Droit des Oeuvres d’Art : 6 décembre 2023 Cour d’appel de Besançon RG n° 23/00148

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Droit des Oeuvres d’Art : 6 décembre 2023 Cour d’appel de Besançon RG n° 23/00148
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6 décembre 2023
Cour d’appel de Besançon
RG n°
23/00148

Le copies exécutoires et conformes délivrées à

MW/FA

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Minute n°

N° de rôle : N° RG 23/00148 – N° Portalis DBVG-V-B7H-ETA3

COUR D’APPEL DE BESANÇON

1ère chambre civile et commerciale

ARRÊT DU 06 DECEMBRE 2023

Décision déférée à la Cour : jugement du 27 décembre 2022 – RG N°22/00240 – PRESIDENT DU TJ DE BESANCON

Code affaire : 50A – Demande en nullité de la vente ou d’une clause de la vente

COMPOSITION DE LA COUR :

M. Michel WACHTER, Président de chambre.

Greffier : Mme Fabienne ARNOUX, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision.

DEBATS :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 04 octobre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés devant M. Michel WACHTER, président, qui a fait un rapport oral de l’affaire avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour.

LORS DU DELIBERE :

Monsieur Michel WACHTER, président de chambre, a rendu compte conformément à l’article 786 du Code de Procédure Civile aux autres magistrats :

Monsieur M. WACHTER, Président et Madame Bénédicte MANTEAUX, conseiller.

L’affaire oppose :

PARTIES EN CAUSE :

APPELANT

Monsieur [E] [W]

né le 10 Mars 1942 à [Localité 12], de nationalité Américaine, retraité, demeurant [Localité 1] – Floride- Etats Unis- [Localité 1] ETATS UNIS

Représenté par Me Caroline LEROUX, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant

Représenté par Me Béatrice COHEN, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

ET :

INTIMÉES

Madame [U] [X]

née le 05 Décembre 1930 à [Localité 8], de nationalité française, retraitée, demeurant [Adresse 5]

Représentée par Me Denis LEROUX de la SELARL LEROUX ASSOCIES, avocat au barreau de BESANCON, avocat

SARL HOTEL DES VENTES DE [Localité 8] prise en la personne de son gérant en exercice

Sise [Adresse 3]

Représentée par Me Ludovic PAUTHIER de la SCP DUMONT – PAUTHIER, avocat au barreau de BESANCON, avocat postulant

Représentée par Me Laurent PINIER de la SELARL SULTAN – LUCAS – DE LOGIVIERE – PINIER – POIRIER, avocat au barreau d’ANGERS, avocat plaidant

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant préalablement été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par M. Michel WACHTER, président de chambre et par Mme Fabienne ARNOUX, greffier lors du prononcé.

*************

Lors d’une vente aux enchères publiques organisée le 10 juin 2018 par la SARL Hôtel des ventes de [Localité 8], M. [E] [W] a acquis de Mme [U] [X] une ‘uvre attribuée à [T] [R], intitulée ” Le Saut du Doubs’, pour le prix de 50 000 euros, outre 10 002 euros de frais de vente.

Par exploits du 16 septembre 2022, M. [W] a fait assigner la société Hôtel des ventes de [Localité 8] ainsi que Mme [X] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Besançon aux fins de mise en oeuvre d’une expertise judiciaire. Il a fait valoir au soutien de sa prétention que le tableau, présenté comme n’ayant subi aucune restauration, avait subi des interventions, et qu’à sa réception il avait fait établir un rapport de conservation concluant à son mauvais état. Il a par ailleurs émis des doutes sur l’authenticité de l’oeuvre, indiquant que ses dimensions ne correspondaient pas au certificat d’authenticité, lequel ne pouvait être relié avec certitude à la toile litigieuse, et que la signature avait été apposée après vieillissement de l’oeuvre.

La société Hôtel des ventes de [Localité 8] et Mme [X] se sont opposées à l’expertise, en exposant que l’acquéreur, qui avait participé aux enchères par voie téléphonique, avait été parfaitement informé des précisions apportées sur l’état de l’oeuvre, alors que l’authenticité de celle-ci, dont la traçabilité était assurée, était incontestable.

Par ordonnance du 27 décembre 2022, le juge des référés a rejeté la demande d’expertise,

condamné M. [E] [W] à payer à la SARL Hôtel des ventes de [Localité 8] et à Mme [U] [X] la somme de 2 000 euros chacun au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

Pour statuer ainsi, le premier juge a retenu :

– que la facture adressée à M. [W] mentionnait l’existence de petites restaurations et d’un vernis jaune épais ; que ces indications lui avaient été nécessairement données par téléphone par le commissaire-priseur avant de commencer les enchères ; qu’il était d’usage que les restaurations et le vernis soient utilisés habituellement pour les tableaux anciens dans la mesure où ils permettaient d’assurer leur conservation ;

– que, depuis la réalisation de l”uvre intitulée ‘Le Saut du Doubs “, sa traçabilité apparaissait

comme un marqueur important de son authenticité ;

– que ce tableau avait étéjugé authentique par M. [L] [V], expert de [T] [R], fondateur du Musée [R] et rédacteur du catalogue raisonné, lequel faisait autorité, et dans lequel il l’avait inclus sans réserve ; que M. [O] [V], spécialiste mondialement reconnu, qui avait poursuivi le travail de son père, n’avait élevé aucune remarque lors du passage en vente du tableau à l’Hôtel Drouot en 1981 ;

– que lors de la vente, le tableau était accompagné d’un certificat d’authenticité établi par M. [L] [K] en 1984 ; que la discordance de 0,5 cm entre les dimensions indiquées dans ce certificat et celles mesurées sur l’oeuvre litigieuse n’était pas de nature à mettre en doute l’authenticité du tableau, et ce d’autant plus que les conditions générales de vente stipulaient que

les dimensions étaient données à titre indicatif ;

– que l’affirmation selon laquelle le tableau pourrait être l”uvre d’un faussaire, et notamment de Cherubino Pata, ne constituait qu’une allégation ne reposant sur aucune donnée étayée ;

– qu’antérieurement au19ème siècle, l’apposition de la signature sur une peinture était loin d’être une pratique automatique, et que c’était le développement du marché de l’art à partir du 19 ème siècle qui avait fait de la signature un gage d’authenticité ; qu’il était toutefois courant que les artistes n’ayant pas encore acquis de notoriété, ne signent leurs premières ‘uvres que lorsqu’ils étaient ‘reconnus’ ; qu’il n’y avait donc rien de surprenant à ce que la signature de [T] [R] ait pu être apposée postérieurement à la réalisation du tableau litigieux, qui était une de ses premières oeuvres, exécutée alors qu’il avait 19 ou 20 ans, et n’avait pas encore acquis de notoriété ;

– qu’il était produit un document émanant du [Localité 7] [6] de San Diego, qui aurait examiné le tableau et effectué une restauration dont les modalités n’avaient pas été communiquées ; qu’il n’était pas justifié d’une quelconque qualité de cet organisme pour expertiser une oeuvre d’art, encore moins un tableau de [R] ; qu’il apparaissait en outre que l’épouse de M. [W] était membre et administratrice de cet organisme, et que le demandeur lui-même en était un donateur, de sorte que l’impartialité de ce document faisait défaut ;

– que, faute pour M. [W] d’étayer ses doutes par des éléments extérieurs objectifs, il ne justifiait pas d’un motif légitime à solliciter une expertise judiciaire.

M. [W] a relevé appel de cette décision le 2 février 2023.

Par conclusions n°3 transmises le 28 septembre 2023, l’appelant demande à la cour :

Vu l’article 145 du code deprocédure civile,

– de déclarer l’appel régulier et fondé ;

– d’infirmer l’ordonnance déférée en ce qu’elle a rejeté la demande d’expertise, condamné M. [W] à payer à la SARL Hôtel des ventes de [Localité 8] et à Mme [X] la somme de

2 000 euros chacun au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;

– de débouter la société Hôtel des ventes de [Localité 8] de l’intégralité de ses demandes fins et conclusions ;

En conséquence :

– d’ordonner une mesure d’expertise ;

– de désigner tel expert specialisé dans la peinture de [T] [R] qu’il plaira à Mme ou M les juges et conseillers de la cour d’appel de Besançon avec pour mission de :

* se faire communiquer tout document et pièces qu’il estimera utile ;

* se faire assister, si besoin est, de tout sachant ou tout tiers ;

* se déplacer en tous lieux ;

* convoquer et entendre les parties assistées, le cas échéant, de leurs conseils ;

* examiner le tableau décrit en ces termes : [R] ([T]) ‘Le Saut du Doubs’, 35,5 x 27, sbg, [T] [R] (vers 1839/40) ;

* déterminer si le tableau est une oeuvre authentique de [T] [R] et si la signature est authentique ;

* en toute hypothèse, déterminer comment l’oeuvre doit être décrite et donner son avis sur son estimation ;

* donner son avis sur l’état de conservation du tableau ;

* apporter tous éléments utiles à la solution du litige ;

* à l’issue de la première réunion d’expertise ou dès que cela lui semblera possible, et en concertation avec les parties, définir le calendrier prévisionnel de ses opérations, l’actualiser ensuite dans les meilleurs délais ;

– en les informant de l’évolution de l’estimation du montant prévisible de ses frais et honoraires et en les avisant de la saisine du juge chargé du contrôle des demandes de consignations complémentaires qui s’en déduisent ;

– en fixant aux parties un délai pour procéder aux interventions forces (sic) ;

– en les informant de la date à laquelle il prévoit de leur adresser son document de synthèse ;

* aux termes de ses opérations, adresser aux parties un document de synthèse, sauf exception dont il s’expliquera dans son rapport et y arrêter le calendrier de la phase conclusive de ses opérations ;

* fixant, sauf circonstances particulières, la date ultime du dépôt des dernières observations des parties sur le document de synthèse ;

* rappelant aux parties, au visa de l’article 276 alinéa 2 du code de procédure civile, qu’il n’est pas tenu de prendre en compte les observations transmises au-delà de ce délai ;

– de dire que l’expert devra déposer, dans un délai qui ne saurait excéder six mois à dater de la saisine, son rapport auquel sera joint, le cas échéant, l’avis du technicien qu’il se sera éventuellement adjoint et qu’il délivrera lui-même copie de tout à chacune des parties en cause ;

– de fixer le montant dela provision pour l’expertise à consigner au greffe du tribunal ;

– de rappeler que la décision est exécutoire de plein droit et pourra être exécutée sur minute (sic) ;  

– de condamner la SARL Hôtel des ventes de [Localité 8] et Mme [X] à verser chacun à M. [W] la somme de 5 000 euros chacun (sic) au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Par conclusions récapitulatives notifiées le 12 septembre 2023, la société Hôtel des ventes de [Localité 8] demande à la cour :

Vu les dispositions des articles 145 et 146 du code de procédure civile,

– de juger la société Hôtel des ventes de [Localité 8] recevable et bien fondée en l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

– de confirmer l’ordonnance déférée en ce qu’elle a rejeté la demande d’expertise judiciaire ;

– de débouter M. [W] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

Y ajoutant,

– de condamner M. [W] à verser à la société Hôtel des ventes de [Localité 8] la somme de 8 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– de condamner M. [W] aux entiers dépens (comprenant notamment ceux de première instance et d’appel).

Par ordonnance du 8 août 2023, le président de chambre a déclaré irrecevables les conclusions notifiées le 11 juillet 2023 par Mme [U] [X].

La clôture de la procédure a été prononcée le 3 octobre 2023.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer pour l’exposé des moyens des parties à leurs conclusions récapitulatives visées ci-dessus.

Sur ce, la cour,

A titre liminaire, il sera relevé que si l’une des parties a verbalement fait part à l’audience de la délivrance d’une assignation devant le juge du fond, celle-ci ne résulte ni des dernières conclusions échangées par les parties, ni des pièces versées aux débats. Dès lors, et étant rappelé le caractère écrit de la procédure, il ne pourra en être tiré aucune conséquence au regard du caractère nécessairement in futurum de la demande d’expertise.

L’article 145 du code de procédure civile dispose que s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

La justification d’un intérêt légitime n’exige pas la démonstration par le demandeur du bien-fondé de sa prétention potentielle, mais suppose néanmoins la production d’éléments de nature à accréditer la pertinence de la mesure d’instruction qu’il sollicite.

En l’occurrence, l’appelant invoque au soutien de sa demande l’état du tableau acquis, qu’il affirme non conforme aux informations qui lui avaient été fournies avant la vente, ainsi que l’existence de doutes quant à son authenticité.

S’agissant en premier lieu de l’état de l’oeuvre, M. [W] verse aux débats le courriel qu’il a adressé le 9 juin 2018 au commissaire-priseur, lui demandant de lui décrire l’état de la toile, notamment si elle avait été endommagée ou réparée, ainsi que l’état de la peinture elle-même, notamment si elle était endommagée ou avait subi des restaurations. Par mail en réponse du même jour, le commissaire-priseur lui a indiqué que ‘toutes les informations et photos sont disponibles sur www.interencheres.com . Il n’y a pas de restauration signalée’. Or, la facture établie en suite de la vente mentionne la présence de ‘petites restaurations, vernis jaune épais’, ce qui contredit à l’évidence le contenu du mail du 9 juin 2018. Si la société Hôtel des ventes de [Localité 8] soutient que ces précisions ont été apportées oralement lors des enchères, et qu’elles ont d’ailleurs été portées au procès-verbal de vente, c’est à tort qu’elle soutient qu’il incomberait à M. [W] de démontrer qu’il n’en avait pas été informé, alors qu’il ne saurait être exigé de l’appelant, dont il doit être rappelé qu’il n’était pas physiquement présent lors de la vente comme ayant enchéri par voie téléphonique, la preuve d’un fait négatif.

Il résulte par ailleurs du constat d’état établi par le Musée [11] de [Localité 9] (CH), auquel le tableau avait été confié, dans le cadre d’une exposition, après sa vente et avant expédition à M. [W], que la couche picturale présentait des effritements, des égratignures/usures, des lacunes, un pâlissement ou décoloration, et que la couche de protection était quant à elle affectée de formation de bulles et de décoloration, pour un état général qualifié de ‘moyen’. Ce constat rejoint celui effectué ultérieurement à la demande de M. [W] par le [Localité 7] [6], qui fait lui-aussi mention d’effritements et de lacunes, et porte sur l’état général de l’oeuvre une appréciation plus sévère en le qualifiant de ‘mauvais’. Sans qu’il y ait lieu d’entrer dans le débat opposant les parties sur les relations que l’appelant et son épouse entretiennent avec le [Localité 7] [6], la cour constatera que, s’agissant de l’état de la peinture, les constatations effectuées par cet organisme sont concordantes avec celles du Musée jurassien, de sorte que, contraitrement à ce que soutient l’intimée, il peut y être accordé du crédit.

S’agissant de l’authenticité du tableau, l’appelant remet en cause la confiance à apporter aux éléments d’authentification et de traçabilité qui lui ont été fournis.

Il n’est d’abord pas contesté, comme ressortant de l’indication figurant au catalogue de la vente et à la facture, ainsi que de celle, concordante, portée au constat effectué par le Musée jurassien, mais aussi de celle mentionnée au constat du [Localité 7] [6] (H. 14″ x W. 10 3/4″, sous réserve des marges d’erreur inhérentes à la conversion en centimètres), que l’oeuvre acquise par l’appelant mesure 35,5 x 27 cm. Or, tant le catalogue raisonné de l’oeuvre de [T] [R] établi par M. [L] [V], que le certificat d’authenticité établi par M. [L] [K] le 29 octobre 1984, auxquels il est expressément fait référence dans le catalogue de la vente, font état d’un tableau de 35 x 27 cm. C’est à tort que le premier juge a considéré cette différence comme négligeable, en évoquant la mention expresse par le commissaire-priseur du caractère indicatif des dimensions, alors que l’exactitude des mesures portées au catalogue a pu être vérifiée par plusieurs intervenants. Il existe donc incontestablement une différence dimensionnelle entre le tableau concerné par les éléments d’authentification et le tableau litigieux, au sujet de laquelle il n’est fourni aucune explication convaincante, ce qui ne permet pas d’exclure l’hypothèse d’un défaut d’identité entre ces oeuvres.

Au demeurant, l’oeuvre figurant au catalogue [V] porte un titre différent (‘La Cascade’), et le certificat de M. [K], tel qu’il est produit aux débats par chacune des parties, ne permet pas de s’assurer de manière certaine de l’oeuvre qu’il concerne. Le libellé de ce certificat, qui est le suivant : ‘Je soussigné [L] [K], expert, certifie que le tableau ci-contre reproduit, peinture sur toile, mesurant 35 x 27 cms, est une oeuvre authentique de [T] [R]. Ce tableau a subi des restaurations’, ne comporte en effet aucune description de l’oeuvre, ne serait-ce que par l’indication de son titre ou de son sujet. Il est d’ailleurs curieux d’observer qu’alors que ce certificat fait expressément référence à des restaurations, le commissaire-priseur, qui en avait nécessairement connaissance, ait pu indiquer à M. [W] dans son mail du 9 juin 2018 qu’il n’avait pas été signalé de restaurations. En tout état de cause, aux termes de ce certificat, l’identification du tableau ne peut se faire que par référence à la reproduction dont il fait état. Or, en l’absence de production du certificat original, la concordance avec l’oeuvre vendue n’est pas assurée de manière certaine en l’état de simples copies figurant sur des pages différentes.

D’autre part, la constatation matérielle du [Localité 7] [6] selon laquelle la signature n’a pas été apposée sur le tableau acquis par M. [W] de manière contemporaine à son exécution n’est pas contestée. Cette particularité autorise à s’interroger sur l’authenticité de l’oeuvre, et/ou de sa signature, et il ne saurait être tiré aucune conviction certaine de la seule évocation générale d’une pratique ayant eu cours dans le milieu de la peinture au 19ème siècle, sans qu’il soit démontré qu’elle ait effectivement été mise en oeuvre concernant le tableau litigieux, et alors au demeurant qu’aucun élément ne permet en l’état d’apprécier le temps écoulé entre l’exécution du tableau et l’apposition de la signature.

Il en résulte que si l’appelant ne démontre certes pas le défaut d’authenticité du tableau qu’il a acquis, il verse cependant des éléments concrets accréditant les doutes qu’il émet. Ces doutes ne peuvent être combattus de manière efficace par l’invocation de l’absence de contestation sur l’authenticité de l’oeuvre lors de son exposition en public ou dans le cadre de la vente, par la réputation de la collection dont provenait l’oeuvre, ou encore par la déclaration d’identité du tableau litigieux avec celui figurant au catalogue raisonné [V], émanant d’une assistante administrative sans qualification particulière dans l’authentification des oeuvres d’art.

Enfin, l’action susceptible d’être intentée au fond en annulation de la vente pour non conformité de l’état du tableau et/ou pour défaut d’authenticité n’apparaît pas être manifestement vouée à l’échec.

Il doit en conséquence être retenu que l’appelant justifie d’un intérêt légitime à solliciter une mesure d’expertise judiciaire.

L’ordonnance déférée sera donc infirmée en toutes ses dispositions, l’expertise sollicitée étant ordonnée aux frais avancés de M. [W].

M. [W] sera condamné aux dépens tant de première instance que d’appel, dès lors que la mesure d’expertise qu’il sollicite est ordonnée à son seul bénéfice, et que les intimés ne peuvent, dans le cadre d’une procédure fondée sur l’article 145 du code de procédure civile, être qualifiés de parties perdantes.

Les demandes formées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

Par ces motifs

Statuant contradictoirement, après débats en audience publique,

Infirme en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue le 27 décembre 2022 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Besançon ;

Statuant à nouveau, et ajoutant :

Ordonne une mesure d’expertise ;

Commet pour y procéder :

M. [G] [C]

[Adresse 4]

Tél : [XXXXXXXX02] – Mail : [Courriel 10]

Avec pour mission, après s’être fait communiquer tous documents et pièces estimées utiles, et après avoir entendu les parties :

* examiner le tableau décrit en ces termes : [R] ([T]) ‘Le Saut du Doubs’, 35,5 x 27, sbg, [T] [R] (vers 1839/40) ;

* déterminer si ce tableau est une oeuvre authentique de [T] [R] et si la signature est authentique ;

* en toute hypothèse, déterminer comment l’oeuvre doit être décrite et donner son avis sur son estimation ;

* donner son avis sur l’état de conservation du tableau ;

* apporter tous éléments utiles à la solution du litige ;

Dit que l’expert pourra recueillir l’avis d’un autre technicien dans une spécialité distincte de la sienne ;

Dit que l’expert devra donner connaissance de ses conclusions aux parties et répondre à toutes observations écrites de leur part dans le délai qu’il leur aura été imparti avant d’établir son rapport définitif ;

Dit que l’expert déposera son rapport définitif au greffe du tribunal judiciaire de Besançon dans un délai de 6 mois à compter de l’avis de consignation de la provision, en adressant copie à chaque partie ;

Dit que M. [E] [W] devra consigner avant le 6 février 2024 auprès du régisseur d’avances et de recettes du tribunal judiciaire de Besançon la somme de 5 000 euros à titre de provision sur les honoraires de l’expert ;

Condamne M. [E] [W] aux entiers dépens de première instance et d’appel ;

Rejette les demandes formées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Ledit arrêt a été signé par Michel Wachter, président de chambre, magistrat ayant délibéré et Fabienne Arnoux, greffier;

Le greffier, Le président,

 


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