RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
————————————
COUR D’APPEL DE NANCY
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT N° /22 DU 20 OCTOBRE 2022
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 21/02796 – N° Portalis DBVR-V-B7F-E4CM
Décision déférée à la Cour :
jugement du tribunal judiciaire de NANCY, R.G. n° 18/00338, en date du 13 octobre 2021,
APPELANTS :
Monsieur [U] [L]
né le [Date naissance 2] 1968 à [Localité 5], de nationalité française, artisan, domicilié [Adresse 3]
Représenté par Me Julien MARGUET, avocat au barreau de NANCY
Madame [Z] [S] épouse [L]
née le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 7], de nationalité française, secrétaire, domiciliée [Adresse 3]
Représentée par Me Julien MARGUET, avocat au barreau de NANCY
INTIMÉE :
S.A. CREDIT LOGEMENT
Société anonyme au capital de 1 259 850 270,00 €, immatriculée au RCS de PARIS sous le n° B.302.493.275 dont le siège social est [Adresse 4], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me Corinne AUBRUN-FRANCOIS de la SCP AUBRUN-FRANCOIS AUBRY, avocat au barreau de NANCY
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 22 Septembre 2022, en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Francis MARTIN président de chambre, qui a fait le rapport,
Madame Nathalie ABEL, conseillère,
Madame Fabienne GIRARDOT, conseillère,
qui en ont délibéré ;
Greffier, lors des débats : Mme Christelle CLABAUX- DUWIQUET ;
A l’issue des débats, le président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 20 Octobre 2022, en application du deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 20 Octobre 2022, par Mme Christelle CLABAUX- DUWIQUET , greffier, conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;
signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre et par Mme Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier ;
————————————————————————————————————-
Copie exécutoire délivrée le à
Copie délivrée le à
————————————————————————————————————-
EXPOSE DU LITIGE
Par acte sous seing privé en date du 18 novembre 2011, la banque CIC Est a consenti aux époux [U] et [Z] [L] un prêt à taux fixe d’un montant de 135 130 euros en vue de l’acquisition d’une maison à usage d’habitation sise à [Adresse 6]. Ce prêt était remboursable en 180 échéances au TEG de 5,146 %. Il était assorti d’un accord de cautionnement de la société Crédit Logement pour la somme de 135 130 euros.
Suite à la défaillance dans le remboursement du prêt, la banque CIC Est a adressé aux époux [L] une lettre recommandée en date du 28 août 2017 pour les mettre en demeure d’avoir à s’acquitter de la totalité des sommes dues compte-tenu de l’exigibilité du prêt.
Cette mise en demeure étant restée sans effet, la banque CIC Est a actionné le cautionnement de la société Crédit Logement qui s’est acquittée des sommes dues aux lieu et place des époux [L]. La banque CIC Est a remis à la société Crédit Logement une quittance subrogative d’un montant de 5 859,35 euros le 4 mai 2017, puis une seconde quittance subrogative d’un montant de 98 961,49 euros le 13 octobre 2017.
Par acte d’huissier de justice en date du 30 mars 2018, la société Crédit Logement a fait assigner les époux [L] devant le tribunal de grande instance de Nancy afin de les voir condamner solidairement à lui payer les sommes de 98 170,84 euros en principal, de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Les époux [L] ont conclu à titre principal au rejet des demandes de la société Crédit Logement et, à titre subsidiaire, au report du paiement de la dette à 24 mois.
Par jugement rendu le 13 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Nancy a :
– condamné solidairement les époux [L] à payer à la société Crédit Logement la somme totale de 98 170,84 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 30 mars 2018, sous réserve de paiements ultérieurs qui seraient justifiés ;
– dit que les intérêts seront capitalisés par application de l’article 1154 du code civil ;
– débouté les époux [L] de leur demande tendant à l’octroi d’un délai de paiement ;
– débouté les époux [L] de leur demande tendant à ce que les sommes dues ne produisent pas d’intérêt pendant le délai de paiement ;
– débouté la société Crédit Logement de sa demande en dommages et intérêts pour résistance abusive ;
– condamné les époux [L] à payer à la société Crédit Logement la somme de 800 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– condamné les époux [L] aux entiers dépens qui ne comprendront pas les droits prévus à l’article 10 du décret 96-1080 du 12.12.1996 ;
– ordonné l’exécution provisoire.
Par déclaration enregistrée le 26 novembre 2021, les époux [L] ont interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions déposées le 1er juillet 2022, les époux [L] demandent à la cour d’infirmer le jugement déféré et, statuant à nouveau :
– à titre principal, de débouter la société Crédit Logement de sa demande en paiement à hauteur de 98 170,84 euros, le montant de la créance n’étant pas certain, et de la débouter de toutes ses demandes
– à titre subsidiaire, d’ordonner le report de leur dette à l’égard de la société Crédit Logement pour une durée de 24 mois, d’ordonner que les sommes dues ne produiront pas d’intérêt pendant le délai de grâce et de condamner la société Crédit Logement aux entiers frais et dépens.
A l’appui de leur appel, les époux [L] exposent notamment :
– qu’ils ont mis en place un virement mensuel de 1 200 euros au profit de la société Crédit Logement, même s’ils n’ont pu honorer les virements de décembre 2019 et janvier 2020 ayant été victimes des dégâts des eaux, de sorte qu’ils ont ainsi réglé la somme de 21 600 euros au 7 juin 2021,
– que l’état des créances dont se prévaut la société Crédit Logement est vicié puisqu’il ne tient pas compte de leurs versements,
– que la société Crédit Logement leur réclame divers frais de procédure sans en justifier,
– qu’ils ont besoin d’un délai de paiement pour pouvoir concrétiser la vente amiable de leur maison (mise en vente depuis le 22 mai 2018), cette vente devant leur rapporter la somme de 183 000 euros, suffisante pour solder leur dette vis-à-vis de la société Crédit Logement.
Par conclusions déposées le 15 avril 2022, la société Crédit Logement demande à la cour de confirmer le jugement déféré et de condamner solidairement les époux [L] à lui payer la somme de 84 957,26 euros en principal, compte arrêté au 3 mars 2022, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation, la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et appel injustifié et la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens (frais d’inscription d’hypothèque inclus).
La société Crédit Logement fait valoir notamment :
– que pour justifier de son action, elle produit aux débats les deux quittances subrogatives qui lui ont été délivrées par la banque CIC Est, pour un montant totale de 104 820,84 euros,
– qu’elle produit également un décompte actualisé au 3 mars 2022 qui fait bien apparaître les versements de 1 200 euros dont se prévalent les époux [L],
– que les versements effectués par les époux [L] ont à présent cessé, qu’ils ne paient plus rien,
– que les époux [L] ont déjà bénéficié de larges délais de paiement grâce aux délais de procédure et qu’ils ne justifient pas de visites effectuées par des acheteurs potentiels de leur maison.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande en paiement de la société Crédit Logement
Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver et, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.
Les contestations formées par les époux [L] ne portent pas sur le principe de la créance de la société Crédit Logement (qui est d’ailleurs établie de façon incontestable par les quittances subrogatives produites aux débats), mais sur son montant.
La société Crédit Logement produit aux débats un décompte détaillé de sa créance arrêtée au 3 mars 2022. Ce décompte intègre les virements mensuels de 1 200 euros dont se prévalent les époux [L]. Aucun des versements allégués par ces derniers n’est omis dans ce décompte.
Au vu de ce décompte, que rien ne permet d’invalider, les époux [L] restent devoir à la société Crédit Logement la somme de 81 328,63 euros en principal, avec intérêts au taux légal à compter du 3 mars 2022, outre une somme de 457,14 euros au titre des intérêts échus au 2 mars 2022.
La société Crédit Logement sollicite également une somme de 3 171,49 euros au titre des ‘frais de procédure’. Toutefois, ces frais de procédure ne peuvent être inclus dans le principal de la dette, d’une part parce qu’ils ne peuvent servir de base pour le calcul des intérêts moratoires, d’autre part parce qu’ils risquent d’être comptés deux fois (une fois en étant inclus dans le principal, une deuxième fois en étant retenus au titre des dépens ou de l’article 700 du code de procédure civile).
Par conséquent, il convient d’infirmer le jugement déféré et de condamner solidairement les époux [L] à payer à la société Crédit Logement les sommes de 81 328,63 euros en principal, avec intérêts au taux légal à compter du 3 mars 2022, et de 457,14 euros au titre des intérêts échus au 2 mars 2022. Le droit à anatocisme, accordé par le tribunal à la société Crédit Logement, sera confirmé.
Sur les modalités du paiement par les époux [L]
Les époux [L] sollicitent le bénéfice d’un report de paiement de deux années.
Toutefois, la société Crédit Logement poursuit le remboursement de sa créance subrogative à l’encontre des époux [L] depuis le 10 octobre 2017 (date de la mise en demeure qui a été adressée à chacun des deux époux [L]), soit depuis plus de cinq ans, et à ce jour la dette n’est toujours pas remboursée (elle n’a été amortie que marginalement au cours de ce délai). Il n’est donc pas abusif de considérer que les époux [L] ont déjà, dans les faits, et grâce aux délais de la procédure judiciaire, bénéficié de larges délais, sans qu’il apparaisse utile et équitable de leur accorder des délais supplémentaires.
Au surplus, les époux [L] soutiennent avoir mis en vente leur maison de puis mai 2018, afin de pouvoir s’acquitter de leur dette. Il n’apparaît cependant pas que leur maison ait été vendue à ce jour, malgré le dynamisme du marché immobilier, ce qu’ils n’expliquent pas (le dégât des eaux invoqué ou les problèmes de santé de Mme [L] n’apparaissant pas comme des raisons suffisamment convaincantes pour justifier l’échec de la mise en vente sur une aussi longue période).
Par conséquent, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande de délai de paiement formée par les époux [L].
Sur les dommages et intérêts pour résistance et procédure abusives
Si les époux [L] n’ont pas réglé leur dette intégralement au cours de ces dernières années, ils ont effectué des versements, notamment au cours de la période de juillet 2019 à juin 2021, même si ces versements peuvent apparaître insuffisants. Leur résistance à payer leur dette, si elle est réelle, ne pourra donc pas être qualifiée d’abusive.
Par ailleurs, interjeter appel est un droit, lequel ne dégénère en abus que s’il est prouvé que l’auteur de l’appel a agi de mauvaise foi ou a commis une erreur grossière équipollente au dol. Or, en l’espèce, il n’apparaît pas que l’appel interjeté par les époux [L] ait été fait mauvaise foi, ou à la suite d’une erreur équipollente au dol.
La société Crédit Logement sera donc déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour résistance et procédure abusives et la décision des premiers juges sera confirmée sur ce point.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Les époux [L], qui sont les parties perdantes, supporteront les dépens de première instance et d’appel. En outre, il est équitable qu’ils soient condamnés à payer à la société Crédit Logement la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile (en sus de celle de 800 euros déjà allouée par le tribunal).
Les dépens incluront les frais d’inscription d’hypothèque, dont la société Crédit Logement justifie le montant suivant facture du 1er juin 2018.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
INFIRME le jugement déféré sur le quantum de la condamnation des époux [L] et, statuant à nouveau sur ce seul point,
CONDAMNE solidairement les époux [L] à payer à la société Crédit Logement les sommes de 81 328,63 € (quatre vingt un mille deux cent vingt huit euros et soixante trois centimes) en principal, avec intérêts au taux légal à compter du 3 mars 2022, et de 457,14 € (quatre cent cinquante sept euros et quatorze centimes) au titre des intérêts échus au 2 mars 2022,
CONFIRME le jugement déféré pour le surplus,
Y ajoutant,
DEBOUTE la société Crédit Logement de sa demande en dommages et intérêts pour appel abusif,
CONDAMNE in solidum les époux [L] à payer à la société Crédit Logement la somme de 1 000 € (mille euros) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE in solidum les époux [L] aux dépens (en ce compris les frais d’inscription d’hypothèque).
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre à la Cour d’Appel de NANCY, et par Mme Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Minute en six pages.