Droits des Artistes : 19 décembre 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 21/01177

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Droits des Artistes : 19 décembre 2023 Cour d’appel de Bordeaux RG n° 21/01177
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19 décembre 2023
Cour d’appel de Bordeaux
RG n°
21/01177

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

1ère CHAMBRE CIVILE

————————–

ARRÊT DU : 19 DECEMBRE 2023

PP

N° RG 21/01177 – N° Portalis DBVJ-V-B7F-L6ZC

[W] [U]-[G]

c/

S.A.S. ZV FRANCE

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 19 janvier 2021 par le Tribunal Judiciaire de BORDEAUX (chambre : 1, RG : 18/11384) suivant déclaration d’appel du 25 février 2021

APPELANTE :

[W] [U]-[G]

née le 15 Août 1961 à [Localité 5] (64)

de nationalité Française

demeurant [Adresse 4] – [Localité 2]

représentée par Maître Marie CHAMFEUIL de la SELARL MARIE CHAMFEUIL, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉE :

S.A.S. ZV FRANCE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 1] – [Localité 3]

représentée par Maître Pierre FONROUGE de la SELARL LEXAVOUE BORDEAUX, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître GOMEZ substituant Maître Pascal WILHELM de la SAS WILHELM & ASSOCIES, avocats plaidants au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été examinée le 07 novembre 2023 en audience publique, devant la cour composée de :

Mme Paule POIREL, Président

Mme Bérengère VALLEE, Conseiller

M. Emmanuel BREARD, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Véronique SAIGE

Le rapport oral de l’affaire a été fait à l’audience avant les plaidoiries.

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

* * *

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE

Mme [W] [U]-[G] est artiste plasticienne. Elle a déposé à l’INPI le 31 mars 2015 une demande d’enregistrement en tant que dessin d’un graphisme intitulé LARMADA décrit comme ‘Double galbe féminin LARMADA façon Totem pouvant être décliné sous plusieurs formes, tailles et dimensions’ en classe 32: ‘symboles graphiques et logos, motifs décoratifs pour surfaces, ornementation’ en tant que ‘dessin étant susceptible d’être apposé sous tous supports’.

Le dessin a été enregistré sous le n°20151685-004 et 20151685-005 :

Mme [W] [U]-[G] exerce sous l’enseigne BCG DESIGNER une activité de création artistique et a créé une collection de bijoux et de pièces de décoration et de mobilier qui reprennent ce graphique.

Reprochant la SAS ZV France, qui exerce une activité de création et de vente de vêtements de prêt à porter et d’accessoires de mode sous l’enseigne Zadig & Voltaire, de commercialiser des vêtements reproduisant le dessin qu’elle a déposé, Mme [W] [U]-[G] a fait procéder à deux constats d’huissier les 7 et 21 mars 2018 de l’utilisation des dessins qu’elle reproche, en magasin et sur site internet.

Par courrier du 19 avril 2018, elle a mis en demeure la SAS ZV France de retirer toute marchandise utilisant le modèle déposé. La SAS ZV France a répondu le 30 avril 2018 qu’elle n’entendait pas donner une suite favorable à sa demande qu’elle jugeait injustifiée.

Par acte d’huissier du 3 décembre 2018, Mme [W] [U]-[G] a fait assigner la SAS ZV France devant le tribunal de grande instance de Bordeaux en contrefaçon de dessins et modèles et de droits d’auteur, pour obtenir la cessation des agissements délictueux et l’indemnisation de son préjudice.

Par jugement du 19 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :

– dit que le dessin LARMADA n’est protégeable ni au titre du droit des dessins et modèles ni au titre du droit d’auteur,

– annulé les modèles n°20151685-004 et 20151685-005 déposés sous le numéro n°20151685 à l’INPI par Mme [W] [U]-[G] en classe 32,

– ordonné l’inscription du jugement, une fois devenu définitif, au Registre des dessins ou modèles de L’INPI à l’initiative de la partie la plus diligente et aux frais définitifs de Mme [W] [U]-[G],

– rejeté toutes les demandes de Mme [W] [U]-[G],

– rejeté la demande de dommages et intérêts de la SAS ZV France au titre de la procédure abusive,

– condamné Mme [W] [U]-[G] à payer à la SAS ZV France la somme de 5000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné Mme [W] [U]-[G] aux entiers dépens.

Par déclaration électronique en date du 25 février 2021, Mme [W] [U]-[G] a relevé appel de ce jugement en toutes ses dispositions.

Mme [W] [U]-[G] dans ses dernières conclusions en date du 28 octobre 2021, demande à la cour de :

Réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Bordeaux le 19 janvier 2021 en tous ses chefs déférés et, statuant à nouveau :

A titre principal :

– débouter la société ZV France de sa demande de nullité portant sur le dessin 20151685-005 en ce qu’il n’est pas concerné par le présent litige,

– débouter la société ZV France de sa demande de nullité portant sur le dessin 20151685-004 en ce qu’il respecte les conditions de nouveauté et de caractère propre,

– juger que la société ZV France s’est rendue coupable d’actes de contrefaçon du dessin n°20151685-004 déposé le 31 mars 2015 à l’INPI par Mme [W] [U]-[G],

– juger que la société ZV France s’est rendue coupable d’actes de contrefaçon de droits d’auteur sur les bijoux LARMADA conçus, dessinés et réalisés par Mme [W] [U]-[G],

A titre subsidiaire :

– débouter la société ZV France de sa demande de nullité portant sur les dessins 20151685-004 et 20151685-005 pris individuellement en ce qu’ils respectent les conditions de nouveauté et de caractère propre,

– juger que la société ZV France s’est rendue coupable d’actes de contrefaçon du dessin n°20151685-004 déposé le 31 mars 2015 à l’INPI par Mme [W] [U]-[G],

– juger que la société ZV France s’est rendue coupable d’actes de contrefaçon de droits d’auteur sur les bijoux de la collection LARMADA conçus, dessinés et réalisés par Mme [W] [U]-[G],

En tout état de cause :

– ordonner à la société ZV France de cesser toute commercialisation des produits contrefaisants dans un délai de 48h à compter de la signification de la décision à intervenir sous astreinte de 500 € par jour de retard, dont les produits référencés comme suit :

– Pull Jeremy Patch Bis Merinos

– Cardigan Clash Bis Merinos

– Tee-shirt Tom

– Tunisien Monastir MC

– Tunisien Monastir MC Print

– Manteau Mark Brode

– Pull Monastir Bis Merinos

– Ceinture Blade Camel

– Ceinture Blade Noir

– Porte carte Niels Bier

– Sac Banane Jude Biker,

– condamner la société ZV France à verser à Mme [W] [U]-[G] une somme de 1 582 020 € à titre de dommages-intérêts forfaitaires pour le préjudice subi du fait des actes de contrefaçon de dessins et modèles commis,

– condamner la société ZV France à verser à Mme [W] [U]-[G] une somme de 1 582 020 € à titre de dommages-intérêts forfaitaires pour le préjudice subi du fait des actes de contrefaçon de droits d’auteur commis,

– condamner la société ZV France à payer à Mme [W] [U]-[G] une somme de 10 000 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,

– condamner la société ZV France à payer à Mme [W] [U]-

[G] une somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile au titre des frais engagés en première instance,

– condamner la société ZV France aux entiers dépens de première instance,

– débouter la société ZV France de toutes ses demandes contre Mme [U]-[G],

Y ajoutant :

– condamner la société ZV France à payer à Mme [W] [U]- [G] une somme de 40 000 € à titre de dommages-intérêts pour atteinte à son droit moral,

– condamner la société ZV France à payer à Mme [W] [U]-

[G] une somme de 10 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile au titre des frais engagés en appel,

– condamner la société ZV France aux entiers dépens d’appel avec distraction au profit de Maître Marie CHAMFEUIL, avocat, sous ses affirmations de droit.

La SAS ZV France dans ses dernières conclusions déposées le 6 mai 2022, demande à la cour de :

– dire que la société ZV France est recevable et bien fondée ;

Confirmer le jugement du Tribunal judiciaire de Bordeaux sauf sur l’absence de condamnation de Mme [W] [U]-[G] à payer la somme de 10.000 euros à la société ZV France au titre de la procédure abusive.

En conséquence :

– débouter Mme [W] [U]-[G] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

Et, statuant à nouveau :

– condamner Mme [W] [U]-[G] à payer la somme de 10.000 euros à la société ZV France au titre de la procédure abusive,

En tout état de cause :

– condamner Mme [W] [U]-[G] à verser à la société ZV France la somme de 30.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

– condamner Mme [W] [U]-[G] aux entiers dépens de première instance et d’appel, en application de l’article 699 du Code de procédure civile.

L’affaire a été fixée à l’audience collégiale du 7 novembre 2023.

L’instruction a été clôturée par ordonnance du 24 octobre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Mme [U]-[G] reproche au jugement entrepris d’avoir prononcé la nullité du modèle déposé sous le numéro 20151685-005, alors que celui-ci n’était pas concerné par son assignation, de ne pas lui avoir accordé la protection du dessin LARMADA au titre des dessins et modèles ou du droit d’auteur, pour le dessin LARMADA déposé à l’Inpi le 31 mars 2015 en classe 32, enregistré sous le numéro 20151685-004 et d’avoir prononcé la nullité des dessins qui respecteraient les conditions de nouveauté et de caractère propre.

Sur la demande en nullité du dessin n° 20151685-005, non concerné par le litige :

Mme [U]-[G] soutient que son action en contrefaçon n’avait été introduite qu’au visa du dépôt de dessins et modèles n° 20151685 lequel concernait sept dessins dont les numéros 20151685-004 et 20151685-005 et que c’est à tort que le tribunal a prononcé la nullité de ce dernier dessin alors que son action en contrefaçon ne visait que le n° 20151685-004.

Cependant, le fait que Mme [U]-[G] n’ait sollicité la protection qu’au titre de ce dernier dessin n’interdisait pas à la société ZV France, dans le cadre de sa demande reconventionnelle, de solliciter ainsi qu’il résulte de ses dernières conclusions devant le tribunal, l’annulation des modèles n° 20151685-004 et 20151685-005 déposés sous le numéro 20151685 pour tous les produits et services qu’ils désignent en classe 32 et ce n’est donc pas par erreur que le tribunal s’est également prononcé sur la question de la validité des deux dessins, dont il était effectivement saisi.

Sur la validité du dépôt des dessins LARMADA à l’INPI et la protection au titre des dessins et modèles :

Pour retenir la nullité du dépôt du dessin LARMADA n°20151685-004 et n° 20151685-005, le tribunal a exclu pour ces dessins tout caractère de nouveauté et propre, retenant que le modèle reproduit à l’identique l’intérieur d’une lame de rasoir, objet faisant partie du domaine public, déjà utilisé avant le dépôt litigieux sans son extérieur, et que le seul changement de destination ou de matière, alors que le droit des dessins et modèles ignore le principe de spécialité qui permettrait d’accueillir une forme connue transposée dans un secteur ou pour des produits inédits, ne permettait pas d’accueillir la demande de protection.

Mme [U]-[G] qui rappelle que l’exigence d’un effort créatif n’est pas requise par l’article L 511-2 du code de la propriété intellectuelle conteste précisément que l’impression visuelle d’ensemble ne soit pas différente des dessins divulgués antérieurement, suggérant un univers ethnique très différent, exclusif de tout sentiment de ‘déjà vu’ chez un observateur averti, dont l’attention est intermédiaire entre l’observateur moyen et l’homme de l’art, que le tribunal n’a pas qualifié.

La société ZV France estime au contraire que le graphisme qui reprend uniquement mais à l’identique l’intérieur de la lame de rasoir Gillette, sans son contour, ne se distingue pas de l’objet industriel lequel correspond depuis des années à un élément décoratif largement utilisé, le dessin de Mme [U]-[G] ne se distinguant pas des nombreuses antériorités de manière significative, la nouveauté de son dessin ne pouvant ressortir de sa reproduction partielle, sans les contours, ni de la seule interprétation personnelle qu’elle en fait et que le caractère propre ou individuel ne saurait résulter d’une modification de la configuration de l’objet ou d’une modification de son utilisation.

Selon l’article L 511-2 du code de la propriété intellectuelle, pour pouvoir être protégée au titre des dessins et modèles, la forme apparente d’un produit ou d’une partie de produit doit être nouvelle et présenter un caractère propre.

La nouveauté implique que le dessin ou modèle ne doit pas être identique à un dessin ou modèle déjà divulgué au public antérieurement à la date du dépôt de la demande d’enregistrement et qu’elle en diffère par des détails non insignifiants (article L 511-3).

Le caractère propre d’un dessin ou modèle implique quant à lui que l’impression visuelle qu’il produit sur un public averti, c’est à dire doté d’une vigilance particulière sans toutefois être expert, diffère de celle de tous dessins ou modèles antérieurs, pris individuellement (article L 511-4).

A ce titre, la réalisation inspirée d’un sujet du domaine public ne peut être protégeable comme ayant un caractère propre qu’à la condition qu’elle présente une physionomie propre procurant une impression visuelle d’ensemble distincte de celle procurée par des dispositifs comparables. Elle doit également nécessairement comporter des différences signifiantes et la protection ne peut être accordée en l’absence de modification de la physionomie générale.

C’est à bon droit que Mme [U]-[G] observe que le tribunal se devait de porter une appréciation distincte sur chacun des signes concernés, s’agissant de la demande en nullité.

S’agissant du dessin n° 20151685-004, il n’est pas contesté qu’il s’agit d’une reproduction du dessin central de la lame de rasoir Gillette laquelle fait partie du domaine public mais dont Mme [U]-[G] soutient qu’elle s’est approprié le vide intérieur pour en extraire une nouvelle forme, ce qui lui procurerait une impression d’ensemble distincte, en sorte qu’il répond à l’exigence de nouveauté et de caractère propre.

Or, les caractéristiques de ce dessin, telles que détaillées par Mme [U]-[G], à savoir sa ‘couleur noire’, ‘ses deux extrémités constituées de formes fines’, ‘plates’, ‘oblongues’ , ‘de largeur supérieure au reste du dessin’ …ou encore sa référence à ‘deux corps de femmes avec des galbes francs’ ou le fait que le titulaire du dessin y voit du fait de ses formes et de sa couleur noir un ‘galbe féminin’ LARMADA façon ‘totem’, ne constituent, ainsi que l’a pertinemment jugé le tribunal, que l’interprétation qu’en fait Mme [U]-[G], insusceptible de caractériser sa nouveauté.

Ce dessin est au contraire une reproduction à l’identique de la partie centrale évidée de la lame de rasoir Gillette, extraite de son cadre, ce qui ne constitue pas une différence signifiante.

Ainsi que l’a par ailleurs retenu le tribunal, il existe des antériorités, soit dans la lame Gillette elle-même (pièce n° 8 de l’intimée) soit dans le domaine de la joaillerie, comme le dépôt de la société Dinh Van du 2 février 1976 (pièce n° 10 de l’intimée).

Quant au caractère propre de la réalisation inspirée du domaine public, il a été rappelé qu’il doit ressortir de l’impression visuelle d’ensemble qu’il suscite chez l’observateur averti de celle produite par tout dessin ou modèle divulgué avant la date du dépôt de la demande d’enregistrement ou avant la date de priorité revendiquée.

Or, précisément l’observateur averti, c’est à dire celui qui, sans être expert, est doté d’une vigilance particulière au regard de son expérience personnelle ou de sa connaissance étendue du secteur déterminé, du fait de son intérêt pour les produits concernés, s’il peut être un amateur d’art, de vêtements ou de bijoux, ainsi que l’observe Mme [U]-[G], peut aussi être un amateur d’objets industriels comme la lame Gillette dont il sera capable de percevoir la forme centrale, même extraite du cadre de la lame.

En tout état de cause, Mme [U]-[G] qui demande la protection de sa réalisation au titre des dessins et modèles, doit rapporter la preuve que son dessin présente au yeux d’un tel public un caractère propre, ce qu’elle ne fait pas, alors que le tribunal a justement retenu que l’impression visuelle d’ensemble laissée par le dessin litigieux ne se distinguait pas de celle laissée par la lame de rasoir Gillette ou les antériorités, quand bien même le dessin ne comporterait aucune arrête, aucune forme rectangulaire, ni aucun angle acéré comme s’agissant de la lame de rasoir. C’est d’ailleurs à tort que Mme [U]-[G] soutient que ce dessin ne contient aucune forme rectangulaire faisant la particularité de la lame de rasoir alors qu’il peut au contraire être tout entier contenu dans un rectangle dont la hauteur est exactement égale à sa hauteur et dont la largeur est exactement égale à la largeur de sa base, ce qui lui confère une forme rectangulaire.

Il s’ensuit qu’en l’absence de toute modification de la partie centrale de la lame il ne se dégage du dessin LARMADA aucune différence signifiante avec la lame Gillette ou les antériorités en dehors de l’interprétation que Mme [U]-[G] en fait, ni aucune impression visuelle différente et partant, aucun caractère propre permettant de conférer à ce dépôt n° 20151685-004 la protection au titre des dessins ou modèles.

Il en va de même du dessin n° 20151685-005 qui reproduit strictement la même forme, dont seuls sont dessinés les contours en noir et le dessin peut également être tout entier contenu dans un rectangle ayant pour largeur, sa base et pour hauteur, sa propre hauteur.

D’ailleurs, Mme [U]-[G] en fait la même interprétation à savoir la représentation un galbe féminin LARMADA également évidé façon totem. Cependant, là encore, alors que ce dessin reproduit exactement les contours de la partie centrale vide de la lame de rasoir Gillette, il apparaît qu’elle ne s’en distingue que par la seule interprétation qu’en fait Mme [U]-[G], comme il a été précédemment retenu, et les mêmes observations prévalent quant aux antériorités à son caractère de nouveauté et propre au yeux d’un public averti, qui ne sont pas établis, ne permettant pas de conférer au dépôt n° 20151685-005 la protection au titre des dessins ou modèles.

Le jugement entrepris est en conséquence confirmé en ce qu’il a prononcé la nullité des deux dessins déposés par Mme [U]-[G].

Sur la protection au titre du droit d’auteur :

Le tribunal a rejeté la demande de Mme [U]-[G] de protection du dessin LARMADA au titre du droit d’auteur à défaut d’avoir reconnu une originalité à l’oeuvre ne pouvant être caractérisée du seul fait de l’utilisation de la partie centrale évidée de la lame, sans effort créatif particulier ou parti pris révélant la personnalité de son auteur.

Mme [U]-[G] conteste la décision sur ce point, insistant sur son parcours de vie personnel, ses voyages, son activité principale de création artistique relevant des arts plastiques, qui l’a amenée à façonner diverses matières puis à s’orienter vers la création de bijoux, déclinant désormais le modèle LARMADA n° 20151685-004 au sein d’une collection de bijoux.

Rappelant que le droit d’auteur ne protège nullement les idées mais leur mode d’expression, que la démarche créative doit émaner de l’oeuvre en elle-même, la société ZV France fait valoir que le simple fait d’avoir agrandi les segments extérieurs ou les losanges ne suffit pas à conférer une originalité à l’oeuvre permettant de lui accorder protection au titre du droit d’auteur.

Les dispositions des articles L 111-1 et L 112-1 du code de la propriété intellectuelle protègent par le droit d’auteur, sans formalité, toute oeuvre de l’esprit quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination, sous la condition de son originalité.

Il appartient à celui qui revendique la protection au titre du droit d’auteur d’établir l’originalité de l’oeuvre et, lorsque comme en l’espèce elle procède de la reproduction de tout ou partie d’un objet issu du domaine public, d’établir l’effort créatif dont procède l’oeuvre, expression de la personnalité de son auteur.

Mme [U]-[G] fait ainsi valoir devant la cour qu’elle a imaginé la création de bijoux ‘s’inspirant de l’espace vide laissé par la lame de rasoir, qui renvoyait pour elle aux notions de mort, mal-être, dépression …’ ‘qu’elle a adouci, façonné jusqu’à lui donner une apparence, féminine, galbée, tribale formant un totem’, qu’ainsi, ‘en interprêtant le vide laissé par la lame de rasoir, elle a donné naissance à quelque chose de positif, de dynamique ….’. Ainsi détaille t-elle ce que représente chaque partie du dessin ( pieds de femme, corps de femme, bras de femme…) et insiste t-elle sur les choix effectués, hautement symboliques, portant incontestablement l’empreinte de la personnalité de son auteur.

Cependant, Mme [U]-[G] convient que l’oeuvre dont elle demande protection au titre du droit d’auteur n’est ni plus ni moins que la partie centrale évidée de la lame de rasoir Gillette, au dessin d’ailleurs très particulier, qu’elle a extraite de son cadre et force est de constater avec le tribunal que cette partie centrale est reproduite à l’identique et qu’en tous les cas Mme [U]-[G] ne fait état d’aucune modification signifiante du dessin en lui même. Ainsi, lorsqu’elle fait notamment référence à des choix ‘hautement symboliques’, ‘renvoyant à l’image d’une femme équilibrée et apaisée’ ou ‘faits dans le but de favoriser la renaissance d’une femme ayant frôlé la mort’, Mme [U]-[G] ne renvoie qu’à une idée ou inspiration personnelle à l’auteur mais ne met en évidence aucun effort, choix ou parti pris créatif particulier, emprunt de la personnalité de son auteur, conférant à l’oeuvre une physionomie propre et originale, permettant de distinguer l’oeuvre de la forme de la partie centrale évidée de la lame de rasoir Gillette.

Le jugement est en conséquence confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de Mme [U]-[G] de protection du dessin LARMADA au titre du droit d’auteur et partant des demandes subséquentes au titre de la contrefaçon de dessins ou modèles ou de droits d’auteur, ainsi que de toutes ses demandes y afférentes.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive :

La société ZV France forme appel incident à l’encontre du jugement qui l’a déboutée de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive.

Cependant, la seule succombance ne suffit pas à caractériser un usage abusif du droit d’ester en justice et à contester ensuite une décision défavorable, en l’absence de toute mauvaise foi qui n’est pas caractérisée en l’espèce, en sorte que le jugement entrepris est confirmé en ce qu’il a débouté la société ZV France de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Succombant en son recours, Mme [U]-[G] en supportera les dépens et sera équitablement condamnée à payer à la société ZV France une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour :

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

Condamne Mme [W] [U]-[G] à payer à la société ZV France un somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne Mme [W] [U]-[G] aux dépens du présent recours.

Le présent arrêt a été signé par Madame Paule POIREL, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

 


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