Droits des Compositeurs : 11 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/19202

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Droits des Compositeurs : 11 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/19202
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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 9

ARRET DU 11 MAI 2023

(n° , 12 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/19202 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CETLY

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Octobre 2021 -Tribunal de Commerce de PARIS 04 – RG n° 2019070903

APPELANTE

S.A.S. BETSI

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Localité 4]

immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de LYON sous le n°970 505 368

représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477,

assistée de Me Marion RAES, avocat au barreau de LILLE, toque : 0332

INTIMEE

S.A. HORUS GROUP ès qualités de liquidateur de la société INTERNATIONAL COMPAGNY SERVICES, [Adresse 2]

[Adresse 3]

[Localité 5]

représentée par Me Xavier CANIS de la SCP CANIS LE VAILLANT AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : R136,

assistée de Me Pierre FERNANDEZ, avocat au barreau de PARIS, toque : A0786

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Isabelle ROHART, Conseillère et Mme Déborah CORICON, Conseillère.

Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues à l’article 804 du code de procédure civile.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Sophie MOLLAT-FABIANI, Présidente

Mme Isabelle ROHART, Conseillère

Mme Déborah CORICON, Conseillère

GREFFIER : Madame Saoussen HAKIRI lors des débats.

ARRET :

– contradictoire,

– rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

– signé par Mme Sophie MOLLAT, Présidente et par Mme Saoussen HAKIRI, Greffière présente lors de la mise à disposition.

***********

 

La société de droit luxembourgeois International Compagny Services (ci-après ICS), était dirigée par M. [I] [Z] [T] et détenait la société Groupe Stecmi, spécialisée dans la chaudronnerie et la tuyauterie pour les centrales nucléaires.

 

Par acte de cession du 12 mars 2014, la société Betsi a acquis la société Groupe Stecmi au prix provisoire de 300 000 euros devant être ajusté à la hausse ou à la baisse en fonction des comptes définitifs de l’exercice 2013 et ajusté à la baisse en cas de départ, après la cession, de personnel qualifié pour intervenir sur des installations nucléaires. Une garantie d’actif et de passif a été consentie par le cédant impliquant l’indemnisation du cessionnaire pour toute omission ou inexactitude dans ses déclarations (notamment sur l’existence de précontentieux ou contentieux en cours) de nature à créer un préjudice (articles 5 et 6 de l’acte de cession mentionnés ci-dessous).

 

Le 1er avril 2014, la société Betsi était informée par M. [R], directeur délégué de la société Groupe Stecmi, d’une procédure de vérification fiscale par la direction générale des Finances Publiques (ci-après DGFP) en cours au sein de la société Groupe Stecmi depuis le 28 février 2014. Cette vérification de comptabilité a entrainé un redressement fiscal d’un montant de 148 411 euros. (réglés par la société Betsi)

 

Le 3 avril 2014, la société Betsi était informée par M. [R] de l’existence de 7 convocations devant le bureau de conciliation du conseil des prud’hommes de Vienne, datée du 27 février 2014, concernant 63 salariés. Par ailleurs, par jugement du 18 juin 2014, le conseil des prud’hommes de Cannes a condamné la société Groupe Stecmi au paiement de la somme de 11 861,60 euros à M. [M], somme qui a été versée par la société Betsi.

 

Par courrier du 9 avril 2014, la société Bestsi a informé la société ICS de la survenance de ces événements. En réponse, le 22 avril 2014, la société ICS a indiqué qu’elle se chargerait des procédures prud’homales et fiscales en assurant la défense des intérêts de la société Groupe Stecmi.

 

Par ailleurs, la société Betsi a sollicité, par courrier du 19 mai 2014, l’obtention d’un certain nombre de documents comptables de la part d’ICS, demande réitérée le 27 mai 2014, afin de lui permettre d’établir sa situation comptable 2014.

 

Estimant que de nombreuses déclarations fiscales et sociales n’avaient pas été réalisées concernant l’année 2013, entrainant un risque de sanction ou de majoration, et estimant que des erreurs avaient été commises concernant la participation légale des salariés au résultat de l’entreprise et les congés payés, la société Betsi a sollicité par courrier du 27 mai 2014 une prorogation au 30 juin 2014 de la date de fixation du prix définitif, initialement prévue le 31 mai 2014.

 

Par courrier du 3 juin 2014, ICS a refusé tout report de la date et a sollicité le paiement de la somme de 300 000 euros.

 

La société Betsi a assigné la société ICS en référé expertise devant le tribunal de commerce de Paris. Par ordonnance de référé du 26 août 2014, le tribunal de commerce de Paris a désigné un expert judiciaire. Le rapport rendu par ce dernier le 24 octobre 2016 fait état d’un prix de cession qui devrait être réduit de 220 864 euros, soit un prix définitif de 79 136 euros, et d’un montant au titre de la garantie de passif à hauteur de 245 780 euros.

 

Le 8 octobre 2014, la société ICS a assigné la société Betsi devant le tribunal de commerce de Paris afin de la voir condamner à lui payer le prix de cession à hauteur de 300 000 euros. Un sursis à statuer a été prononcé puis le tribunal a constaté la péremption de l’instance.

 

Le 29 décembre 2014, la liquidation amiable de la société ICS, décidée par l’actionnaire unique la société luxembourgeoise Horus Group, a été prononcée et la société ICS a été radiée du RCS de Luxembourg le 28 janvier 2015.

 

Par ordonnance du 9 avril 2015, le tribunal a étendu les opérations d’expertise à la société Horus Group, qui a reçu le transfert des actifs de la société ICS.

 

Un contrôle URSSAF a également entrainé des redressements à hauteur de 145 000 euros pour les années 2012, 2013 et 2014.

 

Par jugement du 5 novembre 2015, le tribunal de commerce de Lyon a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’égard de la société Groupe Stecmi.

 

Par acte du 7 octobre 2019, la société Betsi a assigné la société Horus Group, ès qualités de liquidateur amiable de la société ICS, et M. [T] aux fins notamment de les voir condamner solidairement au paiement de la somme de 245 780 euros au titre de la garantie d’actif-passif, 30 000 euros au titre du remboursement des frais d’expertise, 150 000 euros au titre de la réparation du préjudice subi et pour voir dire prescrite toute demande de la société Horus Group en paiement du prix de cession.

 

A la suite de l’exception d’incompétence soulevée par les défendeurs luxembourgeois, le tribunal de commerce de Paris, par jugement du 26 mars 2021, s’est déclaré compétent à l’égard de la société Horus Group et incompétent à l’égard de M. [T]. Par arrêt du 24 juin 2021, sur déclaration d’appel de la société Horus Group, la cour d’appel de Paris a confirmé le jugement du tribunal. La Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par la société Horus Group.

 

Par jugement du 22 octobre 2021, le tribunal de commerce de Paris a notamment condamné la SA Horus Group, ès qualités de liquidateur amiable de la société International Compagny Services, à payer à la SAS Betsi les sommes de 166 644 euros au titre de la garantie d’actif-passif (245 780 euros au titre de la garantie de passif – 79 136 euros non réglés par la société Betsi au titre du prix de cession) et de 30 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile. Il a débouté la société Betsi du surplus de ses demandes.

 

Par déclaration du 3 novembre 2021, la société Betsi a interjeté appel de cette décision.

 

*****

 

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 26 janvier 2023, la société Betsi demande à la cour de :

 

REJETER la demande de sursis à statuer

DEBOUTER la société HORUS GROUP de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions

 

CONFIRMER le jugement en ce qu’il a :

Rejeté la demande de sursis à statuer soulevée par la société HORUS GROUP,

Condamné la société HORUS GROUP, es qualité de liquidateur amiable de la société ICS, au paiement des sommes suivantes :

30 000 euros en remboursement des frais d’expertise

30 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du CPC, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance.

 

Infirmer le jugement en ce qu’il a :

Condamné la société HORUS GROUP SA, ès qualités de liquidateur de INTERNATIONAL COMPAGNY SERVICES, à payer à la SAS BETSI 166.644 euros au titre de la garantie d’actif-passif

Débouté la SAS BETSI du surplus de ses demandes.

 

Et statuant à nouveau des seuls chefs infirmés

CONDAMNER la société HORUS GROUPE, es qualité de liquidateur amiable de la société ICS, au paiement des sommes suivantes :

245 780 euros en application de la garantie d’actif et de passif prévue à l’Acte de cession des titres de la société GROUPE STECMI,

795 628,02 euros en réparation du préjudice subi par BETSI,

10 000 euros en application des dispositions de l’article 700, ainsi que les dépens d’appel.

 

*****

Dans ses conclusions d’intimée, signifiées par voie électronique le 31 janvier 2023, la société Horus Group, ès qualités de liquidateur amiable de la SA International Company Services, demande à la cour de :

 

Déclarer la société BETSI irrecevables en ses demandes sur le fondement des articles 32 et 55 du Code de procédure civile.

Prononcer la nullité du jugement entrepris pour violation des articles 12 et 455 du Code de procédure civile.

 

Subsidiairement,

Infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a débouté la société BETSI de sa demande de 150 000 euros de dommages intérêts.

Statuer à nouveau,

Débouter la société BETSI de l’ensemble de ses demandes.

Condamner la société BETSI à payer à la société ICS représentée par la société HORUS GROUP la somme de 5.000 euros en application de l’article 700 du CPC.

Condamner la société BETSI aux entiers dépens.

 

*****

 

SUR CE,

Sur la qualité à agir de la société Betsi et la nullité du jugement

– Sur la recevabilité des demandes formées par la société Betsi

 

Selon l’article 55 du code de procédure civile, ‘L’assignation est l’acte d’huissier de justice par lequel le demandeur cite son adversaire à comparaître devant le juge’.

Selon l’article 32 du même code, ‘Est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir’.

 

La société Horus Group réfute intervenir aux droits et obligations de la société ICS, cette notion étant juridiquement erronée. Elle souligne ne pas s’être substituée à la société ICS dans l’exécution de la cession et explique qu’en droit luxembourgeois, seuls les actifs sont transférés aux associés dans le cadre d’une liquidation amiable ; qu’elle a donc repris l’instance initiée par ICS à l’encontre de la société Betsi en paiement du prix de cession mais qu’elle ne peut être rendue débitrice de la société Betsi à quelque titre que ce soit puisqu’elle n’a pas récupéré le passif de la société ICS ; que selon le droit luxembourgeois, une société dissoute peut être poursuivie pendant 5 ans après la publication de la clôture de la liquidation. Elle en déduit qu’il fallait assigner ICS en liquidation représentée par la société Horus Group en qualité de liquidateur ou la société Horus Groups ès-qualités de liquidateur de la société ICS.

 

Elle reproche aux premiers juges d’avoir retenu que l’assignation d’Horus Group venant aux droits et obligations d’ICS était juridiquement erronée mais revenait au même alors que la société Betsi ne formule que des demandes à titre personnel à son encontre et non pas en sa qualité de liquidateur amiable.

 

Elle estime que les juges sont liés par l’identité du défendeur mentionné dans l’assignation en application de l’article 55 du code de procédure civile et que les demandes formées à son encontre personnelle par la société Betsi sont donc irrecevables, de même que les demandes formées à l’encontre de la société Horus Group ès-qualités de liquidateur amiable d’ICS, partie non assignée.

 

Elle souligne enfin que l’arrêt du 24 juin 2021 de la cour d’appel de céans n’a pas tranché la question de la confusion de qualité.

 

La société Betsi réplique que la société Horus a qualité pour répondre de ses demandes au titre de l’acte de cession, en sa qualité de liquidateur amiable de la société ICS ; que le créancier social peut poursuivre une société luxembourgeoise dissoute, même après la clôture de ses opérations, dans les 5 ans suivant la clôture ; que l’assignation a été notifiée le 7 octobre 2019, soit dans les 5 ans suivant la clôture de la liquidation amiable de la société ICS, le 29 décembre 2014.

 

Elle fait valoir que l’assignation mentionne la société Horus Group comme ‘intervenant aux droits et obligations de la société ICS’ et ‘suite à la clôture des opérations de la liquidation amiable’ ; que le tribunal de commerce de Paris a considéré à juste titre, malgré la mention juridiquement erronée, que la société Horus Group avait été assignée en qualité de liquidateur amiable, représentante de la société ICS.

 

Elle ajoute que le jugement a été confirmé par la cour d’appel de Paris, par arrêt du 24 juin 2021 ayant force de chose jugée.

Il est constant que l’arrêt du 24 juin 2021 de la cour d’appel de Paris, devenu définitif depuis le rejet du pourvoi dirigé à son encontre par un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 30 novembre 2022, statuait sur la compétence du tribunal de commerce pour connaître du litige opposant les parties à la présente instance.

Contrairement à ce que soutient la société Horus Group, la cour s’est penchée sur la qualité de la société Horus Group dans le litige l’opposant à la société Betsi en retenant, approuvée par la Cour de cassation, que la société Betsi a assigné la société Horus Group ‘intervenant aux droits et obligations de la société INTERNATIONAL COMPANY SERVICES (ICS), société anonyme de droit luxembourgeois (…), suite à la clôture des opérations de liquidation amiable et le transfert des actifs et passifs au profit de la société HORUS GROUP SA’.

Elle précisait que si cette mention ne correspond pas en tout point au droit luxembourgeois, et notamment à la spécificité tenant à l’absence de transmission du passif aux associés en cas de liquidation, elle ne laisse cependant subsister aucun doute sur la qualité de la société Horus Group dans cette procédure, les écritures jointes à l’assignation retraçant l’historique des relations contractuelles entre les sociétés Betsi et ICS, la liquidation amiable de cette dernière et le rôle de la société Horus Group dans cette liquidation.

Elle en déduisait que cette assignation se plaçait sans ambiguïté dans le cadre des relations contractuelles tissées entre les sociétés Betsi et ICS, cette dernière ayant été liquidée et étant désormais représentée par son liquidateur amiable la société Horus Group.

Les arguments développés par la société ICS représentée par la société Horus Group dans la présente instance sont identiques à ceux qu’elle avait développés à l’occasion du contentieux sur la compétence et appellent la même réponse. Il s’en déduit que c’est en qualité de liquidateur amiable de la société ICS que la société Horus Group est partie à la procédure et que les demandes formulées à son encontre en cette qualité sont recevables en ce qu’elles ont été formulées dans les 5 ans après la publication de la clôture de la liquidation.

– Sur la nullité du jugement

 

Au titre de l’article 12 du code de procédure civile, ‘Le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables.

Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.

Toutefois, il ne peut changer la dénomination ou le fondement juridique lorsque les parties, en vertu d’un accord exprès et pour les droits dont elles ont la libre disposition, l’ont lié par les qualifications et points de droit auxquels elles entendent limiter le débat.

Le litige né, les parties peuvent aussi, dans les mêmes matières et sous la même condition, conférer au juge mission de statuer comme amiable compositeur, sous réserve d’appel si elles n’y ont pas spécialement renoncé’.

 

Et selon l’article 455 du même code, ‘Le jugement peut être établi sur support papier ou électronique. Il est signé par le président et par le greffier. En cas d’empêchement du président, mention en est faite sur la minute, qui est signée par l’un des juges qui en ont délibéré.

Lorsque le jugement est établi sur support électronique, les procédés utilisés doivent en garantir l’intégrité et la conservation. Le jugement établi sur support électronique est signé au moyen d’un procédé de signature électronique qualifiée répondant aux exigences du décret n° 2017-1416 du 28 septembre 2017 relatif à la signature électronique.

Le retrait de la qualification d’un ou plusieurs éléments nécessaires à la production de la signature constitue un vice de forme du jugement.

Les modalités d’application du présent article sont précisées par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice’.

La société Horus Group demande la nullité du jugement en ce qu’il a rendu une décision à l’encontre d’un tiers n’étant pas parti à la procédure, soit la société Horus Group ès qualités de liquidateur amiable de la société ICS. Elle constate la modification unilatérale des termes de l’assignation pour la désigner dans le jugement comme liquidateur amiable de la société ICS.

 

La société Betsi fait valoir que la société Horus Group a bien été assignée en qualité de liquidateur amiable de la société ICS. Elle soutient que cette qualité a été confirmée par l’arrêt de la cour d’appel de Paris ayant acquis force de chose jugée. Elle ajoute que les demandes et condamnations prononcées à son encontre le sont en sa qualité de liquidateur amiable.

Dès lors que c’est bien en qualité de liquidateur amiable de la société ICS que la société Horus Group a été assignée, le jugement qui a statué à l’encontre de la société Horus Group en cette qualité n’encourt pas la nullité alléguée.

Sur le montant maximum de la garantie d’actif et de passif

La société Betsi explique que la garantie de passif s’applique à l’ensemble des risques fiscaux, sociaux ou pénaux, dans la limite de 300 000 euros, qui n’ont pas été comptabilisés dans la balance provisoire du 31 décembre 2013 et qui ont une cause antérieure à l’acte de cession. Elle réfute que cette garantie soit limitée au prix de cession puisque le contrat fait référence à 300 000 euros.

 

Elle demande la confirmation du jugement qui a retenu le plafond de 300 000 euros, qui a estimé qu’elle avait correctement notifié les événements qui ont justifié la mise en ‘uvre de cette garantie, et qui s’est fondé sur le rapport d’expertise pour quantifier les réclamations, soit :

– 97 295 euros pour le contrôle fiscal,

– 70 754 euros pour la rémunération des congés payés des salariés,

– 14 490 euros pour les contentieux prud’homaux,

– 4 699 euros et 662, 93 euros pour une créance d’impôt et 3 factures oubliées,

Soit la somme totale de 245 780 euros.

 

La société Horus Group demande l’infirmation du jugement et à ce qu’il soit retenu que la garantie de passif est limitée au prix de cession, conformément aux stipulations de l’acte de cession qui parle de réduction du prix d’acquisition des actions ; que la somme de 300 000 euros est un plafond qui ne peut être dépassé même si le prix de cession s’était avéré in fine supérieur.

 

Elle ajoute que n’ayant jamais perçu le moindre prix de cession, elle ne peut pas être condamnée au titre d’une garantie qui viendrait le réduire.

 

L’acte de cession du 12 mars 2014 indique dans son article 1 intitulé ‘Définitions’ : ‘Il est rappelé qu’un ‘AJUSTEMENT SUBSEQUENT’ est tout événement postérieur à l’ACTE DE CESSION jusqu’au 31 mai 2014 qui concernera des faits antérieurs à l’ACTE DE CESSION et pour lesquels une dette certaine, c’est-à-dire non potentielle et non contestable, sera constatée. Dès lors que cette dette sera certaine, celle-ci viendra directement impacter le prix de cession définitif ; si ce n’est pas le cas, la dette sera considérée comme étant potentielle et sera traitée dans le cadre de la Garantie de Passif stipulée à l’article 6 ci-après’. 

 

Il ressort de cette définition que les deux mécanismes ‘ d’ajustement du prix de cession et de garantie de passif- sont indépendants l’un de l’autre et qu’ils s’appliquent à des hypothèses différentes : dès lors que l’événement, né antérieurement à l’acte de cession, est apparu avant la date de paiement du prix prévu à l’article 3.2 de l’acte de cession et permet de constater une dette certaine avant cette date, le montant de cette dette est imputé sur le prix de cession ; lorsqu’en revanche l’événement n’impacte que de façon potentielle la valeur de la société, sa prise en compte ne peut s’effectuer par imputation sur le prix de cession qui aura définitivement été fixé mais peut donner lieu à réparation dans le cadre de la garantie de passif.

 

La garantie de passif est prévue à l’article 6 de l’acte de cession intitulé ‘Garantie du Cédant au bénéfice du Cessionnaire et de la société (la ‘garantie de passif’)’. Son alinéa 1er stipule que ‘Le CEDANT garantit l’exactitude et le caractère complet de toutes les déclarations ci-dessus, et s’oblige, en conséquence, à indemniser intégralement le CESSIONNAIRE de toute perte, dommage au préjudice que celui-ci et/ou la SOCIETE pourraient subir en raison de l’inexactitude de l’une quelconque de ses déclarations ou de l’omission d’informations significatives concernant la SOCIETE’.

 

Ainsi, afin de déterminer si un événement relève de la garantie de passif, il convient d’examiner s’il est né antérieurement à l’acte de cession du 12 mars 2014 et si la dette qui en résulte peut être qualifiée de potentielle au 31 mai 2014, date de la fixation du prix et s’il résulte de l’inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations du cédant détaillées à l’article 5 de l’acte de cession.

 

Celui-ci stipule notamment que ‘e) Le CEDANT atteste que la SOCIETE est à jour de ses obligations et échéances, notamment, fournisseurs, fiscales, sociales et qu’il n’existe aucun précontentieux ou contentieux en cours à l’exception des litiges sociaux relatifs aux salariés [E], [F], [M] et [Y]’, et ‘i) Le CEDANT atteste qu’aucun élément à sa connaissance n’est ou n’est potentiellement susceptible d’affecter l’activité de la SOCIETE pour l’année 2014 d’une telle façon qu’elle ne soit pas en tous points comparable à celle de l’année 2013. [‘]’.

Les premiers juges ont retenu la somme de 245 780 euros dus par la société Horus Group ès-qualités à la société Betsi, à ce titre.

Il ressort du rapport d’expertise produit aux débats que les sommes suivantes remplissent les critères stipulés au e) de l’article 6 de l’acte de cession, ce qui n’est pas contesté :

– Le contrôle fiscal initié avant la signature de l’acte de cession, qui a donné lieu à un redressement dont le montant définitif de 97 295 euros n’a été connu que postérieurement au 31 mai 2014 ;

– Le coût des procédures contentieuses évalué à 14 490 euros ;

– Les factures Prado Epargne d’un montant de 663 euros ;

– La créance d’impôt sur les sociétés non recouvrable d’un montant de 4 699 euros ;

– La régularisation des congés payés en 2012 et 2013 d’un montant de 70 754 euros.

 

En revanche, s’agissant des contentieux prud’homaux, les informations collectées par l’expert montrent que les contentieux concernant MM. [G] et [J] relèvent en réalité de l’ajustement subséquent puisqu’ils ont fait l’objet d’une information du cessionnaire préalablement au 31 mai 2014 ainsi que cela ressort du courrier de notification d’événement du 9 avril 2014 émanant du président de la société Betsi et qu’ils ont fait l’objet d’une conciliation le 26 mai 2014 rendant la dette ainsi certaine à cette date. Ils ne peuvent donc être pris en compte dans la garantie de passif. Les sommes de 8 695,65 et 10 108,69 euros doivent donc être déduites du montant total retenu par l’expertise de 57 879,35 euros au tite des contentieux prud’homaux.

 

S’agissant du contentieux concernant M. [E], bien qu’expressément mentionné dans l’acte de cession à l’article 5 e), son montant n’a pu être pris en compte dans le cadre des ‘ajustements subséquents’ dans la mesure où le montant de la dette en résultant n’était pas certain au 31 mai 2014, appel ayant été interjeté préalablement à cette date. Il relève donc de la garantie de passif ainsi que l’indique l’expert. C’est donc à bon droit que le montant réclamé par la société Betsi de ce chef a été retenu au titre de cette garantie.

 

Par ailleurs, les autres contentieux prud’homaux concernant MM. [D] et [M], non mentionnés à l’acte de cession, relèvent également de la garantie de passif puisqu’ils ont donné lieu à une dette dont le montant n’était certain que postérieurement au 31 mai 2014.

 

Il y a donc lieu de limiter l’indemnisation pour le poste relatif aux contentieux prud’homaux au titre de la garantie de passif à la somme de 39 075,01 euros (57 879,35 – (8 695,65+10 108,69)).

 

La société ICS représentée par société Horus Group se prévaut de l’alinéa 2 de l’article 6-1 de l’acte de cession pour considérer que l’indemnisation au titre de la garantie de passif devrait se faire par remboursement par voie de réduction du prix d’acquisition des actions.

 

Cependant cet alinéa 2 stipule que ‘Le CEDANT garantit, en outre (souligné par la cour), le CESSIONNAIRE contre tout passif et/ou engagements hors bilan non comptabilisé dans la balance au 31 décembre 2013 et/ou non suffisamment provisionné, toute diminution et/ou insuffisance d’actif, toute dette, toute charge, toute perte et/ou toutes autres dommages affectant ou pouvant affecter la SOCIETE et notamment, mais de façon non exclusive, en matière fiscale, sociale ou pénale, ayant une cause et/ou une origine antérieure à la date du présent Acte de Cession et dont l’existence n’aurait pas été révélée à la date des présentes, et s’engage, en conséquence à rembourser au CESSIONNAIRE, par voie de réduction du prix d’acquisition des actions de la SOCIETE, les sommes dues en vertu de la présente clause de garantie, de façon à ce que celui-ci ne subisse aucun dommage, perte ou diminution de la valeur des actions achetées du fait de la révélation d’un tel passif et/ou engagements hors bilan, et/ou insuffisance d’actif, dette, charge, perte ou autres dommage’.

 

La garantie de l’alinéa 2 vient donc en complément de la garantie générale prévue à l’alinéa 1er et ne s’y substitue pas d’autant que l’alinéa 6 du même article stipule que ‘Le plafond de garantie est de :

-300.000 euros jusqu’au 15 février 2015,

-200.00 euros jusqu’au 15 février 2016,

-100.000 euros jusqu’au 15 février 2017″.

 

Cette rédaction générale sans référence au prix de vente indique bien que la garantie de passif, dont il a précédemment été démontré qu’elle est indépendante de la variation du prix de vente, a vocation à s’appliquer, pour autant que les critères dégagés supra soient remplis, dans la limite d’un plafond de 300 000 euros.

Dans ces conditions il y a lieu d’infirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société ICS représentée par la société Horus Group à indemniser la société Betsi à hauteur de 245 780 euros au titre de la garantie de passif et de ramener cette condamnation à la somme de 226 976,01 euros.

Sur la déduction des sommes dues au titre du paiement du prix de cession

La société Betsi fait valoir qu’aucune demande de paiement du prix n’avait été formulée devant les premiers juges, qui ont donc à tort, de leur propre chef, procédé à cette déduction des sommes qui lui avaient été accordées au titre de la garantie de passif. Elle souligne que toute demande de paiement du prix est en tout état de cause prescrite, la suspension de la prescription par les opérations d’expertise n’ayant bénéficié qu’à la partie l’ayant sollicité, conformément à une jurisprudence constante ; que le délai de prescription pour la société Horus Group a donc expiré le 14 mars 2019, soit 5 ans après l’acte.

 

Elle explique qu’elle a versé la somme de 400 000 euros à ICS en remboursement d’un compte courant d’associé, et a dû injecter diverses sommes pour combler le passif découvert a posteriori.

 

La société Horus fait valoir que la société Betsi n’a pas versé d’argent au titre du paiement du prix de cession.

 

L’article 1347-1 du code civil dispose que ‘Sous réserve des dispositions prévues à la sous-section suivante, la compensation n’a lieu qu’entre deux obligations fongibles, certaines, liquides et exigibles.

Sont fongibles les obligations de somme d’argent, même en différentes devises, pourvu qu’elles soient convertibles, ou celles qui ont pour objet une quantité de choses de même genre’.

 

L’article 1348 dispose pour sa part que ‘La compensation peut être prononcée en justice, même si l’une des obligations, quoique certaine, n’est pas encore liquide ou exigible. A moins qu’il n’en soit décidé autrement, la compensation produit alors ses effets à la date de la décision’.

 

L’article 1348-1 ajoute que ‘Le juge ne peut refuser la compensation de dettes connexes au seul motif que l’une des obligations ne serait pas liquide ou exigible.

Dans ce cas, la compensation est réputée s’être produite au jour de l’exigibilité de la première d’entre elles.

Dans le même cas, l’acquisition de droits par un tiers sur l’une des obligations n’empêche pas son débiteur d’opposer la compensation’.

 

La dette due par la société ICS représentée par la société Horus Group au titre de la garantie de passif n’est pas connexe à sa créance au titre du paiement du prix puisque la première résulte d’une indemnisation prévue par le contrat sanctionnant l’inexactitude des déclarations du cédant ou l’omission d’informations significatives alors que la seconde résulte de l’exécution d’un contrat de cession de parts sociales.

En outre, l’action en paiement du prix de cession est prescrite et cette créance ne peut donc être qualifiée d’exigible. Dans ces conditions, aucune compensation entre ces deux sommes ne peut être prononcée. Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur le remboursement des frais d’expertise

La société Horus Group ne développe pas d’argumentaire pour critiquer ce chef de jugement.

 

La société Betsi demande la confirmation du jugement sur ce point.

 

Ces frais ont été inclus dans les dépens, qui ont été mis à la charge de la société Horus Group. L’expertise aux frais avancés de la société Betsi ayant mis en évidence l’existence ‘d’événements’ au sens de l’acte de cession ayant justifié d’une part la réduction du prix de cession au détriment du cédant et d’autre part la mise en ‘uvre de la garantie de passif due par la société ICS représentée par la société Horus Group, il y a lieu d’imputer les frais d’expertise à la société ICS représentée par  la société Horus Group.

Le jugement sera donc confirmé sur ce point.

 

Sur la demande d’indemnité de la société Betsi

La société Betsi demande l’infirmation du jugement et la condamnation de la société Horus Group, ès qualités, au paiement de la somme de 795 628,02 euros au titre du préjudice subi.

 

Elle fait valoir d’une part que les préjudices engendrés par les redressements fiscaux et sociaux l’ont contrainte à déposer une déclaration de cessation des paiements pour la société Groupe Stecmi moins d’un an et demi après la cession. Elle évalue le temps passé à gérer toutes les procédures à la somme de 150 000 euros.

 

D’autre part, elle soutient qu’elle a dû apporter sa garantie auprès des banques à hauteur de 1,5 millions d’euros, pour permettre à la société Groupe Stecmi de se voir financer ; que la banque palatine et le CIC ont mis en jeu sa garantie, pour respectivement 321 826, 61 euros et 323 801, 41 euros, soit 645 628, 02 euros.

 

La société Horus Group demande la confirmation du rejet de la demande indemnitaire formée par la société Betsi. Elle constate qu’aucune faute de la société ICS n’est démontrée et que la société Betsi ne justifie pas le montant de 150 000 euros au titre de préjudice.

 

Si la société Betsi évalue le temps passé à gérer l’ensemble des procédures fiscales et sociales à la somme de 150 000 euros, elle ne produit cependant aucun document à l’appui de ces assertions et notamment pas d’évaluation du temps passé par elle-même ou par un expert-comptable. Or il lui appartient, en application de l’article 9 du code de procédure civile, de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de ses prétentions.

 

Il y a donc lieu de rejeter sa demande indemnitaire à ce titre.

 

La société Betsi se prévaut également de la mise en ‘uvre de sa garantie de caution par la banque Palatine et le CIC pour un montant de total de 645 628,02 euros.

 

La société Betsi n’indique cependant pas dans quelle mesure cette mise en ‘uvre de sa garantie résulterait d’un lien de causalité avec les événements imputés à la société ICS représentée par  la société Horus Group qui sont réparés par la réduction du prix de cession et la mise en ‘uvre de la garantie de passif.

Aucune des pièces produites ne permet de relier par un lien de causalité suffisant les faits imputés à la société ICS représentée par la société Horus Group avec la procédure collective ouverte à l’encontre du Groupe Stecmi.

 Il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté les demandes indemnitaires supplémentaires de la société Betsi.

Sur l’article 700 du code de procédure civile

La société Betsi demande la condamnation de la société Horus Group, ès qualités, au paiement de 10 000 euros sur ce fondement.

La société Horus Group demande la condamnation de la société Betsi au paiement de 5 000 euros sur ce fondement.

 

La société ICS représentée par la société Horus Group, ès qualité, qui succombe, sera condamnée à payer à la société Betsi la somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

 

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Dit que la société Horus Group a été assignée en qualité de liquidateur amiable de la société ICS,

Dit les demandes de la société Betsi formées à l’encontre de la société Horus Group ès qualités recevables,

Infirme le jugement en ce qu’il a condamné la société Horus Group ès qualités de liquidateur amiable de la société ICS à payer à la société Betsi la somme de 166 644 euros au titre de la garantie de passif,

Statuant à nouveau de ce chef,

Condamne la société Horus Group ès qualités de liquidateur amiable de la société ICS à payer à la société Betsi la somme de 226 976,01 euros,

 

Confirme le jugement pour le surplus du dispositif,

 

Y ajoutant,

 

Condamne la société Horus Group ès qualités de liquidateur amiable de la société ICS aux dépens d’appel et à payer à la société Betsi la somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

 

Le Greffier La Présidente

 


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