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Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 3
ARRET DU 19 OCTOBRE 2023
(n° , 5 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 22/16109 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGMX4
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 20 Juillet 2022 -Juge de la mise en état du tribunal judiciaire de PARIS (18ème chambre, 2ème section) – RG n° 21/09756
APPELANTE
S.A.S. PMSB
Immatriculée au R.C.S. de Paris sous le n°611 076 548,
Agissant en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège social
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Serge BIGIAOUI, avocat au barreau de Paris, toque : D0079
INTIMEE
S.C.I. FONCIERE SAINT BERNARD
Immatriculée au R.C.S. de Paris sous le n° 530 045 889,
Prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège social
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentée par Me Jean-David ZERDOUN, avocat au barreau de Paris, toque : E0298
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 03 avril 2023, en audience publique, rapport ayant été fait par Mme Marie Girousse, conseillère, conformément aux articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, les avocats ne s’y étant pas opposé.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre
M. Douglas Berthe, conseiller
Mme Marie Girousse, conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Laurène BLANCO
ARRÊT :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Mme Nathalie Recoules, présidente de chambre et par Mme Sandrine Stassi-Buscqua, greffière présente lors de la mise à disposition.
FAITS ET PROCÉDURE
Par acte du 15 octobre 1998, Mme [I] [L], aux droits de laquelle se trouve la société Foncière Saint Bernard depuis le 12 juillet 2011, a consenti à la société PMSB un renouvellement de bail commercial portant sur divers locaux situés [Adresse 4] à [Localité 6], pour une durée de neuf années à compter du 1er janvier 1999. À la suite d’une demande de renouvellement signifiée le 22 mai 2008 par la locataire, le bail a été de nouveau renouvelé pour une durée de neuf années à compter du 1er juillet 2008.
Par acte d’huissier du 7 octobre 2016, la société Foncière Saint Bernard a fait signifier à la société PMSB un congé avec refus de renouvellement à effet du 30 juin 2017 et offre de paiement d’une indemnité d’éviction.
Par acte d’huissier du 30 janvier 2018, la société Foncière Saint Bernard a fait assigner la société PMSB devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris aux fins de voir désigner, sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, un expert judiciaire chargé de donner son avis sur le montant de l’indemnité d’éviction et de l’indemnité d’occupation. A l’audience, la société PMSB a fait valoir ses protestations et réserves.
Par ordonnance du 15 mars 2018, le juge des référés a désigné un expert judiciaire, lequel a déposé son rapport le 11 mai 2020.
Par acte d’huissier du 23 juillet 2021, la société PMSB a fait assigner la société Foncière Saint Bernard devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins d’annulation du congé du 7 octobre 2016, et dans l’hypothèse où ledit congé serait néanmoins validé, de condamnation de la bailleresse à lui payer une indemnité d’éviction de 1.115. 000 euros.
Par conclusions au fond notifiées le 20 avril 2022, la société Foncière Saint Bernard a notamment demandé au tribunal, à titre reconventionnel, de fixer le montant de l’indemnité d’occupation à la somme principale de 49’580 € par an à compter du 1er juillet 2017 et de 55.080 € par an à compter du 1er juillet 2019.
Par ordonnance du 20 juillet 2022, le juge de la mise en état a :
– dit la société PMSB irrecevable, pour cause de prescription, en sa demande d’annulation du congé du 7 octobre 2016 ;
– dit la société PMSB irrecevable, pour cause de prescription, en sa demande de paiement d’une indemnité d’éviction ;
– débouté la société PMSB de sa fin de non-recevoir et dit la société Foncière Saint Bernard recevable en sa demande de fixation de l’indemnité d’occupation et de condamnation de la société PMSB au paiement de ladite indemnité ;
– renvoyé l’affaire à l’audience de mise en état et réservé les dépens;
– débouté les parties de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 14 septembre 2022, la société PMSB a interjeté appel de cette ordonnance.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 8 mars 2023.
MOYENS ET PRÉTENTIONS
Par conclusions déposées le 14 octobre 2022, la société PMSB, appelante, demande à la Cour de :
– la recevoir en son appel et en ses demandes, fins et conclusions, et l’en dire bien fondée ;
– infirmer la décision dont appel dans les limites des chefs de demande critiqués, et statuant à nouveau,
– la déclarer recevable en sa demande d’annulation du congé avec refus de renouvellement et offre d’indemnité d’éviction délivré le 7 octobre 2016 par la société FSB à effet du 30 juin 2017 ;
– la déclarer recevable en sa demande de paiement d’une indemnité d’éviction et tendant à la condamnation de la société FSB à lui payer la dite indemnité ;
– la déclarer recevable en sa fin de non-recevoir et déclarer la société FSB irrecevable comme prescrite en sa demande de fixation d’une indemnité d’occupation et de condamnation de la société PMSB à son paiement ;
– condamner la société FSB à payer à la société PMSB une somme de 1 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– réserver les dépens qui suivront ceux de l’affaire au fond.
Par conclusions déposées le 11 novembre 2022, la société Foncière Saint Bernard, intimée, demande à la Cour de :
– dire la société PMSB mal fondée en son appel,
En conséquence,
– confirmer l’ordonnance dont appel en toutes ses dispositions ;
– débouter la société PMSB de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
Y ajoutant,
– condamner la société PMSB à payer à la société Foncière saint bernard la somme de 1.500 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’en tous les dépens d’appel.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.
MOTIFS DE L’ARRET
Sur la recevabilité des demandes aux fins de voir prononcer la nullité du congé et en paiement d’une indemnité d’éviction
L’article L. 145- 60 du code de de commerce dispose que toutes les actions exercées en vertu du chapitre de ce code relatif au bail commercial se prescrivent par deux ans.
L’article L. 145-9 dernier alinéa du même code précise notamment que le congé délivré en matière de bail commercial doit indiquer ‘que le locataire qui entend, soit contester le congé, soit demander le paiement d’une indemnité d’éviction doit saisir le tribunal avant l’expiration d’un délai de deux ans à compter de la date pour lequel le congé a été donné’.
Selon l’article 2239 du code civil, la prescription est suspendue lorsque le juge fait droit à une demande de mesure d’instruction présentée avant tout procès, le délai de prescription recommençant à courir pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter du jour où la mesure a été exécutée et selon les article 2241 et 2242 du même code, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription, cette interruption produisant ses effets jusqu’à l’extinction de l’instance.
Lorsque le juge de référé accueille une demande de mesure d’instruction présentée avant tout procès, l’interruption de la prescription lors de l’instance résultant de l’article 2241 puis sa suspension résultant de l’article 2239, ne jouent qu’au profit de la partie ayant sollicité cette mesure en référé.(2ème civ. 31 janvier 2019 n° 18-10011). La société PMSB n’est pas fondée à soutenir que l’application de ces textes tendant à préserver les droits du demandeur à la mesure d’instruction serait inéquitable à l’égard de l’autre partie qui n’a pas agi, les deux parties n’étant pas dans la même situation procédurale. Elle n’est pas non plus fondée à demander à la juridiction de statuer en qualité d’amiable compositeur alors que les parties ne lui ont pas conféré cette mission et qu’aux termes de l’article 12 du code de procédure civile, le juge doit trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables.
Les dispositions des articles 2228 et suivants du code civil relatives au cours de la prescription extinctive énumèrant les causes de report du point de départ, de suspension ou d’interruption de la prescription ne prévoient pas qu’une participation aux opérations d’expertise pourrait avoir un caractère suspensif ou interruptif de la prescription. L’interruption du délai de péremption d’instance par des diligences procédurales prévue par l’article 386 du code de procédure civile, dont se prévaut l’appelante, n’est pas applicable en matière de prescription extinctive, de sorte qu’il est inopérant de sa part de faire valoir qu’elle a participé aux opérations d’expertise judiciaire.
Ainsi, lorsqu’une mesure d’instruction est ordonnée en référé, la prescription relative au droit faisant l’objet de la demande d’expertise est interrompue à compter de l’assignation en référé jusqu’à ce que l’ordonnance désignant l’expert soit rendue, puis elle est ensuite suspendue durant les opérations d’expertise et recommence à courir pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois à compter du dépôt du rapport de l’expert, et ce, à l’égard de la seule partie qui a sollicité la mesure d’expertise.
En l’espèce, le congé du 7 octobre 2016 a été délivré pour la date du 30 juin 2017 de sorte que le délai de prescription expirait le 30 juin 2019. Or la société PMSB, qui n’a pas introduit de demande en justice ni formé de demande de mesure d’instruction relative à la validité du congé avant tout procès, ne justifie d’aucune diligence ayant pour effet d’interrompre ou de suspendre le cours de la prescription de son action aux fins d’annulation du congé avant le 30 juin 2019, puisque sa demande a été formée pour la première fois par assignation délivrée le 23 juillet 2021 à la société Foncière Saint Bernard, soit alors que la prescription était acquise depuis le 30 juin 2019.
C’est donc à juste titre que l’ordonnance déférée a déclaré la société PMSB irrecevable comme prescrite en sa demande d’annulation du congé délivrée le 7 octobre 2016;
L’appelante se prévaut de l’article 2240 du code civil dont il résulte que la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait, interrompt le délai de prescription, seule une reconnaissance non équivoque ne pouvant être prise en compte. Cependant, le seul fait de délivrer un congé avec offre de paiement d’une indemnité d’éviction en application de l’article L. 145-9 du code de commerce ne vaut pas reconnaissance du droit à cette indemnité de la part du bailleur et n’interrompt donc pas la prescription qui court à l’encontre du preneur, lequel doit assigner avant l’expiration du délai de deux ans à compter de la date d’effet du congé conformément au dernier alinéa de ce texte (3ème civ. 30 mars 2017, n° 16-13236).
Dès lors, la société PMSB qui ne justifie d’aucune diligence ayant pour effet d’interrompre ou de suspendre le cours de la prescription de son action aux fins d’obtenir le paiement d’une indemnité d’éviction avant le 30 juin 2019, sa demande ayant été formée pour la première fois par assignation délivrée le 23 juillet 2021, est irrecevable comme prescrite à solliciter le paiement d’une telle indemnité, ainsi que l’a jugé à juste titre l’ordonnance déférée.
Sur la recevabilité de la demande en paiement d’une indemnité d’occupation
Il ressort des dispositions précitées des articles les articles 2239 et 2241 du code civil que la prescription biennale a été interrompue à l’égard de la société Foncière Saint Bernard à compter de l’assignation en référé qu’elle a fait délivrer le 30 janvier 2018 jusqu’à l’ordonnance du 15 mars 2018, puis qu’elle a été suspendue à l’égard de la société Foncière Saint Bernard demandeuse à l’expertise jusqu’au dépôt du rapport de l’expert le 11 mai 2020, de sorte que le délai de prescription s’est achevé à son égard le 11 mai 2022 à minuit. Il s’ensuit que les conclusions au fond sollicitant le paiement d’une indemnité d’occupation à son profit notifiées le 20 avril 2022 par la société Foncière Saint Bernard sont intervenues avant l’expiration du délai de prescription biennale. C’est donc à juste titre que l’ordonnance déférée a déclaré recevable comme non prescrite la demande en paiement d’une indemnité d’occupation formée par la société Foncière Saint Bernard.
Sur les autres demandes:
Il convient de confirmer l’ordonnance déféré en toutes ses dispositions notamment en ce qu’elle a renvoyé l’affaire à la mise en état, réservé les demandes relatives aux dépens et rejeté celles relatives aux frais irrépétibles de l’incident.
L’ordonnance déférée étant confirmée en toutes ses dispositions, il convient de condamner la société PMSB, appelante, aux dépens de la procédure d’appel.
L’équité commande de laisser à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles exposés dans le cadre de la procédure d’appel et de les débouter en conséquence de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile
Les autres demandes seront rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue le 20 juillet 2022 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris (RG N° 21/09756) ;
Déboute les parties de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile ;
Rejette les autres demandes ;
Condamne la société PMSB aux dépens de la procédure d’appel.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE