Droits des Compositeurs : 16 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/21189

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Droits des Compositeurs : 16 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/21189
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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Chambre commerciale internationale

POLE 5 – CHAMBRE 16

ARRET DU 16 MAI 2023

(n° 50 /2023 , 18 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/21189 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEYV5

Décision déférée à la Cour : sentence arbitrale finale rendue le 12 octobre 2021 à [Localité 5] sous l’égide de l’Association Française d’Arbitrage

DEMANDEURS AU RECOURS :

Monsieur [F] [S]

né le 25 Juillet 1962 à [Localité 8]

demeurant : [Adresse 6])

Société GROUPE [F] [S] (GRG)

société à responsabilité limitée de droit suisse , immatriculée au registre du commerce du canton de VAUD (SUISSE) sous le numéro CHE-319.792.190

ayant son siège social : [Adresse 7])

prise en la personne de ses représentants légaux,

Ayant pour avocat postulant : Me Stéphane BAZIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C1878

Ayant pour avocats plaidants : Me Massimo BIANCHI, avocat au barreau de MARSEILLE et Me Aymeric ALIAS, avocat au barreau de AIX-EN-PROVENCE

DÉFENDERESSE AU RECOURS :

Société IMAGINE

société par actions simplifiée,

immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 524 477 924

ayant son siège social : [Adresse 1]

Ayant pour avocat postulant : Me Patricia HARDOUIN de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056

Ayant pour avocat plaidant : Me Laurent LEVY de la SELAS LEXINGTON AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B0485

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 21 Mars 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Daniel BARLOW, Président de chambre

Mme Fabienne SCHALLER, Présidente de chambre

Mme Laure ALDEBERT, Conseillère

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l’audience par Madame [V] [N] dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Najma EL FARISSI

ARRET :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Daniel BARLOW, président de chambre et par Najma EL FARISSI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* *

*

I/ FAITS ET PROCEDURE

1. La cour est saisie d’un recours en annulation contre une sentence arbitrale finale rendue le 12 octobre 2021 à [Localité 5] sous l’égide de l’Association Française d’Arbitrage (ci-après l’« AFA ») dans un litige opposant :

– M. [F] [S], (ci-après M. [S]) ressortissant français, porteur d’un projet d’exploitation commerciale d’une source d’eau située à [Localité 4], au lieudit [Localité 3], et la société de droit suisse Groupe [F] [S] (ci-après la société « GRG ») qui exerce sous forme de holding, détenant l’intégralité des parts sociales dans la société de droit suisse Imagine R Water Development (ci-après « IRWD »),

à

– La société Imagine, SAS, société holding de droit français détenant des participations dans des sociétés spécialisées dans la production et la distribution de vins et de spiritueux.

2. Le différend trouve son origine dans la conclusion d’un contrat de vente le 19 mai 2017 entre, d’une part, M. [S] et la société GRG et, d’autre part, la société de droit français Imagine, portant sur la cession, par les premiers, de l’intégralité des parts sociales qu’ils détenaient de la société « IRWD » et de sa filiale [Localité 2] Emergence, société créée pour l’exploitation de l’eau de Bonneval, et ce moyennant le paiement d’un prix de quinze millions d’euros (15 000 000 €) en dix-neuf échéances étalées sur dix-sept ans, ledit paiement étant garanti par une garantie autonome à première demande fournie par la société Imagine à hauteur de onze millions sept-cent mille euros (11 700 000 €).

3. Cette opération a été réalisée dans le but d’exploiter commercialement l’eau de la source située à [Localité 2]-les-Bains.

4. Contestant la qualité de l’eau de [Localité 2] et notamment ses vertus thérapeutiques annoncées, la société Imagine a introduit une procédure d’arbitrage le 28 octobre 2020 auprès du secrétariat de l’AFA sur le fondement de la clause compromissoire stipulée à l’article 9.2 du contrat.

5. Le 26 novembre 2020, Mme [G] [H] [L] a été informée par le Président du Comité d’arbitrage de l’AFA qu’elle avait été désignée en qualité d’arbitre unique selon les modalités de l’article 13 du règlement d’arbitrage de l’AFA en vigueur à compter du 1er janvier 2017 (ci-après « le Règlement »).

6. Par un jugement en date du 9 juillet 2021, le tribunal judiciaire de Paris, statuant comme juge d’appui, s’est déclaré incompétent pour connaître des demandes formées par M. [S] et la société GRG aux fins, d’une part, de voir récuser Mme [Z], et d’autre part, de voir désigner un arbitre.

7. Par une sentence arbitrale finale du 12 octobre 2021, l’arbitre unique a statué en ces termes :

(1)

Déclare qu’elle est compétente pour connaître du litige entre les Parties à l’exception de la demande de la société Imagine SAS d’ordonner la mainlevée de la garantie autonome à première demande consentie par la SA Banque Crédit Industriel et Commercial à la société Groupe [F] [S] SARL sur ordre de la société Imagine SAS, le 12 juin 2017 ;

(2) Décide d’admettre aux débats les Pièces n°R-117, R-131 et R.132 ;

(3) Déclare les demandes de la société Imagine SAS et les demandes reconventionnelles de la société Groupe [F] [S] SARL et de M. [F] [S] recevables ;

(4) Dit que le prix d’achat des parts sociales de la société Imagine R Water Développement SARL de quinze millions d’euros (15.000.000,00 euros) est ramené à huit millions huit-cent vingt-mille euros (8.820.000,00 euros) ;

(5) Dit, en conséquence, que le versement d’un million d’euros (1.000.000,00 euros) du 19 mai 2022, sera dû dans son intégralité et que l’échéance du 19 mai 2023 sera due à hauteur de cinq cent vingt mille euros (520.000,00 euros) ;

(6) Interdit à la société Groupe [F] [S] SARL d’actionner ‘ dans l’hypothèse d’un défaut de paiement du solde du prix ‘ la garantie autonome à première demande consentie par la SA Banque Crédit Industriel et Commercial à la société Groupe [F] [S] SARL sur ordre de la société Imagine SAS, le 21 juin 2017 pour tout montant qui, ensemble avec les montants déjà acquittés, dépasserait le prix d’achat des parts sociales de la société Imagine R Water Développement SARL, comme déterminé sous le numéro (4) de ce dispositif ;

(7) Fait injonction à la société Groupe [F] [S] SARL d’informer la SA Banque Crédit Industriel et Commercial de l’interdiction prononcée sous le numéro (6) de ce dispositif dans les 30 jours qui suivent le prononcé de cette Sentence finale ;

(8) Condamne in solidum la société Groupe [F] [S] SARL et M. [F] [S] à payer à la société Imagine SAS la somme de cent seize mille huit cents euros (116.800,00 euros) et la somme de quatre cent quatre-vingt-onze mille quatre cent trente et un euros et soixante-treize centimes (491.431,73 euros).

(9) Rejette toutes autres demandes.

8. M. [S] et la société GRG ont formé un recours en annulation contre cette sentence le 30 novembre 2021.

9. Par ordonnance en date du 7 janvier 2022, le président du tribunal judiciaire de Paris a conféré force exécutoire à la sentence arbitrale du 12 octobre 2021.

10. La clôture a été prononcée par le conseiller de la mise en état le 21 mars 2023, l’affaire étant appelée à l’audience de plaidoiries du 21 mars 2023.

II/ PRETENTIONS DES PARTIES

11. Dans leurs dernières conclusions n°3 notifiées par voie électronique le 17 mars 2023, M. [S] et GRG demandent à la cour, au visa des articles 1492, 1493 et 1520 du code de procédure civile et de l’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme, de bien vouloir :

– Déclarer recevable et bien fondés M. [F] [S] et la société Groupe [F] [S] en leur recours en annulation ;

En conséquence,

– Annuler la sentence arbitrale en date du 12 octobre 2021 rendue par Madame [G] [Z] ;

– Annuler l’ordonnance d’exequatur rendue le 7 janvier 2022 par le Président du tribunal judiciaire de Paris ;

– Condamner la société Imagine à verser à M. [S] et à la société GRG la somme de 150 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

À titre subsidiaire :

– Rétracter l’ordonnance du Président du tribunal judiciaire de Paris rendue en date du 7 janvier 2022 conférant force exécutoire à la sentence arbitrale.

12. Dans ses dernières conclusions n°3 notifiées par voie électronique le 17 mars 2023, la société Imagine demande à la cour, au visa des articles 559, 910-4, 1464, 1466, 1504, 1506 et 1520 du code de procédure civile, et des articles 1188 et suivants et 1240 du code civil, de bien vouloir :

– Recevoir la société Imagine en ses demandes et ce faisant, l’en dire bien fondée ;

– Juger irrecevables les prétentions nouvelles aux fins de qualification de la sentence et de rétractation de l’ordonnance d’exequatur de la sentence contenues dans les Conclusions n°2 aux fins de recours en annulation régularisées le 27 janvier 2023 par Monsieur [F] [S] et la société Groupe [F] [S] ;

– Débouter M. [F] [S] et la société Groupe [F] [S] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

En conséquence,

– Rejeter le recours en annulation formé par M. [F] [S] et de la société Groupe [F] [S] contre la sentence arbitrale rendue le 12 octobre 2021 par Mme [G] [Z] ;

– Rejeter le recours en annulation formé par M. [F] [S] et de la société Groupe [F] [S] contre l’ordonnance d’exequatur de la sentence rendue le 7 janvier 2022 par le Président du tribunal judiciaire de Paris ;

À titre reconventionnel,

– Condamner in solidum M. [F] [S] et la société Groupe [F] [S] au paiement d’une amende civile de 10 000 euros pour procédure abusive ;

– Condamner in solidum M. [F] [S] et la société Groupe [F] [S] à payer à la société Imagine la somme de 50 000 euros pour procédure abusive ;

– Condamner in solidum M. [F] [S] et la société Groupe [F] [S] à payer à la société Imagine la somme de 100 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamner in solidum M. [F] [S] et la société Groupe [F] [S] aux entiers dépens et autoriser la SELARL 2H Avocats représentée par Maître [C] [I] à les recouvrer en application de l’article 699 du code de procédure civile.

III/ MOTIFS DE LA DECISION

13. M. [F] [S] et la société Groupe [F] [S] invoquent au soutien de l’annulation de la sentence arbitrale et de l’ordonnance d’exequatur plusieurs moyens tirés de l’incompétence du tribunal arbitral (A), de l’acquisition de l’extinction d’instance (B), de la violation par le tribunal arbitral de la mission qui lui avait été confiée, comportant plusieurs sous-moyens (C), du non-respect du principe de la contradiction (D) et de la contrariété de la sentence rendue avec l’ordre public international (E).

– A titre liminaire, sur la qualification de la sentence arbitrale

14. M. [S] et la société GRG soutiennent à titre liminaire que la sentence arbitrale est une sentence interne et qu’il y a lieu de la requalifier en ce sens.

15. Ils font notamment valoir que :

– Aucune décision judiciaire n’a qualifié la sentence arbitrale, nonobstant une décision rendue par le JEX et par la cour d’appel de Paris qui ont statué sur ce point alors qu’ils n’avaient pas compétence pour le faire.

– Le juge d’appui qu’ils ont saisi pour contester la désignation de l’arbitre unique et demander de donner effet à la clause de « médiation-conciliation » du contrat, a statué sur le fondement des textes applicables à l’arbitrage interne.

– Le critère essentiel de l’internationalité est celui du lieu de l’activité économique.

– L’eau de source exploitée par la société « [Localité 2] Emergence », société de droit français filiale de la société IRWD, est située en Savoie, France.

– Peu importe que la société GRG, bénéficiaire du prix de vente, soit de droit suisse puisque l’opération économique réside dans la volonté de contrôler une société de droit français, et d’exploiter et commercialiser une eau située en France.

16. En réponse, la société Imagine soutient que cette demande est irrecevable pour n’avoir pas été formulée dans les premières conclusions des appelants.

17. Elle fait subsidiairement valoir que l’arbitrage met en cause les intérêts du commerce international au regard de la relation économique à l’origine du litige relevant que :

– Le contrat a pour objet la cession des parts sociales d’une société de droit suisse (IRWD) détenues par une autre société de droit suisse (GRG) au bénéfice d’une société de droit français (Imagine), dont le prix convenu a été réglé en plusieurs échéances par une société française (Imagine) sur un compte bancaire ouvert au nom d’une société suisse (GRG) dans les livres d’une banque suisse (UBS Switzerland AG), en des devises différentes à savoir d’abord en francs suisses, puis en euros.

– L’arbitre unique avait qualifié expressément la procédure d’arbitrage d’international au paragraphe 445 de la sentence finale et les requérants ont eux-mêmes indiqué dans leurs premières conclusions qu’il s’agissait d’un arbitrage international.

– Le Premier Président de la cour d’appel de Paris a rejeté la demande d’arrêt de l’exécution provisoire de la sentence formulée par M. [S] et la société GRG au visa de l’article 1526 du code de procédure civile, procédure exclusivement applicable en matière d’arbitrage international.

– Elle produit un arrêt de la cour d’appel de Paris du 12 janvier 2023 par lequel la cour a, statuant en appel sur une décision du JEX, retenu que « la sentence litigieuse est bien une sentence arbitrale internationale, même si l’arbitre fait partie de l’Association Française d’Arbitrage, car le litige oppose une société française à une société de droit suisse au sujet du contrat de cession de parts sociales qui les lie, impliquant un transfert de patrimoine transfrontalier ».

Sur ce,

18. L’article 910-4 du code de procédure civile dispose qu’à peine d’irrecevabilité, relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910 du même code, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. L’irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures. Néanmoins, et sans préjudice de l’alinéa 2 de l’article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqué, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.

19. Aux termes de l’article 954, alinéa 3, du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.

20. Selon l’article 4 du code de procédure civile, l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties, telles que fixées par l’acte introductif d’instance, et par les conclusions en défense, l’objet du litige pouvant être modifié par des demandes incidentes lorsque celles-ci se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant. En application de l’article 5 du même code, le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé.

21. Il résulte des premières conclusions des appelants, notifiées le 29 avril 2022 en application de l’article 908 du code de procédure civile, que leur recours, exclusivement fondé sur articles 1492, 1493 et 1520 du code de procédure civile, ne contenait aucune prétention sur la qualification de l’arbitrage dans le dispositif, pas plus que dans les motifs. Il en allait de même des conclusions n° 2 du 27 janvier 2023, la « demande » de requalification étant énoncée dans leurs conclusions n°3 du 17 mars 2023 sans toutefois figurer dans le dispositif de ces écritures.

22. Dès lors, en l’absence de prétention au sens de l’article 4 du code de procédure civile visant à la requalification de la sentence, il n’y a pas lieu de déclarer irrecevable une telle « demande», dont la cour n’est pas saisie.

23. Les moyens développés sur le fondement des articles 1492 et 1493 du code de procédure civile sont par ailleurs inopérants, la sentence objet du présent recours en annulation étant une sentence internationale, qualifiée comme telle par l’arbitre, dès lors qu’elle met en jeu les intérêts du commerce international pour porter sur une opération qui ne se déroulait pas dans un seul État.

24. Le recours en annulation formé par M. [S] et la société GRG doit donc être apprécié à l’aune des seules dispositions relatives à l’arbitrage international.

– Sur l’incompétence de l’arbitre (1520, 1°)

25. M. [S] et la société GRG font valoir que la clause figurant à l’article 9.2 du contrat serait pathologique et que l’arbitre unique aurait retenu à tort sa compétence aux motifs que :

– L’arbitre unique aurait retenu sa compétence en violation des dispositions du règlement de l’Association Française d’Arbitrage, l’article 13 dudit règlement ne concernant que les mesures d’urgence mais ne permettant pas de faire une procédure accélérée au fond.

– L’arbitre unique aurait retenu sa compétence en violation de la clause compromissoire qui prévoyait une médiation préalable obligatoire, alors qu’aucune médiation préalable n’est intervenue.

– L’arbitre unique aurait retenu sa compétence en violation de la clause compromissoire et de la volonté des parties qui, aux termes de l’article 9.2(e) du contrat, circonscrit la compétence de l’arbitre unique, désigné conformément à l’article 13 du règlement de l’AFA, aux seules mesures d’urgence à l’exclusion du règlement des litiges sur le fond qui demeurent soumis à un arbitrage ad hoc.

26. La société Imagine fait valoir en réponse que :

– L’analyse de l’arbitre unique est conforme à la recherche de l’intention commune des parties selon la solution la plus vraisemblable à savoir que l’article 9.2 du contrat a prévu que tous les litiges seraient soumis à l’arbitrage et que l’arbitre serait toujours nommé selon les conditions de l’arbitrage d’urgence.

– Le raisonnement des requérants revient à désarticuler ou dépecer les clauses 9.2(a) à 9.2(d) de la clause 9.2(e).

– L’analyse de l’arbitre unique est conforme à l’effet utile de la clause compromissoire, selon lequel la convention d’arbitrage est interprétée in favor arbitrandum. Ainsi, la portée de la clause compromissoire a trait au contrat dans son entièreté, sans se borner aux termes de la clause. De même, la nature contractuelle ou délictuelle des demandes ne délimite pas la compétence des arbitres, dès lors que ces demandes peuvent être englobées dans les litiges couverts par le libellé de la convention d’arbitrage.

– La question du respect de la procédure de médiation-conciliation prévue par l’article 9.2 du contrat a déjà été tranchée par l’arbitre unique et, en tout état de cause, porte sur une question de recevabilité, sur laquelle la cour d’appel n’est pas compétente pour se prononcer dans le cadre d’un recours en annulation.

Sur ce,

27. L’article 1520, 1° du code de procédure civile ouvre le recours en annulation lorsque le tribunal arbitral s’est déclaré à tort compétent ou incompétent.

28. Il résulte de ces dispositions que, sans s’arrêter aux dénominations retenues par les arbitres ou proposées par les parties, le juge de l’annulation contrôle la décision du tribunal arbitral sur sa compétence en recherchant tous les éléments de droit ou de fait permettant d’apprécier la portée de la convention d’arbitrage.

29. Ce contrôle de la compétence est exclusif de toute révision au fond de la sentence. Il ne peut en outre porter sur le non-respect d’une clause de médiation qui est une question de recevabilité de la demande au fond et non une question de compétence du tribunal arbitral.

30. A ce titre, le moyen tiré de ce que l’arbitre unique aurait retenu sa compétence en violation de la clause de médiation préalable obligatoire, moyen sur lequel l’arbitre unique a d’ailleurs statué en estimant que la procédure de conciliation-médiation avait été dûment mise en ‘uvre, ne relève pas du juge chargé du contrôle de la sentence arbitrale et devra être purement et simplement rejeté.

31. S’agissant des deux autres branches du moyen tirées de l’interprétation de la clause compromissoire et de son caractère pathologique, il convient de rappeler qu’en cas de difficulté relative à la clause compromissoire, il y a lieu de rechercher la volonté réelle des parties, à la lumière :

– du principe d’interprétation de bonne foi, qui implique de ne pas permettre à l’une d’elles de se soustraire à des engagements librement consentis, et

– du principe de l’effet utile, selon lequel lorsque les parties insèrent une clause d’arbitrage dans leur contrat, il y a lieu de présumer que leur intention a été d’établir un mécanisme efficace pour le règlement des litiges visés par la clause compromissoire.

32. En l’espèce, il résulte du contrat que les parties sont convenues de la clause suivante :

« 9.2 CLAUSE DE MEDIATION-CONCILIATION SUIVIE D’UN ARBITRAGE

a. Les différends qui viendraient à naître à propos de l’exécution de la Vente et/ou d’un ou plusieurs de ses actes annexes seront soumis à une procédure de conciliation.

b. Le médiateur-conciliateur sera la personne du Rédacteur.

c. A défaut d’être parvenu à un accord dans le mois de la nomination du médiateur-conciliateur les Parties conviennent d’avoir recours à un arbitrage.

d. L’arbitrage a lieu en amiable composition.

e. Le tribunal arbitral sera constitué d’un arbitre unique désigné conformément à l’article 13 du règlement de l’Association Française d’Arbitrage qui sera appliqué »

33. Il résulte clairement de cette clause et notamment de ses alinéas c) et d) que les parties avaient l’intention de bonne foi de soumettre tous les litiges découlant du contrat, sans distinction de leur caractère ou non d’urgence, à un arbitrage en amiable composition, l’intention commune des parties de soustraire ces litiges à la justice étatique n’étant sujette à aucune interprétation.

34. C’est dès lors à juste titre, et sans encourir l’annulation, que l’arbitre unique a retenu comme établie ladite intention commune des parties d’arbitrer, faisant référence, dans sa motivation, à la décision rendue par le Juge d’appui du tribunal judiciaire saisi par M. [S] et la société GRG pour contester la nomination de l’arbitre, qui a retenu que :

– « Toutefois, il sera observé que les stipulations du a) de la clause litigieuse font clairement ressortir que les parties ont entendu soumettre à un tribunal arbitral statuant en amiable composition, les litiges découlant du contrat-cadre et pas exclusivement les demandes relatives à des mesures provisoires dont il n’est d’ailleurs pas fait mention. »

– « Ainsi, au regard du principe de l’effet utile de la clause compromissoire, le renvoi fait au (e) de cette même clause à l’article 13 du règlement d’arbitrage doit s’entendre comme l’expression de la volonté commune de recourir à la désignation par le Comité, de l’arbitre unique, sans être tenu par les délais de l’article 2 et les stipulations de l’article 6 du règlement, et à une organisation de l’arbitrage dans des délais plus resserrés, selon les modalités prévues aux différents paragraphes de l’article 13 ».

35. Il résulte clairement de la clause 9.2 du contrat susrappelée que l’intention des parties était de recourir à un arbitrage institutionnel organisé par l’AFA pour tous les litiges découlant du contrat et non de recourir à un arbitrage ad hoc pour les demandes ne relevant pas de la procédure d’urgence, aucune ambiguïté ou contradiction dans la rédaction de la clause compromissoire ne justifiant de distinguer le e) de l’article 9.2 des autres alinéas de cet article.

36. C’est dès lors sans encourir le grief tiré de l’incompétence alléguée que l’arbitre a retenu sa compétence nonobstant l’absence d’urgence, le renvoi par l’article 9.2 e) à l’article 13 du Règlement concernant seulement les modalités de désignation de l’Arbitre, et non l’étendue de la clause compromissoire couverte par les autres alinéas, clause dont la validité n’est en outre entachée d’aucun caractère pathologique.

37. A ce titre, le renvoi par l’article 9.2 e) à l’article 13 du Règlement a pour simple effet de permettre, comme voulu par les parties, au Comité d’arbitrage de procéder à la désignation d’un arbitre unique, selon les modalités prévues à l’article 13.1 du Règlement, donnant ainsi à ladite clause l’effet utile voulu par les parties.

38. En tout état de cause, la validité de la constitution du tribunal arbitral au regard des règles de désignation applicables ne concerne pas la compétence du tribunal arbitral, les arguments portant sur ladite constitution étant dès lors inopérants.

39. Il y a lieu par conséquent de rejeter ce moyen en toutes ses branches.

– Sur le non-respect de la mission (article 1520, 3°)

40. M. [S] et la société GRG invoquent la violation de la mission de l’arbitre en trois branches faisant l’objet de développements distincts dans les conclusions, mais qu’il y a lieu de regrouper sous l’article 1520, 3° du code de procédure civile :

– M. [S] et la société GRG demandent l’annulation de la sentence rendue le 12 octobre 2021 au motif que le délai conventionnel pour rendre la sentence prévu par le Règlement de l’AFA n’aurait pas été respecté, rappelant que l’article 17 du Règlement de l’AFA impose un délai de six mois à compter de la saisine du tribunal arbitral, délai qui peut être prorogé par le Comité d’arbitrage, et qu’en l’espèce, le point de départ faisant courir le délai conventionnel est contesté et partant, la date limite à laquelle la sentence devait être rendue.

A titre subsidiaire, ils soutiennent que l’arbitre unique ne pouvait appliquer les dispositions de l’alinéa 2 de l’article 17 du règlement d’arbitrage de l’AFA relatif à la prorogation du délai d’arbitrage qui contreviennent à l’article 1463, alinéa 2, du code de procédure civile.

– Sur le non-respect allégué de la mission pour avoir « statué hors champs de sa compétence », ils soutiennent que l’arbitre unique a statué ultra petita en procédant à une analyse des modalités de distribution de l’eau de source alors même que, d’une part, cette analyse ne faisait ni partie du litige, ni partie des termes du contrat de cession, et d’autre part, que ces arguments n’ont pas été soulevés par la société Imagine.

– Ils soutiennent encore que l’arbitre unique n’a pas respecté les règles inhérentes à l’amiable composition et n’a motivé sa sentence au regard de l’équité que dans des termes vagues et à l’appui de motifs insuffisants.

41. En réponse, la société Imagine fait valoir que :

– M. [S] et la société GRG ont renoncé à se prévaloir du non-respect des délais par l’arbitre unique, conformément à l’article 1466 du code de procédure civile, puisqu’ils n’ont jamais formulé de griefs tendant à remettre en cause le délai pour rendre la sentence en cours d’instance.

– Il n’y a eu aucune réserve sur les prorogations de délais pendant l’arbitrage.

– Les requérants ont adressé différentes correspondances à l’arbitre unique, sans jamais évoquer une quelconque méconnaissance du point de départ et des délais applicables, et ont même sollicité de l’arbitre unique qu’elle sursoit à statuer dans l’attente de l’issue d’une procédure impliquant une filiale d’Imagine.

– L’article 1463 du code de procédure civile n’a qu’une portée supplétive.

– S’agissant de l’amiable composition, elle rappelle que l’arbitre dispose d’un pouvoir souverain pour déterminer s’il entend statuer en équité ou en droit, et qu’en l’espèce, l’arbitre unique a certes statué en droit mais qu’il a pris le soin d’indiquer, au terme d’une motivation précise et circonstanciée pour quelles raisons l’application des règles de droit lui semblait conforme à l’équité.

– Enfin, elle soutient qu’il n’appartient pas au juge chargé du contrôle de réviser la sentence, ce que M. [S] et la société GRG lui demandent en réalité de faire, sous couvert d’une prétendue violation de la mission, invoquant une dénaturation des termes du litige par l’arbitre, pour faire sanctionner le raisonnement et la solution adoptée par l’arbitre unique, ce qui s’oppose au principe de non-révision au fond de la sentence.

Sur ce,

42. L’article 1520, 3° du code de procédure civile ouvre le recours en annulation lorsque le tribunal arbitral a statué sans se conformer à la mission qui lui avait été confiée.

43. Selon l’article 1466 du code de procédure civile, rendu applicable en matière d’arbitrage international par l’article 1506 du même code, « la partie qui, en connaissance de cause et sans motif légitime, s’abstient d’invoquer en temps utile une irrégularité devant le tribunal arbitral est réputée avoir renoncé à s’en prévaloir ».

44. En l’espèce, s’agissant tout d’abord de l’irrecevabilité du moyen de la violation de la mission tiré du non-respect du délai conventionnel pour rendre la sentence, la société Imagine fait valoir qu’à aucun moment, que ce soit dans l’acte de mission ou dans les échanges avec le Comité d’arbitrage, ni dans les mémoires respectifs des parties, le point de départ conventionnel de la durée pour rendre la sentence n’a été contesté, le délai pour rendre la sentence étant prévu par le Règlement et pouvant être prorogé, et ayant en l’espèce été suspendu et prorogé à plusieurs reprises sans que les parties n’invoquent une quelconque irrégularité au cours de l’instance arbitrale.

45. M. [S] et la société GRG indiquent qu’ils ne pouvaient s’en prévaloir avant que la sentence ne soit rendue et qu’ils ne peuvent être présumés y avoir renoncé.

46. Or, contrairement à ce qu’ils soutiennent, ce n’est pas après que la sentence a été rendue que la fixation du point de départ du délai pour rendre la sentence a été connu, mais dès sa fixation par l’acte de saisine de l’AFA, puis au cours de la procédure et lors des ordonnances de procédure qui ont émaillé l’arbitrage, jusqu’au jour des plaidoiries, le point de départ du délai ayant été discuté et mentionné à de nombreuses reprises, l’arbitre prenant soin de rappeler l’ensemble des dates auxquelles les parties ont été destinataires de correspondances ou d’invitations à produire des pièces ou des arguments au soutien de leurs positions, M. [S] et la société GRG ayant au demeurant eux-mêmes demandé plusieurs fois l’adaptation du calendrier procédural « afin de leur permettre de présenter leur défense dans des conditions acceptables », ce que l’arbitre a refusé de façon motivée, considérant ces demandes non fondées voire dilatoires.

47. L’Acte de Saisine ayant été signé et transmis au comité d’arbitrage le 23 février 2021, le point de départ du délai fixé par le Règlement de l’AFA à la date de l’Acte de Saisine était connu de l’ensemble des parties dès cette date.

48. M. [S] et la société GRG doivent dès lors être déclarés irrecevables à se prévaloir d’une absence de connaissance de cette date et d’un non-respect des délais conventionnels, étant présumés avoir renoncé à invoquer toute irrégularité à ce titre, par application de l’article 1466 du code de procédure civile, que ce soit sur la contestation du point de départ du délai ou sur sa computation ainsi que sur les conséquences à en tirer sur le délai dans lequel la sentence devait être rendue.

49. Le moyen développé de ce chef par les requérants est dès lors irrecevable.

50. S’agissant ensuite de la violation de la mission par l’arbitre pour avoir statué « ultra petita », il y a lieu de rappeler qu’il n’appartient pas au juge du contrôle, sous couvert de la violation alléguée, de procéder à une révision au fond de la sentence.

51. Le recours en annulation est ouvert si le tribunal a statué sans se conformer à la mission qui lui avait été confiée laquelle est délimitée principalement par l’objet du litige, tel qu’il est déterminé par les prétentions des parties.

52. En l’espèce, si M. [S] et la société GRG contestent la motivation de l’arbitre l’ayant conduit à retenir l’existence d’un défaut de conformité lié à la qualité de l’eau justifiant la baisse du prix de cession, ce qui faisait partie des demandes et des termes de la mission, il n’appartient pas au juge de l’annulation de vérifier le bien ou le mal fondé de la sentence et de la motivation de l’arbitre sur ces faits pour arriver à cette conclusion, ni de s’assurer de la pertinence du raisonnement suivi par l’arbitre, étant ici relevé que, contrairement à ce qu’affirment les demandeurs au recours, le tribunal arbitral ne s’est pas prononcé sur des demandes qui n’étaient pas dans le débat, mais uniquement sur des analyses qui relèvent du raisonnement de l’arbitre, sur la base des éléments qui lui étaient présentés par les parties, sans démontrer l’existence d’une quelconque méconnaissance par l’arbitre de sa mission.

53. S’agissant enfin du non-respect de la mission d’amiable composition allégué, il convient de rappeler que l’amiable composition est une renonciation conventionnelle aux effets et au bénéfice de la règle de droit, les parties perdant la prérogative d’en exiger la stricte application et les arbitres recevant corrélativement le pouvoir de modifier ou de modérer les conséquences des stipulations contractuelles dès lors que l’équité ou l’intérêt commun bien compris des parties l’exige.

54. L’arbitre ne s’écarte toutefois pas de sa mission s’il use de la liberté qui lui est accordée par la référence à son pouvoir de statuer en amiable compositeur de faire le choix d’appliquer le droit pour statuer sur une demande, l’arbitre n’ayant pas l’obligation de statuer uniquement en équité.

55. Il n’appartient pas au juge de l’annulation de vérifier le bien ou le mal fondé de la sentence au regard du choix fait par l’arbitre d’appliquer un raisonnement en droit plutôt qu’en équité pour arriver à la conclusion retenue au fond, dès lors que l’arbitre s’est expliqué sur les motifs retenus et a invité les parties à s’expliquer sur les différentes options possibles.

56. En l’espèce, il résulte de la sentence que les parties ont été invitées à plusieurs reprises à faire état de leur position sur le statut d’amiable compositeur de l’arbitre (cf. §126 de la sentence, M. [S] et la société GRG ayant indiqué lors d’une conférence de gestion de la procédure « l’équité’ ça n’est pas de s’abstraire de toutes les règles de droit, en tout cas dans ce pays, ce n’est pas comme cela que ça marche ») et l’arbitre a consacré une partie entière (F) de sa motivation à la prise en compte des éléments d’équité dans le cadre de sa mission d’amiable compositeur (cf. §630 et s. de la sentence « (F) Considérations de motifs tirés de l’équité », l’arbitre concluant après un long développement qui ne relève pas du contrôle du juge de l’annulation que « l’Arbitre unique considère que la décision de ne pas réduire le prix d’acquisition en raison de la présence de Leptothrix est conforme à l’équité et à sa mission d’amiable compositeur »).

57. L’arbitre a également, au §635 de la sentence sur la garantie bancaire, indiqué avoir entièrement motivé sa décision sur cette question en équité, s’expliquant sur les motifs retenus concernant l’interdiction faite « à GRG d’actionner la garantie bancaire à première demande pour tout montant qui dépasserait le prix d’achat définitif des parts sociales d’IRWD restant dû ». Il en est de même pour la liquidation de l’astreinte et pour les demandes reconventionnelles de M. [S] et de GRG (§. 636-637 et s.).

58. Le moyen développé sur le non-respect de la mission d’amiable compositeur dont il était investi est dès lors non fondé. Il sera rejeté.

– Sur la violation du principe de la contradiction et de l’égalité des armes (1520, 4°)

59. M. [S] et la société GRG font valoir que :

– l’arbitre unique aurait circonscrit les débats dans un calendrier inégalitaire, et se serait octroyé quatre mois pour rédiger sa sentence sur les six mois dévolus à la procédure arbitrale.

– l’arbitre unique aurait refusé d’accorder une suspension de procédure au bénéfice des défendeurs à la suite de leur demande de récusation.

– l’arbitre unique aurait statué sur les demandes de la société Imagine relatives, d’une part, à la garantie à première demande, et d’autre part, aux frais exposés par les parties, sans que lesdites demandes ne fassent l’objet d’un débat contradictoire.

– l’arbitre unique aurait octroyé à la société Imagine des mesures conservatoires tout en gardant un calendrier de procédure très court et préjudiciable, alors même qu’il n’existait aucune raison justifiant le raccourcissement des échanges d’écritures entre les parties.

– l’arbitre unique aurait refusé, d’une part, de faire droit à une sommation de communication de pièces du 24 mars 2021 en raison de son caractère tardif, quand bien même la demande était matérialisée près de cinq mois avant que la sentence ne soit rendue, et d’autre part, de faire droit à la demande de M. [S] et de GRG d’ordonner une contre-expertise de valorisation des parts sociales de IRWD au motif qu’il leur appartenait de mandater leur propre expert.

60. En réponse la société Imagine fait valoir que :

– Les requérants ont eux-mêmes, durant l’instance arbitrale, été des multirécidivistes de la violation des principes du contradictoire et de loyauté de la procédure, notamment en communiquant leur mémoire en défense à moins de 10 jours de l’audience, avec trois semaines de retard par rapport au calendrier de procédure et un volume important de pages et de pièces (80 pages d’écritures et plus de 115 pièces).

– La demande de contre-expertise était purement dilatoire et a été formulée à la dernière étape de la procédure dans le seul dessein de retarder encore le prononcé de la sentence.

– L’étude produite par Imagine devant l’arbitre unique, bien que relativement ancienne, avait été réalisée en présence des requérants et même à la demande de ces derniers : elle était donc bien contradictoire.

Sur ce,

61. Il résulte de l’article 1520, 4° du code de procédure civile que le recours en annulation est ouvert si le principe de la contradiction n’a pas été respecté. Le principe de la contradiction exige que les parties aient pu faire connaître leurs prétentions de fait et de droit et discuter celles de leur adversaire de telle sorte que rien de ce qui a servi à fonder la décision des arbitres n’ait échappé à leur débat contradictoire.

62. Le principe de la contradiction permet d’assurer la loyauté des débats et le caractère équitable du procès, et notamment le respect de l’égalité des armes.

63. Il est toutefois constant que l’arbitre peut tirer des conséquences d’un fait dans les débats ou procéder à une interprétation des éléments qui sont dans les débats, quand bien même les parties n’ont pas insisté sur ce point, sans que cela signifie qu’il a soulevé un moyen d’office.

64. De même, l’appréciation des modes de preuve pertinents relève du pouvoir souverain de l’arbitre, dès lors que les pièces ont été régulièrement échangées et débattues devant l’arbitre, notamment le choix fait pas celui-ci de d’ordonner une contre-expertise ou de considérer le caractère pertinent ou non d’une pièce.

65. Il n’y a enfin aucune violation du principe de la contradiction à ne pas soumettre préalablement au prononcé de la sentence la motivation de celle-ci au débat contradictoire, sauf à empêcher les arbitres de jamais statuer et d’avoir leur liberté de rédaction s’il leur fallait provoquer les explications des parties sur le raisonnement à tenir.

66. En l’espèce, s’agissant des débats sur le calendrier procédural déjà évoqué dans les motifs ci-dessus, il est établi que les parties ont été invitées à faire valoir à plusieurs reprises leurs observations sur les délais proposés par le tribunal arbitral dans le cadre des règles fixées par le Règlement de l’AFA et que l’arbitre a répondu de façon motivée à l’ensemble des demandes, les parties n’ayant pas contesté lesdites décisions et les ordonnances de procédure dans le cadre de la procédure arbitrale.

67. De plus, sous couvert de violation de la contradiction, M. [S] et la société GRG invoquent en réalité les mêmes griefs déjà rejetés ou déclarés irrecevables, tenant à la date de saisine du tribunal arbitral, ou à la suspension du délai demandée, dont il a été relevé ci-dessus que la date de saisine était connue des parties et qu’elle n’a fait l’objet d’aucune contestation devant le tribunal arbitral, et que la suspension demandée a été demandée quatre fois par les requérants et rejetée par l’arbitre par plusieurs décisions motivées.

68. S’agissant du refus par l’arbitre d’ordonner une sommation de communiquer des pièces et d’ordonner une contre-expertise, refus motivés par l’arbitre, M. [S] et la société GRG critiquent en réalité, sous couvert de violation de la contradiction, la sentence arbitrale au fond, la communication des pièces et la contre-expertise demandées ayant été écartées pour des motifs tenant à la fois à recevabilité desdites demandes, relevant de l’appréciation de l’arbitre, et du fond, les parties étant libres, en arbitrage, d’apporter leurs propres experts.

69. En l’espèce, l’expert [K] nommé par la société Imagine a fait l’objet d’un contre-interrogatoire récapitulé au § 556 de la sentence établissant que M. [S] et la société GRG ont pu le contre-interroger de façon extensive « sur les éléments factuels et sur l’interprétation de divers documents (‘) », et que l’arbitre a pu prendre position notamment sur l’allégation de « rapport bidon » invoqué par les recourants, les critiques sur ce point étant infondées.

70. Enfin, s’agissant des autres demandes relatives à l’égalité des armes, qui implique l’obligation d’offrir à chaque partie une possibilité raisonnable de présenter sa cause, dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire, il s’agit en réalité pour M. [S] et la société GRG de contester essentiellement l’égalité des délais entre ceux accordés aux parties et ceux accordés à l’arbitre pour prendre sa décision, ce qui n’affecte pas l’égalité des armes. En ce qui concerne les délais de production des pièces ou des écritures demandés accordés aux parties, lesdites ordonnances de procédure ont fait l’objet d’un débat préalable et l’arbitre a pris ses décisions sur la base du Règlement de l’AFA et du calendrier établi contradictoirement puis, en suivant son propre raisonnement au regard des exigences de célérité de l’arbitrage qui lui était confié, cette exigence ayant fait l’objet de nombreux débats et échanges entre les parties et l’arbitre, et les motifs retenus par l’arbitre ne faisant pas apparaitre un tel déséquilibre.

71. Par conséquent, en l’absence de tout autre élément le moyen tiré de la violation du principe de la contradiction doit être rejeté.

– Sur la violation de l’ordre public international (1520, 5°)

72. M. [S] et la société GRG font valoir que :

– l’arbitre unique ayant retenu que l’eau de source serait considérée comme un médicament, cela signifie qu’en l’absence d’autorisation de mise sur le marché d’un médicament conformément aux règles d’ordre public de l’Organisation Mondiale de la Santé (ci-après « OMS »), le contrat portant sur cette eau est entaché d’une nullité absolue en raison de son objet illicite, constituant une violation de l’ordre public international.

– la sentence arbitrale serait le fruit d’une fraude au jugement perpétrée par la société Imagine qui avait en réalité déjà renoncé dès après la vente à exploiter l’eau de source pour ses vertus thérapeutiques, mais a prétendu faire croire que ce n’était que bien plus tard qu’elle aurait été contrainte de renoncer à ce mode d’exploitation en raison des éléments portés postérieurement à sa connaissance, ce qui justifierait la diminution du prix qu’elle réclamait, tout en procédant parallèlement à l’enregistrement de deux marques à l’INPI comme eau de source ayant des vertus thérapeutiques.

– le rapport de l’expert mandaté par la société Imagine (M. [E] [K]) relatif à la valorisation des parts sociales par l’arbitre unique serait le fruit d’une concertation frauduleuse destinée à obtenir la réduction significative du prix de cession.

– De nombreuses autres man’uvres frauduleuses auraient été commises dès le mois de novembre 2017, démontrant que la décision a été obtenue par fraude, justifiant le dépôt d’une plainte avec constitution de partie civile qui porte également sur l’arbitre.

73. La société Imagine fait valoir en réponse que :

– Aucune violation de l’ordre public international n’est caractérisée.

– Le contrat objet du litige est un contrat de cession de parts sociales et non un contrat de vente de médicaments et n’a fait l’objet d’aucune requalification. En tout état de cause, aucune violation d’une obligation légale ou réglementaire n’est établie.

– Aucune escroquerie au jugement ne saurait être tirée de prétendues affirmations erronées d’Imagine sur l’exploitation de l’eau de source pour ses vertus thérapeutiques et sur une contradiction sur la date à laquelle la société Imagine aurait en réalité renoncé à l’exploiter comme telle.

– Le fait d’avoir déposé des marques en 2022 et non des brevets couvrant divers produits dont des produits thérapeutiques destinés à faire baisser le cholestérol est sans rapport la valeur thérapeutique et avec l’exploitation finalement décidée pour l’eau de source de [Localité 2]. De plus, plusieurs marques déjà déposées par M. [S] en 2013 ont été réutilisées après un renouvellement automatique sans intention particulière de la société Imagine.

– Aucune fraude n’est caractérisée.

– Le quantum du préjudice ne rentre pas dans l’ordre public international.

Sur ce,

74. Il résulte de l’article 1520-5° du code de procédure civile que le recours en annulation est ouvert si la reconnaissance ou l’exécution de la sentence est contraire à l’ordre public international.

75. L’ordre public international au regard duquel s’effectue le contrôle du juge de l’annulation s’entend de la conception qu’en a l’ordre juridique français, c’est-à-dire des valeurs et des principes dont celui-ci ne saurait souffrir la méconnaissance même dans un contexte international.

76. En l’espèce, outre le fait que la méconnaissance des règles de l’OMS relatives aux ventes de médicaments n’avait pas été invoquée devant le tribunal arbitral, et qu’à supposer même qu’une telle méconnaissance fût alléguée, il n’en résulte pas nécessairement une violation de l’ordre public international, une telle méconnaissance dépendant des circonstances de fait qui ne sont pas établies en l’espèce. En effet, le moyen tend en réalité à revenir sur la décision en fait de l’arbitre et à obtenir la révision au fond de la sentence, à savoir la requalification du contrat de cession de parts sur la base d’une interprétation de la qualification qu’aurait faite l’arbitre de la valeur de l’eau de [Localité 2], révision interdite au juge de l’annulation.

77. En outre, M. [S] et la société GRG sous couvert de fraude, tentent de faire rejuger la diminution du prix de cession des parts sociales décidée par l’arbitre en remettant en cause le défaut de conformité retenu, ou en critiquant la valeur de l’expertise financière ayant été utilisée par l’arbitre pour sa motivation, ce qui revient à critiquer l’appréciation au fond du litige.

78. En effet, pour décider de la diminution du prix de cession, l’arbitre s’est fondée, aux §547 et suivants de la sentence, sur une motivation très précise constatant la différence de valeur selon que l’eau a ou n’a pas de valeur thérapeutique :

– « En l’espèce, il est évident que la valeur des parts sociales d’une société détenant (indirectement) les droits l’exploitation d’une source d’eau minérale, n’est pas la même que la valeur des parts sociales d’une société détenant (indirectement) les droits d’exploitation de la seule source d’eau minérale pouvant être prescrite par des médecins pour diminuer le taux de mauvais cholestérol de leurs patients. En conséquence, le prix des actions vendues ne correspond pas à la réalité de l’actif de la société vendue, ce qui permet de conclure à l’existence d’un défaut de conformité. »

Pour conclure, après analyse détaillée du rapport de l’expert Monsieur [K] au §570 :

– « En conséquence, l’Arbitre unique conclut que la valeur des actions s’élevait bien à 8.820.000,00 millions d’euros, ce qui équivaut à une réduction du prix des actions de 6.180.000,00 euros ».

79. L’arbitre a ensuite expressément écarté les autres motifs de non-conformité allégués qu’elle a estimés insuffisamment établis (§571 et s.).

80. De même, l’allégation de requalification par l’arbitre du contrat en « vente de médicaments », sans que cela ne résulte toutefois de la sentence, pour invoquer une illicéité fondée sur la nullité absolue du contrat, revient à interpréter la décision de l’arbitre et à modifier les éléments du litige, ce qui ne relève là encore pas du contrôle du juge de l’annulation.

81. Il en est de même des contradictions alléguées qui portent sur le choix de la société Imagine d’exploiter la source en utilisant ses vertus thérapeutiques, qui dépendent d’une appréciation des faits qui a fait l’objet de débats devant l’arbitre et qui ne peut être soumis à la révision du juge chargé du contrôle. Le fait de considérer que ces contradictions alléguées seraient des mensonges constituant une escroquerie au jugement n’est par ailleurs étayé par aucun élément qui montrerait que la décision de l’arbitre aurait été surprise.

82. Il y a lieu, au vu de ce qui précède, d’écarter le moyen tiré de la contrariété de la sentence avec l’ordre public international.

83. D’où il suit que le recours en annulation formé par M. [S] et la société GRG contre la sentence rendue le 12 octobre 2021 doit être rejeté.

– Sur la demande d’annulation et de rétractation de l’ordonnance d’exequatur

84. M. [S] et GRG font valoir que les multiples fraudes commises dans le cadre de la procédure arbitrale et l’instruction correctionnelle actuellement en cours par-devant le tribunal judiciaire de Paris justifient l’annulation de la sentence et par voie de conséquence l’annulation de l’ordonnance d’exequatur.

85. A titre subsidiaire, ils font valoir que ces fraudes justifient, en tout état de cause, la rétractation de l’ordonnance d’exequatur du 7 janvier 2022.

86. La société Imagine fait valoir en réponse que :

– D’une part, la cour, saisie en tant que juge de l’annulation et dont l’étendue de la saisine est strictement limitée aux cas d’ouverture visés à l’article 1520 du code de procédure civile, ne dispose pas du pouvoir de rétracter l’ordonnance d’exequatur.

– D’autre part, cette demande est nouvelle dès lors qu’elle n’a pas été formulée dans les premières conclusions des requérants, et partant, est irrecevable.

Sur ce,

87. S’agissant de la demande d’annulation de l’ordonnance d’exequatur par voie de conséquence de l’annulation de la sentence, celle-ci est devenue sans objet et sera rejetée, compte tenu du rejet du recours en annulation de la sentence.

88. S’agissant de la demande de rétractation de l’ordonnance d’exequatur, celle-ci ne figure pas dans le dispositif des conclusions de M. [S] et de la société GRG qui ont simplement demandé l’annulation de ladite ordonnance. La cour n’est dès lors pas saisie d’une telle prétention.

-Sur la demande de condamnation à une amende civile et à des dommages intérêts pour procédure abusive

89. Selon l’article 32-1 du code de procédure civile celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.

90. Une partie n’a pas qualité pour demander la condamnation de l’autre à une amende civile, qui profite à l’Etat de sorte que la demande de la société Imagine sur ce chef est irrecevable.

91. L’action en justice constitue un droit qui ne dégénère en abus qu’en cas de faute et sauf circonstances spéciales.

92. En l’espèce, la preuve d’une faute ou d’une légèreté blâmable commise spécifiquement à l’occasion de l’introduction de cette procédure de la part des demandeurs n’est pas établie, le fait de former un recours en annulation contre une sentence sur la base de tous les moyens légalement admissibles, même non fondés, ne pouvant à soi seul constituer un abus ou une faute, tout comme l’utilisation des voies de droit telles que la demande de suspension de l’exécution provisoire ou le dépôt d’une plainte pénale.

93. Le caractère dilatoire allégué des procédures engagées par M. [S] et la société GRG, ainsi que le changement d’avocat qui a retardé certains délais, n’est pas non plus à lui seul constitutif d’une faute susceptible d’ouvrir droit à indemnisation sur le fondement de l’article 1240 du code civil.

94. La demande de dommages et intérêts de la société Imagine sur ce fondement sera dès lors rejetée.

– Sur les frais et dépens

95. Il y a lieu de condamner les recourants, partie perdante, aux entiers dépens.

96. En outre, ils doivent être condamnés à verser à la société Imagine, qui a dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits, une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile qu’il est équitable de fixer à la somme de 80.000 euros.

IV/ DISPOSITIF

Par ces motifs, la cour :

1) Constate que la cour n’est saisie d’aucune demande de requalification de la sentence arbitrale en sentence interne,

2) Dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur la recevabilité d’une demande dont la cour n’est pas saisie,

3) Déboute M. [S] et la société GRG de leur recours en annulation de la sentence du 12 octobre 2021,

4) Déboute M. [S] et la société GRG de leur demande subséquente d’annulation de l’ordonnance d’exequatur du 7 janvier 2022,

5) Constate que la cour n’est pas saisie d’une demande de rétractation de l’ordonnance d’exequatur,

6) Déboute la société Imagine de sa demande de dommages et intérêts pour recours abusif,

7) Déclare la demande de condamnation à une amende civile irrecevable,

8) Condamne in solidum M. [S] et la société GRG à payer à la société Imagine la somme de 80.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et les condamne aux entiers dépens, dont distraction conformément aux dispositions de l’article 699 du même code.

LA GREFFIERE, LE PRESIDENT,

 


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