Droits des Compositeurs : 18 septembre 2023 Cour d’appel de Nancy RG n° 21/03042

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Droits des Compositeurs : 18 septembre 2023 Cour d’appel de Nancy RG n° 21/03042
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

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COUR D’APPEL DE NANCY

Première Chambre Civile

ARRÊT N° /2023 DU 18 SEPTEMBRE 2023

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/03042 – N° Portalis DBVR-V-B7F-E4TL

Décisions déférées à la Cour : sentence arbitrale rendue par Me [U] [M] en date du 4 août 2021 et sentence arbitrale rectificative rendue par Me [U] [M] en date du 2 décembre 2021

DEMANDERESSE AU RECOURS EN ANNULATION DE LA SENTENCE ARBITRALE :

S.A.S. BOUYGUES BATIMENT NORD EST, venant aux droits de la société PERTUY CONSTRUCTION, prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social, sis [Adresse 1]

Représentée par Me Clarisse MOUTON de la SELARL LEINSTER WISNIEWSKI MOUTON LAGARRIGUE, substituée par Me Ariane MILLOT-LOGIER, avocats au barreau de NANCY

Plaidant par Me Jean-Baptiste ROCHE, substituant Me Xavier GRIFFITHS, avocats au barreau de LISIEUX

DÉFENDERESSE AU RECOURS EN ANNULATION DE LA SENTENCE ARBITRALE :

SARL RESIDENCE LE SAINT GEORGES, anciennement SCCV RESIDENCE LE SAINT GEORGES, prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au siège social, sis [Adresse 2]

Représentée par Me Sylvie MENNEGAND, avocat au barreau de NANCY

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 12 Juin 2023, en audience publique devant la Cour composée de :

Madame Nathalie CUNIN-WEBER, Président de Chambre, chargée du rapport,

Monsieur Jean-Louis FIRON, Conseiller,

Madame Mélina BUQUANT, Conseiller,

qui en ont délibéré ;

Greffier, lors des débats : Madame Céline PERRIN ;

A l’issue des débats, le Président a annoncé que l’arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe le 18 Septembre 2023, en application de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

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Copie exécutoire délivrée le à

Copie délivrée le à

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ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 18 Septembre 2023, par Madame PERRIN, Greffier, conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;

signé par Madame CUNIN-WEBER, Président, et par Madame PERRIN, Greffier ;

FAITS ET PROCÉDURE :

La société civile de construction vente Résidence le Saint Georges (ci-après SCCV Résidence le Saint Georges), en qualité de maître d’ouvrage, et la société Pertuy Construction, aujourd’hui dénommée Bouygues Bâtiment Nord-Est (ci-après SAS BBNE) ont conclu le 28 mai 2013, puis complété par un avenant n°1 en date du 19 janvier 2015, un contrat d’entreprise générale portant sur la construction de trois bâtiments sur un terrain sis à [Adresse 3] – à usage d’habitation et commercial – et de divers autres locaux.

En raison des désaccords survenus entre les contractants et en application de la clause compromissoire figurant à l’article 18 du cahier des clauses administratives particulières, le président du tribunal de grande instance de Nancy, statuant en la forme des référés comme juge d’appui, a désigné Monsieur [U] [M] en qualité d’arbitre unique, avec pour mission de fixer le périmètre de sa mission dans le respect du principe du contradictoire.

Par une deuxième ordonnance du 24 mai 2016 rendue en tant que juge des référés dans une procédure opposant non seulement la SCCV Résidence le Saint Georges et la SAS BBNE mais également l’architecte, des sous-traitants intervenus à la construction et leurs assureurs – ordonnance à laquelle il convient de se référer pour plus ample exposé du litige, de la procédure et de la mission donnée à l’expert -, le président du tribunal de grande instance de Nancy a ordonné une expertise confiée à Monsieur [G].

Par ordonnances des 7 mars, 25 avril, 7 novembre et 28 novembre 2017 auxquelles il convient également de se référer, la mission de l’expert a été étendue à d’autres désordres et à d’autres prestataires.

Monsieur [G] a déposé son rapport en date du 14 août 2020.

Monsieur [U] [M] a rendu le 4 août 2021 sa sentence arbitrale par laquelle il :

– a constaté son incompétence pour connaître de la demande reconventionnelle de la SCCV Résidence le Saint Georges relative aux infiltrations,

– s’est déclaré incompétent pour connaître de tous les autres chefs de demandes formulés tant par la SAS BBNE que par la SCCV Résidence le Saint Georges,

– a déclaré irrecevable la SCCV Résidence le Saint Georges :

* en sa demande tendant à condamner la SAS BBNE au paiement de la somme de 16646,40 euros au titre du dysfonctionnement des portes automatiques,

* en sa demande tendant à condamner la SAS BBNE au paiement de la somme de 354169,34 euros à titre d’indemnité en raison des menuiseries extérieures non-conformes (absence d’OB),

* en sa demande d’ordonner des investigations globales complémentaires sur l’intégralité des bâtiments en ce qui concerne la déficience acoustique et en sa demande subsidiaire tendant à la condamnation de la SAS BBNE au paiement d’une somme de 924000 euros TTC de ce chef,

* en ses demandes relatives à la fissuration du sous-sol et aux désordres causés à l’appartement D 62 par la Pergola,

– a condamné la SAS BBNE au paiement de la somme de 46211 euros au titre du retard

contractuel pour la tranche 1, dit que cette somme sera productive d’intérêts et d’intérêts moratoires conformément aux dispositions contractuelles depuis l’engagement de la procédure arbitrale,

– a débouté la SCCV Résidence le Saint Georges de sa demande de pénalité au titre du retard pour la tranche 2,

– a établi le décompte définitif à 12745496,31 euros TTC, constaté le trop payé par la SCCV Résidence le Saint Georges à la SAS BBNE à hauteur de 112835,08 euros et condamné la société la SAS BBNE à lui rembourser ladite somme de 112835,08 euros avec intérêts et intérêts moratoires depuis l’engagement de la procédure arbitrale,

– a condamné la SAS BBNE à payer à la SCCV Résidence le Saint Georges la somme de 24125 euros au titre du coût des travaux de reprise des désordres, la déboutant de ses demandes pour le surplus,

– a débouté la SCCV Résidence le Saint Georges de sa demande de paiement d’une indemnité de 57000 euros TTC au titre des réserves non levées,

– a condamné la SAS BBNE à payer à la SCCV Résidence le Saint Georges la somme de 23592 euros au titre des honoraires complémentaires de la maîtrise d”uvre et de l’AMO,

– a condamné la SAS BBNE à payer à la SCCV Résidence le Saint Georges la somme de 73793,53 euros au titre des préjudices commerciaux ou financiers liés à la prolongation du portage des appartements invendus,

– a établi les honoraires de l’arbitre à 72000 euros TTC et condamné la SAS BBNE et la SCCV Résidence le Saint Georges à en supporter chacune la moitié, soit 36000 euros TTC,

– a condamné la SAS BBNE à payer à la SCCV Résidence le Saint Georges la somme de 120000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et pour le surplus aux dépens de la procédure d’expertise et de la procédure d’arbitrage,

– a débouté les parties de toutes leurs autres prétentions et demandes.

Pour statuer ainsi, l’arbitre a relevé que s’il était incompétent pour connaître des demandes reconventionnelles relatives aux infiltrations, il était en revanche compétent pour connaître de toutes les autres demandes originaires ou reconventionnelles.

S’agissant du droit applicable, il a observé que le marché de construction résultait à la fois d’un contrat d’entreprise général conclu le 28 mai 2013 et d’un avenant n°1 conclu le 19 janvier 2015, et que ces deux instruments contractuels avaient ainsi été conclus avant l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats. Il en a déduit que le code civil était applicable dans sa version et numérotation antérieure à l’ordonnance.

S’agissant des délais d’exécution, l’arbitre a retenu un retard théorique sur la tranche 1 de 16/40, soit 40% des lots du bâtiment D, et sur la tranche 2 de 92 jours. Il a retenu comme événements de nature à proroger le délai d’exécution du marché les délais d’intempérie pour la tranche 1, et la non-validation de l’ordre de service n°2 ainsi que les retards de paiements de la SCCV pour la tranche 2. Il a considéré que, du fait des défauts de paiement de la SCCV, la SAS BBNE avait acquis un droit à prolongation du délai d’exécution de 117 jours au titre de la tranche 2.

L’arbitre a ainsi conclu, s’agissant de la tranche 2, à l’absence de retard car les droits à prolongation du délai d’exécution acquis à hauteur de 117 jours excédaient les 92 jours de retard à la réception de l’ouvrage.

S’agissant de la tranche 1, il a retenu qu’il serait inéquitable de considérer que des retards affectant un ou plusieurs quarantièmes de la tranche 1 affectent toute la tranche 1. Retenir le retard le plus long affectant seulement l’un des lots pour opérer un calcul global sur l’ensemble de la tranche reviendrait à appliquer une pénalité manifestement excessive. Il a décidé de modérer la pénalité sollicitée, en tenant compte des réceptions échelonnées et des retards différents affectant ces logements, en limitant son montant à 46211 euros (et non 232848 euros comme sollicitée par la SCCV Résidence le Saint Georges).

Sur le décompte définitif du marché, l’arbitre a retenu un montant de 10900448,89 euros HT. Il a également retenu le montant des paiements réalisés par la SCCV à hauteur de 12827251,40 euros, ce montant n’étant pas contesté. Après prise en considération des travaux en moins-value, et des travaux modificatifs, il a estimé qu’un trop versé de 112835,08 euros était à restituer par la SAS BBNE à la SCCV Résidence le Saint Georges.

Sur les désordres à reprendre, l’arbitre a décidé que celle-ci était fondée à obtenir une indemnité à hauteur de 24125 euros.

Sur les honoraires complémentaires du maître d’oeuvre et de l’AMO, il a considéré qu’il était équitable, compte tenu du fait que le retard sur la tranche 1 était imputable à la SAS BBNE, de laisser à la charge de celle-ci le paiement du tiers de ces deux factures, soit la somme de 23592 euros.

Sur les préjudices commerciaux ou financiers, il a jugé cohérente la demande de la SCCV Résidence Le Saint Georges en remboursement des frais de ‘portage’, c’est-à-dire des charges foncières et de copropriété, et considéré que l’équité commandait d’imputer à la SAS BBNE la charge d’indemniser 50% des frais de portage, soit 73793,53 euros.

Sur les frais de procédure et les dépens, l’arbitre a jugé qu’au-delà de l’établissement du décompte définitif, il accueillait plusieurs demandes de la SCCV Résidence le Saint Georges et qu’il était donc équitable de condamner la SAS BBNE au paiement d’une indemnité de 120000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de la procédure d’expertise et pour le surplus aux dépens de la procédure arbitrale.

Cette sentence a été signifiée aux parties le 10 août 2021.

Le 7 septembre 2021, la SAS BBNE a saisi Monsieur [U] [M], en sa qualité d’arbitre, d’une requête en rectification d’erreurs matérielles, en omission de statuer et en interprétation.

Par sentence du 2 décembre 2021, signifiée aux parties le 6 décembre 2021, l’arbitre a :

– rectifié, dans le tableau n°4 de décompte figurant p. 32 de la sentence du 4 août 2021, la somme de 81868,23 euros HT (deuxième colonne de la ligne Travaux en moins-value) pour la remplacer par la somme de 81668,23 euros HT,

– rectifié par voie de conséquence le compte entre les parties et le dispositif selon la formule suivante : ‘établi le décompte définitif à 12745256,31 euros TTC, constate le trop payé par la SCCV Résidence le Saint Georges à la SAS BBNE à hauteur de 112595,08 euros et condamne la SAS BBNE à lui rembourser ladite somme de 112595,08 euros avec intérêts et intérêts moratoires depuis l’engagement de la procédure arbitrale ‘ ;

– déclaré irrecevables toutes les autres demandes de la SAS BBNE tendant à la rectification d’erreurs matérielles en ce qu’elles tendent en réalité à la révision de la sentence du 4 août 2021 et portent atteinte à l’autorité de chose jugée,

– dit que la sentence du 4 août 2021 n’est affectée par aucune omission de statuer et débouté la SAS BBNE des demandes de ce chef,

– dit que la sentence du 4 août 2021 n’est affectée d’aucune ambiguïté s’agissant des frais de procédure et dit n’y avoir lieu à interprétation,

– condamné la SAS BBNE à payer à la SCCV Résidence le Saint Georges la somme de 20000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– mis à la charge de la SAS BBNE EST l’intégralité des honoraires d’arbitrage afférents à ce recours, soit 12000 euros TTC,

– débouté les parties de toutes leurs autres prétentions et demandes.

Par déclaration adressée par la voie électronique au greffe le 29 décembre 2021, la SAS BBNE a saisi la cour d’appel de Nancy d’un recours en annulation de la sentence rendue le 2 décembre 2021 en ce qu’elle a :

– déclaré irrecevables des demandes en rectification d’erreurs matérielles concernant sa part de responsabilité pour des honoraires complémentaires de l’AMO et du maître d’oeuvre, concernant sa part de responsabilité au titre de la mévente, sa condamnation au titre des frais irrépétibles et des dépens,

– dit que la sentence n’est affectée par aucune omission de statuer et l’a déboutée de ses demandes,

– dit que la sentence n’est affectée d’aucune ambiguïté et dit n’y avoir lieu à interprétation,

– l’a condamnée aux frais d’arbitrage et sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance d’incident du 7 décembre 2022, le conseiller de la mise en état de la première chambre civile de la cour d’appel de Nancy a :

– rejeté la demande de la SCCV Résidence le Saint Georges tendant à faire déclarer irrecevable le recours de la société anonyme simplifiée Bouygues Bâtiment Nord-Est en ce qu’il est allégué qu’il vise la sentence du 4 août 2021,

– rejeté la demande de la SCCV Résidence le Saint Georges tendant à faire déclarer irrecevable le recours de la société anonyme simplifiée Bouygues Bâtiment Nord-Est en ce qu’il est dirigé contre la sentence du 2 décembre 2021,

– renvoyé l’affaire à la mise en état du 10 janvier 2023 pour l’établissement d’un calendrier de procédure ou fixation,

– condamné la SCCV Résidence le Saint Georges aux dépens de l’incident,

– condamné la SCCV Résidence le Saint Georges à payer à la SAS BBNE la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d’appel sous la forme électronique le 3 mars 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SAS BBNE demande à la cour, au visa des articles 1442 à 1503 du code de procédure civile, notamment les articles 1485, 1486 et 1492 de ce code, des articles 1134 et 1147 du code civil ancien, de l’article 1376 du code civil ancien, des articles 1231-1 et 1231-5 du code civil et de l’article 18 du CCAP constituant la clause compromissoire du marché conclu entre les parties, de :

* annuler la sentence arbitrale en date du 2 décembre 2021 en ce qu’elle a :

– déclaré irrecevables ses demandes tendant à la rectification d’erreurs matérielles concernant :

‘ sa part de responsabilité au titre des honoraires complémentaires de l’AMO,

‘ sa part de responsabilité au titre des honoraires complémentaires du maître d”uvre,

‘ sa part de responsabilité au titre de la mévente procédant :

– de l’erreur relative au nombre de 77 et non de 39 logements pour la tranche 2,

– et de l’erreur relative au stock de 11 et non de 19 logements,

‘ ses condamnations au titre des frais irrépétibles et dépens au terme de la Sentence du 4 août 2021,

– « dit que la Sentence du 4 août 2021 n’est affectée par aucune omission de statuer et déboute la SAS BBNE des demandes de ce chef »,

– « dit que la Sentence du 4 août 2021 n’est affectée d’aucune ambiguïté s’agissant des frais de procédure et dit n’y avoir lieu à interprétation »,

– condamné « la SAS BBNE à payer à la SCCV Résidence Le Saint Georges la somme de 20000 euros au titre de l’article 700 code de procédure civile »,

– mis « à la charge de la SAS BBNE l’intégralité des honoraires d’arbitrage afférents à ce recours, soit 12000 euros TTC »,

– débouté la SAS BBNE de ses demandes tendant à la condamnation de la SCCV Résidence Le Saint Georges au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,

Statuant au fond,

* rectifier les erreurs matérielles affectant la Sentence arbitrale du 4 août 2021 sur les points suivants :

– concernant l’indemnité accordée à la SCCV au titre de la mévente, seuls 4 logements sur les 113 des tranches 1 et 2 ont connu une mévente potentiellement imputable à BBNE, ce qui ne représente que 3,54% du nombre total de logements, ce qui conduit à la suppression pure et simple de l’indemnisation accordée à la SCCV au titre de la mévente pour un montant de 73793,53 euros,

– concernant les honoraires complémentaires de l’AMO et du maître d”uvre, ils ne concernent que les bâtiments E et F pour ceux de l’AMO et il n’est produit aucune facture pour ceux du maître d”uvre, lequel confirme par ailleurs n’avoir jamais perçu de tels compléments, ce qui conduit à la suppression pure et simple de l’indemnisation accordée à la SCCV au titre des honoraires complémentaires du maître d”uvre et de l’AMO pour un montant de 23592 euros TTC,

* statuer sur les demandes de la SAS BBNE sur lesquelles l’Arbitre unique a omis de statuer dans sa Sentence arbitrale du 4 août 2021, à savoir les demandes au titre :

– des frais divers (1102,30 euros HT, 1322,76 euros TTC),

– des autres travaux supplémentaires habillage hall d’entrée (13430,89 euros HT, 16117,07 euros TTC),

– des autres travaux supplémentaires faux plafond local vélos et accès caves (4358,18 euros HT, 5229,81 euros TTC),

– des autres travaux supplémentaires blocs de secours (2946,25 euros HT, 3535,50 TTC),

– de la levée des réserves concernant l’appartement de Monsieur [Y] (3651 euros HT, 4381,20 euros TTC),

– des préjudices BBNE (71951,14 euros HT),

– de la TVA à 20 % sur la somme de 71951,14 euros (14390,23 euros),

– des intérêts moratoires relatifs aux retards de paiement en cours de chantier tels que justifiés dans le dire N°72 (20806,23 euros),

* condamner la SCCV Résidence Le Saint Georges, après avoir établi le décompte définitif du marché, en y intégrant les huit sommes précitées, d’un montant total de 137733,94 euros TTC, à verser à la SAS BBNE la somme de 25138,86 euros TTC au titre du solde qui lui est dû suivant le nouveau décompte définitif du marché,

* dire que cette somme sera productive d’intérêts et d’intérêts moratoires conformément aux dispositions contractuelles depuis l’engagement de la procédure arbitrale,

En conséquence,

* rectifier la sentence arbitrale du 4 août 2021 concernant la condamnation de BBNE au titre des frais irrépétibles et des dépens, et ce de l’une des deux manières suivantes :

À titre principal,

* condamner la SCCV Résidence Le Saint Georges au paiement d’une indemnité au titre de l’article 700 au profit de la SAS BBNE s’établissant à 185956,39 euros correspondant aux dépenses engagées dans le cadre de l’instance arbitrale ayant abouti à la Sentence du 4 août 2021 et dans le cadre du présent recours en rectification d’erreurs matérielles et en omission de statuer, ainsi que dans le cadre de l’expertise judiciaire, selon factures :

– honoraires Avocats procédure arbitrale principale, soit 38068,58 euros HT (pièce n° 345),

– honoraires Avocats procédure expertale, soit 79433,51 euros HT (pièce n° 346),

– frais et honoraires Huissiers et Avocat ponctuel, soit 8454,30 euros HT (pièce n° 347),

– provision pour solde des honoraires afférents à la procédure arbitrale principale, soit 30000 euros HT,

– provision pour solde des honoraires afférents à la procédure arbitrale en rectification, omission et interprétation, ainsi qu’à la présente procédure, soit 30000 euros HT.

Cette demande se justifie par la production de l’ensemble des factures d’Avocats pendant la procédure d’expertise judiciaire et pour partie pendant la procédure arbitrale et à l’occasion du présent recours, ainsi que par l’importance de la mobilisation de l’entreprise pour rétablir les faits et ses droits tout au long de la procédure d’expertise, d’arbitrage et à l’occasion du présent recours.

* condamner la SCCV Résidence Le Saint Georges aux entiers dépens des deux procédures arbitrales, à savoir celle ayant abouti à la Sentence du 4 août 2021 et celle ayant abouti à la Sentence du 2 décembre 2021, de même qu’aux entiers dépens de la procédure introduite par le présent recours, ainsi que de la procédure expertale,

* condamner la SCCV Résidence Le Saint Georges à prendre à sa charge l’intégralité des frais d’arbitrage de Monsieur [M] afférents à la Sentence du 2 décembre 2021,

À titre subsidiaire,

* juger que chacune des parties conservera la charge de ses frais irrépétibles et dépens des deux procédures arbitrales, à savoir celle ayant abouti à la Sentence du 4 août 2021 et celle ayant abouti à la Sentence du 2 décembre 2021, de même que ses frais irrépétibles et dépens de la procédure introduite par le présent recours, ainsi que de la procédure expertale,

* juger que chacune des parties prendra à sa charge la moitié des frais d’arbitrage de Monsieur [M] afférents à la Sentence du 2 décembre 2021, qu’il est demandé à la Cour de ramener à la somme de 5000 euros au vu de l’annulation partielle de ladite Sentence qu’elle prononcera,

En toute hypothèse,

* déclarer irrecevable la demande incidente présentée à titre subsidiaire par la SCCV Résidence Le Saint Georges dans ses conclusions au fond n°2 aux fins de rectification de la sentence du 4 août 2021 ainsi : « condamne la société SAS BBNE au paiement de la somme de 104819 euros au titre du retard contractuel de la tranche 1, dit que cette somme sera productive d’intérêts et d’intérêts moratoires conformément aux dispositions contractuelles depuis l’engagement de la procédure arbitrale »,

* débouter intégralement la SCCV Résidence Le Saint Georges de l’ensemble de ses demandes.

Au dernier état de la procédure, par conclusions reçues au greffe de la cour d’appel sous la forme électronique le 3 avril 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SCCV Résidence le Saint Georges demande à la cour, au visa des articles 117 et suivants du code de procédure civile, articles 462 et suivants du code de procédure civile, articles 1492 et suivants du code de procédure civile, articles 1103 et suivants du code civil, de :

A titre principal,

– déclarer mal fondé le recours en annulation de la SAS BBNE à l’encontre de la sentence arbitrale rendue le 2 décembre 2021 par Monsieur l’arbitre le Professeur [U] [M],

Par conséquent,

– confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions,

– débouter la SAS BBNE de ses demandes,

A titre subsidiaire,

– rectifier la sentence du 4 août 2021 ainsi :

« condamne la société SAS BBNE au paiement de la somme de 104819 euros au titre du retard contractuel de la tranche 1, dit que cette somme sera productive d’intérêts et d’intérêts moratoires conformément aux dispositions contractuelles depuis l’engagement de la procédure arbitrale »,

– confirmer la sentence arbitrale rectificative rendue le 2 décembre 2021 en toutes ses dispositions pour le surplus,

– débouter la SAS BBNE de ses demandes,

En toute hypothèse,

– condamner la SAS BBNE à payer à la SCCV Résidence Le Saint Georges une somme de 20000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’instance.

La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance du 30 mai 2023.

L’audience de plaidoirie a été fixée le 12 juin 2023 et le délibéré au 18 septembre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Vu les dernières conclusions déposées par la SAS BBNE le 3 mars 2023 et par la SCCV Résidence le Saint Georges le 3 avril 2023, et visées par le greffe auxquelles il convient de se référer expressément en application de l’article 455 du code de procédure civile ;

Vu la clôture de l’instruction prononcée par ordonnance du 30 mai 2023 ;

Sur la demande d’annulation de la sentence arbitrale du 2 décembre 2021

La SCCV Résidence Le Saint Georges conteste la compétence de la cour pour statuer sur le recours en annulation de la Sentence Arbitrale du 2 décembre 2021 formé devant elle par BBNE, en soutenant que seule la voie du pourvoi en cassation lui était ouverte ;

En outre elle relève que les arguments de l’appelante qui tendent à l’annulation de la Sentence Arbitrale portent sur le fond du litige tel que tranché le 4 août 2021 alors qu’elle est définitive, ce qui justifie son rejet ;

Subsidiairement sur les demandes fondées sur la rectification d’erreur matérielle ou l’omission de statuer elle relève que la cour ne peut statuer sur une rectification d’erreur matérielle du décompte général définitif prononcée par la Sentence Arbitrale du 2 décembre 2021, étant uniquement susceptible de pourvoi en cassation ;

Au surplus, elle conteste la qualification de rectification d’erreur matérielle ou d’omission de statuer aux demandes formées par la société Bouygues Bâtiment Nord-Est qui a pour objet de porter atteinte à la substance même de la décision concernée ;

Quoi qu’il en soit elle conteste l’existence de toute erreur matérielle s’agissant du calcul de pénalités de retard, la demande visant en fait à contester la qualification juridique des faits par l’Arbitre et ainsi à obtenir une révision de la Sentence Arbitrale qui au demeurant, statue en équité ; finalement c’est en sa faveur que cette rectification devrait intervenir (page 33 des conclusions intimée) ;

L’appelante conclut à l’admission définitive de la recevabilité de son recours en annulation, et statuant au visa de l’article 1492 du code civil, elle conclut à son admission sur le fondement de l’absence du respect de sa mission par l’Arbitre ; ainsi elle indique que l’Arbitre devait statuer en amiable composition et que par conséquent, l’Arbitre ne pouvait se prononcer exclusivement par application des règles de droit, mais devait s’expliquer sur la conformité de celles-ci à l’équité ; elle ajoute que la motivation de la Sentence du 2 décembre 2021 est, d’une manière générale, très insuffisante dès lors qu’il ne ressort pas de ses termes que l’Arbitre a « vérifié la conformité de cette Sentence à l’Équité » ;

L’appelante affirme ainsi que la Sentence Arbitrale du 2 décembre 2021 encourt une annulation certaine en ce que :

– s’agissant des erreurs matérielles et des omissions de statuer, cette sentence n’est pas fondée sur l’équité et déclare irrecevables les demandes de BBNE suivant une compréhension biaisée de son office par l’Arbitre unique, de sorte qu’à ces deux titres, il a statué sans se conformer à la mission qui lui a été confiée (3°) et est, en tout état de cause, dépourvue de véritable motivation (6°) ;

– s’agissant des omissions de statuer, cette Sentence manifeste en outre, un choix obstiné de ne pas statuer sur certaines demandes de BBNE, l’Arbitre unique ne pouvant dire

« que la Sentence du 4 août 2021 n’est affectée par aucune omission de statuer », alors que l’existence de telles omissions ne font objectivement aucun doute, de sorte que, à ce titre également, l’Arbitre unique a statué sans se conformer à la mission qui lui a été confiée (3°) ;

Elle développe plus précisément ses moyens concernant la mévente de 77 logements et non 39 pour la tranche n° 2 ( valeur de 73793,53 euros représentant la moitié des frais de portage) ainsi que l’erreur affectant le stock de logements de 11 au lieu de 19 qui, contrairement aux affirmations de la sentence déférée, ont nécessairement influé sur l’appréciation globale de l’Arbitre en ce qu’elle a pris en compte un pourcentage erroné de ‘stock de logements’ (48,71 %) alors que globalement elle n’était que de 13,27 % ;

Elle ajoute que s’agissant des honoraires complémentaires de l’AMO et du maître d’oeuvre (de 23592 euros), la Sentence Arbitrale était affectée de deux erreurs :

– la base de calcul est erronée (Bâtiment D et non E et F) ces deux derniers ayant été indûment pris en compte pour fixer une indemnisation de 30000 euros (ht) qui devrait être réduite à 10000 euros (ht) ; l’erreur matérielle résulte de l’absence de prise en compte des conséquences de l’exclusion des bâtiments E et F, s’agissant de la base de calcul d’indemnités de retard ;

– de plus l’Arbitre a omis de retenir l’allongement de délais pour les bâtiments D puis E et F, respectivement de 66 et 92 jours, pour fixer l’indemnisation du retard (différence de 13592 euros (ht)) ;

Elle réclame également l’annulation de la Sentence Arbitrale, en ce qu’il a été refusé de statuer sur certaines de ses demandes, ce qui constitue selon elle, une violation aux obligations de l’Arbitre de remplir sa mission pour un préjudice allégué de 137733,94 euros (ttc) ; elle indique ainsi qu”en refusant de reconnaître une telle omission et donc de statuer enfin sur lesdites demandes subséquentes de BBNE, l’Arbitre unique a entaché sa Sentence du 2 décembre 2021 d’un défaut de motivation, mais surtout méconnu frontalement la mission qui lui était confiée’ ;

elle rappelle que dans ses écritures elle demandait à l’Arbitre de condamner la SCCV Résidence Saint-Georges à lui régler au titre du décompte définitif, la somme de 115825,58 euros (ttc) et qu’il n’a pas statué sur certains postes mentionnés ‘en gras’ dans ses conclusions du 3 mars 2023 (page 38) – 8 demandes listées en page 40 des mêmes écritures- alors qu’il en avait l’obligation en droit et en équité ainsi que de motiver sa décision ;

Elle conclut en rappelant que l’annulation est encourue s’agissant de l’absence de rectification des condamnations de la société Bouygues Bâtiment Nord-Est au titre des frais irrépétibles et dépens de la Sentence du 4 août 2021, dès lors que la créance retenue finalement par cette décision représente une somme de 45197,14 euros sur celle de 2634421,20 euros réclamée par l’intimée ;

Elle ajoute que l’annulation est également encourue en ce qu’elle l’a condamnée au titre des frais irrépétibles, dépens et frais d’arbitrage, ce par voie de conséquence aux précédents motifs d’annulation ;

En réponse, la SCCV Résidence Saint-Georges indique que la décision est critiquée en ce qu’elle a déclaré irrecevable la demande formée par la société Bouygues Bâtiment Nord-Est en réduction des pénalités de retard de 7585,20 euros s’agissant de la réception de la tranche n° 1 ainsi que celle de 2733,80 euros au titre de l’appartement D26 ; cette irrecevabilité a été prononcée par l’Arbitre qui a relevé que la critique de la date de réception retenue, ne consiste pas en la réparation d’une erreur matérielle mais constitue la critique du raisonnement ayant conduit à retenir cette date ;

S’agissant de la somme de 24968,80 euros fixée par l’Arbitre au titre de pénalités de retard, elle affirme que celle-ci a été obtenue alors que l’Arbitre unique a fait application de son pouvoir modérateur ; en l’absence de décision ultra petita, il a considéré que le critère de l’erreur et celui de la matérialité n’étaient pas réunis, ce qui justifiait le prononcé de l’irrecevabilité de la demande ;

La Sentence Arbitrale contestée a également considéré que la demande de rectification du décompte définitif formée par la société Bouygues Bâtiment Nord-Est était irrecevable, s’agissant d’une erreur contenue dans les motifs et en l’absence d’erreur de calcul dans le décompte définitif tel qu’arbitré ;

La demande de rectification de l’erreur matérielle affectant les moins-values retenues par l’Arbitre a été également déclarée irrecevable, comme tendant à contester l’exercice de son pouvoir modérateur ;

seule une erreur matérielle relative au montant d’un devis EF 04 a été faite, aboutissant à modifier le solde du trop-versé à restituer par la société Bouygues Bâtiment Nord-Est de 200 euros (ht) ;

S’agissant de la demande de réévaluation des travaux modificatifs acquéreur, elle a été également déclarée irrecevable comme procédant d’une volonté de remettre en cause l’appréciation de l’Arbitre ; irrecevabilité également prononcée pour le même motif, s’agissant de l’indemnité accordée à la SCCV Résidence Saint-Georges en réparation du portage des invendus, ainsi que sur les honoraires complémentaires de l’AMO et du maître d’oeuvre ;

S’agissant de la demande de ‘révision du décompte définitif’ il a été rappelé qu’une erreur affectant les motifs est irrecevable ; en outre il a été précisé que la décision ayant arrêté le décompte définitif n’est affectée d’aucune erreur, le montant des pénalités de retard ayant été arbitré en équité et celui des travaux complémentaires écarté étant considérés comme injustifiés ; s’agissant de l’indemnisation des frais de portage, qui a été minorée en équité à 50% par l’Arbitre, ce montant prend en compte l’ensemble des paramètres portés à sa connaissance et ne dépend pas du nombre d’appartements en cause ;

S’agissant des honoraires complémentaires de l’AMO et du maître d’oeuvre, la Sentence Arbitrale est motivée en ce qu’elle retenu en équité un tiers des factures sans commettre d’erreur ; là encore l’appelante entend ainsi remettre en cause l’arbitrage effectué le 4 août 2021 alors que l’Arbitre unique a fait application de son pouvoir modérateur ;

S’agissant des sommes mentionnées au titre du décompte définitif, le fait pour l’Arbitre de n’en avoir retenu qu’une partie, implique l’exclusion implicite des autres pour obtenir le montant retenu (point 45 de la Sentence Arbitrale du 4 août 2021) ; en outre il a mentionné ‘le débouté des parties de toutes leurs prétentions et demandes’ ce qui exclut toute omission de statuer de sa part ; de manière subsidiaire, il sera relevé que les 3 postes écartés au titre des travaux complémentaires sont motivés par le fait de retenir ‘les seuls travaux modificatifs acquéreurs ayant fait l’objet de devis validés’ (21956,38 euros (ht)) ;s’agissant d’un marché à forfait, l’Arbitre a rappelé que seuls les postes en moins ou plus-values pouvaient être admis, à l’exclusion des frais d’encadrement supplémentaires résultant de l’allongement du délai de réalisation ainsi que des intérêts moratoires qui, par équité, ont été écartés dans la décision contestée ;

L’article 1485 du code de procédure civile énonce que ‘la sentence dessaisit le tribunal arbitral de la contestation qu’elle tranche. Toutefois, à la demande d’une partie, le tribunal arbitral peut interpréter la sentence, réparer les erreurs et omissions matérielles qui l’affectent ou la compléter lorsqu’il a omis de statuer sur un chef de demande. Il statue après avoir entendu les parties ou celles-ci appelées’ ;

L’article 1486 du même code fixe, dans le cadre de la réglementation spécifique à l’arbitrage, à 3 mois à compter de la notification de la sentence le délai dans lequel la requête en interprétation, en omission de statuer ou en rectification d’erreur matérielle visée à l’alinéa 2 de l’article 1485 doit être présentée ;

L’article 462 du code de procédure civile précise de plus, que le jugement rendu en rectification d’erreur ou d’omission matérielle ne peut être attaqué que par la voie d’un recours en cassation si la décision rectifiée est passée en force de chose jugée ; en revanche, la décision qui rejette une requête en rectification d’erreur ou d’omission matérielle obéit aux règles ordinaires pour les voies de recours et est donc susceptible d’être contestée par des recours de même nature que ceux pouvant être exercés contre la décision initiale (Civ. 2, 21 décembre 2000, n°98-19.550) ;

Par ordonnance d’incident du 7 décembre 2022, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de la société civile de construction vente Résidence le Saint Georges tendant à faire déclarer irrecevable le recours de la société anonyme simplifiée Bouygues Bâtiment Nord-Est en ce qu’il est dirigé contre la sentence du 2 décembre 2021 ;

Dès lors la recevabilité du recours en annulation est définitivement admise, en l’absence de déféré de cette décision ;

Sur le recours en annulation contre la Sentence Arbitrale du 2 décembre 2021

L’article 1492 du code de procédure civile énonce que ‘ le recours en annulation n’est ouvert que si :

1° Le tribunal arbitral s’est déclaré à tort compétent ou incompétent ; ou

2° Le tribunal arbitral a été irrégulièrement constitué ; ou

3° Le tribunal arbitral a statué sans se conformer à la mission qui lui avait été confiée ; ou

4° Le principe de la contradiction n’a pas été respecté ; ou

5° La sentence est contraire à l’ordre public ; ou

6° La sentence n’est pas motivée ou n’indique pas la date à laquelle elle a été rendue ou le nom du ou des arbitres qui l’ont rendue ou ne comporte pas la ou les signatures requises ou n’a pas été rendue à la majorité des voix’ ;

L’article 1493 du code de procédure civile prévoit que « lorsque la juridiction annule la Sentence arbitrale, elle statue sur le fond dans les limites de la mission de l’arbitre, sauf volonté contraire des parties. »

En l’espèce la partie appelante conclut à l’annulation de la Sentence Arbitrale prononcée le 2 décembre 2021 en se fondant sur les motifs 3 et 6 sus énoncés ;

* Sur le motif d’annulation tiré de l’absence de respect de sa mission par l’Arbitre unique

Il est constant que l’Arbitre unique avait pour mission de statuer « comme amiable compositeur, sans pour autant pouvoir exclure les conséquences des conventions librement consenties entre les parties ; »

En l’espèce dans la Sentence Arbitrale contestée il est rappelé qu’ «il est de l’office de l’amiable compositeur de statuer ex aequo et bono, et à ce titre, de modérer selon son appréciation de ce qui est juste et bon, les conséquences inéquitables de l’application de la loi et des effets mécaniques de l’application du contrat. A supposer vérifiées l’existence et la matérialité des erreurs ou des omissions, il faut encore vérifier si elles ont ou non des conséquences sur l’appréciation de l’Arbitre et sur le dispositif de la sentence ;»

Or la société Bouygues Bâtiment Nord-Est prétend que la motivation de la Sentence du 2 décembre 2021 est, d’une manière générale, très insuffisante et, contrairement à ce qu’indique son dispositif, il ne ressort pas de ses termes que l’Arbitre a « vérifié la conformité de cette Sentence à l’Équité » ;

Elle ajoute que l’Arbitre unique devait ‘vérifier l’existence des erreurs matérielles et omissions, puis en tirer les conséquences, en rectifiant et complétant le dispositif de sa Sentence du 4 août 2021, voire en le modifiant s’agissant des frais irrépétibles et dépens, dès lors que l’accumulation des erreurs et omissions a nécessairement conduit à fausser l’appréciation de l’Arbitre unique quant aux condamnations prononcées à cet égard, celles-ci devant être conformes à l’équité, et d’autant plus lorsque l’Arbitre unique statue en tant qu’amiable compositeur comme en l’espèce’ ;

Ce faisant la société Bouygues Bâtiment Nord-Est ne justifie en aucune manière que l’Arbitre unique n’a pas respecté sa mission, dès lors qu’il résulte des termes de la Sentence Arbitrale du 2 décembre 2021, qu’il a analysé les demandes faites au visa de l’article 462 du code de procédure civile, pour considérer que ne s’agissant pas d’une demande relevant de ce régime, elle était irrecevable ;

Décider le contraire impliquerait que l’Arbitre unique doit statuer en fait et en droit, sans se fonder sur aucune règle impérative, sur le seul fondement de l’équité ;

Dès lors l’appelante ne fonde aucunement son recours en annulation au visa du cas 3° de l’article 1492 du code de procédure civile sus énoncé ;

Le même motif d’annulation tiré de l’absence de respect de la mission a également été développé par l’appelante qui fait cette fois valoir que l’Arbitre unique a omis de statuer sur certains chefs de demande, relativement à l’établissement du décompte définitif arbitré à la somme de 115825,58 euros (ttc) ;

Cependant dans sa Sentence Arbitrale du 2 décembre 2021, ayant pris en compte une erreur sur une somme ainsi que son effet sur la somme exigible, l’Arbitre unique indique que ‘ la demande de nouveau calcul du décompte, au-delà de cette rectification à une dette 112.595,08 € au profit de la SCCV résidence Le Saint Georges, est irrecevable car elle procède d’une tentative de révision de la sentence’ ;

En effet dans la Sentence Arbitrale du 4 août 2021 (points 87 à 94), le décompte définitif du marché avait été arbitré et motivé notamment au vu d’un tableau n° 54 situé en page 33 ; l’appelante considère ainsi que la Sentence Arbitrale du 2 décembre 2021 qui a déclaré irrecevable sa demande portant sur une omission de statuer à ce titre, constituerait une violation des dispositions de l’article 1492 du code de procédure civile et justifierait l’annulation de cette décision pour défaut de la mission de l’arbitre, sans cependant expliquer en quoi il aurait failli dans l’exécution de sa mission ;

ce motif sera par conséquent rejeté ;

L’appelante argue dans un deuxième temps, de l’absence de motivation de la Sentence Arbitrale du 2 décembre 2021 (6°) qui a déclaré irrecevables les demandes en rectification d’erreur matérielle et en omission de statuer pour fonder sa demande en annulation ; plus précisément cette carence est relevée s’agissant de la question des honoraires complémentaires de l’AMO et du maître d’oeuvre, ainsi que de l’indemnisation de la ‘mévente’ ;

Sur ces points, il y a lieu de se référer aux termes de la Sentence Arbitrale du 2 décembre 2021, qui en page 10 énonce le principe qui sous-tend la demande en rectification d’erreur matérielle et en omission de statuer, pour le décliner et l’appliquer à tous les chefs de contestation développés par la société Bouygues Bâtiment Nord-Est, et notamment les honoraires complémentaires de l’AMO et du maître d’oeuvre (points 14 à 17) ainsi que sur la question de l’indemnité accordée à la SCCV en réparation de la prolongation et le portage des invendus (point 13) ;

Ainsi sur ce dernier point, l’Arbitre unique relève que s’il existe effectivement une distorsion quant au nombre d’appartements construits (tranche 2) ‘cette erreur matérielle n’affecte ni directement, ni même indirectement le raisonnement de l’Arbitre et sa concrétisation dans le dispositif’ pour déclarer cette demande irrecevable ; ce raisonnement a également vocation à s’appliquer s’agissant de la prise en compte du stock de logements (11 et non 19) ;

S’agissant du deuxième poste, l’Arbitre prononce également l’irrecevabilité de la demande, en la motivant en indiquant que ‘sous couvert de l’allégation d’une erreur matérielle, BBNE tente de procéder à une révision de la sentence, en contestant l’appréciation globale que l’Arbitre a porté sur les faits, en particulier l’avancement du chantier et ses difficultés’ ;

Aussi sur ces deux cas de contestation, il y a lieu de constater que le défaut de motivation n’est aucunement établi par la société Bouygues Bâtiment Nord-Est, qui dans cette hypothèse se livre à des calculs et abattement proportionnels pour voir annuler la décision qu’elle conteste, alors que dans un moyen précédent, elle faisait grief à l’Arbitre de ne faire que du droit et de ne point s’attacher à l’équité, notion que ce dernier avance, pour justifier une approche globale de ces préjudices ;

Deux autres motifs sont avancés à l’appui de son recours en annulation par la société Bouygues Bâtiment Nord-Est sur le fondement de l’article 1492 -6° du code de procédure civile ; ainsi elle fait valoir en premier lieu, que 8 postes ont été écartés sans motivation, s’agissant de l’établissement du décompte définitif entre les parties et en second lieu, que le même sort a été réservé à la demande de rectification des condamnations de la société Bouygues Bâtiment Nord-Est au titre des frais irrépétibles et des dépens de la Sentence Arbitrale du 4 août 2021 ;

Sur le premier point, le grief tiré de l’absence de motivation n’est pas justifié, la Sentence Arbitrale du 2 décembre 2021 prenant le soin de préciser en son point 16, que son rejet de la demande d’omission de statuer, est motivé par le fait que ‘ ce tableau global agrège les créances que l’Arbitre unique, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, a retenues, les considérant comme bien fondées. Ainsi, il a choisi de ne pas retenir certaines des créances alléguées par BBNE, en particulier celles visées à1a page 18 du Mémoire en réponse produit par BBNE à l’appui de son recours’ ; et il a conclu en indiquant que ‘les motifs de la sentence éclairent le dispositif et répondent donc à la mission confiée à l’Arbitre unique. En établissant le décompte; l’Arbitre unique a donc nécessairement statué sur la demande de la BBNE’ ;

Aucun défaut de motivation n’affecte ainsi la décision querellée, lequel constituerait un motif d’annulation ;

Le second point procède du premier, la société Bouygues Bâtiment Nord-Est considérant que les dépens et frais irrépétibles suivent la demande principale, en ce qu’elle est erronée et tourne au bénéfice de l’appelante ;

Ainsi l’Arbitre unique a considéré que ‘sous couvert de multiples allégations d’erreurs matérielles et d’une prétendue omission de statuer, BBNE se propose de réviser entièrement la sentence et de réécrire un dispositif dont il résulterait qu’elle serait désormais, au principal, la créancière de la SCCV Résidence Le Saint Georges’ ; statuant par des motifs explicites en ce qu’ils indiquent que ‘BBNE est bien la partie succombante. Sa demande en rectification d’erreur matérielle relative aux frais et dépens, tendant en réalité à mettre à la charge de la SCCV Résidence Le Saint Georges la somme de 155956,39 euros est donc irrecevable’, la décision contestée n’offre, au titre du défaut de motivation, aucun motif d’annulation ;

Enfin pour les mêmes raisons, la demande en annulation de BBNE sera également rejetée en ce qu’elle l’a condamnée au titre des frais irrépétibles, dépens et frais d’arbitrage concernant la Sentence Arbitrale du 2 décembre 2021 ;

En dernier lieu, la société Bouygues Bâtiment Nord-Est sollicite que, par le mécanisme de l’interprétation de sa propre sentence, l’Arbitre unique déboute la SCCV Résidence Le Saint Georges de ses demandes de 3558 euros, correspondant aux frais d’huissier et de 20209 euros correspondant aux honoraires de l’expert à partie, ce débouté devrait selon elle s’appuyer sur une interprétation du point n°102 de la sentence arbitrale initiale, indiquant que les frais irrépétibles et dépens de la procédure d’expertise et d`arbitrage ne couvrent pas ces deux postes ;

En réponse, la SCCV Résidence Le Saint-Georges indique que la demande d’interprétation formée par l’appelante contre le point 102 de la Sentence Arbitrale du 4 août 2021 et son dispositif, a été écarté par l’Arbitre unique dans sa décision du 2 décembre 2021, sans qu’il ne puisse lui être opposé un défaut de motivation ; en effet la condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens de la BBNE, impliquait l’ajout des dépens de la procédure d’expertise et d’arbitrage, lesquels incluent les frais de l’expert à partie (27855,76 euros) ;

Ainsi la Sentence Arbitrale a mentionné que ‘pour que l’Arbitre unique puisse interpréter la sentence, il convient de caractériser une cause d’interprétation, c’est-à-dire soit une contradiction, soit une ambiguïté : or il n’a constaté aucune ambiguïté en rapprochant les motifs du dispositif , les motifs constatent bien d’une part, que la procédure arbitrale et l’expertise sont intimement liées, d`autre part que les deux parties, selon des méthodes différentes, demandent la réparation de l’intégralité des frais exposés pour la procédure, ce qui exclut tout besoin à interprétation’ ;

En conséquence le recours en annulation de la Sentence Arbitrale du 2 décembre 2021 formé par la société Bouygues Bâtiment Nord-Est est non fondé et sera rejeté ;

Dès lors il ne sera pas statué sur le fond du litige, tout comme sur la demande incidente formée par la SCCV Résidence Saint-Georges ;

Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Se fondant sur l’accueil de son recours en annulation impliquant une révision des comptes entre les parties en sa faveur, la partie appelante réclame la condamnation de la SCCV Résidence Le Saint-Georges à lui payer une somme de 185956,39 euros, dont 30000 euros au titre de la procédure arbitrale en rectification, omission de statuer et interprétation, outre la présente procédure ainsi que les dépens des deux procédures arbitrales et de la procédure expertale ; elle réclame enfin, la prise en charge par l’intimée des honoraires de l’Arbitre unique du 2 décembre 2021 ;

La SCCV Résidence Saint-Georges fait valoir à cet égard, que la demande de l’appelante ne saurait prospérer ; qu’initiée par ses soins, elle justifie l’allocation d’une indemnité de 20000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de première instance ; en tout état de cause, elle considère que cette procédure a été utilisée de manière inappropriée et dilatoire, ce qui justifie l’allocation d’une somme supplémentaire au titre de la procédure d’appel ;

A défaut d’admission de son recours en annulation, la société Bouygues Bâtiment Nord-Est, partie perdante, devra supporter les dépens de la procédure arbitrale du 2 décembre 2021 ainsi que du présent recours en portant confirmation ; en outre la société Bouygues Bâtiment Nord-Est sera condamnée à payer à la SCCV Résidence Le Saint-Georges la somme de 8000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, en sus de la somme précédemment allouée ; en revanche elle sera déboutée de sa propre demande de ce chef.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,

Déclare mal fondé le recours en annulation formé par la SAS Bouygues Bâtiment Nord Est à l’encontre de la Sentence Arbitrale rendue le 2 décembre 2021 par Monsieur l’Arbitre unique, le Professeur [U] [M] ;

Le rejette et confirme la décision déférée en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute l’intimée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Bouygues Bâtiment Nord est à payer à la société Résidence Le Saint Georges une somme de 8000 euros (HUIT MILLE EUROS) au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance en annulation.

Le présent arrêt a été signé par Madame CUNIN-WEBER, Présidente de la première chambre civile de la Cour d’Appel de NANCY, et par Madame PERRIN, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Signé : C. PERRIN.- Signé : N. CUNIN-WEBER.-

Minute en dix-sept pages.

 


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