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République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 1
ARRÊT DU 23/11/2023
N° de MINUTE : 22/983
N° RG 22/01332 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UFPA
Jugement (N° 21/01106) rendu le 06 Janvier 2022 par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Valenciennes
APPELANTE
SA Créatis prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentée par Me Marie Hélène Laurent, avocat au barreau de Douai, avocat constitué et Me Raphaël Théry, avocat au barreau de Douai, avocat plaidant
INTIMÉE
Madame [O] [N]
ée le [Date mariage 1] 1961 à [Localité 3] ([Localité 3]) – de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 3]
Défaillante, à qui la déclaration d’appel a été signifiée le 10/05/2022 par acte remis à personne
DÉBATS à l’audience publique du 13 septembre 2023 tenue par Catherine Ménegaire magistrat chargé d’instruire le dossier qui a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Gaëlle Przedlacki
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Yves Benhamou, Président de chambre
Samuel Vitse, Président de chambre
Catherine Ménegaire, conseiller
ARRÊT REPUTE CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 23 novembre 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Yves Benhamou, président et Gaëlle Przedlacki, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 1er septembre 2023
EXPOSE DU LITIGE
Selon offre préalable acceptée le 28 juin 2016, la SA Creatis a consenti à Mme [O] [N] un contrat de regroupement de crédits d’un montant en capital de 35’300 euros, remboursable en 144 mensualités de 372,80 euros, hors assurance, incluant les intérêts au taux débiteur de 5,86 %.
Le 13 juin 2019, Mme [N] a été déclarée recevable au bénéfice de la procédure de surendettement des particuliers. Des mesures ont été imposées par la commission de surendettement, consistant en la mise en application d’un plan d’échelonnement d’une durée de 84 mois à compter du 31 janvier 2020.
Plusieurs échéances n’ayant pas été honorées, la société Creatis s’est prévalue de la déchéance du plan par courrier recommandé du 9 juin 2020 mettant en demeure Mme [N] de payer la somme de 1 137,15 euros au titre des échéances impayées, puis par courrier recommandé du 18 juin 2021, a prononcé la déchéance du terme du contrat de crédit.
Par acte d’huissier délivré le 30 septembre 2021, la société Creatis a assigné Mme [N] en justice aux fins d’obtenir sa condamnation à lui payer la sommes de 29’504,85 euros, outre intérêts contractuels, au titre du solde du crédit, ainsi que la somme de 800 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement réputé contradictoire en date du 6 janvier 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Valenciennes a :
– déclaré l’action en paiement de la société Creatis recevable,
– prononcé la déchéance du droit aux intérêts,
– en conséquence, condamné Mme [N] à payer à la société Creatis la somme de 20’510,44 euros avec intérêts au taux légal à compter la signification du jugement,
– écarté l’application de l’article L.313-3 du code monétaire et financier,
– débouté la société Creatis de sa demande en paiement au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné Mme [N] aux dépens,
– rappelé que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit.
Par déclaration reçue par le greffe de la cour le 17 mars 2022, signifiée à Mme [N] par acte d’huissier délivré le 10 mai 2022 à personne, la société Creatis a relevé appel de l’ensemble des chefs de ce jugement, sauf en ce qu’il a déclaré son action recevable et condamné Mme [N] aux dépens.
Aux termes de ses conclusions déposées au greffe le 16 juin 2022, signifiées à Mme [N] par acte d’huissier délivré le 22 juin 2022 à personne, la société Creatis demande à la cour de :
Vu les articles 1103 et suivants du code civil,
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
– prononcé la déchéance du droit aux intérêts,
– en conséquence, condamné Mme [N] à payer à la société Creatis la somme de 20’510,44 euros avec intérêts au taux légal à compter la signification du jugement,
– écarté l’application de l’article L.313-3 du code monétaire et financier,
– débouté la société Creatis de sa demande en paiement au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré l’action en paiement de la société Creatis recevable et en ce qu’il a dit bien fondée en son principe la créance de la société Creatis,
statuant à nouveau,
– condamner Mme [N] à payer à la société Creatis au titre du prêt de restructuration consenti, rendu exigible, les sommes suivantes :
– 29’504,85 euros avec intérêts au taux contractuel de 5,86 % l’an à compter du 9 juillet 2021 jusqu’au parfait paiement sur la somme de 27’265,21 euros et avec intérêts au taux légal sur l’indemnité contractuelle,
– 800 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance,
– 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel,
– les entiers frais et dépens de première instance et d’appel dont distraction profit de Me Marie-Hélène Laurent conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile,
– débouter Mme [N] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions.
La société Creatis fait grief au premier juge de l’avoir déchue de son droit aux intérêts contractuels au motif qu’elle n’avait pas produit le double de l’information sur le montant du capital restant à rembourser conformément à l’article L.311-25-1 devenu L.312-32 du code de la consommation, ni le bordereau de rétractation conforme au modèle type prévu à l’article R.311-4, ni le tableau conforme à l’annexe de l’article R.313-13 du code de la consommation, alors qu’elle avait produit ces documents et que Mme [N] a signé une clause de l’offre de crédit selon laquelle elle a reconnu être restée en possession d’un bordereau de rétractation, cette reconnaissance étant corroborée par la liasse contractuelle versées aux débats.
Mme [N] n’a pas constitué avocat.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux écritures de la société Creatis pour le surplus de ses moyens.
La clôture de l’affaire a été rendue le 1er septembre 2023, et l’affaire fixée pour être plaidée à l’audience du 13 septembre 2023.
MOTIFS
Les textes du code de la consommation mentionnés dans l’arrêt sont ceux issus de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 applicables à la date de conclusion du contrat de crédit.
Sur la déchéance du prêteur de son droit aux intérêts
Selon l’article L.311-48 du code de la consommation dans sa version issue de la loi applicable au crédit ‘Le prêteur qui accorde un crédit sans communiquer à l’emprunteur les informations précontractuelles dans les conditions fixées par les articles L. 311-6 ou L. 311-43, sans remettre et faire signer ou valider par voie électronique la fiche mentionnée à l’article L. 311-10, ou sans remettre à l’emprunteur un contrat satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 311-11, L. 311-12, L. 311-16, L. 311-18, L. 311-19, L. 311-29, le dernier alinéa de l’article L. 311-17 et les articles L. 311-43 et L. 311-46, est déchu du droit aux intérêts.
Lorsque le prêteur n’a pas respecté les obligations fixées aux articles L. 311-8 et L.311-9, il est déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge. La même peine est applicable au prêteur qui n’a pas respecté les obligations fixées à l’article L. 311-21 et aux deuxième et troisième alinéas de l’article L. 311-44 ou lorsque les modalités d’utilisation du crédit fixées au premier alinéa de l’article L. 311-17 et au premier alinéa de l’article L. 311-17-1 n’ont pas été respectées.
L’emprunteur n’est tenu qu’au seul remboursement du capital suivant l’échéancier prévu, ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n’a pas été déchu. Les sommes perçues au titre des intérêts, qui sont productives d’intérêts au taux de l’intérêt légal à compter du jour de leur versement, sont restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.(…)’
Selon l’article 1315 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Il appartient donc au prêteur de démontrer qu’il a rempli ses obligations précontractuelles et contractuelles conformément au code de la consommation.
En premier lieu, suivant l’ancien article L 311-25-1 du code de la consommation applicable au présent litige et abrogé par l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 “Pour les opérations de crédit visées au présent chapitre, à l’exclusion de la location-vente et de la location avec option d’achat, le prêteur est tenu, au moins une fois par an, de porter à la connaissance de l’emprunteur le montant du capital restant à rembourser. Cette information figure, en caractères lisibles, sur la première page du document adressé à l’emprunteur”.
L’article L.311-48 du code de la consommation relatif à la déchéance du droit aux intérêts du prêteur ne s’applique pas à la méconnaissance des dispositions de l’article L.311-25-1 du même code, laquelle est, aux termes de l’article L.311-49, sanctionnée par une amende de 1 500 euros, en sorte que le premier juge ne pouvait déchoir la société Creatis de son droit aux intérêts aux intérêts de ce chef.
En tout état de cause, l’organisme de crédit produit en l’espèce les courriers d’information annuelle de l’emprunteur sur le montant du capital restant à rembourser en date des 3 juillet 2017, 30 juin 2018 et 29 juin 2019 (pièces n° 17, n° 18, n°19), conformément à l’artice L.311-25-1 du code de la consommation.
En second lieu, il est également produit le document d’information propre au regroupement de crédits, établi sur une support durable et comportant de manière claire et lisible les mentions conformes à l’annexe R.313-13 du code de la consommation.
En troisième lieu, aux termes de l’article L.311-12 du code de la consommation “L’emprunteur peut se rétracter sans motifs dans un délai de quatorze jours calendaires révolus à compter du jour de l’acceptation de l’offre de contrat de crédit comprenant les informations prévues à l’article L. 311-18. Afin de permettre l’exercice de ce droit de rétractation, un formulaire détachable est joint à son exemplaire du contrat de crédit. L’exercice par l’emprunteur de son droit de rétractation ne peut donner lieu à enregistrement sur un fichier. (…)”
Si aucune disposition légale n’impose au prêteur de conserver un exemplaire du bordereau de rétractation joint à l’exemplaire de l’offre communiqué à l’emprunteur, il lui incombe cependant de rapporter la preuve de ce qu’il a satisfait à ses obligations contractuelles en application de l’article 1353 du code civil ; la signature par l’emprunteur, comme en l’espèce, de l’offre préalable comportant une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur lui a remis le bordereau de rétractation constitue seulement un indice qu’il incombe à ce dernier de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires, comme cela résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, et appliquée par les juridictions françaises (voir notamment 1re Civ., 21 octobre 2020, pourvoi n° 19-18.971).
La banque verse aux débat la copie du dossier complet de financement adressé à Mme [N] comportant notamment l’exemplaire de l’offre destinée à être renvoyée au prêteur ne comportant pas de bordereau de rétractation, ainsi que l’exemplaire de l’offre à conserver par l’emprunteur comportant le bordereau de rétractation, qui est rédigé conformément au modèle type annexé à l’article R.311-4 du code de la consommation.
Ce document produit par la banque constitue un indice suffisant à corroborer la mention signée par Mme [N] selon laquelle elle a reconnu être restée en possession d’un exemplaire de l’offre dotée d’un formulaire détachable de rétractation.
Il convient en conséquence de constater que la société Creatis justifie avoir rempli ses obligations précontractuelles et contractuelles, et de réformer le jugement entrepris en ce qu’il l’a déchue de son droit aux intérêts.
Sur la créance de la banque
En application des articles L. 311-24 et D. 311-6 du code de la consommation, en cas de défaillance de l’emprunteur dans le remboursement d’un crédit à la consommation, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés ; jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt ; le prêteur peut demander en outre une indemnité égale à 8 % du capital restant dû à la date de la défaillance, sans préjudice de l’application des articles 1152 et 1231-5 du code civil.
Au regard des pièces versées aux débats et du décompte de créance arrêté au 8 juillet 2021, tenant compte du remboursement de la somme de 350 euros par l’emprunteur, la créance de la société Creatis s’établit comme suit :
– capital : 27 265,21 euros,
– intérêts courue du 18/06/2021 au 08/07/2021 : 35,02 euros,
– indemnité conventionnelle : 2 204,62 euros
Total : 29 504,85 euros.
Réformant le jugement entrepris, Mme [N] sera condamnée à payer à la société Creatis la somme de 29 504,85 euros, augmentée des intérêts contractuel au taux de 5,860 % sur la somme de 27 265,21 euros et des intérêts au taux légal sur la somme de 2 204,62 euros, à compter du 9 juillet 2021.
Il n’y a pas lieu d’assurer l’effectivité de la sanction de la déchéance du droit aux intérêts, puisqu’elle n’a pas été prononcée, et partant, le jugement entrepris sera réformé en ce qu’il a écarté la majoration de l’intérêt légal prévue par l’article L.313-3 du code monétaire et financier.
Sur les demandes accessoires
Les motifs du premier juge méritant d’être adoptés, le jugement entrepris est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile.
Mme [N], qui succombe, est condamnée aux dépens d’appel conformément aux dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, avec distraction au profit de Me Marie-Hélène Laurent, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
En équité, il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, et la société Creatis est déboutée de sa demande à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt réputé contradictoire et dans les limites de
l’appel ;
Réforme le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf celles relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau ;
Condamne Mme [O] [N] à payer à la société Creatis la somme de 29 504,85 euros, augmentée des intérêts contractuel au taux de 5,860 % sur la somme de
27 265,21 euros et des intérêts au taux légal sur la somme de 2 204,62 euros, à compter du 9 juillet 2021 ;
Dit n’y avoir lieu à écarter la majoration de l’intérêt légal prévue par l’article L.313-3 du code monétaire et financier ;
Y ajoutant ;
Dit n’y avoir à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [N] aux dépens d’appel dont distraction au profit de Me Marie-Hélène, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Le greffier
Gaëlle PRZEDLACKI
Le président
Yves BENHAMOU