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15 décembre 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
22/07084
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 2
ARRÊT DU 15 DECEMBRE 2023
(n°175, 9 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : n° RG 22/07084 – n° Portalis 35L7-V-B7G-CFTPM
Décision déférée à la Cour : jugement du 09 février 2022 – Tribunal de commerce de PARIS – 8ème chambre – RG n°2021004052
APPELANTE AU PRINCIPAL et INTIMEE INCIDENTE
S.A.S. LEEWAY VISION, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 1]
[Localité 2]
Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro 815 210 240
Représentée par Me Francine HAVET, avocate au barreau de PARIS, toque D 1250
Assistée de Me Carole BLUZAT plaidant pour l’AARPI CHATEL – BLUZAT, avocate au barreau de PARIS, toque R 039
INTIMEE AU PRINCIPAL et APPELANTE INCIDENTE
S.A.S. THIRD, prise en la personne de son directeur général, M. [B] [V], domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 3]
[Localité 4]
Immatriculée au rcs de Bobigny sous le numéro 788 767 226
Représentée par Me Geoffroy CANIVET de l’AARPI 186 AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque D 0010
Assistée de Me Louis VARAUT plaidant pour l’AARPI 186 AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque D 010
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 octobre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Véronique RENARD, Présidente, en présence de Mme Agnès MARCADE, Conseillère, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport
Mmes Véronique RENARD et Agnès MARCADE ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Véronique RENARD, Présidente
Mme Laurence LEHMANN, Conseillère
Mme Agnès MARCADE, Conseillère
Greffière lors des débats : Mme Carole TREJAUT
ARRET :
Contradictoire
Par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
Signé par Mme Véronique RENARD, Présidente, et par Mme Carole TREJAUT, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
Vu le jugement contradictoire rendu le 9 février 2022 par le tribunal de commerce de Paris.
Vu l’appel interjeté le 6 avril 2022 par la société Leeway Vision.
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 21 septembre 2023 par la société Leeway Vision, appelante et incidemment intimée.
Vu les dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 30 août 2023 par la société Third, intimée et appelante incidente.
Vu l’ordonnance de clôture rendue le 5 octobre 2023.
SUR CE, LA COUR
Il est expressément renvoyé pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure à la décision entreprise et aux écritures précédemment visées des parties.
La société Third est une société française ayant une activité de production et de création de campagnes vidéo, agissant sous le nom commercial Left Productions.
La société Leeway Vision (Leeway) est spécialisée dans la production phonographique, la production de films cinématographiques et la production audiovisuelle.
Au cours du mois de décembre 2019, les sociétés Third et Leeway ont engagé des pourparlers en vue de la conclusion d’un contrat de production du clip d’une artiste produite par la société Leeway dénommée « [L] ».
Le 10 février 2020, un acompte de 19 248,40 dollars US correspondant à 17 737,20 euros a été versé par la société Leeway à la société Third, correspondant à 50 % du montant total de la prestation.
Les 22 et 24 février 2020 un contrat de production a été conclu entre les parties avec pour objet la réalisation d’un clip vidéo. Il comprend un contrat principal et des annexes constituées d’une part, d’un devis de la prestation et d’autre part, du synopsis du clip proposé par le réalisateur M. [O] [X], le tout pour un budget arrêté à 35 000 euros.
Le tournage du clip a débuté en Californie le 28 février 2020, en présence de l’artiste objet du clip « [L] » et d’une représentante de la société Leeway, Mme [U] [G].
Le 14 mars 2020, une première version montée du clip est adressée par le réalisateur, M. [X], à la société Leeway.
A la suite des commentaires en retour de cette dernière, la société Third adresse une seconde version du clip le 27 mars 2020.
C’est alors que la société Leeway informe la société Third de son souhait de mettre un terme à cette production et de son refus de s’acquitter du solde de la prestation dû alléguant :
– du non- respect du synopsis et en particulier du lieu du tournage prévu dans le désert,
– du mauvais goût et de la vulgarité de certaines scènes rendant impossible la diffusion du clip.
Par acte en date du 7 janvier 2021, la société Third a fait assigner la société Leeway devant le tribunal de commerce de Paris afin d’obtenir sa condamnation au paiement du solde du montant des prestations effectuées et au paiement de pénalités de retard. La société Leeway a formé une demande reconventionnelle en résolution du contrat de production et en réparation des préjudices qui en découlent.
C’est dans ce contexte qu’a été rendu le jugement dont appel, qui a :
– débouté la société Leeway Vision de l’ensemble de ses demandes,
– condamné la société Leeway Vision au paiement du solde de 50% du montant des prestations effectuées soit la somme de 17 737,20 euros (19 248, 40 US dollars),
– débouté la société Third de sa demande en paiement de pénalités de retard,
– condamné la société Leeway Vision à verser à la société Third la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société Leeway Vision aux entiers dépens d’instance dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 70,86 euros dont 11,60 euros de TVA.
La société Leeway Vision a relevé appel de cette décision et par ses dernières conclusions sollicite de la cour de :
– infirmer le jugement rendu le 9 février 2022 par le 8ème chambre du tribunal de commerce de Paris en toutes ses dispositions sauf à ce qu’il a débouté la société Third de sa demande de paiement de pénalités retard,
Et statuant à nouveau :
– constater que la société Third n’a pas respecté les obligations pesant sur elle par le contrat de production d’une vidéo-musique du 22 février 2020,
– constater que les inexécutions contractuelles commises par la société Third justifient que la société Leeway Vision sollicite la résolution du contrat de production d’une vidéo-musique du 22 février 2020,
Par conséquent,
– ordonner la résolution du contrat de production d’une vidéo-musique du 22 février 2020,
– ordonner à la société Third de communiquer l’ensemble des preuves de dépenses concernant la production du clip ainsi que l’ensemble des autorisations de tournage communiquées par les organismes compétents,
– ordonner la restitution de l’acompte de 19 248,40 US dollars (dix-neuf mille deux cent quarante-huit dollars et quarante cents) qu’elle a versé (soit 17 737, 20 euros (dix-sept mille sept cent trente-sept euros et vingt centimes) conformément au taux de change en vigueur à l’époque) ainsi que la somme versée en exécution du jugement dont appel,
– condamner la société Third à lui verser la somme de 15 000 euros (quinze mille euros) en réparation du préjudice matériel subi,
– condamner la société Third à lui verser la somme de 10 000 euros (dix mille euros) en réparation du préjudice d’image et de notoriété subi,
– condamner la société Third à lui verser la somme de 10 000 euros (cinq mille euros) (sic) en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
La société Third demande à la cour de :
– confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris en ce qu’il a :
– débouté la société Leeway vision de l’ensemble de ses demandes,
– condamné la société Leeway vision au paiement du solde de 50% du montant des prestations effectuées soit la somme de 17 737, 2 euros (19 248.4 dollars),
– condamné la société Leeway vision à verser à la société Third la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société Leeway vision aux entiers dépens.
– infirmer le jugement en ce qu’il a rejeté sa demande de pénalité de retard,
En conséquence, statuant à nouveau :
– débouter la société Leeway vision de l’ensemble de ses conclusions, fins et prétentions;
– constater l’exécution par elle de ses obligations contractuelles, à savoir la réalisation d’une vidéomusique correspondant au synopsis établi par les parties ;
– condamner la société Leeway vision au paiement de la somme de 19 248,4 US dollars ou sa contrevaleur en euros à compter de la décision à intervenir au titre des pénalités de retard en application de l’article 7 du contrat de production ;
– condamner la société Leeway vision à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société Leeway vision aux entiers dépens d’instance.
– Sur la demande de résolution du contrat
L’article 1217 du code civil prévoit que :
« La partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut :
-refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation ;
-poursuivre l’exécution forcée en nature de l’obligation ;
-obtenir une réduction du prix ;
-provoquer la résolution du contrat ;
-demander réparation des conséquences de l’inexécution.
Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s’y ajouter ».
L’article 1224 du même code dispose que :
« La résolution résulte soit de l’application d’une clause résolutoire soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice. ».
Selon l’article 1227 de ce code :
« La résolution peut, en toute hypothèse, être demandée en justice ».
La société Leeway reproche à la société Third de ne pas avoir respecté le synopsis joint au contrat des 22 et 24 février 2020 et particulièrement que la vidéomusique livrée ne comporte pas :
– d’images de l’artiste dans le désert californien faute d’avoir obtenu les autorisations nécessaires et de s’être acquittée des taxes auprès des autorités locales, l’autorisation obtenue ne permettant pas de tourner dans le désert mais seulement aux abords du motel,
– une série de visuels déclinés sous forme de cartes postales,
– de plan intégrant le panneau « [Localité 5] 200 Miles », un ajout en post production de cet élément qui devait servir de conclusion n’étant pas acceptable.
points qu’elle estime essentiels pour la construction de l’image de l’artiste qu’elle avait imaginée et déterminants de son consentement.
Elle ajoute que le clip est de mauvais goût et comporte des scènes qui auraient empêché sa diffusion à la télévision.
Elle précise ne pas avoir accepté les modifications apportées par rapport au synopsis, l’artiste ou son accompagnatrice ne pouvant les accepter à sa place.
Elle en déduit que la société Third a gravement manqué à ses obligations essentielles nées du contrat et qu’elle est donc fondée à en solliciter la résolution. Elle ajoute que l’acompte versé à la société Leeway ne pouvant trouver son utilité que par l’exécution complète de son obligation par la société Third, elle est bien fondée à solliciter le remboursement de l’acompte versé.
Elle sollicite en outre l’allocation de la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts, les manquements de la société Third lui ayant causé un préjudice matériel en raison des investissements qu’elle avait fait pour la préparation d’un plan de développement et d’une stratégie marketing en lien avec l’artiste [L] et de la nécessité de recourir à d’autres producteurs pour pouvoir disposer d’un clip conforme à ses attentes. Elle estime avoir également subi un préjudice d’image et de notoriété auprès de ses partenaires à qui elle avait annoncé la sortie du clip et sollicite l’allocation de la somme de 10 000 euros à ce titre.
Le contrat de production d’une vidéo-musique des 22 et 24 février 2020 prévoit à son article 1 que : « 1.1 Le producteur exécutif s’engage à réaliser, pour le compte de la société, et aux conditions des présentes, la vidéomusique répondant aux caractéristiques artistiques figurant en pièce-jointe du présent contrat ;
1.2 Il est entendu que ces dispositions pourront être modifiées d’un commun accord écrit par email entre la société et le producteur exécutif ».
L’article 4 stipule que :
« 4.1 Le producteur exécutif soumettra à l’approbation de la société les éléments suivants :
– scenario et storyboard le cas échéant
– casting pour les acteurs
– choix des lieux de tournage
– précision de mise en scène
4.2 Le producteur exécutif s’engage à communiquer autant que possible avec la société pour la tenir au courant des avancées et potentiellement lui demander son approbation sur d’autres sujets que ceux-ci-dessus (direction artistique, stylisme, etc).
4.3 Le producteur exécutif s’engage à :
– obtenir les autorisations lui permettant d’entreprendre la réalisation de la vidéomusique et notamment les autorisations administratives requises (…) ».
L’article 5 prévoyant les obligations de la société, dispose notamment que :
« 5.1 la société reconnaît que sa collaboration active est déterminante dans le succès des prestations confiées au producteur exécutif.
5.2 A ce titre, la société s’engage à :
– définir de manière précise et concrète les objectifs et prestations attendues du producteur exécutif (…)
– collaborer étroitement avec le producteur exécutif pour résoudre toute difficulté rencontrée (…) ».
Le synopsis du clip [L] (pièce 7 Leeway) prévoit au début du clip que « [L] se réveille après un crash, déguisée en astronaute, ensevelie dans le sable » puis qu’elle « avance péniblement dans le désert ». Les scènes suivantes se passent au niveau de la pompe à essence, du motel puis du « diner » et la dernière scène prévoit que « [L] marche sur la route interminable du désert, passe devant un panneau « [Localité 5] 200 Miles »’ ». A quatre reprises il est prévu dans le synopsis à des moments différents de l’histoire (au niveau de la pompe à essence et dans la chambre du motel), que « [L] » regarde des cartes postales pour s’inspirer des scènes qui y sont représentées.
La cour relève qu’aucune des parties ne verse au débat le clip en cause, seules des copies d’écran ou des extraits transmis par messagerie sont fournis.
La société Leeway reproche tout d’abord à la société Third de ne pas avoir obtenu d’autorisation de tournage dans le désert et d’avoir omis de payer les droits correspondants ce qui a empêché le tournage des scènes de l’artiste du clip dans ce lieu pourtant essentiel.
La société Third verse au débat (pièces 22 et 25) l’autorisation de tournage qu’elle a sollicitée et obtenue pour tourner dans un lieu dénommé « Club ED » de type ranch le 28 février 2020 ainsi que la preuve qu’elle a bien acquitté les taxes correspondantes.
S’il ressort notamment des attestations de M. [X], réalisateur du clip et auteur du synopsis, qui a témoigné pour les deux parties (pièce 8 First et pièce 33 Leeway), que l’équipe sur place pour le tournage constituée d’un représentant de la société Leeway, de la société First, de l’artiste [L] et de lui-même, a appris en arrivant sur les lieux que l’autorisation obtenue ne leur permettait pas de tourner dans le désert autour de la pompe à essence et sur la route, il n’en demeure pas moins que selon M. [X], des solutions ont été trouvées qui n’ont entraîné aucun surcoût et ont été validées par M. [H] [P] dirigeant de la société Leeway, ce qui n’est pas démenti par la seconde attestation de M. [X] qui insiste surtout sur l’inutilité du tournage aux Etats-Unis en raison de l’absence d’autorisation pour filmer dans le désert.
Un procès-verbal dressé par huissier de justice le 16 février 2021 (pièce 10 Leeway) constate les échanges de courriels entre M. [X] et M. [P] entre le 5 février 2020 et le 18 mars 2020 et un extrait des messages communiqués sur le groupe WhatsApp « Clip » créé par Mme [I] représentante de la société First sur place. Les échanges entre MM. [X] et [P] concernent surtout le budget, sont généraux et apportent peu de précision quant au script sauf le message du 5 février où M. [X] informe M. [P] lui avoir adressé un script sur WhatsApp et lui précise « scène de baise et de bouffe très subtilement filmé (sic), on repart sur mars attack !! ». L’échange sur le groupe « Clip » dont fait partie M. [P], montre que Mme [I] a adressé dans un même temps trois photographies du tournage, la première avec le commentaire « on a shooté la scène du désert c’est canon », la seconde « Le pompiste est top » et la troisième « on va tourner la séquence dans la chambre du motel là », M. [P] ayant réagi à ces envois par un message « Hey, c’est top ». La société Leeway ne peut utilement soutenir que le message de M. [P] ne concernait pas la scène du désert, aucun commentaire défavorable quant à la première scène n’est en effet émis par M. [P].
Aussi, la société Third a bien obtenu l’autorisation de tournage prévue au contrat pour un lieu situé au milieu du désert. La circonstance que le tournage ne puisse avoir lieu dans le désert alentour faute d’une autorisation ad hoc, à supposer que la société Third devait être informée de la nécessité d’une seconde autorisation ce qu’elle conteste, est inopérante, les éléments fournis au débat (pièces 10 Leeway, 21 et 24 Third) montrant que le réalisateur a trouvé des solutions pour représenter des scènes dans le désert conformément au synopsis ainsi que celui-ci en témoigne : « Lors du repérage dans le désert, durant lequel nous étions tous présents, le propriétaire du lieu de tournage nous a expliqué qu’il était interdit de tourner sur la route ainsi que dans le désert autour de la pompe à essence. Notre script nécessitait pourtant ces prises de vue. Nous avons trouvé des solutions pour contourner le problème, à savoir: utiliser le parking, et le transformer en désert pour simuler le crash (ref script) ».
L’attestation de M. [K] [C] qui est étranger au tournage en cause, établie le 7 mai 2021 à la demande de la société Leeway, confirme seulement qu’il est nécessaire d’obtenir des autorisations de tournage en Californie et que lui-même a tourné sur les lieux loués par la société First et a été informé par le propriétaire de la nécessité d’obtenir des autorisations complémentaires pour tourner dans le désert, et ne démontre pas un manquement de la société First à ses obligations contractuelles, même si l’attestant affirme que « les autorisations sont classiques et de mon point de vue, ne pas être informé de cette spécificité américaine relève d’un manque de préparation et de connaissance ».
La société Leeway reproche également à la société First le non-respect du script en raison de l’absence des scènes où l’artiste regarde des scènes représentées sur des cartes postales et de la dernière scène comprenant le panneau indicateur « [Localité 5] 200 Miles ».
S’agissant des cartes postales initialement prévues au script, le témoignage du réalisateur précité (pièce 8 First) indique que celles-ci ont été volontairement supprimées en accord avec l’artiste, la représentante de la société Leeway et après un échange téléphonique avec M. [P] de la société Leeway. Il précise : « A mon sens ces petits ajustements ont ralenti la production lors du tournage, j’ai donc dû prendre la décision de laisser tomber « les cartes postales » ainsi que le panneau [Localité 5] du découpage. Le soir du tournage, j’ai eu une conversation téléphonique avec le producteur de [L] ([H] [P]). Je lui ai expliqué l’impossibilité de tourner les plans relatifs aux « cartes postales » et lui ai dit qu’à mon sens, ça n’impactait pas le film. [H] [P] a validé… ».
Aussi, le changement concernant la suppression des plans relatifs aux cartes postales a été approuvé par la société Leeway, ce qui n’est pas démenti par la seconde attestation de M. [X] établie à la demande de cette dernière.
L’absence des scènes comportant des cartes postales ne peut donc être considérée comme un manquement aux obligations contractuelles de la société First.
Il en va de même de l’absence du panneau indicateur « [Localité 5] 200 miles », le témoignage de M. [X] précisant à cet égard : « Je lui ai aussi expliqué que nous n’avions pas pu filmer le panneau « [Localité 5] » mais que nous pourrions l’ajouter en post production ; [H] [P] a validé ». Le refus ultérieur de la société Leeway d’ajouter ce panneau en post-production n’est pas justifié, celle-ci ne pouvant utilement soutenir pour ce seul panneau que l’ajout de cet élément en « post-production » n’est pas acceptable car il était déterminant pour elle que le tournage soit réalisé dans un lieu précis, avec une lumière précise et obtenir un grain d’image précis.
S’agissant du caractère trop suggestif de certains plans également dénoncé par la société Leeway (notamment ceux avec le pompiste dans la chambre d’hôtel), outre que la cour est dans l’impossibilité d’apprécier la réalité de ces affirmations ces scènes du clip n’étant pas fournies, il sera relevé avec l’intimée que le synopsis validé par la société Leeway prévoient de telles scènes : « [L] avance péniblement dans le désert en tirant sa valise, elle porte de hauts talons aiguilles et une tenue très sexy. Arrivée à la pompe à essence elle prend une pompe la met en bouche et aspire. Arrive un gros pompiste répugnant qui n’en revient pas et devient tout excité. S’enchaine alors une danse de séduction à la fois sexy et répugnante du gros pompiste. Le pompiste reluisant de sueur et d’huile tourne autour de [L] tout en la regardant et touchant son gras. (…) Elle traine son corps nu à l’intérieur du diner et le jette sur une table. Il est ruisselant de transpiration et d’huile. », la vulgarité du clip ne pouvant donc constituer une faute de la part de la société Third.
Il apparaît de l’ensemble de ces éléments que l’autorisation de tournage a été obtenue, que les modifications du synopsis ont été validées par la société Leeway, que le refus d’ajouter le panneau indicateur en post-production opposé par cette dernière n’est pas justifié et qu’aucun manquement grave aux obligations contractuelles auxquelles était tenue la société Third qui a livré le clip objet du contrat et même effectué un nouveau montage, le premier ne satisfaisant pas la société Leeway, n’est caractérisé.
La société Leeway n’est donc pas fondée à solliciter la résolution judiciaire du contrat ni l’indemnisation du préjudice dont elle se prétend victime.
Elle sera déboutée de l’ensemble de ses demandes à ce titre. Le jugement entrepris est confirmé de ce chef.
– Sur la demande en paiement
La société Leeway a décidé, le 28 mars 2020 (pièce 13 Third), à ses risques et périls, de rompre unilatéralement le contrat la liant avec la société Third, refusant toute solution que celle-ci tentait de lui proposer, estimant qu’aucune modification du clip ne serait satisfaisante. Elle sera en conséquence condamnée à verser à la société Third le solde du prix afférent à la production du clip soit 17 737,20 euros (19 248,40 dollars US) en application des dispositions de l’article 7.1 du contrat, la facture en date du 1er avril 2020 étant restée impayée, et le jugement confirmé.
L’article 7 du contrat de production prévoit en effet que :
« 7.1 En contrepartie de l’exécution pleine et entière de ses obligations, la société s’engage à verser au producteur exécutif la somme de 38 496,80 dollars TTC tel que défini dans le devis détaillé ci-joint au contrat et payable comme suit :
– un acompte de 50 % versé à la signature,
– le solde de 50 % versé au plus tard 30 jours après livraison de la videomusique.
« 7.2 Tout retard de paiement pourra donner lieu a’ des pénalités de retard exigibles sans rappel, au taux de 5% des montants en attente, par mois de retard (lutte contre les retards de paiement/article 53 de la loi NRE), ainsi qu’a’ une indemnité forfaitaire de 40€ (C. Com. art. D441-5). Les paiements seront réalisés par virement bancaire ou par chèque a’ l’ordre de la société’ « Left Productions ». Il n’y aura pas d’escompte en cas de paiement anticipe’. »
« 7.3 En cas de défaut de paiement, les frais de recouvrement, y compris les frais d’avocats, d’huissiers ou tout autre frais juridiques, seront a’ la charge de la société. »
La société Third réclame également l’allocation de la somme de 19 248 dollars US ou 19 304,26 euros au titre des pénalités de retard contractuelles à compter du 23 juin 2020 date de la mise en demeure.
La somme susvisée correspond à 5% de la somme de 19 248,40 dollars US (962 dollars US) impayée pendant 20 mois entre la mise en demeure et le 7 avril 2022, date du paiement de ce solde en exécution du jugement, augmentée de la pénalité forfaitaire de 40 euros
Cette somme justifiée au titre des pénalités de retard prévues au contrat sera allouée à la société Third et le jugement infirmé de ce chef.
– Sur les autres demandes
Le sens de l’arrêt conduit à confirmer les dispositions du jugement concernant les dépens et les frais irrépétibles.
Partie perdante, la société Leeway est condamnée aux dépens d’appel et à payer à la société Third, en application de l’article 700 du code de procédure civile, une indemnité qui sera, en équité, fixée à la somme de 5 000 euros. Elle sera elle-même déboutée de ses demandes à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement entrepris sauf en sa disposition ayant débouté la société Third de sa demande en paiement de pénalités de retard,
Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,
Condamne la société Leeway Vision à payer à la société Third la somme de 19 304,26 euros (19 248 dollars US) au titre des pénalités contractuelles de retard,
Condamne la société Leeway Vision à payer à la société Third la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel et la déboute de ses demandes à ce titre,
Condamne la société Leeway Vision aux dépens d’appel.
La Greffière La Présidente