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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-8
ARRÊT AU FOND
DU 18 JANVIER 2023
N° 2023/ 022
N° RG 21/11570
N° Portalis DBVB-V-B7F-BH4WY
S.A. BNP PARIBAS
C/
[T] [S]
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Yoann LEANDRI
Me Charles TOLLINCHI
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de proximité de CANNES en date du 02 Juillet 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 11-20-321.
APPELANTE
S.A. BNP PARIBAS
prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 2]
représentée par Me Yoann LEANDRI, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIME
Monsieur [T] [S]
né le [Date naissance 1] 1971 à [Localité 4], demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Charles TOLLINCHI, membre de la SCP TOLLINCHI PERRET VIGNERON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, ayant pour avocat plaidant Me Frédéric GASCARD, membre de la SELARL CABINET FREDERIC GASCARD, avocat au barreau de GRASSE,
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Philippe COULANGE, Président
Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère
Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Maria FREDON.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Janvier 2023.
ARRÊT
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Janvier 2023, signé par Monsieur Philippe COULANGE, Président et Madame Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE ANTÉRIEURE
Suivant offre préalable acceptée le 20 mai 2017, la société BNP PARIBAS a consenti à Monsieur [T] [S] un prêt personnel de 6.000 euros, remboursable en 36 mensualités suivant un taux d’intérêt de 2,95 % l’an.
Suivant une nouvelle offre acceptée le 13 octobre 2017, la banque a également consenti à son client un prêt de 26.000 euros destiné à financer l’achat d’un véhicule automobile, remboursable en 72 mensualités suivant un taux d’intérêt de 4,40 %.
Par courriers adressés le 19 février 2019 en la forme recommandée avec demande d’avis de réception, la société BNP PARIBAS a entendu se prévaloir de la déchéance du terme de ces deux prêts en raison de la défaillance de l’emprunteur dans le remboursement des échéances.
Par acte du 16 avril 2020, la banque a porté sa demande en paiement devant le tribunal de proximité de Cannes qui, aux termes d’un jugement prononcé le 2 juillet 2021, a fait droit à la fin de non recevoir invoquée par le défendeur tirée de la forclusion de l’action en application de l’article R 312-35 du code de la consommation, en retenant que les pièces produites aux débats ne lui permettaient pas de retracer l’historique des comptes.
La société BNP PARIBAS a relevé appel de cette décision par déclaration adressée le 29 juillet 2021 au greffe de la cour et signifiée à la partie intimée le 12 octobre 2021, en même temps que ses conclusions.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses conclusions d’appel, la société BNP PARIBAS reproche au premier juge d’avoir fait une mauvaise lecture des relevés de compte produits à l’appui de sa demande, et soutient que les premiers incidents de paiement non régularisés remontent au 4 juin 2018 pour ce qui concerne le premier prêt, et au 15 mai 2018 pour le second. Elle ajoute qu’en tout état de cause les délais pour agir ont été prorogés par l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 prise durant la période d’urgence sanitaire. Elle en déduit que son action n’est pas éteinte par la forclusion.
Elle indique d’autre part que le débiteur a versé à titre d’acomptes la somme de 3.050 euros au 16 août 2020, dont 758,85 euros ont été affectés à l’apurement du solde débiteur de son compte courant et 2.291,18 euros à l’apurement partiel du prêt de 6.000 euros.
Elle demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau, de condamner Monsieur [S] à lui payer :
– au titre du premier prêt la somme principale de 1.931,49 euros majorée des intérêts conventionnels au taux de 2,95 % capitalisés à compter de la mise en demeure du 10 décembre 2018, et celle de 337,81 euros au titre de la clause pénale,
– au titre du second prêt la somme principale de 26.099,10 euros majorée des intérêts conventionnels au taux de 4,40 % capitalisés à compter de la mise en demeure du 10 décembre 2018, et celle de 1.926,83 euros au titre de la clause pénale.
Elle réclame en outre paiement d’une somme de 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions en réplique notifiées le 27 octobre 2022, Monsieur [T] [S] poursuit à titre principal la confirmation du jugement entrepris par adoption de ses motifs, en faisant valoir que les pièces produites par la banque ne constituent pas des historiques de compte.
Subsidiairement, il conclut au rejet des demandes de la banque aux motifs :
– que la résiliation des contrats aurait été prononcée de manière abusive alors qu’il avait conclu avec la société EFFICO, mandataire du créancier, un accord de rééchelonnement des paiements dont il respectait les termes,
– et que la banque ne justifie pas du montant des sommes restant dues après imputation de ces paiements.
Plus subsidiairement encore, il conclut à la déchéance du prêteur du droit aux intérêts conventionnels faute d’avoir satisfait à son obligation d’information précontractuelle, recueilli les renseignements nécessaires pour évaluer sa solvabilité, et respecté les dispositions légales relatives à l’exercice du droit de rétractation.
Il sollicite enfin l’octroi des plus larges délais de grâce.
En tout état de cause, il réclame paiement d’une somme de 1.500 euros au titre de ses frais irrépétibles, outre ses entiers dépens.
La clôture de l’instruction est intervenue le 31 octobre 2022.
DISCUSSION
Sur la fin de non recevoir tirée de la forclusion :
En vertu de l’article R 312-35 du code de la consommation, les actions en paiement engagées à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion, celui-ci étant caractérisé en cas de déchéance du terme par le premier incident de paiement non régularisé.
En l’espèce il apparaît à la cour, contrairement à l’opinion du premier juge, que les duplicatas de relevés de comptes produits par la société BNP PARIBAS permettent de retracer l’historique des deux prêts, et de situer la date de la première échéance impayée au 4 juin 2018 pour ce qui concerne le premier crédit de 6.000 euros, et au 15 mai 2018 pour ce qui concerne le second crédit de 26.000 euros.
Monsieur [S] ne produit de son côté aucun élément de nature à établir que le premier incident non régularisé se situerait en réalité à une date antérieure. Or, si les juges du fond sont tenus de relever la fin de non recevoir tirée de la forclusion lorsque celle-ci résulte des pièces soumises à leur examen, il incombe au débiteur poursuivi de prouver les faits au soutien de ce moyen.
L’action de la société BNP PARIBAS, introduite par assignation du 16 avril 2020, n’apparaît donc pas forclose, sans qu’il soit besoin d’examiner les effets attachés à l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 prise durant la période d’urgence sanitaire.
Sur le prononcé de la déchéance du terme :
Il résulte des pièces produites au dossier que la déchéance du terme de chacun des deux prêts a été régulièrement prononcée en application des conditions générales par courriers adressés le 19 février 2019 en la forme recommandée avec demande d’avis de réception, après l’envoi d’une lettre de préavis le 10 décembre 2018 demeurée infructueuse.
À cette date le débiteur n’avait pas encore conclu un échéancier de paiement avec la société EFFICO, organisme de recouvrement de créances mandaté par BNP PARIBAS, le premier acompte dont il est justifié se situant au mois de mars 2019.
Il n’est pas établi d’autre part que cet échéancier emportait réaménagement des prêts et renonciation du créancier au bénéfice de la déchéance du terme.
Enfin il apparaît que les versements effectués par Monsieur [S] étaient irréguliers, de sorte que l’action en paiement engagée par la banque ne revêt aucun caractère abusif.
Sur la demande de déchéance du droit aux intérêts :
Il convient au préalable de relever que les conclusions de l’intimé font référence aux anciens articles du code de la consommation, dans leur numérotation antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, alors que les contrats ont été conclus au cours de l’année 2017 et sont donc soumis aux dispositions issues de ce texte.
La société BNP PARIBAS produit aux débats pour chacun des crédits en cause :
– une fiche d’information précontractuelle européenne normalisée revêtue de la signature de l’emprunteur,
– une fiche de dialogue retraçant les revenus et charges de l’emprunteur, avec l’ensemble des pièces justificatives fournies par celui-ci,
– et le formulaire d’acceptation de l’offre dans lequel l’emprunteur reconnaît rester en possession
d’un exemplaire doté d’un formulaire détachable de rétractation.
En revanche, la banque est dans l’incapacité de produire les résultats de la consultation du fichier national des incidents de paiement rendue obligatoire par l’article L 312-16 du code de la consommation.
En application de l’article L 341-2 du même code, il y a lieu de prononcer la déchéance du droit aux intérêts conventionnels, mais d’en cantonner les effets à compter de la déchéance du terme.
Sur le montant des sommes restant dues :
Sur la base des tableaux d’amortissement produits au dossier, la créance de la banque peut être déterminée comme suit :
– au titre du prêt de 6.000 euros :
* échéances impayées du 04/06/18 au 04/02/19 : 1.423,68 €
* capital restant dû à la date de déchéance du terme : 2.732,27 €
* clause pénale : 218,56 €
* acomptes versés : – 2.291,18 €
2.083,33 €
– au titre du prêt de 26.000 euros :
* échéances impayées du 15/05/18 au 15/02/19 : 4.289,50 €
* capital restant dû à la date de déchéance du terme : 20.799,30 €
* clause pénale : 1.663,92 €
26.752,72 €
Les intérêts courront au taux légal à compter de la déchéance du terme, étant précisé que les dispositions de l’article L 313-52 du code de la consommation, dans leur rédaction applicable au litige, font obstacle à leur capitalisation dans les conditions du droit commun.
Sur la demande d’octroi de délais de paiement :
Monsieur [S] n’établit pas qu’il serait en mesure de s’acquitter de l’intégralité de sa dette dans le délai maximum de 24 mois prévu par l’article 1343-5 du code civil, ce qui impliquerait de sa part le versement d’échéances mensuelles de 1.200 euros. En conséquence sa demande d’octroi de délais de paiement doit être rejetée.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement déféré, et statuant à nouveau :
Rejette la fin de non recevoir tirée de la forclusion,
Prononce la déchéance du prêteur du droit aux intérêts conventionnels à compter de la déchéance du terme,
Condamne en conséquence Monsieur [T] [S] à payer à la société BNP PARIBAS :
– au titre du premier prêt souscrit le 20 mai 2017, la somme de 2.083,33 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 19 février 2019,
– au titre du second prêt souscrit le 13 octobre 2017, la somme de 26.752,72 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 19 février 2019,
Rejette la demande de capitalisation des intérêts,
Rejette la demande de délais de paiement formée par le débiteur,
Condamne l’intimé aux entiers dépens de première instance et d’appel,
Rejette les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT