Droit de rétractation : décision du 7 décembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/02149
Droit de rétractation : décision du 7 décembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/02149
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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 7

ARRÊT DU 07 DÉCEMBRE 2023

(n° 524, 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/02149 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBTCG

Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 février 2020 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VILLENEUVE-SAINT-GEORGES – RG n° 049/2018

APPELANT

Monsieur [A] [D]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représenté par Me Stéphanie LAMY, avocat au barreau de PARIS, toque : B0516

INTIMÉES

S.E.L.A.R.L. JSA, es qualité de mandataire liquidateur de la SARL ASM TRANSPORT

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Nathalie CHEVALIER, avocat au barreau du VAL-DE-MARNE, toque : PC143

UNEDIC Délégation AGS CGEA [Localité 4]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Frédéric ENSLEN, avocat au barreau de PARIS, toque : E1350

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 28 septembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre,

Madame Guillemette MEUNIER, présidente de chambre

Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller

Greffier, lors des débats : Madame Alisson POISSON

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE,

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, initialement prévu le 23 novembre 2023 et prorogé au 07 décembre 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre et par Madame Alisson POISSON, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

La société ASM Transport avait pour activité le transport public routier de marchandises, commissionnaire de transport, import, export de tous produits non réglementés. En 2015, après différentes cessions de parts sociales, son capital était détenu par M. [A] [D] et M. [Y] [D].

M. [C] [I] est devenu gérant de la société en janvier 2016 et le 5 avril 2016. Par l’intermédiaire d’une société I.M.A. HOLDING, il a racheté la totalité des parts de M. [Y] [D] et une partie de celles de M. [A] [D].

A l’issue de cette cession, la société I.M.A. HOLDING est devenue associée majoritaire de la société ASM Transport avec 400 parts sociales, tandis que M. [A] [D] en était l’associé minoritaire avec 100 parts.

La société ASM Transport qui employait plus de 10 salariés appliquait la convention collective des transports routiers.

M. [A] [D], associé, était également salarié de la société ASM Transport. Engagé par contrat verbal à durée indéterminée du 1er janvier 1997 en qualité de directeur général, il occupait en dernier lieu le poste de responsable de parc.

Se prévalant d’une rupture conventionnelle signée avec la société ASM Transport le 11 avril 2016 avec un dernier jour travaillé le 31 mai 2016 et de l’absence de versement de l’indemnité de rupture conventionnelle, M. [D] a saisi, le 13 décembre 2017, la formation de référé du conseil de Prud’hommes de Villeneuve-Saint-Georges.

Après avoir constaté l’existence d’une contestation sérieuse et l’accord des parties, l’affaire a été renvoyée à l’audience du bureau de jugement.

Par jugement du 17 avril 2019, le tribunal de commerce de Créteil a prononcé la liquidation judiciaire de la société ASM Transport et a désigné la SELARL JSA en qualité de mandataire liquidateur.

En dernier lieu, le salarié sollicitait du conseil de Prud’hommes la fixation de sa créance au passif de la société ASM Transport aux sommes suivantes : 35.259,76 € au titre de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle, 7.500 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et 2.500 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire du 03 février 2020, le conseil de prud’hommes a :

– débouté M. [D] de l’ensemble de ses demandes ;

– condamné M. [D] à payer à la SELARL JSA, désignée en qualité de mandataire liquidateur de la SARL ASM Transport, les sommes suivantes :

*32.259,76 euros à titre de remboursement de l’indemnité conventionnelle indûment perçue ;

*1.000,00 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné M. [D] à payer l’Association UNEDIC Délégation AGS ‘ Centre de Gestion et d’Étude AGS (CGEA) de la région [Localité 4], prise en la personne de son représentant légal, les sommes suivantes :

*1.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

*1.000,00 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné M. [D] aux entiers frais et éventuels dépens de la présente instance.

Par déclaration notifiée par le RPVA le 05 mars 2020, M. [D] a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions transmises par la voie électronique le 21 décembre 2020, M. [D] demande à la cour de :

– le recevoir en son appel du jugement ;

– réformer en toutes ses dispositions ledit jugement ;

et, statuant à nouveau :

– le déclarer recevable et bien fondé en l’ensemble de ses demandes ;

– fixer sa créance au passif de la société ASM Transport à la somme de 60.776,73 euros au titre de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle ;

– fixer sa créance au passif de la société ASM Transport à la somme de 1.601,88 euros au titre de congés payés ;

– dire que ces sommes produiront des intérêts au taux légal à compter de la réception par la société ASM Transport de la convocation devant la formation des référés du Conseil de prud’hommes et jusqu’au jour du paiement ;

subsidiairement,

– fixer sa créance au passif de la société ASM Transport à la somme de 35.259,76 euros au titre de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle ;

– dire que ces sommes produiront des intérêts au taux légal à compter de la réception par la société ASM Transport de la convocation devant la formation des référés du Conseil de prud’hommes et jusqu’au jour du paiement ;

encore plus subsidiairement,

– dire que la rupture de son contrat de travail a les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– fixer sa créance au passif de la société ASM Transport pour les sommes suivantes :

*indemnité de licenciement : 61.702,26 euros

*indemnité de préavis : 20.824,51 euros

*congés payés sur préavis : 2.082,45 euros

*congés payés : 1.601,88 euros

* dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 100.651,75 euros

en tout état de cause,

– déclarer l’association UNEDIC Délégation AGS ‘ Centre de Gestion et d’Étude AGS (CGEA) de la région [Localité 4] mal fondée en l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

en conséquence,

– l’en débouter ;

– dire l’arrêt à intervenir opposable à l’association UNEDIC Délégation AGS ‘ Centre de Gestion et d’Étude AGS (CGEA) de la région [Localité 4] ;

– déclarer la SELARL JSA ès qualités irrecevable ou à tout le moins mal fondée en l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions et l’en débouter ;

– fixer sa créance au passif de la société ASM Transport à la somme de 7.500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

– condamner la SELARL JSA es qualité de Mandataire liquidateur de la société ASM Transport à lui payer la somme de 5.000 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner l’association UNEDIC Délégation AGS ‘ Centre de Gestion et d’Étude AGS (CGEA) de la région [Localité 4] à lui payer la somme de 5.000 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la SELARL JSA ès qualités de mandataire liquidateur de la société ASM Transport aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions transmises par la voie électronique le 18 novembre 2020, l’UNEDIC Délégation AGS CGEA de L'[Localité 4] demande à la cour de :

– confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a débouté M. [D] de l’ensemble de ses demandes ;

– confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a fait droit aux demandes de l’AGS-CGEA de dommages intérêts pour procédure abusive et article 700 ;

– l’infirmer sur les quantums ;

– condamner M. [D] à lui payer une somme de 25.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

– condamner M. [D] à lui payer une somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– dire irrecevable M. [D] en ses nouvelles demandes ;

subsidiairement :

– dire prescrit M. [D] à contester la rupture de son contrat de travail ;

très subsidiairement, sur la garantie,

– dire que l’AGS ne devra sa garantie au titre des créances visées aux articles L 3253-8 et suivants du code du travail que dans les termes et les conditions résultant des dispositions des articles L 3253-19 et suivants et L 3253-17 du code du travail ;

– limiter l’éventuelle l’exécution provisoire, à supposer qu’intervienne une fixation de créances, aux hypothèses prévues aux articles R1454-14 et R1454-28 du code du travail ;

– rappeler que la somme éventuellement due au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’une éventuelle astreinte, qu’elle soit ou non liquidée, n’entrent pas dans le champ de la garantie de l’AGS ;

– statuer ce que de droit sur les dépens.

Dans ses dernières conclusions transmises par la voie électronique le 05 octobre 2020, la SELARL JSA ès qualités de liquidateur de la société ASM Transport demande à la cour de :

– dire et juger, la SELARL JSA ès qualités de liquidateur de la société ASM Transport recevable et bien fondée en l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

– dire et juger sans objet la rupture conventionnelle signée le 11 avril 2016 ;

en conséquence,

– confirmer en son intégralité le jugement de première instance,

et partant,

– dire et juger irrecevable et mal fondé M. [D] en ses demandes relatives à l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle erronée, à l’indemnité de congés payés et à la rupture du contrat de travail sans cause réelle et sérieuse au 31 mai 2016 et ses conséquences pécuniaires,

– débouter M. [D] l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

– condamner M. [D] au paiement de la somme de 35.259,76 euros au profit de la SELARL JSA es qualité de liquidateur de la SARL ASM Transport en remboursement de l’indemnité de rupture conventionnelle indûment perçue ;

– condamner M. [D] au paiement de la somme de 5.000 euros au profit de la SELARL JSA es qualité de Liquidateur de la SARL ASM Transport au titre de l’article 700 du CPC ;

– condamner M. [D] aux entiers dépens.

Pour un exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par la voie électronique.

L’instruction a été déclarée close le 28 juin 2023.

MOTIFS

Sur la rupture conventionnelle du contrat de travail

Le salarié fait valoir qu’il a signé le 11 avril 2016 une rupture conventionnelle avec son employeur, aux termes de laquelle l’indemnité spécifique de rupture a été fixée à la somme de 35 259,76 euros mais qu’après l’expiration du délai de rétractation de 15 jours et l’envoi de la convention à la Direccte du Val de Marne qui l’a tacitement homologuée, la société ASM Transport ne lui a pas réglé l’indemnité afférente.

Le liquidateur de la société, comme l’AGS, répondent que le salarié est dans l’incapacité de justifier de l’homologation de cette rupture conventionnelle et que son relevé de carrière fait apparaître à compter du 1er janvier 2016 une inscription auprès de Pôle Emploi, ce qui suppose que le contrat de travail était déjà rompu le 31 mai 2016. Ils en déduisent que la rupture conventionnelle ne vient que masquer une rupture antérieure et qu’elle est donc sans objet, nulle et de nul effet.

***

En vertu de l’article L.1237-11 du code du travail, l’employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie.

Selon l’article L. 1237-13 du code du travail, la convention de rupture définit les conditions de celle-ci, notamment le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle qui ne peut pas être inférieur à celui de l’indemnité prévue à l’article L. 1234-9. Elle fixe la date de rupture du contrat de travail, qui ne peut intervenir avant le lendemain du jour de l’homologation. A compter de la date de sa signature par les deux parties, chacune d’entre elles dispose d’un délai de quinze jours calendaires pour exercer son droit de rétractation. Ce droit est exercé sous la forme d’une lettre adressée par tout moyen attestant de sa date de réception par l’autre partie.

M. [D] produit une rupture conventionnelle de son contrat de travail établie le 11 avril 2016 sur un formulaire CERFA mentionnant notamment l’identité et la signature des parties, une indemnité spécifique de 35 259,76 euros et une date de fin du délai de rétractation au 6 mai 2016.

Pour preuve de la rupture du contrat antérieurement à la signature de cette convention, l’AGS produit un relevé de carrière du salarié mentionnant pour la période du 1er janvier au 5 juin 2016, « chômage » et les Assedic de l’Est Parisien comme « employeur » versant les cotisations retraite.

Le salarié, qui soutient que cette mention est erronée, qu’il a bien été salarié de la société ASM Transport jusqu’au 31 mai 2016 et qu’il a été inscrit à Pôle emploi à compter du 5 juin 2016 seulement, ne percevant qu’à compter du 5 décembre 2016 ses indemnités de chômage, verse aux débats :

– un relevé de situation individuelle de l’Agirc-Arrco établi le 14 octobre 2020 mentionnant que du 1er janvier au 31 mai 2016, il était salarié de la société ASM Transport puis bénéficiaire à compter de décembre 2016 d’allocations chômage,

– des attestations de Pôle emploi délivrées les 28 décembre 2016 et 25 septembre 2019 mentionnant son inscription depuis le 6 juin 2016 et une fin du contrat de travail au 31 mai 2016,

– un mail de Pôle emploi, du 18 février 2020 lui confirmant que sur son dossier, la première date d’inscription est au 6 juin 2016 et qu’il n’était pas sur la liste des demandeurs d’emploi en janvier 2016 et un ‘historique demandeur d’emploi’ indiquant au titre du motif de l’inscription «rupture conventionnelle»,

– des bordereaux d’appel à cotisation, remplis et signés par son employeur, portant sur les 1er et 2ème trimestre 2016, envoyés à l’organisme de retraite complémentaire et à l’organisme de prévoyance, mentionnant une date de radiation le 31 mai 2016,

– ses bulletins de paie pour la période du 1er janvier au 31 mai 2016, ainsi que ses relevés de compte bancaire sur lesquels figurent les virements qu’il a reçus, en paiement de ses salaires, sur cette période.

Il en découle que le document produit par l’AGS datant du 26 juin 2019 faisait état d’une période erronée de chômage entre janvier et juin 2016 et que le contrat du salarié était donc toujours en cours lors de la signature de la rupture conventionnelle. Au demeurant, force est de constater que les intimés qui invoquent une rupture antérieure du contrat ne font état

ni d’une démission du salarié, ni de la mise en ‘uvre d’une procédure de licenciement.

Sur l’homologation de la convention, il est rappelé qu’en application de l’article L. 1237-14 du code du travail, le silence de l’administration à l’issue d’un délai de 15 jours à compter de la réception de la demande emporte décision implicite d’homologation.

En l’occurrence, le salarié soutient que l’envoi de la convention à la Direccte a été fait par l’employeur et produit en ce sens une attestation de M. [F], ancien comptable de la société qui indique que le 31 mai 2016, il a établi les documents nécessaires (bulletins de salaire, solde de tout compte, certificat de travail et attestation pôle emploi) relatifs à la convention de rupture du contrat de travail signée entre Messieurs [D] et [I], a ‘passé les écritures comptables nécessaires constatant les deux opérations précédemment indiquées’ et a ‘fait les déclarations aux organismes concernés (URSSAF, CNAV, AGIRC-ARRCO, POLE EMPLOI et DIRECCTE)’.

Il est d’ailleurs produit les bulletins de salaire, solde de tout compte, certificat de travail et attestation pôle emploi visés par le témoin et mentionnant pour cette dernière une date de rupture au 31 mai 2016 par un accord des parties.

Ainsi, la rupture conventionnelle ayant été adressée par l’employeur à la Direccte et aucun refus d’homologation n’étant établi, la convention implicitement homologuée doit produire ses effets entre les parties.

Sur le versement de l’indemnité spécifique de rupture

Sur le montant de l’indemnité

A titre liminaire, l’augmentation du montant d’une demande pécuniaire en cause d’appel, en l’occurrence celui de l’indemnité spécifique de rupture, ne s’analyse pas en une demande nouvelle et aucune irrecevabilité n’est donc encourue.

Selon l’article L. 1237-13 du code du travail, les parties fixent le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle qui ne peut pas être inférieur à celui de l’indemnité prévue à l’article L. 1234-9.

Ainsi, contrairement à la demande du salarié, il n’y a pas lieu d’appliquer les dispositions de la convention collective des Transports routiers afférentes à l’indemnité conventionnelle de licenciement mais de vérifier si la somme fixée par les parties est au moins égale à l’indemnité légale de licenciement.

En application des articles R.1234-2 et R.1234-4 du code du travail dans leur version en vigueur lors de la rupture, l’indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un cinquième de mois de salaire par année d’ancienneté auquel s’ajoute deux quinzièmes de mois par année au delà de dix ans d’ancienneté. En outre, le salaire à prendre en considération est selon la formule la plus avantageuse soit le douzième de la rémunération des 12 derniers mois précédant le licenciement, soit le tiers des trois derniers mois.

Le salarié a été engagé à compter du 1er juillet 1997 jusqu’au 31 mai 2016 et présente donc une ancienneté de 18 ans et 11 mois. La moyenne des 12 derniers mois de salaire est de 6.941,50 euros.

Compte tenu de son ancienneté, de sa rémunération et des textes alors en vigueur quant au calcul de l’indemnité légale, celle-ci s’élevait à la somme de 34 514,66 euros. La convention ayant fixé le montant de l’indemnité spécifique à une somme supérieure, soit 35 259,76 euros, il n’y a pas lieu de modifier la créance ainsi fixée par les parties.

Sur la somme due au salarié

M. [D] soutient que l’indemnité spécifique de rupture ne lui a pas été versée et que les règlements perçus de la société et évoqués par les intimés lui ont été faits en paiement de son salaire et de ses dividendes d’associé.

Le liquidateur et l’AGS soutiennent que l’indemnité de rupture conventionnelle a déjà été versée au salarié.

Il appartient au débiteur d’une obligation à paiement de rapporter la preuve de ce dernier, et en l’occurrence au liquidateur représentant la société, de justifier du paiement de l’indemnité spécifique de rupture à M. [D].

En premier lieu, il n’est pas contesté que l’indemnité n’a pas été immédiatement versée au salarié qui produit sur ce point un courrier du 3 juin 2016 par lequel M. [I], en sa qualité de gérant de la société ASM Transport, a reconnu que ‘vu la situation de trésorerie de la société ASM Transport qui ne me permet pas de payer immédiatement l’indemnité de licenciement de 35 259,76 euros due à M. [D] [A] sur la paie du mois de Mai 2016, je m’engage par la présente à payer cette indemnité ultérieurement par virement bancaire en deux fois maximum’.

En second lieu, pour preuve de ce versement, les intimés produisent :

– une attestation de M. [K], comptable de la société ASM Transport datée du 31 janvier 2018, qui indique qu’entre le 7 juin 2016 et le 6 juillet 2017, le salarié s’est vu verser, soit par chèque, soit par virements, les sommes suivantes au titre de l’indemnité spécifique de rupture :

‘ 07/06/2016 : virement 2001 €,

‘ 04/08/2016 : chèque 4000 €,

‘ 10/10/2016 : virement 2000 €,

‘ 09/11/2016 : virement 2000 €,

‘ 14/12/2016 : virement 2000 €,

‘ 18/01/2017 : virement 2000 €,

‘ 10/02/2017 : virement 5704,65 €,

‘ 10/02/2017 : virement 5801,01 €,

‘ 09/03/2017 : virement 5706,14 €,

‘ 06/07/2017 : chèque n°432 de 3000 €,

– une attestation de Mme [G] de la Banque Populaire mentionnant pour 6 de ces sommes versées le libellé ‘indemnités’ (notamment pour celles de 5704, 5801 et 5706 euros),

– des relevés de compte de la société et un extrait du grand livre partiel sur 2017.

Toutefois, M. [D] établit par la production de ses fiches de paie, relevés de comptes et courriers divers que les sommes ainsi mentionnées avaient une autre cause que le paiement de son indemnité de rupture.

En effet :

– le virement de 2.001 euros du 07/06/2016 correspondait au paiement du salaire du mois de mai 2016, ainsi qu’en attestent le bulletin de paie correspondant ainsi que le libellé de cette opération, « mai », précisé sur le relevé de compte bancaire du salarié,

– le chèque de 4.000 euros et les 4 virements de 2.000 euros faits entre le 10/10/2016 et le 18/01/2017 pour un montant total de 12.000 euros correspondent au paiement des dividendes dus à M. [D] sur l’exercice 2015, comme en atteste le courrier du 17 janvier 2018 de la société ASM Transport rédigé en ces termes :

‘ Nous avons le plaisir de vous annoncer que nous avons procédé aux régularisations des écritures passées par erreur sur vos comptes. Une écriture comptable d’un montant global de 12 000€ est passée au débit de votre compte ‘457dividendes à payer’ et votre compte ‘421rémunération du personnel’ est crédité du même montant.

Vous trouverez ci-dessous les nouveaux soldes de vos comptes dans nos livres :

Dividendes solde 2015 : 28 800 €

Dividendes 2016 : 12 400 €

Rémunération du personnel : 35 259,76 €’,

– les 3 virements de 5.704,65 euros, 5.801,01 euros et 5.706,14 euros, respectivement des 10/02 et 09/03/2017, ont fait l’objet de trois décharges établies par M. [D] et signées du gérant les 17 février 2017 et 14 mars 2017 au titre du paiement de ses dividendes pour 2015.

S’agissant enfin du chèque de 3.000 euros du 06/07/2017, que le salarié conteste avoir reçu, il n’est justifié ni de sa remise, ni de son encaissement, le relevé de compte bancaire de M. [D] n’en faisant pas état.

Il découle de ces éléments que des erreurs ont été commises en comptabilité, reconnues par le gérant de la société, entre les sommes dues à M. [D] en qualité de salarié et celles qui lui étaient dues en qualité d’associé.

Ainsi, le liquidateur ne rapporte pas la preuve qui lui incombe du paiement de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle.

Dès lors, le jugement sera infirmé en ce qu’il a condamné l’appelant à verser à la SELARL JSA, ès qualités, la somme de 32.259,76 euros au titre du remboursement de l’indemnité conventionnelle indûment perçue et sera au contraire fixée au passif de la liquidation la somme de 35 259,76 euros au titre de la créance du salarié.

Sur la garantie de l’AGS

Eu égard à la date de la rupture du contrat, bien antérieure à celle de la liquidation et en application de l’article L 3253-8 du code du travail, l’AGS doit sa garantie au titre de la créance ainsi fixée au passif, dans la limite des plafonds mentionnés aux articles L3253-17 et D3253-5 du code du travail.

L’arrêt sera donc déclaré opposable à l’association UNEDIC DELEGATION AGS ‘ CENTRE DE GESTION ET D’ETUDE AGS (CGEA) de la région [Localité 4].

Sur les autres demandes

La demande en paiement d’une indemnité de congés payés de 1.601,88 euros non présentée en première instance est irrecevable puisque nouvelle en cause d’appel et ne répondant pas aux exceptions prévues par les articles 564 et suivants du code de procédure civile.

Sur les dommages et intérêts pour résistance abusive de la société ASM Transport, le salarié fait valoir que malgré ses différentes réclamations amiables il n’a pas reçu son indemnité de rupture, le contraignant à engager la présente procédure et que l’employeur n’a pas hésité à développer une argumentation qu’il savait contraire à la réalité des faits.

Toutefois, force est de constater qu’après le changement de comptable de l’entreprise, des erreurs ont été commises quant à l’imputation de divers versements effectués au bénéfice de l’appelant qui avait la qualité à la fois de salarié et d’associé et que la société a ensuite connu des difficultés financières qui ont entraîné son placement en liquidation judiciaire.

La résistance abusive n’étant pas établie, le jugement qui a rejeté cette demande sera confirmé.

Sur la procédure abusive reprochée à l’appelant, la cour ayant fait partiellement droit à ses demandes, il ne peut lui être reproché d’avoir abusivement diligenté la procédure prud’homale. L’AGS sera donc déboutée de sa demande à ce titre et le jugement infirmé en ce qu’il a condamné M. [D] à payer à l’AGS la somme de 1.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Les intérêts, légaux ou conventionnels, sont arrêtés au jour du jugement déclaratif, et ne peuvent courir postérieurement à celui-ci, en application de l’article L 622-28 du code de commerce.

Il n’est pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles.

Les dépens de première instance et d’appel seront à la charge de la société en liquidation.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

DÉCLARE irrecevable la demande au titre des congés payés ;

INFIRME le jugement dans toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a rejeté la demande au titre de la résistance abusive ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

FIXE la créance de M. [A] [D] au passif de la société ASM Transport à la somme de 35.259,76 euros au titre de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle ;

DIT que cette somme produira intérêts au taux légal à compter de la réception par la société ASM Transport de la convocation devant la formation des référés du Conseil de prud’hommes et jusqu’au jour de l’ouverture de la procédure collective ;

DÉCLARE l’arrêt opposable à l’association UNEDIC Délégation AGS ‘ Centre de Gestion et d’Étude AGS (CGEA) de la région [Localité 4] ;

DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE le surplus des demandes des parties ;

MET les dépens des deux instances à la charge de la société en liquidation.

La greffière, La présidente.

 


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