Espagne, prévu initialement le 6 février 2012, pour les élèves d’espagnol du Lycée [3] et ceux du Collège [5] voisin ;

– un premier contrat de travail a été signé le 13 décembre 2011 entre lui (intermittent du spectacle) et le Lycée  [3] pour un salaire total de 1 485,00 euros puis, une convention du 16 janvier 2012 a été passée entre l’association Semaya présidée par son épouse et le Lycée pour une prestation d’un montant de 1 815,00 euros ;

– le contrat conclu le 13 décembre 2011, qui bénéficie de la présomption de salariat applicable aux artistes du spectacle vivant, est un contrat de travail valable ;

– s’agissant de la forme du document, aucun formalisme n’est exigé par la loi, sauf à ce que les éléments essentiels soient inscrits, à savoir le prix, l’objet du contrat ainsi que les conditions particulières, ce qui est le cas en l’espèce ;

– la cause du contrat était de produire un spectacle musical pour des élèves au sein d’un Lycée, soit un objet licite et certain ;

– l’EPLE [3] ne démontre pas l’existence d’un dol, étant précisé que l’établissement avait connaissance de sa profession et ne justifie pas que, malgré la convention signée avec une

association distincte, il n’aurait pas été embauché ;

– toute erreur de l’établissement présenterait sinon un caractère inexcusable, le Lycée devant, avant de signer, se renseigner sur la qualité et le statut des intervenants extérieurs ;

– il y a eu rupture du contrat à durée déterminée de manière brutale et injustifiée ;

– le Lycée [3] ne justifie ni l’existence d’un cas de force majeure ou d’une faute grave ;

– en tout état de cause, le contrat prévoyait expressément que les spectacles devaient être reportés en cas de ‘force majeure’ selon le calendrier et les disponibilités de ‘[B]’ ;

– il a subi divers préjudices du fait de l’annulation des deux spectacles dont il sollicite l’indemnisation de même que le remboursement des frais de péage engagés pour se rendre en Normandie.

Dans ses dernières écritures transmises au greffe par voie électronique le 22 mars 2023, l’établissement public local d’enseignement (EPLE) Lycée [3] demande à la cour de :

– le recevoir en son appel incident du jugement du 13 juin 2019 attaqué,

à titre principal,

vu les articles 1108, 1110, 1116 et 1131 du code civil dans leur version en vigueur à la date des faits,

vu l’article L. 1411-1 du code du travail,

vu les articles 32, 32-1 et 122 du code de procédure civile,

– juger que le contrat de travail invoqué par l’appelant est nul en raison de l’absence de ’cause’

dans l’obligation contractée par les parties,

– juger que le contrat de travail invoqué par l’appelant est nul en raison du ‘dol’ par man’uvres

et réticence qui lui est imputable, lequel a été déterminant du consentement de l’intimé à signer

l’acte,

– juger que le contrat de travail invoqué par l’appelant est en toute hypothèse nul en raison d’une

‘erreur’ excusable de l’intimé sur la substance même de la chose qui en était l’objet, ainsi que

sur l’identité du cocontractant,

– confirmer par conséquent le jugement querellé en ce qu’il a prononcé la nullité du contrat de travail, débouté Monsieur [Z] [H] de toutes ses demandes et condamné ce dernier aux dépens,

– prononcer la nullité du prétendu ‘contrat de travail’ invoqué par l’appelant,

– débouter Monsieur [Z] [H] de toutes ses demandes quel qu’en soit l’objet,

et, statuant sur les demandes de l’intimé,

formulées au titre de l’appel incident ou en cause d’appel,

– infirmer le jugement de départage querellé en ce qu’il a débouté le Lycée [3] de ses demandes reconventionnelles,

– condamner Monsieur [Z] [H], notamment si le ‘dol’ est confirmé, à lui payer 3 000,00 euros de dommages et intérêts en réparation de l’entier préjudice que lui ont causé les agissements dolosifs et la procédure abusivement engagée,

– le condamner à lui payer une somme de 5 000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles engagés en première instance (2 500,00 euros) et en appel (2 500,00 euros),

– condamner Monsieur [Z] [H] aux entiers dépens de l’instance d’appel,

à titre subsidiaire,

si par impossible la cour jugeait qu’un ‘contrat de travail’ valide a été conclu :

vu l’article L. 1243-4 du code du travail,

– dire et juger qu’il ne peut être dû aucune indemnité à Monsieur [Z] [H] pour

la rupture du contrat à durée déterminée qui est justifiée par un cas de ‘force majeure’,

– débouter Monsieur [Z] [H] de toutes ses demandes quel qu’en soit l’objet,

– condamner Monsieur [Z] [H] à lui payer une somme de 5.000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles engagés en première instance (2 500,00 euros) et en appel (2 500,00 euros),

– condamner Monsieur [Z] [H] aux entiers dépens de l’instance,

et très subsidiairement,

si la force majeure devait ne pas être admise :

vu l’article L. 1243-4 du code du travail,

– chiffrer les dommages et intérêts accordés à [Z] [H] pour ‘rupture abusive du contrat de travail à durée déterminée’ (CDD) à la somme de 1 485,00 euros tel que sollicité,

– débouter Monsieur [Z] [H] de toutes autres demandes qu’il présente au titre

de l’annulation des spectacles du 9 février 2012 (demandes en lien avec la perte de contrat),

– débouter plus généralement Monsieur [Z] [H] de toutes ses autres demandes

quel qu’en soit l’objet,

– dire que les intérêts légaux sur la (les) condamnation(s) ne courront qu’à compter de l’arrêt,

– dire n’y avoir lieu, en équité, à application de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Lycée [3] invoque la nullité du contrat de travail revendiqué par Monsieur [H] pour absence de cause au visa des anciens articles 1108 et 1131 du code civil et pour vices du consentement pour dol ou à tout le moins erreur excusable sur le fondement des articles anciens 1110, 1116 du code civil.

L’établissement scolaire explique avoir été trompé sur la nature du document soumis à sa signature et ne pas avoir signé de contrat de travail en connaissance de cause. Il précise que le document (un ‘coupon-réponse’) ne ressemblait pas à un contrat de travail et lui a été présenté comme un document de réservation destiné à bloquer la date du 9 février 2012. Selon lui, l’intention dolosive de Monsieur [H] se déduit du fait que l’artiste savait que le choix du lycée était de recourir à une prestation de service exclusive d’un quelconque contrat de travail et de faire exclusivement appel à une association. Il ajoute que s’il n’avait pas été induit en erreur sur l’objet du coupon-réponse qualifié a posteriori par l’artiste de ‘contrat de travail’, il n’aurait pas signé ce document.

Il relève que le proviseur ‘ à l’instar de toute personne normalement prudente et diligente ‘ ne pouvait avoir le 13 décembre 2011 (date de signature) de raison de soupçonner qu’il signait un acte indépendant de la commande faite à l’association Semaya, et donc de raison sérieuse d’effectuer des recherches à ce sujet, son erreur apparaissant parfaitement ‘excusable’ et même normale.

A titre subsidiaire, l’établissement fait valoir que les circonstances ayant conduit à l’annulation des représentations du 9 février 2012 caractérisent bien un ‘cas de force majeure’ au sens de l’article L. 1243-4 du code du travail (ancien article L. 122-3-8) ; que le blocage du réseau routier et du service de ramassage scolaire à la suite d’intempéries exceptionnelles, était imprévisible, irrésistible et extérieur à la volonté des parties. Il souligne également le caractère abusif et illégal de la clause interdisant la rupture et prévoyant uniquement la possibilité d’un report en cas de force majeure selon les seules disponibilités de l’artiste sans tenir compte des contraintes de l’établissement d’accueil et dit avoir fait preuve de bonne foi et de bonne volonté dans la recherche d’une date de report des prestations annulées.

A titre très subsidiaire, il soutient que seule la somme de 1485,00 euros pourrait être octroyée au titre de la rupture abusive du contrat à durée déterminée, l’ensemble des autres sommes réclamées étant injustifiées.

Une ordonnance de clôture est intervenue le 3 avril 2023, renvoyant la cause et les parties à l’audience des plaidoiries du 3 mai suivant.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la présomption de salariat :

Selon l’article L.7121-3 du code du travail, tout contrat par lequel une personne s’assure moyennant rémunération le concours d’un artiste du spectacle en vue de sa production est présumé être un contrat de travail dès lors que cet artiste n’exerce pas l’activité qui fait l’objet de ce contrat dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce.

L’article L.7121-4 du même code précise que la présomption de l’existence de contrat de travail subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée au contrat par les parties et même s’il est prouvé que l’artiste conserve la liberté d’expression de son art, qu’il est propriétaire de tout ou partie du matériel utilisé ou qu’il emploie lui-même une ou plusieurs personnes pour le seconder dès lors qu’il participe personnellement au spectacle.

La présomption légale porte sur l’existence d’un lien de subordination juridique entre l’artiste et la personne qui l’a engagé, la seule condition exigée étant que l’artiste participe personnellement au spectacle.

En l’espèce, Monsieur [H] produit un document se présentant comme un formulaire pré-établi intitulé ‘SPECTACLE [B], musiques, chants et culture d’Amérique Latine’qui a été complété manuscritement et signé par la Proviseure du Lycée [3] à la date du 13 décembre 2011.

Le document est rédigé comme suit :

‘Je sous-signée, Mme / Mr … [U]… déclare produire dans mon établissement, de façon ponctuelle, le spectacle de [S] [H] demeurant (…) le 09/02/2012 après-midi pour deux spectacles.

Nom de l’établissement : … LPO [3] …

Adresse postale : … [Adresse 1] … Ville : … [Localité 4] …

E-mail de l’établissement : … (…)

(…)

Merci de retourner ce coupon sous 10 jours afin de ne pas bloquer cette date pour d’autres établissements

Le cachet sera de 5,50 € par élève pour 135 élèves participants au moins par spectacle.

Au niveau technique, 4 tables et une arrivée électrique suffiront.

Une partie du montant global de ce contrat sera attribuée aux frais de déplacement, défraiement… Deux repas, prévus au réfectoire, seront pris en compte par l’établissement.

L’artiste sera sur les lieux environ 1 heure avant le concert qui pourra être reporté en cas de force majeure et selon les disponibilités de [B]’. (parties en italique complétées par le Lycée [3]).

Il ne fait pas débat que Monsieur [H] n’est pas inscrit au registre du commerce et des sociétés.

Ainsi, sur la base de ce seul document, il existe une présomption de contrat de travail entre Monsieur [H], d’une part, et le Lycée [3], d’autre part. Ce point n’est pas discuté par les parties, ayant d’ailleurs déjà été tranché par la cour d’appel d’Aix-en-Provence par arrêt du 29 mai 2015.

Le Lycée [3] remet uniquement en cause la validité de l’acte qu’il a signé le 13 décembre 2011.

Sur la nullité du contrat pour absence de cause :

En vertu de l’article 1108 du code civil, dans sa version en vigueur jusqu’au 1er octobre 2016, ‘Quatre conditions sont essentielles pour la validité d’une convention :

Le consentement de la partie qui s’oblige ;

Sa capacité de contracter ;

Un objet certain qui forme la matière de l’engagement ;

Une cause licite dans l’obligation.’

L’article 1131 du code civil, dans sa version en vigueur jusqu’au 1er octobre 2016, précise que ‘l’obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une cause illicite, ne peut avoir aucun effet’.

Le Lycée [3] fait valoir d’abord que le contrat revendiqué par Monsieur [H] est nul pour défaut de cause en application des articles 1108 et 1131 du code civil en ce que les concerts du 9 février 2012 avaient déjà été commandés à un prestataire de service (l’association Semaya présidée par Madame [H], épouse de l’appelant) qui avait pris l’engagement de les réaliser.

Pour en justifier, Le Lycée [3] se réfère aux pièces suivantes :

– un document intitulé ‘Projet culturel dans le cadre de la liaison 3ème – 2nd Après-midi CONCERT et ECHANGES – SENMAYA’ établi par les ‘Professeurs d’espagnol’ du Lycée [3] et du collège Rosa Park des Andelys qui précise : ‘Il s’agit de faire appel à une association qui propose un voyage sur les terres de l’Amérique latine et de l’Espagne, grâce au support de mélodies, de textes traditionnels et d’instruments typiques.

Les élèves assiteront au concert au lycée [3]. Cette rencontre n’est possible qu’avec le concours des deux établissements puisqu’il faut assurer un certain nombre de places.(…)

Cet après-midi se déroulera le jeudi 9 février de 14 à 17h et concerne 77 élèves de 3ème.

Budget : 5 euros 50 par 77 élèves = 423,50 euros’ ;

– une attestation en date du 3 juillet 2012 émanant de Madame [K] [L], professeure d’espagnol, qui indique ‘Je déclare sur l’honneur que les 2 représentations de monsieur [H] de l’association Semaya devaient avoir lieu le jeudi 09 février à 13H45 pour le groupe 1 et à 15h45 pour le groupe 2. (…) Monsieur [H] m’a fait parvenir avec l’affiche de [B] (document joint) un bon de réservation avec coupon-réponse afin de confirmer la date du jeudi 09 février après-midi. J’ai transmis ces documents au secrétariat de Madame le Proviseur'(…) ;

– une seconde attestation en date du 6 septembre 2016 de Madame [K] [L], professeure d’espagnol, qui relate avoir reçu par l’intermédiaire du rectorat un document faisant la promotion de ‘[B]’ et avoir demandé des renseignements par courriel. Elle précise avoir eu un contact téléphonique le 19 novembre 2011 avec Monsieur [H] ‘pour les disponibilités et démarches’ et avoir ‘bien mentionné à cette occasion que le lycée lui ferait parvenir un convention afin d’officialiser sa venue (…) et que cette convention devait nous être retournée signée par cette association’. Elle ajoute : ‘Je précise qu’il n’a jamais été question lors de notre conversation de signer un contrat de travail ou de le recruter personnellement en qualité d’artiste intermittent mais bien de recourir aux services de l’association qu’il représentait’. Elle dit avoir adressé à Monsieur [H] un SMS pour confirmer la date du 9 février 2012 et avoir reçu le soir même un courriel avec ‘un coupon de réservation’ (…) ‘document dont il avait besoin selon ses dires uniquement pour bloquer la date et ‘éviter tout quiproquo’. Il m’avait d’ailleurs précisé que pour le reste ‘on pourra affiner plus tard’ (cf. son mail). (…) A aucun moment ce document ne nous a été présenté comme le contrat proprement dit. A aucun moment nous n’avons eu de doute sur la nature du document puisqu’il était bien convenu de signer une convention avec un prestataire pour laquelle un budget a été voté’ ;

– un courriel du 19 novembre 2011 émanant de ‘[S]’ (adresse : [Courriel 6]) adressé à Madame [K] [L] : ‘Bonsoir [K], J’ai bien reçu le SMS, ce matin. Merci pour la réponse rapide car justement, je devais confirmer cette semaine à d’autres établissements. Je garde donc le 09/02/2012. Voici ce petit coupon réponse habituel, à me retourner signé par le chef d’établissement. pour éviter tout quiproquo. J’espère que vous pourrez me le renvoyer dès le début de la semaine pour que je puisse dire aux autres collèges que le date est prise.

Pour le reste, on pourra affiner plus tard.

Hasta prontito et bon week end !

[S]’ ;

– un courriel du 29 novembre 2011 adressé par Monsieur [F], gestionnaire au Lycée [3], à Monsieur [H] et indiquant : ‘vous devez venir aux Andelys pour assurer une représentation le 06 février. Nous avons besoin d’établir une convention avec vous afin de pouvoir régler ensuite la facture. Pourriez-vous me communiquer le nom de l’association que vous représentez ainsi que son numéro de SIRET’ ;

– la réponse par courriel de Monsieur [H] du 29 novembre 2011 : ‘Veuillez trouver en pièce jointe la convention demandée pour le spectacle du 9 février’ ;

– ladite convention entre l’association Semaya, représentée par Madame [H] présidente, et le Lycée [3] rédigée dans ces termes :

‘Art. 1: L’association Semaya effectuera dans l’établissement deux spectacles pédagogiques de musique sud américaine, le mardi jeudi 09 février 2012.

Art. 2 : L’indemnité de l’association, après service rendu, est fixée à 5,50 € par élève, avec 165 élèves participants au moins, par spectacle.

Art. 3 : La présente convention est signée pour la durée de la prestation.’

La convention dactylographiée comprend des parties à compléter : nom et qualité du représentant du Lycée [3], date et lieu de la signature. Elle était présignée pour l’association par la présidente Madame [H] et a été signée par la proviseure du lycée, Madame [U] le 16 janvier 2012 ;

– une décision n°26 du conseil d’administration du Lycée [3] du 1er décembre 2011 transmise par le président du conseil d’administration le 8 décembre 2011 autorisant la cheffe d’établissement à ‘signer la convention avec l’association Semaya pour son intervention dans l’établissement le jeudi 9 février’ » ;

– une décision n°27 du conseil d’administration du Lycée [3] du 1er décembre 2011 transmise par le président du conseil d’administration le 8 décembre 2011 délibérant sur l’objet suivant : ‘le montant de la participation par élève pour assister au spectacle du chanteur Semaya le 09 février 2012 : 5,50€’;

– une fiche d’information rédigée par la Commission Rectorale d’Action Culturelle, non datée, relative à ‘[B] Musiques, Chants et Culture d’Amérique Latine Association loi 1901 Responsable : [H] [Z] (…)’ ;

– une fiche de présentation du spectacle mentionnant notamment qu’ ‘Au-delà de 280 élèves, 2 concerts possibles dans la même demi-journée, mais au moins 135 élèves par spectacle (43 € en sus si facturation Association)’.

La cour constate qu’à la date de signature du document litigieux, la contrepartie convenue était deux spectacles réalisés par l’artiste Monsieur [H], dit ‘[B]’, le 9 février 2012 après-midi (à 13h45 et 15h45) pour l’établissement scolaire concerné ; qu’il n’est dès lors pas mis en évidence une absence de cause du contrat.

Le premier moyen soulevé par le Lycée [3] remettant en cause la validité du contrat sera par conséquent écarté.

Sur la nullité du contrat pour vices de consentement :

Il résulte de l’article L1221-1 du code du travail que ‘le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun. Il peut être établi selon les formes que les parties contractantes décident d’adopter’.

Selon l’article 1109 du code civil, dans sa version applicable au présent litige, ‘il n’y a point de consentement valable si le consentement n’a été donné que par erreur ou s’il a été extorqué par violence ou surpris par dol’.

L’article 1110 du code civil, dans sa version applicable au présent litige, ‘l’erreur n’est une cause de nullité de la convention que lorsqu’elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l’objet.

Elle n’est point une cause de nullité lorsqu’elle ne tombe que sur la personne avec laquelle on a intention de contracter, à moins que la considération de cette personne ne soit la cause principale de la convention’.

L’article 1116 du code civil dans sa version applicable au présent litige, précise que ‘le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces manoeuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté.

Il ne se présume pas et doit être prouvé.’

Le Lycée [3] explique avoir été trompé sur la nature du document soumis à sa signature, sur l’identité de son auteur et ne jamais avoir signé de contrat de travail en connaissance de cause. Il se réfère pour l’essentiel aux pièces rappelées dans les développements précédents.

Selon l’intimé, l’intention dolosive de Monsieur [H] se déduit du fait que l’artiste savait que le choix du Lycée était de recourir à une ‘prestation de service’ exclusive d’un quelconque contrat de travail. Il souligne que s’il n’avait pas été induit en erreur sur l’objet du coupon-réponse qualifié a posteriori par l’artiste de ‘contrat de travail’, il n’aurait pas signé ce document. Il indique que la transmission du ‘coupon’ s’est accompagnée de propos trompeurs et équivoques de l’artiste quant à la nature du document ; que le document litigieux ne ressemble pas à un ‘contrat de travail’ et ne comporte aucune indication sur sa nature ; que les mentions figurant sur le document ont inévitablement, à la date de sa signature, semé la confusion ; qu’enfin, il justifie ne jamais avoir imaginé avoir conclu un ‘contrat de travail’. Il observe que le nom de scène ‘[B]’ figurant sur l’imprimé se confond presque avec celui de la cocontractante du Lycée, l’association ‘Semaya’ ; que l’adresse électronique visée ([Courriel 6].) est la même que celle depuis laquelle la convention liant le Lycée à l’association Semaya a été transmise, de même que l’adresse postale ou le tarif convenu (5,50 euros par élève).

En l’espèce, si la fiche de présentation du spectacle précise que la facturation peut être effectuée directement à l’artiste intermittent ou par le biais d’une association, il résulte des pièces versées aux débats et notamment du courriel de Monsieur [F], gestionnaire au lycée [3], qui sollicite la transmission de la convention avec l’association, ainsi que des témoignages de Madame [K] [L], professeure d’espagnol, que le Lycée [3] a toujours entendu contracter uniquement avec une association pour les deux prestations du 9 février 2012.

Contrairement aux explications confuses de Monsieur [H], aucune pièce ne permet d’établir l’existence de deux projets distincts à savoir d’une part, une représentation qui aurait été initialement été prévue le 6 février 2012 puis reportée au 9 février 2012 faisant l’objet d’une convention passée avec l’association Semaya et d’autre part, deux représentations de Monsieur [H] prévues également le 9 février 2012 ayant donné lieu au contrat du 13 décembre 2011. En effet, la date du 6 février, qui apparaît une seule fois dans le courriel de Monsieur [F], est manifestement une erreur matérielle, Monsieur [H] répondant à ce dernier le jour même en faisant référence à la date du 9 février 2012 et adressant la convention avec l’association Semaya mentionnant cette même date. Par ailleurs, Monsieur [H] évoque, s’agissant de la convention signée avec l’association Semaya, un projet plus axé sur l’Espagne avec ateliers, repas, exposition alors que la convention fait état de ‘deux spectacles pédagogiques de musique sud américaine’.

L’examen de la chronologie des différents échanges ne permet pas d’établir des manoeuvres dolosives de la part de l’artiste lorsqu’il envoie le 19 novembre 2011 le document litigieux qu’il ne signe pas et dans lequel il n’est pas fait référence à une association. Si une incompréhension a pu survenir entre l’artiste et la professeure d’espagnole lors de leur échange téléphonique, lorsque Monsieur [F], gestionnaire au lycée [3], sollicite par courriel une convention établie par une association à Monsieur [H], celui-ci la transmet aussitôt. Cette convention est établie et signée par l’association Semaya présidée par l’épouse de Monsieur [H] et porte sur les deux spectacles de l’après-midi du 9 février 2012 au prix convenu par élève. A compter de cette date, Monsieur [H] est donc informé que l’établissement scolaire souhaite contracter avec une association. Le 1er décembre 2011, le conseil d’administration du lycée [3] se prononce d’ailleurs exclusivement sur cette convention et donne l’autorisation à la cheffe d’établissement de la signer.

Ainsi, lorsque la proviseure signe le 13 décembre 2011 le document litigieux transmis le 19 novembre 2011 par Monsieur [H] (et non signé par ce dernier) et le lui renvoie, elle vient d’obtenir l’autorisation de signer la convention avec l’association Semaya adressée par l’artiste, qu’elle signe peu après le 16 janvier 2012.

Eu égard aux différents échanges et à la rédaction ambigüe du ‘coupon réponse’ à renvoyer et non signé par Monsieur [H] (‘Merci de retourner ce coupon sous 10 jours afin de ne pas bloquer cette date pour d’autres établissements’), le Lycée [3] rapporte la preuve qu’en signant ce document, il a contracté par erreur ; qu’il s’est mépris sur la portée de l’acte qu’il signait et plus particulièrement sur la qualité du cocontractant et l’objet du contrat ; qu’il a entendu, en signant ce document, réserver la date du 9 février 2012 avant de transmettre la convention signée avec l’association Semaya portant sur les mêmes prestations ; que la similarité des noms de l’association et de l’artiste, la mention de la même adresse postale et l’utilisation d’un e-mail identiques ont par ailleurs ajouté à la confusion.

La cour retient que cette erreur présente un caractère excusable et n’est pas imputable à l’établissement scolaire ; que Monsieur [H] savait à ce stade que le Lycée [3] ne souhaitait contracter qu’avec une association ; que la qualité d’association du cocontractant était déterminante pour l’établissement scolaire qui s’était engagé lors des échanges uniquement sur ce point ; que Monsieur [H] n’a d’ailleurs pas réagi lorsque la convention signée avec l’association lui a été adressée en janvier 2012.

En conséquence, il y a lieu de dire que le contrat du 13 décembre 2011 n’est pas valablement conclu et doit être déclaré nul. Le jugement déféré est confirmé en ce sens.

La nullité produisant un effet rétroactif, le contrat annulé est censé n’ avoir jamais existé.

Le jugement déféré est également confirmé en ce qu’il a dit que le litige relatif à l’exécution du contrat passé entre l’association Semaya et l’établissement public local d’enseignement (EPLE) Lycée [3] relevait de la compétence de la juridiction administrative et débouté les demandes indernnitaires relatives à la rupture abusive du contrat du 13 décembre 2011.

Le jugement déféré est en outre confirmé en ce qu’il a rejeté, en l’absence de contrat de travail valide, la demande d’indemnité pour défaut de DPAE, les demandes en paiement d’indemnités de repas, de frais professionnels, de congés payés (ou congés ‘Spectacle’ non versés à l’artiste), de droits d’auteur-compositeur non perçus et les demandes de dommages et intérêts pour atteinte à l’image de confiance de Monsieur [H], à la réputation et à l’image de marque de l’artiste ainsi qu’au titre des journée de travail perdues.

Sur la demande reconventionnelle de l’EPLE Lycée [3] :

En l’absence de démonstration d’une volonté de nuire ou de dol, le jugement déféré est confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formulée par l’EPLE Lycée [3].

Sur les demandes accessoires :

Il y a lieu enfin de confirmer le jugement déféré en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.

Monsieur [H], qui succombe, sera condamné aux dépens d’appel.

L’équité ne recommande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel. Les demandes de l’ensemble des parties à ce titre présentées à ce titre seront donc rejetées.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y AJOUTANT,

CONDAMNE Monsieur [Z] [H] aux dépens d’appel,

DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et déboute les demandes formées à ce titre pour les frais irrépétibles exposés en cause d’appel.

Le greffier Le président

 


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