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COUR D’APPEL
D’ANGERS
CHAMBRE A – CIVILE
YW/ILAF
ARRET N°:
AFFAIRE N° RG 19/01745 – N° Portalis DBVP-V-B7D-ER4L
Jugement du 27 Juin 2019
Tribunal d’Instance de LA FLECHE
n° d’inscription au RG de première instance 11-18-184
ARRET DU 05 DECEMBRE 2023
APPELANTS :
Monsieur [S] [L]
né le 12 Juillet 1972 à [Localité 7] (72)
[Adresse 4]
[Localité 5]
Madame [R] [U] épouse [L]
née le 09 Janvier 1975 à [Localité 9] (72)
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentés par Me Stéphanie ORSINI, avocat au barreau du MANS
INTIMEES :
SA COFIDIS, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège, venant aux droits de la SA GROUPE SOFEMO
[Adresse 8]
[Localité 3]
Représentée par Me Sophie DUFOURGBURG, avocat postulant au barreau d’ANGERS, et la SELARL HAUSSMANN KAINIC HASCOET HELAIN, avocat au barreau de l’ESSONNE – N° du dossier 19102
S.A.S. SOLUTION ECO ENERGIE
[Adresse 1]
[Localité 6]
Assignée, n’ayant pas constitué avocat
INTIMEE EN INTERVENTION FORCEE
Maître [O] [N] en qualité de mandataire judiciaire de la SAS SOLUTION ECO ENERGIE
[Adresse 2]
[Localité 6]
Assignée, n’ayant pas constitué avocat
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue publiquement à l’audience du 28 Novembre 2022 à 14 H 00, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. WOLFF, conseiller qui a été préalablement entendu en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme MULLER, conseillère faisant fonction de présidente
M. WOLFF, conseiller
Mme ELYAHYIOUI, vice-présidente placée
Greffière lors des débats : Mme LIVAJA
Greffière lors du prononcé : Mme LEVEUF
ARRET : par défaut
Prononcé publiquement le 03 octobre 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Yoann Wolff, Conseiller, en remplacement de la présidente empêchée et par Christine LEVEUF, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
~~~~
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Dans le cadre d’un démarchage à domicile, M. [S] [L] et Mme [R] [U] épouse [L] ont passé commande auprès de la société Solution Éco Énergie (la société) d’un “kit” photovoltaïque et de son installation, moyennant le prix total de 24 500 euros, et ce, aux termes des actes suivants (le contrat principal) :
Un devis n° 16002411 établi au nom de “[S]/[R]” [L] et signé par Mme [L] en date du “19/01/2016” ;
Un bon de commande n° 16005821 établi au nom de “[S]/[R]” [L] et signé par M. [L] le “19/01/17”.
Le 25 janvier 2017, M. et Mme [L] ont souscrit tous les deux auprès de la société Cofidis (la banque) une offre de crédit affecté à l’opération “PANNEAUX SOLAIRES” (le contrat de crédit), d’un montant de 24 500 euros et au taux débiteur de 2,75 %, remboursable en 180 mensualités de 173,29 euros chacune.
Par actes d’huissier de justice des 14 septembre 2018 et 25 septembre 2018, M.’et Mme [L] ont fait assigner respectivement la société et la banque devant le tribunal d’instance de La Flèche, afin notamment de voir prononcer la nullité des contrats principal et de crédit.
Par jugement du 27 juin 2019, le tribunal a :
Prononcé la nullité du contrat principal ;
Constaté la nullité de plein droit du contrat de crédit ;
Rappelé que ces nullités avaient pour effet de remettre les parties dans la situation dans laquelle elles se trouvaient avant la conclusion des contrats’;
Rejeté la demande formée par M. et Mme [L] à l’encontre de la société et tendant à ce que celle-ci procède aux remises en état ;
Condamné solidairement M. et Mme [L] à rembourser à la banque la somme de 24 500 euros, diminuée des échéances réglées, avec intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement ;
Rejeté le surplus des demandes de M. et Mme [L] ;
Prononcé l’exécution provisoire ;
Rejeté la demande faite par la banque à l’encontre de la société sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rejeté la demande faite par M. et Mme [L] sur le même fondement ;
Condamné in solidum la société et la banque aux dépens.
Par déclaration du 30 août 2019, M. et Mme [L] ont relevé appel de ce jugement en ce qu’il a rejeté leurs demandes et les a condamnés à payer à la banque la somme de 24 500 euros.
La société n’ayant pas constitué avocat, M. et Mme [L] lui ont fait signifier la déclaration d’appel par acte d’huissier délivré à la personne de la société le 25 novembre 2019.
Par ordonnance du 24 mars 2021, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de radiation faite par la banque, tout en joignant au fond les demandes relatives aux dépens de l’incident.
Par jugement du 19 mai 2021, le tribunal de commerce de Bobigny a placé la société en liquidation judiciaire et désigné Me [O] [N] en qualité de liquidateur. Cette dernière a été mise en cause en cette qualité par M. et Mme'[L] par acte d’huissier du 18 février 2022 dont la copie a été déposée à l’étude. Me [N] n’a pas constitué avocat.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 7 février 2023.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 14 octobre 2022 et signifiées à Me [N] le 18 octobre 2022, M. et Mme [L] demandent à la cour :
D’infirmer le jugement en ce qu’il n’a pas :
Condamné la société à leur restituer le prix de vente et à remettre les lieux en état ;
Retenu la faute de la banque, privé celle-ci de sa créance de restitution, et condamné l’intéressée à leur restituer les échéances payées ;
Condamné in solidum la société et la banque à leur verser la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
De les décharger de toutes les condamnations prononcées contre eux ;
D’ordonner la jonction avec la procédure qu’ils ont engagée à l’encontre de Me [N] par assignation du 18 février 2022 ;
De prononcer la nullité ou, subsidiairement, la résolution des contrats de vente et de prestation de services ;
Plus subsidiairement, de constater qu’ils se sont rétractés du contrat de vente et de prestation de services dans le délai légal de rétractation ;
De fixer leur créance à l’encontre de la liquidation judiciaire de la société à la somme de 24 500 euros correspondant au prix de la vente ;
De prononcer la nullité, l’annulation ou la résolution du contrat de crédit ;
De priver la banque de sa créance de restitution ;
De condamner la banque à leur restituer le montant total des échéances qu’ils lui ont payées jusqu’au jour de la décision à intervenir ;
Subsidiairement, de prononcer la déchéance de son droit aux intérêts ;
De condamner in solidum Me [N], en qualité de liquidateur de la société, et la banque à leur verser, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, les sommes de :
3000 euros pour la première instance ;
3000 euros pour la procédure d’appel ;
De condamner in solidum les mêmes aux dépens de première instance et d’appel.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 13 octobre 2022, la banque demande à la cour :
De réformer le jugement en ce qu’il a prononcé la nullité des conventions;
De condamner solidairement M. et Mme [L] à reprendre l’exécution pleine et entière du contrat de crédit sous peine de déchéance du terme et d’exigibilité immédiate des sommes dues ;
De condamner solidairement M. et Mme [L] à lui rembourser en une seule fois l’arriéré d’échéances impayées ;
Subsidiairement, si la cour venait confirmer la nullité des conventions ou prononçait leur résolution, de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné solidairement M. et Mme [L] à lui rembourser la somme de 24 500 euros au taux légal ;
Plus subsidiairement, de condamner Me [N], en qualité de liquidateur de la société, à lui verser la somme de 31 191,91 euros au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir ;
Plus subsidiairement encore, de condamner Me [N], en qualité de liquidateur de la société, à lui rembourser la somme de 24 500 euros au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir ;
De condamner Me [N], en qualité de liquidateur de la société, à la garantir de toute condamnation qui pourrait être mise à sa charge à quelque titre que ce soit ;
De condamner tout succombant à lui verser la somme de 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
De condamner tout succombant aux dépens.
MOTIVATION
La mise en cause de Me [N] n’a pas ouvert de nouvelle instance. Il n’y a donc pas lieu d’ordonner la jonction sollicitée par M. et Mme [L].
Il est constant que, nonobstant la date du 19 janvier 2016 figurant sur l’écrit signé par Mme [L], le contrat principal a été conclu le 19 janvier 2017, M. et Mme [L] précisant à cet égard que “les deux bons de commande ont été signés le même jour”. Les dispositions du code de la consommation qui sont applicables au contrat principal sont donc celles issues de l’ordonnance n°’2016-301 du 14 mars 2016 et du décret n° 2016-884 du 29 juin 2016.
1. Sur la demande d’annulation du contrat principal et ses conséquences
1.1. Sur les moyens de nullité soulevés par M. et Mme [L]
Moyens des parties
M. et Mme [L] soutiennent que :
La dénomination “kit” n’a aucun sens et ne saurait exonérer le vendeur de mentionner les caractéristiques essentielles des biens le composant. Or en l’espèce, la marque exacte et les références des panneaux photovoltaïques et de l’onduleur ne sont pas indiquées. Les dimensions, le poids et la composition des panneaux ne sont pas davantage précisés, tout comme la puissance de l’onduleur. Les mentions relatives aux prestations sont également insuffisantes et ne leur permettaient pas de connaître l’étendue exacte de celles-ci. Ainsi, ils n’ont pas été en mesure de comparer les caractéristiques et les performances du matériel commandé avec celles de marques différentes.
Les prix indiqués dans le bon de commande ne sont pas détaillés et ne correspondent pas à ceux figurant sur la facture.
Le bon de commande mentionne : “Date prévue de livraison : 3 à 4 semaines”. Il ne fait aucun doute que cette date est imprécise et indéterminée.
Ils n’ont pas été informés de la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation.
Ils n’ont pas été informés non plus des conditions, du délai et des modalités d’exercice de leur droit de rétractation. En effet, le formulaire inséré dans le bon de commande ne correspond pas au formulaire type de rétractation annexé à l’article R. 221-1 du code de la consommation. Ils n’ont pas davantage reçu les informations relatives à l’exercice de ce droit telles qu’elles sont énoncées dans l’annexe à l’article R. 221-3 du même code. Par ailleurs les informations qui sont inscrites dans le bon de commande sont erronées.
La banque soutient que :
Il est bien stipulé l’achat de 16 panneaux photovoltaïques de marque Solsonica, d’une puissance de 250 W chacun. Il importe peu qu’il soit mentionné “Solsonica ou équivalent”, puisque le fait que la marque soit apparente implique nécessairement un échange des consentements sur celle-ci. Il en est de même en ce qui concerne l’onduleur de marque “Solar Edge ou équivalent”. À partir du moment où la marque, le nombre et la puissance des panneaux sont stipulés, la cour doit confirmer que les caractéristiques essentielles du matériel sont présentes dans le bon de commande. Le poids et la surface des panneaux photovoltaïques vendus ne sont en aucun cas des éléments déterminants pour le consentement des emprunteurs. Toutes les prestations à la charge de la société sont également indiquées.
Le bon de commande fait une distinction entre le prix du matériel et le prix de la main-d”uvre et mentionne le prix hors taxes, le montant de la TVA et le prix toutes taxes comprises. Les textes légaux et la jurisprudence n’obligent pas à faire figurer sur le bon de commande le prix unitaire de chaque composant de celui-ci.
Le bon de commande prévoit également une date de la livraison à trois ou quatre semaines. En toute hypothèse, l’absence de mention d’un tel délai n’est pas de nature à entraîner nullité des conventions.
Le bon de commande ayant été signé le 19 janvier 2017, il est incontestable que le point de départ du délai de rétractation se situait au jour de la conclusion du contrat.
Réponse de la cour
Il résulte des articles L. 111-1, L. 221-5 et L. 221-9 du code de la consommation que le contrat conclu hors établissement est accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° de l’article L. 221-5 et comprend, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné ;
Le prix du bien ou du service, en application des articles L. 112-1 à L. 112-4 ;
En l’absence d’exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s’engage à livrer le bien ou à exécuter le service ;
La possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre Ier du livre VI ;
Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d’exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu’il contient sont fixées par décret en Conseil d’État.
Aux termes de l’article L. 242-1 du même code, ces dispositions, d’ordre public en vertu de l’article L. 111-8, sont prévues à peine de nullité du contrat, et ce, indépendamment de toute considération sur la bonne ou la mauvaise foi du consommateur.
En l’espèce, tant le devis n° 16002411 que le bon de commande n° 16005821, dont M. et Mme [L] produisent les doubles restés en leur possession et dont les contenus sont parfaitement identiques, décrivent le bien commandé de la manière suivante :
“Le kit comprend :
Panneaux photovoltaïques de 250 Watts Solsonica ou équivalent. [Au nombre de 16 selon une autre partie du bon de commande.]
Panneaux européens.
Coffret AC/DC.
Onduleur Solar Edge ou équivalent
Etanchéité GSE ou équivalent agréé CEIAB
Câbles et Connectiques.
Intégration aux bâtis : (hors pose au sol et en superposition)
Démarches administratives
Mise en conformité CONSUEL”.
Or ces informations ne sauraient correspondre aux caractéristiques essentielles des biens commandés, telles qu’envisagées par les dispositions précitées.
En effet, en ce qui concerne les principaux équipements (panneaux, onduleur et étanchéité), seules les marques sont indiquées, sans précision des modèles et des spécificités techniques fondamentales (sauf la puissance pour les panneaux photovoltaïques). Cela était d’autant plus préjudiciable à M. et Mme [L] que la mention “ou équivalent” ouvrait la possibilité à la société de livrer et d’installer un matériel d’une autre marque, qui ne pouvait dans ces conditions être comparé à celui commandé. C’est d’ailleurs ce qui est finalement arrivé, puisque, selon la facture que la société a délivrée aux intéressés le 27 février 2017, ce sont des panneaux de la marque RECOM, modèle Black Panther, et des micro-onduleurs de la marque APsystems, modèle YC500I, qui ont finalement été posés.
Cette facture fournit à cet égard les caractéristiques essentielles qui auraient dû être précisées dans le bon de commande, notamment le type de panneaux photovoltaïques ‘ monocristallin ‘, ainsi que le nombre et la puissance des micro-onduleurs ‘ un micro-onduleur de 500 W pour deux panneaux.
Cette facture révèle également que les “démarches administratives comprises dans le kit” se limitaient à la “déclaration préalable de travaux : Plan de masse, Plan de situation et Cadastre”, ce que la seule mention “Démarches administratives” figurant dans le bon de commande ne permettait pas de savoir.
En outre, le délai indiqué dans le contrat principal ‘ “3 à 4 semaines” ‘ est triplement imprécis et laissait ainsi une latitude excessive à la société. Il est imprécis quant à la durée même indiquée, quant au point de départ de celle-ci, qui n’est pas précisé (commande ‘ fin du délai de rétractation ‘), et quant aux prestations concernées, puisque seule la “date prévue de livraison” est visée, sans précision en ce qui concerne la date ou le délai des autres prestations.
De même, le formulaire de rétraction, présenté de manière différente sur chacune de ses faces, n’est pas conforme au modèle type annexé à l’article R. 221-1 du code de la consommation, et fait référence à des articles du code de la consommation (L. 121-17 à L. 121-21 sur une face, et L. 121-23 à L. 121-26 sur l’autre) qui, au moment de la conclusion du contrat, soit étaient sans rapport avec la faculté de rétractation, soit même n’existaient plus, ce qui était d’autant plus de nature à induire M. et Mme [L] en erreur et à entraver l’exercice par eux de cette faculté. De plus, le formulaire indique, tout comme les conditions générales de vente, que le délai de rétractation court à compter du jour de la commande, alors qu’il est constant qu’un contrat qui porte sur la livraison de panneaux photovoltaïques ainsi que sur une prestation de service d’installation et de mise en service doit être qualifié de contrat de vente, conformément à l’article L. 221-1, II, du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2021-1734 du 22 décembre 2021 (1re Civ., 17 mai 2023, pourvoi n° 21-25.670 [P]), et qu’il résulte de l’article L. 221-18 du même code que pour les contrats de vente de biens conclu hors établissement, le délai de 14 jours dont le consommateur dispose pour exercer son droit de rétractation court à compter du jour de la réception du bien, nonobstant la possibilité pour le consommateur d’exercer son droit de rétractation à compter de la conclusion du contrat.
Enfin, le contrat ne mentionnait pas la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation, et encore moins les coordonnées, exigées par l’article R. 111-1 du code de la consommation, du ou des médiateurs compétents.
Pour toutes ces raisons, la nullité, relative, du contrat principal est bien encourue, comme le premier juge l’a justement considéré.
1.2. Sur le moyen tiré de la confirmation du contrat principal
Moyens des parties
M. et Mme [L] soutiennent que :
La confirmation d’un acte nul est soumise à deux conditions cumulatives, à savoir la conclusion d’un acte révélant que son auteur a eu connaissance du vice l’affectant, et l’intention de le réparer. C’est toujours à la signature du contrat qu’il faut se placer pour apprécier la réunion de ces deux conditions. En l’espèce, les éléments factuels dont la banque se prévaut ne permettent pas de démontrer qu’ils auraient eu connaissance des irrégularités formelles des bons de commande et, conséquemment, de la violation des dispositions du code de la consommation, ni qu’ils auraient eu l’intention de les réparer.
La banque soutient que :
Les nullités édictées par le code de la consommation sont des nullités relatives sujettes à réitération du consentement par les emprunteurs, de manière expresse, tacite ou implicite. En l’espèce, les emprunteurs ont signé un contrat de crédit et une fiche relative à leurs revenus et charges, ils lui ont remis leurs éléments d’identité et de solvabilité, ils ont accepté la livraison des marchandises, suivi les travaux, signé un contrat de raccordement avec la société Enedis, obtenu l’attestation du Consuel, obtenu les autorisations administratives, signé un contrat avec la société EDF, signé l’attestation de livraison, signé un mandat de prélèvement SEPA, et payé les mensualités jusqu’au mois de mai 2018 inclus.
L’exécution volontaire du contrat par celui qui connaissait l’existence d’une cause de nullité relative est analysée comme une confirmation tacite du contrat. En l’espèce, les emprunteurs versent eux-mêmes des bons de commande sur lesquels figurent au verso tous les articles relatifs au démarchage à domicile. Il leur suffisait ainsi de procéder à une comparaison entre le recto et le verso du bon de commande pour prendre connaissance des prétendues carences de ce dernier. C’est donc en parfaite connaissance de cause qu’ils ont réitéré leur consentement par tous les actes positifs et dénués de toute ambiguïté qui viennent d’être rappelés.
Réponse de la cour
Il résulte de l’article 1338 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable à l’espèce, que la renonciation à se prévaloir de la nullité d’un acte suppose la connaissance du vice qui l’affecte et l’intention de le réparer.
En l’espèce, les articles du code de la consommation qui sont reproduits dans les conditions générales de vente le sont dans leur rédaction antérieure à la loi n°’2014-344 du 17 mars 2014, inapplicable au contrat. Certaines numérotations n’existaient même plus au moment de la conclusion de celui-ci. Dans ces conditions, cette reproduction ne permettait pas à M. et Mme [L] de prendre exactement connaissance du vice résultant de l’inobservation par la société des dispositions applicables.
La banque ne motivant pas autrement cette connaissance en ce qui concerne M.’et Mme [L], et le contrat principal n’ayant pu, dans ces conditions, être confirmé, le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a prononcé la nullité de la convention.
1.3. Sur les conséquences de la nullité
Il est constant que l’annulation d’un contrat entraîne de plein droit la remise des parties dans l’état où elles se trouvaient avant sa conclusion, ce qui emporte le cas échéant la restitution réciproque de la chose et du prix.
En l’espèce, l’annulation du contrat principal entraîne donc obligatoirement la restitution, par la société, du prix à M. et Mme [L]. Si le tribunal l’a rappelé dans les motifs de son jugement, il s’est contenté, alors que M. et Mme'[L] lui demandaient de condamner la société à leur restituer ce prix, d’indiquer dans le dispositif que la nullité du contrat avait pour effet de remettre les parties dans la situation dans laquelle elles se trouvaient avant sa conclusion. Les choses seront donc précisées au dispositif du présent arrêt et la créance correspondante sera fixée au passif de la société.
Pour le reste, M. et Mme [L] ne sollicitant plus dans leurs dernières conclusions d’appel que la société soit condamnée à remettre les lieux en état, le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande correspondante.
2. Sur la demande d’annulation du contrat de crédit et ses conséquences
2.1. Sur la nullité du contrat de crédit
Selon l’article L. 312-55 du code de la consommation, le contrat de crédit affecté est annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement annulé.
En l’espèce, l’annulation par le premier juge du contrat principal ayant été confirmée, celle, de plein droit, du contrat de crédit le sera également.
2.2. Sur les conséquences de la nullité
Moyens des parties
M. et Mme [L] soutiennent que :
Lorsque le prêteur a commis une faute dans la délivrance des fonds au vendeur ou au prestataire de service, il ne peut se prévaloir à l’égard de l’emprunteur des effets de la nullité du contrat de prêt, conséquence de la nullité du contrat principal.
La banque a commis une faute en débloquant les fonds sans vérifier au préalable que tous les travaux étaient achevés.
Elle a également commis une faute en remettant les fonds à la société alors que l’attestation de livraison était imprécise et ambiguë.
Lorsque le bon de commande est affecté d’irrégularités formelles, le prêteur commet une faute puisqu’il lui incombe de s’assurer du respect, par les mandataires qu’il choisit, des dispositions d’ordre public du code de la consommation. Or en sa qualité d’établissement de crédit impliquant une maîtrise du droit de la consommation, la banque aurait dû s’apercevoir par une vérification simple et rapide du bon de commande que celui-ci était entaché de nullité.
Ils subissent un préjudice financier. En remettant les fonds à son mandataire et en réglant le prix de vente, la banque les a engagés malgré eux dans un contrat onéreux, ainsi qu’à rembourser des mensualités alors que le contrat de vente n’a pas été exécuté et qu’ils n’ont pas reçu le matériel qu’ils avaient commandé. Elle les a également privés de la possibilité de se rétracter. Le matériel ne permet pas l’autoconsommation de l’électricité produite comme cela résulte des relevés EDF. L’installation est ruineuse et ne fait qu’accroître et accélérer leur situation de surendettement. Si la banque les avait informés des difficultés, ils auraient été en mesure de décider de ne pas poursuivre l’opération, ce qu’ils auraient fait avec certitude. Leur préjudice est d’autant plus né et actuel que la société est en liquidation judiciaire et qu’ils ne récupéreront jamais le prix de vente et que le coût des travaux de remise en état restera à leur charge.
La banque soutient que :
Lorsque, comme en l’espèce, le prêteur prouve la mise en service de l’installation, il ne peut lui être reproché d’avoir libéré les fonds au vu d’une attestation de livraison prétendument insuffisamment précise pour rendre compte de la complexité de l’opération. Lorsque le matériel a été mis en service, il n’appartient plus au juge de s’interroger sur le contenu et la valeur de l’attestation de livraison.
Pour apprécier sa responsabilité, seul le bon de commande constituant sa pièce n° 1, le seul qu’elle connaît, doit être pris en compte. S’il est vrai que la Cour de cassation met à la charge des organismes bancaires l’obligation de contrôler la régularité formelle des bons de commande, elle ne l’oblige à procéder qu’à un simple contrôle de la régularité formelle lui permettant de détecter les causes de nullité flagrantes. Ainsi, le prêteur ne commet aucune faute lorsque le bon de commande a l’apparence de la régularité. En l’espèce, le bon avait bien l’apparence d’une telle régularité.
Il appartient à l’emprunteur d’apporter la preuve d’un préjudice et d’un lien de causalité. En l’espèce, le matériel a été livré, posé, raccordé au réseau ERDF et mis en service. M. et Mme [L] ne subissent aucun préjudice.
Réponse de la cour
Il est constant que l’annulation d’un contrat de crédit en conséquence de l’annulation du contrat qu’il finançait emporte en principe pour l’emprunteur l’obligation de rembourser au prêteur le capital prêté.
Néanmoins, le prêteur qui a versé les fonds sans s’être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution, peut être privé en tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que l’emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute.
En l’espèce, c’est à tort que le tribunal a considéré que la banque n’avait pas à s’assurer de la régularité formelle du bon de commande. Elle était au contraire débitrice vis-à-vis de M. et Mme [L] d’une telle obligation avant de libérer les fonds. Or elle ne justifie pas s’en être acquittée, à tout le moins en ce qui concerne le devis n° 16002411 qu’elle dit avoir seul reçu, et qui était en toute hypothèse parfaitement identique à l’autre bon de commande. Son irrégularité formelle était pourtant, au regard des vices qui viennent d’être constatés, particulièrement visible.
La banque a donc bien commis une faute.
Néanmoins, M. et Mme [L] ne justifient pas avoir subi un préjudice en lien avec cette faute.
En effet, un tel préjudice ne peut être constitué tout d’abord par la seule conclusion des contrats litigieux ni par l’exécution du contrat de crédit, pas plus que par l’impossibilité, envisagée de manière théorique par M. et Mme'[L], dans laquelle ils se seraient trouvés de faire des comparaisons. Il ne l’est pas davantage par le placement en liquidation judiciaire de la société.
En outre, s’il ressort effectivement de la facture correspondante que la centrale photovoltaïque qui a été installée était destinée à la “revente totale au réseau national”, alors que le bon de commande stipulait quant à lui : “Auto-Consommation + revente du surplus”, M. et Mme [L], qui se contentent de rappeler cette différence, n’explicitent pas ses implications et n’indiquent pas en quoi elle leur est concrètement préjudiciable.
Enfin, le contrat principal ne s’engageait sur aucune performance et si M. et Mme'[L] invoquent une vente à la fois inexécutée et non conforme, ils n’allèguent précisément aucune autre non-conformité ou malfaçon, ni aucun dysfonctionnement. Il ressort au contraire des pièces qu’ils versent aux débats (contrat d’achat de l’énergie électrique conclu le 10 novembre 2017 avec EDF et factures des 3 avril 2018, 15 avril 2019, 12 avril 2020 et 11 avril 2021) que leur installation est bien en service et raccordée au réseau public d’électricité depuis le 12 avril 2017, et qu’elle produit chaque année de l’énergie (en moyenne 3520 kWh rapportant 834,20 euros).
Dans ces conditions, le jugement sera confirmé en ce qu’il a condamné solidairement M. et Mme [L] à rembourser à la banque la somme de 24’500 euros, diminuée des échéances réglées, comme le tribunal l’a bien précisé, compte tenu de l’annulation du contrat de crédit, avec intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement, ce dernier point ne faisant l’objet d’aucune discussion.
3. Sur les demandes de la banque à l’encontre de la société
Il n’y a pas lieu d’examiner les demandes faites par la banque “à titre plus subsidiaire” et “à titre infiniment subsidiaire”, “si par extraordinaire la juridiction venait à dispenser l’emprunteur de rembourser la banque en cas de nullité ou résolution des conventions”, ce que la cour n’a pas fait.
4. Sur les frais du procès
Les dispositions du jugement sur les dépens et les frais irrépétibles seront infirmées.
Partie perdante en première instance, la banque sera seule condamnée à supporter les dépens correspondants. Elle se trouve de ce fait redevable vis-à-vis de M. et Mme [L], sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, d’une indemnité qu’il est équitable de mettre à sa seule charge également et de fixer à 2000 euros.
Succombant en appel, M. et Mme [L] seront condamnés aux dépens correspondants et leur demande faite sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile sera rejetée, tout comme celle de la banque.
PAR CES MOTIFS,
La cour :
DIT n’y avoir lieu à jonction ;
CONFIRME le jugement en ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu’il a :
Rejeté la demande faite par M. et Mme [L] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamné in solidum la société et la banque aux dépens ;
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Fixe la créance de M. [S] [L] et Mme [R] [U] épouse [L] à l’encontre de la société Solution Éco Énergie à la somme de 24 500 euros ;
Condamne la société Cofidis aux dépens de première instance ;
Condamne la société Cofidis à verser, au titre de la première instance, à M.'[S] [L] et Mme [R] [U] épouse [L] la somme de 2000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne M. [S] [L] et Mme [R] [U] épouse [L] aux dépens de la procédure d’appel, y compris les dépens de l’incident ;
Rejette les autres demandes des parties.
LA GREFFIERE P/LAPRESIDENTE EMPECHEE
C. LEVEUF Y. WOLFF