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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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COUR D’APPEL DE NANCY
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT N° /23 DU 09 NOVEMBRE 2023
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 23/00247 – N° Portalis DBVR-V-B7H-FDYC
Décision déférée à la Cour :
jugement du tribunal judiciaire de VAL DE BRIEY, R.G. n° 20/01069, en date du 07 novembre 2022,
APPELANTE :
Madame [Z] [C] épouse [F]
née le [Date naissance 1] 1986 à [Localité 4], domiciliée [Adresse 2]
Représentée par Me Barbara VASSEUR de la SCP VASSEUR PETIT, avocat au barreau de NANCY
(bénéficie d’une aide juridictionnelle totale numéro 2023/182 du 30/01/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de NANCY)
INTIMÉE :
La S.A. BANQUE CIC EST,
société anonyme dont le siège social est [Adresse 3] immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Strasbourg sous le n° 754 800 712, prise en la personne de son président du conseil d’administration pour ce domicilié audit siège
Représentée par Me Laurent LEFEBVRE de la SCP LEFEBVRE, avocat au barreau de BRIEY
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 05 Octobre 2023, en audience publique devant la Cour composée de :
Monsieur Francis MARTIN, président de chambre,
Madame Nathalie ABEL, conseillère,
Madame Fabienne GIRARDOT, conseillère, chargée du rapport
qui en ont délibéré ;
Greffier, lors des débats : Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET ;
A l’issue des débats, le président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 09 Novembre 2023, en application du deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
ARRÊT : contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 09 Novembre 2023, par Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier, conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ;
signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre et par Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier ;
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Copie exécutoire délivrée le à
Copie délivrée le à
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EXPOSE DU LITIGE
Suivant offre préalable acceptée le 28 novembre 2017, la SA Banque CIC EST a consenti à Mme [Z] [C] épouse [F] et M. [G] [F] une ouverture de crédit d’un montant de 20 000 euros, utilisable par fractions, incluant des intérêts à taux variable et remboursable par échéances mensuelles.
Les époux [F] ont divorcé suivant convention signée le 13 mars 2019.
Le 18 avril 2019, un montant de 20 000 euros a été débloqué au titre de l’ouverture de crédit, remboursable sur une durée de 60 mois au taux de 2,90%.
Le 26 septembre 2019, M. [G] [F] a été déclaré recevable à la procédure de surendettement et son dossier a été orienté vers la procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire.
Par courrier recommandé avec demande d’avis de réception du 6 décembre 2019, la SA Banque CIC EST a mis Mme [Z] [C] en demeure de s’acquitter des mensualités impayées à hauteur de 1 149,33 euros dans un délai de quinze jours.
Par courrier recommandé avec demande d’avis de réception du 29 juin 2020, la SA Banque CIC EST a mis Mme [Z] [C] en demeure de s’acquitter des mensualités impayées à hauteur de 3 677,42 euros dans un délai de huit jours, sous peine de déchéance du terme.
Par courrier recommandé avec demande d’avis de réception du 17 juillet 2020, la SA Banque CIC EST a notifié la déchéance du terme du contrat de crédit à Mme [Z] [C] et l’a mise en demeure de payer la somme totale exigible de 21 092,02 euros.
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Par acte d’huissier en date du 9 septembre 2020, la SA Banque CIC EST a fait assigner Mme [Z] [C] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Val de Briey afin de la voir condamnée à lui verser la somme au principal de 21 128,59 euros au titre du prêt consenti le 28 novembre 2017.
Le prêteur a indiqué qu’il n’encourait pas la déchéance du droit aux intérêts dans la mesure où le crédit renouvelable ne pouvait s’analyser en un prêt personnel nécessitant une offre préalable lors des déblocages, et que la convention de divorce des époux [F] ne lui était pas opposable.
Mme [Z] [C] a conclu au débouté au motif que la convention de divorce avait expressément convenu que le passif serait supporté par M. [G] [F], qui avait seul débloqué le prêt le 18 avril 2019 afin de financer l’achat de sa motocyclette, soit postérieurement à la date des effets du divorce fixés au 16 juin 2018.
Par jugement en date du 7 novembre 2022, le tribunal judiciaire de Val de Briey a :
– dit la SA Banque CIC EST recevable en ses demandes,
– requalifié le contrat de crédit en réserve conclu entre les parties le 28 novembre 2017 en contrat de crédit personnel conclu le même jour,
– condamné Mme [Z] [C] à payer à la SA Banque CIC EST les sommes de 18 538,33 euros, augmentée des intérêts contractuels de 2,90 % à compter du 17 juillet 2020, et 608,52 euros, augmentée des intérêts contractuels de 0,5% à compter du 17 juillet 2020, au titre du prêt personnel souscrit le 28 novembre 2017 et de l’assurance y afférent,
– condamné Mme [Z] [C] à payer à la SA Banque CIC EST la somme de 100 euros au titre de l’indemnité conventionnelle avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de la présente décision,
– condamné Mme [Z] [C] à payer à la SA Banque CIC EST la somme de 400 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné Mme [Z] [C] aux dépens,
– rappelé que la présente décision est exécutoire par provision,
– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires au dispositif.
Le juge a retenu que sur le fondement de l’avis rendu par la Cour de Cassation le 6 avril 2018, le déblocage de la somme de 20 000 euros s’analysait en une opération unique qui devait être requalifiée en prêt personnel. Il a condamné Mme [Z] [C] au paiement des sommes dues en capital et au titre des cotisations d’assurance, et a réduit l’indemnité conventionnelle de 8% à la somme de 100 euros. Il a jugé que la convention de divorce homologuée des époux n’était pas opposable aux tiers et n’avait de force obligatoire que dans leurs rapports réciproques, et a constaté que Mme [Z] [C] ne rapportait pas la preuve d’une désolidarisation du prêt opposable aux tiers.
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Le 2 février 2023, Mme [Z] [C] a formé appel du jugement tendant à son annulation sinon à son infirmation en tous ses chefs critiqués.
Dans ses dernières conclusions transmises le 23 août 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens, Mme [Z] [C], appelante, demande à la cour :
– de déclarer son appel recevable et bien fondé,
– de déclarer l’appel incident relevé par la SA Banque CIC EST mal fondé,
– de confirmer le jugement en ce qu’il requalifie le contrat de crédit en réserve conclu entre les parties le 28 novembre 2017 en contrat de crédit personnel conclu le même jour,
– d’annuler et subsidiairement infirmer le jugement rendu le 7 novembre 2022 par le tribunal judiciaire de Val de Briey en ce qu’il a dit la SA Banque CIC EST recevable en ses demandes, l’a condamnée à payer à la SA Banque CIC EST la somme de 18 538,33 euros avec intérêts au taux contractuel de 2,90 % à compter du 17 juillet 2020 et de 608,52 euros avec intérêts contractuel de 0,50% à compter du 17 juillet 2020 au titre du prêt personnel souscrit le 28 novembre 2017 et de l’assurance y afférent, l’a condamnée à payer la somme de 100 euros au titre de l’indemnité conventionnelle avec intérêts conventionnels à compter de la décision et celle de 400 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens, et a débouté les parties de leurs autres demandes,
Et statuant à nouveau
– de débouter la SA Banque CIC EST de sa demande,
Subsidiairement,
– de dire et juger que la SA Banque CIC EST a manqué aux obligations contractuelles engageant sa responsabilité, et de la condamner à lui verser la somme de 21 128,59 euros avec intérêt de 2,9 % et 0,5% à compter du 8 août 2020 à titre de dommages et intérêts, de constater l’extinction des créances, et de la condamner à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts,
A titre infiniment subsidiaire,
– de prononcer la déchéance du droit aux intérêts dès l’origine et de dire et juger que les sommes déjà perçues par le prêteur, qui sont productives d’intérêts au taux de l’intérêt légal à compter du jour de leur versement, s’imputeront sur le capital, soit :
-382,95 euros avec intérêts à compter du 30/04/2019,
-382,95 euros avec intérêts à compter du 31/05/2019,
-382,95 euros avec intérêts à compter du 30/06/2019,
-382,95 euros avec intérêts à compter du 31/07/2019,
-382,95 euros avec intérêts à compter du 31/08/2019,
Encore plus subsidiairement,
– de lui accorder des délais de paiement et de l’autoriser à régler la dette en vingt-trois mensualités de 50 euros et une dernière du solde restant dû,
– de condamner la SA Banque CIC EST à lui régler la somme de 1000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– de condamner la SA Banque CIC EST en tous les dépens de première instance et d’appel dont distraction, pour ceux d’appel, au profit de la S.C.P. Barbara Vasseur-Renaud Petit, avocats associés, en application de l’article 699 du code de procédure civile.
Au soutien de ses demandes, Mme [Z] [C] fait valoir en substance :
– que le premier juge n’a pas tiré les conséquences de l’avis de la Cour de Cassation du 6 avril 2018 en vertu duquel la banque devait au moment du déblocage des fonds, soit le 18 avril 2019, soumettre une offre préalable de crédit pour ce prêt personnel et ne pouvait se prévaloir du contrat du 28 novembre 2017 ; que la SA Banque CIC EST s’est contentée d’une information préalable adressée à M. [F] et d’établir un tableau d’amortissement ; qu’elle n’est donc pas tenue au remboursement des sommes prêtées à son ex-mari en ce que, à défaut de négociation quant aux clauses essentielles du second prêt convenu le 18 avril 2019 et non souscrit par elle-même, portant une référence différente de celui accordé le 28 novembre 2017, la clause de solidarité indéfinie ne pouvait pas trouver à s’appliquer, s’agissant d’un manquement de la banque à son obligation d’exécuter les contrats de bonne foi ;
– que le contrat stipulait que les sommes devaient être versées sur le compte commun des époux, alors qu’il n’existait plus à la suite du divorce, chacun disposant d’un compte propre et personnel ; que la banque a manqué à l’exécution de ses obligations contractuelles et n’est pas fondée à réclamer le remboursement des sommes versées sur le compte de son ex-mari ;
– que le crédit accordé le 28 novembre 2017 n’a pas été utilisé durant plus d’une année, et que selon les dispositions combinées des articles L. 312-65, L. 312-80, L. 312-81 et L. 312-82 du code de la consommation, à défaut de reconduction du contrat par l’emprunteur, le droit d’utilisation du crédit est suspendu et ne peut être levé qu’après vérification de sa solvabilité dans les conditions de l’article L 312-16, et qu’en l’absence de levée de la suspension à l’expiration du délai d’un an, le contrat devait être résilié de plein droit ; qu’aucune proposition de reconduction n’a été adressée dans les délais requis, et que l’information préalable à l’utilisation des fonds par M. [F] le 18 avril 2019 n’a pas été précédée d’une vérification de leur solvabilité avant la levée de suspension du droit d’utilisation du crédit ; que la banque a prêté la somme de 20 000 euros uniquement à M. [G] [F] après leur divorce, et qu’elle n’est pas tenue de l’exécution du contrat initial suspendu ;
– que la convention de divorce signée le 13 mars 2019 avait prévu le remboursement du prêt de 20 000 euros par M. [G] [F], qui a été déclaré recevable au bénéfice de la procédure de surendettement le 26 septembre 2019 ; que sa propre situation était précaire ; que la demande de remboursement de la banque lui est particulièrement préjudiciable ;
– que la banque a manqué à son obligation d’exécuter les conventions de bonne foi ; qu’elle ne pouvait la laisser dans l’ignorance de l’utilisation envisagée par M. [G] [F] ; qu’elle aurait pu exposer la situation nouvelle du couple divorcé remettant en cause leur solvabilité ; que la banque savait qu’elle n’avait plus accès au compte commun devenu celui de M. [G] [F] et qu’elle avait un compte à son nom propre ;
– que subsidiairement, la déchéance du droit aux intérêts de la SA Banque CIC EST doit être prononcée, à défaut de justifier de l’exécution de ses obligations prévues par le code de la consommation, et que les sommes perçues par le prêteur au titre des intérêts seront imputées du capital restant dû et produiront des intérêts à au taux légal à compter du jour de leur versement ;
– que très subsidiairement, elle sollicite les plus larges délais de paiement en ce qu’elle perçoit une indemnité de reconversion professionnelle pour adulte handicapé et qu’elle est hébergée gratuitement, étant divorcée depuis le 18 juin 2018 avec la charge exclusive d’un enfant et l’exercice de droits de visite et d’hébergement pour les deux autres enfants du couple.
Dans ses dernières conclusions transmises le 12 juillet 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la SA Banque CIC EST, intimée et appelante à titre incident, demande à la cour :
– de dire l’appel principal de Mme [Z] [C] recevable mais mal fondé,
– de la dire recevable et bien fondée en son appel incident,
– d’infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Briey du 7 novembre 2022 en ce qu’il a :
* requalifié le contrat de crédit en réserve conclu entre les parties le 28 novembre 2017 en contrat de crédit personnel conclu le même jour,
* condamné Mme [Z] [C] à lui payer les sommes de 18 538,33 euros augmentée des intérêts contractuels de 2,90% à compter du 17 juillet 2020, et 608,52 euros augmentée des intérêts contractuels de 0,5 % à compter du 17 juillet 2020 au titre du prêt personnel souscrit le 28 novembre 2017 et de l’assurance y afférent,
* condamné Mme [Z] [C] à lui payer la somme de 100 euros au titre de l’indemnité conventionnelle avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de sa décision,
– de condamner Mme [Z] [C] à lui payer la somme de 21 128,59 euros augmentée des intérêts au taux de 2,90 % l’an et de l’assurance au taux de 0,50 % l’an courus à compter du 8 août 2020 et jusqu’à parfait paiement,
– de dire Mme [Z] [C] irrecevable, et subsidiairement mal fondée, en ses demandes reconventionnelles tendant :
* à titre subsidiaire, à obtenir sa condamnation reconventionnelle, présentée pour la première fois en cause d’appel, à lui payer la somme de 21 128,59 euros avec intérêts au taux de 2,90 % et de l’assurance au taux de 0,50 % à compter du 8 août 2020 à titre de dommages et intérêts, à constater l’extinction des créances et à la voir condamnée à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts,
* à titre infiniment subsidiaire, à voir prononcer la déchéance du droit aux intérêts dès l’origine,
– de débouter Mme [Z] [C] de sa demande de délais de paiement,
– de confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Briey du 7 novembre 2022 en ce qu’il a condamné Mme [Z] [C] à lui payer la somme de 400 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– de condamner Mme [Z] [C] à lui payer à hauteur d’appel la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– de condamner Mme [Z] [C] aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Au soutien de ses demandes, la SA Banque CIC EST fait valoir en substance :
– qu’elle n’encourt pas la déchéance du droit aux intérêts en ce que ce prêt doit s’analyser comme un crédit pré-accordé qui permet à l’emprunteur de financer un projet de trésorerie ou autres projets de consommation ou immobiliers sans avoir à établir un nouveau dossier, le taux contractuel des intérêts variant selon l’affectation des fonds, et que ce crédit renouvelable donne ainsi lieu à l’ouverture de sous comptes en fonction des utilisations prévues ; qu’il s’agit par conséquent d’utilisation de fonds, dans le cadre d’une convention unique, comportant un plafond maximum autorisé, et utilisable au gré de l’emprunteur ; qu’il n’y a pas indétermination de l’objet du contrat tant en ce qui concerne le montant octroyé, l’usage des fonds, le taux applicable et le formalisme applicable ; qu’il ne s’agit pas d’un prêt personnel ni d’un prêt affecté s’agissant d’un seul déblocage portant sur un financement ‘divers’ ; que les informations et vérifications exigées par le code de la consommation ont été respectées et que Mme [Z] [C] ne peut méconnaître la clause de solidarité active figurant au contrat signé en 2017 ;
– qu’elle a adressé annuellement aux co-emprunteurs une lettre les informant des conditions de renouvellement du contrat qui n’a pas été suspendu ou résilié ; que Mme [Z] [C] a été destinataire des relevés mensuels du crédit renouvelable entre décembre 2017 et juin 2020, puis des mises en demeure de payer, et que la convention de divorce, qui lui est inopposable, avait prévu que M. [G] [F] règlerait cette dette ; que Mme [Z] [C] n’a pas cherché à se désolidariser du crédit renouvelable qu’elle a signé ; que Mme [Z] [C] a signalé sa nouvelle adresse en 2021, contrevenant à son obligation d’informer le prêteur de tout changement de situation ;
– que les demandes reconventionnelles de Mme [Z] [C] sont irrecevables pour la première fois à hauteur de cour.
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La clôture de l’instruction a été prononcée le 6 septembre 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l’opposabilité du contrat de crédit à Mme [Z] [C]
L’article L. 312-57 du code de la consommation dispose que ‘constitue un crédit renouvelable, une ouverture de crédit qui, assortie ou non de l’usage d’une carte de crédit, offre à son bénéficiaire la possibilité de disposer de façon fractionnée, aux dates de son choix, du montant du crédit consenti.’
Or, ne peut recevoir la qualification de crédit renouvelable un contrat qui permet de souscrire plusieurs emprunts distincts, combinant la faculté de reconstitution du crédit permanent avec les modalités de remboursement par échéances prédéterminées suivant un tableau d’amortissement établi lors de chaque emprunt d’une fraction de capital disponible, comportant un taux fixe spécifique selon l’affectation des fonds prêtés, et ne prévoyant qu’une acceptation unique donnée par l’emprunteur lors de sa conclusion.
En effet, chacun des emprunts doit s’analyser en un prêt personnel ou affecté.
En l’espèce, il ressort de l’offre de contrat de crédit signée par Mme [Z] [C] et M. [G] [F] le 28 novembre 2017 que, dans la limite du montant total de 20 000 euros, la SA Banque CIC EST les a autorisés à disposer du crédit en compte de façon fractionnée et aux dates de leur choix, et que les parties ont convenu d’un remboursement pour chaque utilisation en fonction de leur montant et de la durée choisie, avec un taux débiteur fixe pendant toute la durée de remboursement de l’utilisation déterminé selon différents critères, dont la nature de l’utilisation, les options et les durées choisies pour chacune d’elles, étant ajouté que pour le crédit ou la fraction de crédit inutilisée ces taux étaient révisables.
Aussi, ce crédit qui définit un montant maximal d’emprunts accordés suppose, lors de chacun des emprunts successifs remboursables indépendamment des autres à un taux fixe qui lui est propre, une négociation quant à ses clauses essentielles, à sa durée de remboursement, et au taux d’intérêts conventionnels fixe spécifique.
Dans ces conditions, il en résulte que chacun des emprunts s’analyse en un prêt personnel non affecté, le financement n’ayant pas pour objet l’achat d’un bien ou l’exécution d’une prestation, ce qui justifie l’acceptation d’une offre préalable, ouvrant notamment droit à rétractation.
Or, il est constant qu’aucune offre n’a été signée par Mme [Z] [C] lors du déblocage de la somme de 20 000 euros le 18 avril 2019 à la demande de M. [G] [F].
De même, il y a lieu de constater que la convention de divorce de Mme [Z] [C] et M. [G] [F] signée le 13 mars 2019, non opposable à la SA Banque CIC EST, prévoyait de reporter ses effets au 16 juin 2018, ce qui excluait toute solidarité liée à l’entretien du ménage pour le déblocage du 18 avril 2019.
Cependant, il ressort de l’offre de contrat de prêt initiale signée par Mme [Z] [C] le 28 novembre 2017, ‘ qu’en cas de pluralité d’emprunteurs, toutes pièces relatives à l’exécution de la présente convention, y compris tous reçus, ordres de virement, pourront être signées par l’un quelconque des emprunteurs, qui se confèrent réciproquement tous pouvoirs et consentements à cet effet, de sorte que la signature de l’un d’entre eux les engagera solidairement et indivisiblement. ‘
Aussi, en sollicitant le déblocage de la somme de 20 000 euros le 18 avril 2019, M. [G] [F] a engagé solidairement Mme [Z] [C].
Or, Mme [Z] [C] ne justifie pas d’une demande de désolidarisation liée aux obligations résultant du contrat de prêt consenti le 28 novembre 2017, qui ne saurait résulter des effets du divorce entre époux.
En effet, si le déblocage de la somme de 20 000 euros s’analyse en un prêt personnel nécessitant l’acceptation d’une offre préalable, en revanche, l’absence d’offre préalable ne saurait remettre en cause la solidarité prévue entre les emprunteurs dans les termes du contrat consenti le 28 novembre 2017.
Il en résulte que le contrat de crédit consenti par la SA Banque CIC EST à Mme [Z] [C] et M. [G] [F] le 28 novembre 2017 est opposable à Mme [Z] [C] en ce qu’il a prévu leur engagement solidaire par la signature de l’un d’eux.
Dès lors, le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
Sur la déchéance du droit aux intérêts
Il y a lieu de préciser que si le jugement déféré n’a pas expressément prononcé la déchéance du droit aux intérêts du prêteur, en revanche, les condamnations prononcées au jugement déféré portent sur les sommes dues en capital et au titre des cotisations d’assurance.
Aussi, l’appel incident formé par la SA Banque CIC EST de ce chef est recevable.
Il ressort des développements précédents que la demande de déblocage de la somme de 20 000 euros à la demande de M. [G] [F] en vertu du contrat consenti le 28 novembre 2017 s’analyse en un prêt personnel, nécessitant l’acceptation d’une offre préalable.
Aussi, l’article L. 312-12 du code de la consommation prévoit que le prêteur doit remettre à l’emprunteur une fiche d’information précontractuelle, et l’article L. 312-14 du même code impose au prêteur de fournir à l’emprunteur les explications lui permettant de déterminer si le contrat de crédit proposé est adapté à ses besoins et à sa situation financière, notamment à partir des informations contenues dans la fiche précontractuelle.
De même, avant de conclure le crédit, le prêteur doit vérifier la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations selon l’article L. 312-16 du code de la consommation, et doit également consulter le fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP) prévu à l’article L. 751-1 du code de la consommation.
Or, il y a lieu de constater en l’espèce que la SA Banque CIC EST ne justifie pas de l’exécution de ses obligations précontractuelles avant le déblocage des fonds sollicité le 18 avril 2019 par M. [G] [F] et engageant solidairement Mme [Z] [C].
Il en résulte que la SA Banque CIC EST encourt la déchéance de son droit aux intérêts en totalité, selon les dispositions de l’article L. 341-1 du code de la consommation.
Dans ces conditions, il y a lieu de prononcer la déchéance de la SA Banque CIC EST de son droit aux intérêts.
Dès lors, le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
Sur le montant de la créance
Selon l’article L. 341-8 du code de la consommation, ‘ lorsque le prêteur est déchu du droit aux intérêts dans les conditions prévues aux articles L. 341-1 à L. 341-7, l’emprunteur n’est tenu qu’au seul remboursement du capital suivant l’échéancier prévu, ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n’a pas été déchu. Les sommes déjà perçues par le prêteur au titre des intérêts, qui sont productives d’intérêts au taux de l’intérêt légal à compter du jour de leur versement, sont restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.’
En l’espèce, il convient de déduire du capital emprunté à hauteur de 20 000 euros, les mensualités prélevées pour un montant total de 1 858,24 euros d’avril 2019 à août 2019 inclus.
Aussi, Mme [Z] [C]est redevable de la somme de 18 141,76 euros, dont il conviendra de déduire les intérêts au taux légal, arrêtés à la déchéance du terme prononcée le 17 juillet 2020, ayant couru sur les sommes perçues au titre des intérêts à compter du jour de leur versement, soit sur la somme de 19,07 euros à compter du 30 avril 2019, sur la somme de 47,64 euros à compter du 31 mai 2019, sur la somme de 46,93 euros à compter du 30 juin 2019, sur la somme de 46,23 euros à compter du 31 juillet 2019 et sur la somme de 45,52 euros à compter du 31 août 2019.
En outre, l’emprunteur n’est pas tenu au paiement de l’indemnité conventionnelle de 8% en cas déchéance du droit aux intérêts du prêteur.
Aussi, Mme [Z] [C] ne saurait être condamnée à ce titre.
Enfin, par application des dispositions de l’article 1231-6 du code civil, l’intérêt au taux légal à raison du retard dans le paiement d’une somme d’argent court à compter de la mise en demeure.
Aussi, le point de départ des intérêts au taux légal courant sur la somme due par Mme [Z] [C] sera fixé au 23 juillet 2020, date de réception de la lettre de mise en demeure de payer les sommes exigibles.
Dès lors, le jugement déféré sera infirmé sur ces points.
Sur la responsabilité du prêteur
La demande reconventionnelle, en ce qu’elle tend à la compensation judiciaire, est recevable sur le fondement des articles 564 et 567 du code de procédure civile.
Mme [Z] [C] soutient que la banque ne pouvait légitimement la laisser dans l’ignorance de l’utilisation envisagée par M. [G] [F], alors que le compte commun où devaient être versés les fonds débloqués par M. [G] [F] était devenu le compte personnel de celui-ci à la suite de leur divorce et qu’ils avaient chacun leur propre compte personnel, et que la banque pouvait constater sur ses relevés de compte le versement d’une pension alimentaire par M. [G] [F] pour les trois enfants du couple.
En l’espèce, il ressort de l’offre de crédit renouvelable signée par Mme [Z] [C] et M. [G] [F] le 28 novembre 2017 que la signature de l’un des emprunteurs engage les deux emprunteurs solidairement, et qu’ils sont solidairement responsables de l’exécution de tous les engagements contractés dans le cadre du contrat.
Or, Mme [Z] [C] ne justifie pas d’une demande de désolidarisation des engagements pris en vertu du contrat.
En effet, la demande d’ouverture d’un compte personnel par Mme [Z] [C], ainsi que la transformation du compte commun en compte personnel au nom de M. [G] [F], ne sauraient avoir pour conséquence de remettre en cause les engagements solidaires pris dans le cadre du contrat.
Pour autant, si la SA Banque CIC EST justifie de ce qu’elle a adressé annuellement une lettre informant les co-emprunteurs des conditions de renouvellement du contrat, ainsi que les relevés mensuels du crédit consenti, à une même adresse correspondant au domicile du couple, en revanche, il y a lieu de constater que les relevés du compte bancaire personnel ouvert par Mme [Z] [C] à la suite de la séparation du couple étaient envoyés à sa nouvelle adresse à compter du 31 juillet 2018.
Il est donc établi que la banque avait connaissance à la date du 31 juillet 2018 de la nouvelle adresse de Mme [Z] [C].
Aussi, Mme [Z] [C] n’a pas été informée annuellement des conditions de renouvellement du contrat postérieurement au 31 juillet 2018, ni de l’utilisation de la réserve par M. [G] [F] le 18 avril 2019, dans des conditions lui permettant de faire valoir son droit de rétractation ou son refus de reconduction en temps utile.
Il en résulte donc au regard des éléments de la cause un préjudice pour Mme [Z] [C] qu’il convient d’évaluer à hauteur des sommes dues à la SA Banque CIC EST en vertu du contrat.
Dans ces conditions, la SA Banque CIC EST sera condamnée à verser à Mme [Z] [C] des dommages et intérêts à hauteur des sommes dues au prêteur au titre du crédit consenti le 28 novembre 2017, de sorte qu’après compensation des dettes réciproques, la SA Banque CIC EST sera déboutée de sa demande en paiement dirigée à l’encontre de Mme [Z] [C] au titre du prêt litigieux.
Par ailleurs, Mme [Z] [C] soutient, au titre d’une demande de dommages et intérêts supplémentaires, que le crédit renouvelable n’a pas été utilisé durant plus d’une année et que la banque n’a pas suspendu le droit d’utilisation du crédit par l’emprunteur, selon les dispositions de l’article L. 312-81 du code de la consommation, ajoutant que le prêteur n’avait pas, en tout état de cause, procédé à la vérification de leur solvabilité avant de lever la suspension du contrat et de débloquer la somme de 20 000 euros le 18 avril 2019.
En l’espèce, il ressort des relevés mensuels du crédit consenti le 28 novembre 2017 qu’un premier déblocage est intervenu le 6 décembre 2017 à hauteur de 20 000, puis un second le 18 juillet 2018 à hauteur de 2 000 euros (compte tenu de la reconstitution partielle du capital), et que ces sommes ont été remboursées totalement le 9 octobre 2018.
Par suite, un nouveau déblocage est intervenu le 9 décembre 2018 à hauteur de 20 000 euros, qui a été remboursé intégralement le 18 avril 2019.
Enfin, le déblocage litigieux d’une somme de 20 000 euros a été sollicité à nouveau par M. [G] [F] le 18 avril 2019, et est demeuré impayé à compter de l’échéance de septembre 2019.
Aussi, il n’est pas établi que le crédit renouvelable n’a pas été utilisé durant plus d’une année.
Dans ces conditions, Mme [Z] [C] ne peut utilement soutenir que le prêteur devait suspendre le droit d’utilisation du crédit à défaut d’utilisation durant plus d’une année, de sorte qu’elle ne peut prétendre à l’allocation de dommages et intérêts supplémentaires sur ce fondement.
De même, Mme [Z] [C] fait valoir que la banque a manqué à son obligation d’information en ne vérifiant pas la solvabilité des débiteurs lors de l’octroi du prêt le 18 avril 2019 et qu’elle ne produit que les pièces justificatives de situation datant de 2017, alors que la situation du couple avait changé en 2019, faisant état de leur divorce et de la précarité de leurs situations respectives au regard de ses relevés de compte et de la procédure de surendettement de M. [G] [F].
Or, l’article L. 341-1 du code de la consommation, dans sa version applicable issue de l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016, prévoit expressément que ‘ le prêteur qui accorde un crédit sans communiquer à l’emprunteur les informations précontractuelles dans les conditions fixées par l’article L. 312-12 (…) est déchu du droit aux intérêts.’
De même, l’article L. 341-2 dudit code énonce que le prêteur qui n’a pas respecté les obligations fixées aux articles L. 312-14 et L. 312-16 est déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.
Aussi, l’absence de communication à Mme [Z] [C] des informations précontractuelles et de vérification de sa solvabilité, avant de procéder au déblocage des fonds le 18 avril 2019, sont sanctionnées par la déchéance totale ou partielle du droit aux intérêts du prêteur.
Or, le cumul de cette sanction, modulable dans son principe et son montant et de nature à réparer le préjudice subi par l’emprunteur résultant de la perte de chance de ne pas contracter, avec l’allocation de dommages et intérêts, est exclu sur ce fondement.
Dans ces conditions, Mme [Z] [C] ne peut prétendre à l’allocation de domages et intérêts supplémentaires sur ce fondement.
Sur les demandes accessoires
Le jugement déféré sera infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
La SA Banque CIC EST qui succombe à hauteur de cour sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel, et sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel.
Il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en première instance et à hauteur de cour.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
INFIRME partiellement le jugement déféré et, statuant à nouveau,
CONDAMNE Mme [Z] [C] à payer à la SA Banque CIC EST la somme de 18 141,76 euros, dont il conviendra de déduire les intérêts au taux légal arrêtés au 17 juillet 2020 courant sur la somme de 47,64 euros à compter du 31 mai 2019, sur la somme de 46,93 euros à compter du 30 juin 2019, sur la somme de 46,23 euros à compter du 31 juillet 2019 et sur la somme de 45,52 euros à compter du 31 août 2019,
CONDAMNE Mme [Z] [C] au paiment des intérêts au taux légal sur la somme due à compter du 23 juillet 2020,
DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la SA Banque CIC EST au paiement des dépens,
CONFIRME le jugement déféré pour le surplus en ses dispositions relatives à la recevabilité des demandes de la SA Banque CIC EST et à la requalification du contrat conclu le 28 novembre 2017 en crédit personnel, de même qu’en ses dispositions relatives à la déchéance du droit aux intérêts de la SA Banque CIC EST,
Y ajoutant,
CONDAMNE la SA Banque CIC EST à verser à Mme [Z] [C] des dommages et intérêts à hauteur des sommes dues au titre du crédit consenti le 28 novembre 2017 pour manquement à son obligation d’exécution du contrat de bonne foi,
ORDONNE la compensation des dettes réciproques,
En conséquence,
DEBOUTE la SA Banque CIC EST de sa demande de condamnation de Mme [Z] [C] au titre du crédit consenti le 28 novembre 2017,
DEBOUTE la SA Banque CIC EST de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la SA Banque CIC EST aux dépens et autorise la SCP Barbara Vasseur-Renaud Petit, avocats associés, à faire application de l’article 699 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Francis MARTIN, président de chambre à la Cour d’Appel de NANCY, et par Madame Christelle CLABAUX- DUWIQUET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Minute en quatorze pages.