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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 1
ARRET DU 20 SEPTEMBRE 2023
(n°110/2023, 12 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 21/10560 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDZ4N
Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Avril 2021 – Tribunal Judiciaire de PARIS 3ème chambre – 2ème section – RG n° 19/08524
APPELANT
Monsieur [V] [YX]
Né le 22 Mai 1971 à [Localité 8] (42)
De nationalité française
Demeurant [Adresse 7]
[Localité 1]
Représenté par Me Crystal MAGUET, avocat au barreau de PARIS, toque : U0001
Assisté de Me Elisabeth BEDROSSIAN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, toque A 164
INTIMES
Monsieur [H] [M]
Demeurant [Adresse 3]
[Localité 6]
N’ayant pas constitué avocat
Madame [VV] [F]
Demeurant [Adresse 3]
[Localité 6]
N’ayant pas constitué avocat
S.A. EUROPACORP
Société au capital de 13 932 353,06 euros
Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de BOBIGNY sous le numéro B384 824 041
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Luca DE MARIA de la SELARL PELLERIN – DE MARIA – GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018
Assistée de Me Isabelle GIMONET, avocat au barreau de PARIS, toque : C2338
S.E.L.A.R.L. [G] MJ
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège
Es qualités de commissaire à l’exécution du plan de la société EUROPACORP, nommée à ces fonctions par jugement du Tribunal de Commerce de Bobigny du 24 juillet 2020
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentée par Me Luca DE MARIA de la SELARL PELLERIN – DE MARIA – GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018
Assistée de Me Isabelle GIMONET, avocat au barreau de PARIS, toque : C2338
S.E.L.A.F.A. MJA
Prise en la personne de Maître [U] [D], es qualités de commissaire à l’exécution du plan de la société EUROPACORP nommé à cette fonction par jugement du Tribunal de Commerce de Bobigny du 24 juillet 2020
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Luca DE MARIA de la SELARL PELLERIN – DE MARIA – GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018
Assistée de Me Isabelle GIMONET, avocat au barreau de PARIS, toque : C2338
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 mai 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Françoise BARUTEL, conseillère et Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport.
Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre
Mme Françoise BARUTEL, conseillère
Mme Déborah BOHÉE, conseillère.
Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON
ARRÊT :
par défaut
par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Carole TREJAUT, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
M. [V] [YX] se présente comme l’auteur d’un scénario intitulé Le Passage, qui a été déposé à la SACD (société des auteurs et compositeurs dramatiques) le 6 mai 2011, enregistré pour une durée de 5 années, ce dépôt ayant été renouvelé le 6 mai 2021 pour une nouvelle durée de 5 ans.
La société EUROPACORP, qui a été fondée et est présidée par M. [H] [M], auteur, réalisateur et producteur, a pour activité la production et la distribution d”uvres audiovisuelles. Elle a bénéficié d’une procédure de sauvegarde, ouverte par jugement du tribunal de commerce de Bobigny en date du 13 mai 2019. Par jugement du 24 juillet 2020, ce même tribunal a homologué le plan de sauvegarde et désigné en qualité de commissaires à l’exécution du plan, la SELARL [G] MJ et SELAFA MJA, qui sont représentées à la présente procédure.
M. [YX] expose que dans l’optique de la réalisation d’un film sur la base de son scénario, il a d’abord, en octobre 2011, transmis ce scénario à des personnes travaillant pour EUROPACORP, à savoir, Mmes [B] [I] et [SH] [WS], avant de le remettre, en novembre 2011, à Mme [P] [Z], assistante de Mme [VV] [F], et que, par mail du 2 mai 2012, Mme [Z] lui a indiqué qu’après étude de son projet, il n’y serait pas donné suite.
Estimant que le film [N], tourné en 2013 et sorti en salles le 6 août 2014, produit par Mme [F] et réalisé par [H] [M], était fortement inspiré de son scénario sur lequel il n’avait pas cédé ses droits d’auteur, M. [YX], par courriers datés du 19 juillet 2018, a mis en demeure la société EUROPACORP et [H] [M], d’une part, d’avoir à lui régler une somme de 3 500 000 euros correspondant à 1% des recettes du film, et d’autre part, d’en rectifier le générique pour mentionner qu’il s’agissait d’« une idée originale de Mr [V] [YX] ».
Il lui a été répondu, par courrier du 25 juillet 2018, qu’aucune suite ne serait réservée à ses demandes, lesquelles ont été réitérées sans succès par lettre du 12 avril 2019 à l’attention de Mme [F].
Après s’être rapproché de la SACD afin de consulter le scénario du film dont il lui avait été indiqué qu’il faisait l’objet d’un dépôt effectué en 2006, et après s’être vu opposer le caractère confidentiel de cette protection, M. [YX], par actes d’huissier en date des 16 et 18 juillet 2019, a fait assigner la société EUROPACORP et ses mandataires judiciaires, ainsi que M. [M] et Mme [F], devant le tribunal judiciaire de Paris pour voir constater la violation de ses droits d’auteur.
Dans un jugement rendu le 16 avril 2021, le tribunal judiciaire de Paris a :
– écarté la fin de non-recevoir tirée de l’irrégularité de l’assignation délivrée à M. [M] et Mme [F] ;
– débouté M. [YX] de ses demandes fondées sur la contrefaçon de droits d’auteur ;
– rejeté la demande reconventionnelle présentée au titre de la procédure abusive ;
– condamné M. [YX] à payer aux parties défenderesses ensemble la somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné M. [YX] aux dépens ;
– dit n’y avoir lieu d’ordonner l’exécution provisoire.
M. [YX] a interjeté appel de ce jugement le 4 juin 2021.
La société EUROPACORP, la SELARL [G] et la SELAFA MJA, agissant en qualité de commissaires à l’exécution du plan, ont saisi la conseillère de la mise en état d’un incident tendant, à titre principal, à voir déclarer nulles les assignations valant notification des conclusions délivrées le 28 juillet 2021 à M. [M] et Mme [F], en conséquence de déclarer caduque la déclaration d’appel de M. [YX], et à titre subsidiaire, au débouté de M. [YX] de sa demande d’ordonner à la SACD le retrait des scénarios déposés les 11 juin 2001 et 11 octobre 2011, M. [YX] demandant de son côté, à titre reconventionnel, qu’il soit ordonné à la SACD de transmettre à la cour les scénarios déposés par la société EUROPACORP les 11 juin 2001 et 11 octobre 2011.
Dans une ordonnance rendue le 8 mars 2022, la conseillère chargée de la mise en l’état a déclaré irrecevable la société EUROPACORP dans ses demandes de nullité et de caducité (et a rejeté toutes les autres demandes).
Dans ses dernières conclusions, numérotées 2 et transmises le 14 janvier 2023, M. [YX], appelant, demande à la cour de :
– in limine litis, vu les articles 112, 113 et 114 du code de procédure civile,
– à titre principal, déclarer irrecevable la société EUROPACORP, la SELARL [G] MJ et la SELAFA MJA, prise en la personne de Me [U] [D], de leur demande de nullité de l’assignation introductive d’instance délivrée à M. et Mme [M] et des actes subséquents,
– à titre subsidiaire, les débouter de ce chef de demande,
– débouter la société EUROPACORP, la SELARL [G] MJ et la SELAFA MJA, prise en la personne de Me [U] [D], de leur demande aux fins de voir déclarer irrecevables les demandes de M. [YX],
– en tout état de cause, débouter la société EUROPACORP, la SELARL [G] MJ et la SELAFA MJA, prise en la personne de Me [U] [D], de toutes leurs demandes,
– sur le fond,
– recevoir M. [YX] en son appel,
– le dire juste et bien fondé,
– débouter la société EUROPACORP, la SELARL [G] MJ et la SELAFA MJA de toutes leurs demandes,
– infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a débouté M. [YX] de ses demandes fondées sur la contrefaçon des droits d’auteur,
– statuant à nouveau,
Vu les articles L122-4 et suivants du code de la propriété intellectuelle,
– juger que le film « [N] », sorti en salle le 6 août 2014, selon un scénario de M. [H] [M], réalisé par M. [H] [M] et EUROPACORP, et produit par Mme [VV] [F] et EUROPACORP, a repris les idées originales du scénario « Le Passage » de M. [YX], et ce en violation des droits d’auteur de M. [YX],
– fixer la créance de M. [YX] au passif de la société EUROPACORP à la somme de 3 500 000 € correspondant à 1% des recettes du film « [N] », à titre de dommages et intérêts, et notamment des préjudices moraux et patrimoniaux, pour avoir repris ses idées originales sans son accord et sans lui avoir acheté ses droits d’auteur,
– condamner M. [H] [M], scénariste, et Mme [VV] [F], productrice, in solidum, à payer à M. [YX] une somme de 3 500 000 €, à titre de dommages et intérêts, et notamment des préjudices moraux et patrimoniaux, pour avoir repris ses idées originales sans son accord et sans lui avoir acheté ses droits d’auteur,
– juger que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter des mises en demeure qui ont été adressées,
– prononcer la capitalisation des intérêts,
– ordonner la rectification du générique, qui devra mentionner qu’il s’agit d’une idée originale de M. [YX], ouvrant droit à des droits d’auteur,
– condamner M. [H] [M] et Mme [VV] [F] à payer à M. [YX] une somme de 10 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
– fixer la créance de M. [YX] au passif de la société EUROPACORP à la somme de 10 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
– condamner M. [H] [M] et Mme [VV] [F] aux entiers dépens, et juger que les dépens mis à la charge de la société EUROPACORP seront fixés comme créance au passif de la société EUROPACORP,
– confirmer le jugement dont appel en ses autres dispositions.
Dans leurs uniques conclusions transmises le 15 octobre 2021, la société EUROPACORP, la SELARL [G] MJ et la SELAFA MJA, en qualité de commissaires à l’exécution du plan de la société EUROPACORP, intimées, demandent à la cour de :
Vu le code de propriété intellectuelle et notamment les articles L113-3, L113-7 et L122-4
Vu le code de procédure civile et notamment les articles 32-1, 114, 654 à 656, 693,
– réformer la décision déférée en ce qu’elle a écarté l’exception de nullité et la fin de non-recevoir soulevée par EUROPACORP et en ce qu’elle a rejeté la demande de condamnation de M. [YX] pour procédure abusive,
– la confirmer pour le surplus.
– par conséquent, in limine litis,
– déclarer l’assignation introductive d’instance délivrée à M. [M] et Mme [F] nulle, et tous ses actes subséquents.
– subsidiairement, compte tenu de l’indivisibilité du litige, déclarer irrecevables les demandes de M. [YX], au motif que M. [Y] [K] n’a pas été mis dans la cause en sa qualité de compositeur de la bande-son du long-métrage ‘[N]’,
– à titre subsidiaire, sur le fond, débouter M. [YX] de l’intégralité de ses demandes après avoir :
– à titre principal, constaté l’antériorité du scénario du film ‘[N]’ à celle du scénario ‘Le passage’,
– à titre subsidiaire, constaté que les thèmes et idées dont M. [YX] soutient être l’auteur ne sont pas originaux,
– à titre infiniment subsidiaire, constaté l’absence de similarité entre le film ‘[N]’ et le scénario ‘Le passage’,
– à titre infiniment subsidiaire, constater que M. [YX] ne justifie d’aucun préjudice et le débouter de ses demandes.
– en tout état de cause,
– condamner M. [YX] à 20 000 euros pour procédure abusive,
– condamner M. [YX] à 20 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ce montant venant s’ajouter à la condamnation au paiement d’un article 700 du code de procédure civile prononcée par le jugement déféré,
– condamner M. [YX] aux entiers dépens.
M. [M] et Mme [F] n’ont pas constitué avocat. M. [YX] leur a fait signifier sa déclaration d’appel et ses conclusions par actes du 28 juillet 2021 remis à tiers présent à domicile ayant accepté de recevoir les enveloppes contenant copie des actes.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 24 janvier 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu’elles ont transmises, telles que susvisées.
Sur la procédure
La société EUROPACORP soutient que M. [M], scénariste et réalisateur du film [N], et Mme [F], sa productrice, n’ont pas été valablement assignés et qu’ils ne se sont pas vu correctement signifier la déclaration d’appel et les conclusions d’appelant de M. [YX] dès lors qu’en application des articles 654 à 656 du code de procédure civile, dont les prescriptions doivent être observées à peine de nullité en application de l’article 693 du même code, les actes de signification ne peuvent être délivrés sur le lieu de travail des personnes physiques ; que M. [M] et Mme [F] n’ont donc pas pu constituer avocat et être représentés au cours de la procédure ; que l’assignation introductive d’instance doit être par conséquent déclarée nulle à l’égard de l’ensemble des parties compte tenu du grief causé par la délivrance de l’acte aux co-auteurs, à leur mauvaise adresse, dans un litige par nature indivisible ; que subsidiairement, le film [N] étant une ‘uvre de collaboration nécessitant la mise en cause de l’ensemble des co-auteurs à peine d’irrecevabilité, les demandes de M. [YX] doivent être déclarées irrecevables, d’une part, à défaut d’assignation régulière de M. et Mme [M], l’huissier ayant délivré l’assignation au siège de la société EUROPACORP, lieu d’exercice de leur activité professionnelle, sans justifier des diligences accomplies pour signifier à personne, à domicile ou à résidence et, d’autre part, faute de mise en cause de M. [Y] [K], compositeur de la bande originale du long-métrage.
M. [YX] conclut à l’irrecevabilité de la demande de nullité de l’assignation, relevant qu’en première instance, les défendeurs, M. et Mme [M] étant alors régulièrement représentés par un avocat, ont soulevé l’irrecevabilité de ses demandes motif pris de l’irrégularité de l’assignation délivrée à M. et Mme [M] et que le tribunal, qui a écarté cette fin de non-recevoir, n’a pas été saisi d’une demande de nullité de l’assignation ; qu’en application des articles 112 et 113 du code de procédure civile, la société EUROPACORP ne peut plus soulever en appel la nullité de l’assignation, la nullité prétendue étant couverte par le débat qui s’est instauré en première instance ; que la société EUROPACORP n’est pas plus fondée en sa demande de nullité, ne démontrant pas l’existence d’un grief conformément à l’article 114 du code de procédure civile. Il conclut par ailleurs que la fin de non-recevoir tirée du défaut de mise en cause du compositeur de la bande-son du film qui n’a pas été soulevée en première instance ne peut prospérer, et qu’en tout état de cause, la contrefaçon porte sur le scénario déposé à la SACD par EUROPACORP, et non sur la contrefaçon de la musique du film.
Sur la demande de la société EUROPACORP en nullité de l’assignation et des actes subséquents
La cour constate que le jugement entrepris n’a nullement écarté l’exception de nullité de l’assignation introductive d’instance, le tribunal n’ayant pas été saisi d’une telle exception. La demande de réformation du jugement sur ce point est donc vaine, sans objet.
En première instance, en effet, les défendeurs n’ont pas poursuivi la nullité de l’assignation, ayant seulement conclu à l’irrecevabilité de l’action en contrefaçon motif pris de l’irrégularité de l’assignation en raison du fait que M. et Mme [M], co-auteurs du film, n’auraient pas été assignés dans les conditions prescrites par les articles 654 à 656 du même code. Cette fin de non-recevoir a été rejetée par le tribunal.
L’article 112 du code de procédure civile dispose que « La nullité des actes de procédure peut être invoquée au fur et à mesure de leur accomplissement ; mais elle est couverte si celui qui l’invoque a, postérieurement à l’acte critiqué, fait valoir des défenses au fond ou opposé une fin de non-recevoir sans soulever la nullité ». La demande de nullité de l’assignation introductive d’instance délivrée aux époux [M] est donc nouvelle en appel et formulée par la société EUROPACORP après qu’elle a opposé une fin de non-recevoir et fait valoir des défenses au fond.
La demande de nullité de l’assignation introductive d’instance sera donc jugée irrecevable.
Sur les fins de non-recevoir soulevées par la société EUROPACORP tirées de l’irrégularité de l’assignation et de l’absence de mise en cause du compositeur de la bande-son du film ‘[N]’
Sur la fin de non-recevoir tirée de l’irrégularité de l’assignation
C’est par des motifs exacts et pertinents, adoptés par la cour, que les premiers juges ont rejeté la fin de non-recevoir tirée de l’irrégularité de l’assignation délivrée à M. et Mme [M], retenant, au visa des articles 654 et 655 du code de procédure civile, que les époux [M] ayant, au même titre que la société EUROPACORP, constitué avocat et conclu, ne justifiaient d’aucun grief résultant de l’irrégularité invoquée.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de mise en cause du compositeur de la bande-son du film ‘[N]’
Contrairement à ce que soutient M. [YX], cette fin de non-recevoir, bien que soulevée pour la première fois en cause d’appel, est recevable en application de l’article 123 du code de procédure civile qui prévoit que les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause sauf intention dilatoire, ici ni démontrée ni prétendue.
Elle n’est en revanche pas fondée dès lors que, comme le souligne l’appelant, la contrefaçon reprochée concerne le seul scénario du film [N] et en aucun cas la musique et qu’il est acquis que tous les contributeurs du scénario du film incriminé ont été mis en cause.
La fin de non-recevoir sera donc également écartée.
Sur le fond
Sur l’antériorité du scénario de M. [YX]
M. [YX] fait valoir qu’il a transmis son scénario Le passage par mail le 18 octobre 2011 à Mme [I], assistante de production, et à Mme [WS], l’assistante de [H] [M] de 2008 à 2013 ; que Mme [I] a alors nécessairement fait suivre le mail à M. [M] ; qu’en novembre 2011, il s’est déplacé dans les locaux d’EUROPACORP et a remis le scénario directement à Mme [Z], à l’époque assistante de Mme [F], qui, sur sommation, a admis l’avoir reçu en novembre 2011 et l’avoir remis ensuite à Mme [S], chargée de production ; que c’est donc à tort que le jugement a retenu comme seule date certaine de la remise novembre 2011 alors que le scénario a été adressé aux assistantes de M. [M] dès le 18 octobre 2011 ; que EUROPACORP et M. [M] ne justifient pas de l’antériorité du scénario de [N] ; que malgré sommation, les intimés se sont abstenus de produire les scénarios qu’ils ont déposés à la SACD le 11 juin 2001 (intitulé Sky Cat ou la Théorie des Fluides) et le 11 octobre 2011 (intitulé [N] ou Sky Cat ou la Théorie des Fluides), ce qui ne permet pas de comparer ces scénarios et son propre scénario Le Passage ; que les intimés ne peuvent donc pas prouver qu’ils ont eu les idées litigieuses avant M. [YX] ; que les pièces adverses communiquées ne permettent pas d’établir l’antériorité du scenario de [H] [M] ; qu’en effet, les pièces adverses 20 et 21 sont sans force probante, ne pouvant correspondre respectivement au scénario d’origine déposé le 11 juin 2001 (le titre et la date sont modifiés à la main) et au second scenario déposé le 11 octobre 2011 (le titre et l’auteur ne sont pas mentionnés ; le document est en anglais ; la date du 14 novembre 2011 y est apposée) ; que c’est donc à tort que le tribunal s’est fondé sur la date du dernier dépôt à la SACD du manuscrit du scénario intitulé « [N] ou Sky Cat ou la Théorie des Fluides » en date du 11 octobre 2011, pour retenir l’antériorité du scénario de M. [M] ; que la preuve de l’antériorité du scénario des intimés ne peut être rapportée que par l’ouverture du scénario déposé à la SACD, sous le contrôle d’un huissier de justice, en vue d’en assurer l’authenticité et lui conférer date certaine ; que le tribunal s’est fondé sur des pièces qui n’ont pas date certaine ; qu’il verse en cause d’appel la consultation d’un expert près la cour d’appel d’Aix-en-Provence de laquelle il ressort que les fichiers consultés et édités par l’huissier à la demande des défendeurs n’ont pas de valeur probante et ne peuvent constituer des preuves formelles, les dates des fichiers et courriels pouvant être aisément modifiées, antidatées ou falsifiées ; que les attestations adverses, de pure complaisance, ne sont pas plus probantes ; que sans la remise du scénario Le Passage, M. [M], en mal d’inspiration (pièce 44), n’aurait pas sorti le film [N] dans la version que l’on connaît, et n’aurait pas rencontré le succès ; que le film n’aurait en réalité jamais existé sans le scénario de M. [YX].
La société EUROPACORP oppose que M. [YX] a successivement indiqué que son scénario avait été transmis à EUROPACORP en 2012, puis en novembre 2011, puis finalement le 18 octobre 2011 à Mme [I] ; que cette dernière, engagée comme intermittente sur un film, a en réalité quitté la société le 14 juin 2011 et n’a pas été en contact avec M. [M] qui n’était ni auteur, ni réalisateur ni producteur du film sur lequel elle a travaillé ; que les scénarios, avant d’être remis à M. [M], étaient en réalité triés par Mme [L], qui atteste n’avoir jamais eu connaissance d’un scénario intitulé Le Passage et encore moins l’avoir transmis à M. [M] ; que M. [YX] prétend avoir remis le scénario à une certaine « [YA] », assistante de M. [M], sur un adresse hotmail.com alors que M. [M] n’a jamais eu d’assistante de ce nom et que tous les salariés de l’entreprise bénéficient d’une adresse mail EuropaCorp.com ; que rien de démontre que le scénario que M. [YX] aurait remis à EUROPACORP serait le scénario Le Passage qui n’a été produit à la procédure que des années après la sortie du film [N] ; qu’il n’y a aucune preuve du contenu du dépôt fait par M. [YX] à EUROPACORP ; que si Mme [Z] indique avoir remis le scénario de M. [YX] à Mme [S], elle ne prétend pas que M. [M] en a eu connaissance ; que nombreux témoignages de salariés travaillant aux côtés de M. [M] attestent que ce dernier avait l’idée du film [N] depuis longtemps et en avait parlé pour la première fois à quelqu’un en 2010 ; que dès le 15 septembre 2011, le scénario de [N] en version presque définitive a été envoyé pour sa traduction en anglais ; qu’il est donc démontré que le scénario [N] écrit par M. [M] est très antérieur au scénario de M. [YX] ; que les caractéristiques essentielles du film [N] étaient définitivement fixées au plus tard en 2010 ; que M. [YX] étant l’appelant, c’est à lui de prouver l’antériorité de son scénario.
Ceci étant exposé, au vu des pièces remises par l’appelant, et notamment des réponses apportées par Mme [Z], ancienne assistante de Mme [F], à la sommation qui lui a été délivrée (pièce 20), la cour estime, comme le tribunal, qu’il est établi que M. [YX] a remis un scénario intitulé Le Passage à la société EUROPACORP en novembre 2011, la transmission par mail du 18 octobre 2011 à Mme [I] et à Mme [WS], à des adresses personnelles, ne pouvant en revanche être considérée comme certaine dès lors que la première a quitté la société en juillet 2011 au vu de son profil VIADEO et de son C.V. et que la seconde se prénomme [SH] et non [YA] comme indiqué dans le courriel. Un courriel de Mme [Z] du 2 mai 2012 adressé à M. [YX] confirme que son scénario a bien été remis à la société EUROPACORP (« Cher [V], [B] [S] a pris soin d’étudier votre projet. Et d’après elle, il ne correspond malheureusement pas aux types de projets qu’Europacorp et [H] souhaitent développer pour le moment. Le thème ainsi que le budget du film ne sont pas dans les cordes d’Europacorp. Nous vous souhaitons meilleure chance auprès de nos confrères et bonne continuation dans le développement de ce beau projet ‘le Passage” »).
Au soutien de la thèse de l’antériorité du scénario de [H] [M] pour le film [N], la société EUROPACORP produit de son côté, notamment :
– un récépissé de dépôt à la SACD d’une demande de renouvellement en date du 11 juin 2006, concernant un dépôt initial du 11 juin 2001 de la société EUROPACORP portant sur un manuscrit, catégorie « oeuvre audiovisuelle fiction », intitulé Sky ou la théorie des fluides dont [H] [M] est désigné comme l’auteur (pièce 2) ;
– un constat d’huissier du 2 mars 2020 relatant les opérations de l’huissier de justice qui, sur l’indication de la société EUROPACORP, a consulté une série de ‘chiers enregistrés en octobre 2011 (7 octobre, Pr NOR.MAN ; [N] VA 1110005, 10 octobre ; SCRIPT [H], 12 octobre ; [N] [W], 20 octobre’) et contenant des éléments du scénario du ‘lm (pièce 27) ;
– des échanges de mails entre [C] [W] et [A] [BI] datés des 24, 26 et 28 août 2011, intitulés « [N] pages », objets du constat précité (pièces 27) ;
– un mail daté du 15 septembre 2011 de [O] [L] à [R] [X], ainsi libellé : « tu trouveras en PJ le script de [N] pour traduction en anglais. Je t’enverrai par courrier séparé la note de confidentialité et le contrat de traduction (‘) » (pièce 38) ;
– le contrat de traduction en cause prévoyant une date de livraison au 30 septembre 2011 (pièce 39) ;
– un mail daté du 11 octobre 2011 de [O] [L] à [R] [X], ainsi libellé : « Tu trouveras en PJ la dernière version de [N] comportant un certain nombre de modi’cations (…) merci de les inclure dans l’adaptation anglaise » (pièce 40) ;
– un récépissé de dépôt à la SACD en date du 11 octobre 2011, par la société EUROPACORP d’un manuscrit, catégorie « oeuvre audiovisuelle fiction », intitulé [N] ou Sky ou la théorie des fluides dont [H] [M] est désigné comme l’auteur (pièce 3) ; – l’attestation de Mme [O] [L] qui indique, d’une part, qu’en 2011, elle n’a pas eu connaissance d’un scénario intitulé Le passage qu’elle aurait transmis à M. [M] et, d’autre part, qu’en juin 2010, alors qu’elle était en Russie avec [H] [M] qui présidait le festival de Moscou, celui-ci lui « a parlé pour la première fois de ‘[N]’ (‘) [H] avait déjà la tagline du film : « If I have access to 100 % of my brain’s capacity and if our hypothesis is correct, I will be able to control time » ;
– l’attestation de Mme [E] [J], salariée chez EUROPACORP de 2001 à 2007, qui indique avoir reçu par fax « des pages du script ‘[N]’ à rédiger et à corriger à distance » ;
– l’attestation de Mme [C] [W] qui indique qu’elle a travaillé sur la version finale du script de [N] en août 2011.
S’il est vrai, comme le souligne M. [YX], que les originaux des scénarios déposés à la SACD par la société EUROPACORP le 11 juin 2001 et le 11 octobre 2011 ne sont pas produits au débat, rien ne démontrant par conséquent que les pièces 20 et 21 versées à la procédure par l’intimée et présentées respectivement comme le scénario d’origine de [N] écrit par M. [M] en 2001 et la version finale de tournage achevée en 2011 correspondent effectivement aux dépôts de 2001 et 2011, les pièces qui viennent d’être mentionnées établissent à suffisance que [H] [M] a finalisé la mise au point, au début du mois d’octobre 2011 (cf. notamment le mail précité du 11 octobre 2011 de Mme [L] à M. [X] adressant les ultimes modifications au traducteur), du scénario argué de contrefaçon qui a été déposé à la SACD le 11 octobre 2011, soit avant la remise de son propre scénario par M. [YX] à la société EUROPACORP en novembre 2011, et avant même son envoi prétendu par mail le 18 octobre. Les incohérences relevées par M. [YX] sur les pièces 20 et 21 de l’intimée apparaissent donc de peu d’emport, étant ajouté que la société EUROPACORP relève à juste raison qu’il n’existe réciproquement aucune certitude quant au contenu du scénario remis en novembre 2011 par M. [YX] à la société de production.
En définitive, la cour estime que les éléments communiqués par la société EUROPACORP constituent un faisceau d’indices sérieux, précis et concordants suffisant à établir l’antériorité du scénario établi par M. [M] pour le film [N] et à écarter le grief de plagiat.
L’antériorité du scénario de [H] [M] étant ainsi établie, la circonstance que dans une interview donnée au moment de la sortie du film, Mme [F] a déclaré que [H] [M] avait l’idée du projet depuis 10 ans ne peut accréditer la thèse de M. [YX] selon laquelle c’est la seule lecture du scénario Le Passage qui aurait permis au réalisateur, en panne d’inspiration, de finaliser son projet.
Au surplus, la cour, qui a procédé à la comparaison du film [N] (pièce 22 intimée) et du scénario Le passage (pièce 29 appelant) fait sienne l’analyse des premiers juges selon laquelle les deux scénarios, au-delà d’une idée commune ‘ la mise en scène d’un être humain capable d’utiliser l’intégralité de ses facultés cérébrales grâce à une stimulation extérieure ‘ et de la circonstance que l’un des personnages de M. [YX] se prénomme [T], présentent des différences significatives (personnage féminin de jeune étudiante dans le film / personnage masculin d’astronaute dans le scénario de M. [YX] ; intervention de substances chimiques décuplant les capacités mentales du personnage de [H] [M] / intervention d’une force extraterrestre pour le personnage de M. [YX] ; contexte d’un thriller sur fond de trafic de drogues dans le film / thématique de l’apocalypse pour le scénario de M. [YX]’).
Enfin, l’originalité revendiquée par M. [YX] ne porte que sur des « idées » (cf. pages 25 et 26 de ses conclusions) et il est constant que les idées sont de libre parcours, échappant à toute appropriation, et que seule leur mise en forme originale, en ce qu’elle traduit l’empreinte de la personnalité d’un auteur, peut bénéficier de la protection au titre du droit d’auteur.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a débouté M. [YX] de ses demandes en contrefaçon de droits d’auteur.
Sur la demande reconventionnelle de la société EUROPACORP pour procédure abusive
La société EUROPACORP soutient que l’assignation de M. [YX] constitue un abus de droit qu’il convient de sanctionner en ce qu’il sollicite sa condamnation et celle des époux [M] au paiement d’une somme de 3 500 000 euros sans prendre le soin de détailler la prétendue contrefaçon dont ils se seraient rendus coupables et surtout d’apporter la moindre preuve de l’antériorité de son ‘uvre ; qu’en outre, M. [YX] a proféré des menaces, y compris physiques, à de nombreuses reprises à l’encontre de M. [M] et que ce comportement constitue un abus d’une exceptionnelle gravité, le préjudice moral en résultant pour M. [M] étant évident.
M. [YX] conteste le caractère abusif de son action, faisant valoir notamment que la société EUROPACORP et M. [M] n’ont pas donné suite à ses réclamations légitimes en pensant qu’il finirait par baisser les bras.
L’accès au juge étant un droit fondamental et un principe général garantissant le respect du droit, ce n’est que dans des circonstances tout à fait exceptionnelles que le fait d’agir en justice ou d’exercer une voie de recours légalement ouverte est susceptible de constituer un abus.
La société EUROPACORP ne démontre pas la faute commise, en l’espèce, par M. [YX] qui a pu se méprendre sur l’étendue de ses droits et les violences invoquées par la société EUROPACORP, qui, à les supposer avérées, ne concernent que M. [M] défaillant en appel, ne sont pas du ressort de cette cour statuant en matière civile.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a rejeté la demande pour procédure abusive.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
M. [YX], partie perdante, sera condamné aux dépens d’appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu’il a exposés à l’occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance étant confirmées.
La somme qui doit être mise à la charge de M. [YX] au titre des frais non compris dans les dépens exposés par la société EUROPACORP peut être équitablement fixée à 4 000 €, cette somme complétant celle allouée en première instance.
PAR CES MOTIFS
Par défaut,
Dit irrecevable la demande de la société EUROPACORP en nullité de l’assignation introductive d’instance,
Rejette la fin de non-recevoir soulevée par la société EUROPACORP tirée du défaut de mise en cause du compositeur de la bande-son du film [N],
Confirme le jugement en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne M. [YX] aux dépens d’appel et au paiement à la société EUROPACORP de la somme de 4 000 € en application de l’article 700 du code de procédure pénale.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE