Droit de rétractation : décision du 17 janvier 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/02911
Droit de rétractation : décision du 17 janvier 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/02911
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COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 53A

1re chambre 2e section

ARRET N°

REPUTE CONTRADICTOIRE

DU 17 JANVIER 2023

N° RG 22/02911 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VFBC

AFFAIRE :

S.A.S.U. SOCIETE AZUR SOLUTION ENERGIE,en liquidation judiciaire

C/

M. [S] [T]

S.E.L.A.R.L. ATHENA es-qualité de mandataire liquidateur de la SASU SOLUTION ENERGIE,

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 30 Juillet 2021 par le Tribunal de proximité de PUTEAUX

N° RG : 1121000237

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 17/01/23

à :

Me Baudouin DE SANTI

Me Marie-laure TESTAUD

Me Stéphanie CARTIER

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX SEPT JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

S.A.S.U. SOCIETE AZUR SOLUTION ENERGIE,

en liquidation judiciaire

Représentant : Maître Baudouin DE SANTI, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 522

Représentant : Maître Cécile HUNAULT-CHEDRU, SELARL POINTEL & ASSOCIES, Société d’Avocats, Plaidant au barreau de ROUEN

APPELANTE

****************

Monsieur [S] [T]

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représentant : Maître Marie-laure TESTAUD, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 483

Madame [L] [I] épouse [T]

[Adresse 5]

[Localité 6]

Représentant : Maître Marie-laure TESTAUD, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 483

S.A. BANQUE FRANFINANCE

Ayant son siège

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 4]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Maître Stéphanie CARTIER, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 350

INTIMES ET APPELANTS A TITRE INCIDENT

****************

S.E.L.A.R.L. ATHENA es-qualité de mandataire liquidateur de la SASU SOLUTION ENERGIE,

Ayant son siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Assignée à personne morale

PARTIE INTERVENANTE

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 25 Octobre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller, et Monsieur Philippe JAVELAS, président, chargé du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe JAVELAS, Président,

Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,

Conseiller Olivier GUICHAOUA, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,

EXPOSE DU LITIGE

Le 19 mai 2016, M. [S] [T] a passé commande pour un montant total de 28 190 euros auprès de la société Azur Solution Energie, d’une installation d’un système de production d’électricité d’origine photovoltaïque et d’un ballon thermodynamique, prévoyant un mode de paiement à crédit.

Le même jour, M. et Mme [T] ont souscrit un prêt affecté aux fins de financement de cet achat auprès de la société Franfinance pour un montant de 28 190 euros remboursable en 144 mensualités soit 9 mensualités de 0 euro, 12 mensualités de 96 euros et 123 de 324,23 euros hors assurance, incluant les intérêts au taux débiteur fixe de 5,80 %.

Par actes de commissaire de justice du 14 août 2018, M. et Mme [T] ont assigné la société Franfinance et la société Azur Solution Energie devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Puteaux, aux fins de voir notamment prononcer la nullité du contrat passé avec la société Azur Solution Energie et du contrat de crédit.

Par jugement contradictoire du 30 juillet 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Puteaux a :

– prononcé la nullité du contrat de vente conclu le 19 mai 2016 entre M. [T] et la société Azur Solution Energie,

– prononcé la nullité du contrat de crédit affecté conclu le 19 mai 2016 entre M. et Mme [T] et la société Franfinance,

– dit qu’en conséquence M. [T] serait tenu de mettre à la disposition de la société Azur Solution Energie pendant un délai de quatre mois à compter de la signification de la décision, l’ensemble des matériels posés à son domicile et que, faute de restitution sollicitée dans ce délai, il serait autorisé à en disposer,

– dit qu’en conséquence, M. et Mme [T] seraient tenus de restituer à la société Franfinance le capital prêté,

– condamné en conséquence solidairement M. et Mme [T] à restituer à la société Franfinance la somme de 14 356, 76 euros,

– condamné la société Franfinance et la société Azur Solution Energie au paiement de la somme de 1 000 euros à M. et Mme [T] sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société Franfinance et la société Azur Solution Energie aux dépens,

– débouté les parties du surplus de leurs demandes ou contraires,

– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire de la décision.

Par déclaration reçue au greffe le 17 septembre 2021, la société Azur Solution Energie a relevé appel de ce jugement.

Aux termes de ses conclusions signifiées le 16 décembre 2021, la société Azur Solution Energie, appelante, demande à la cour de :

– la recevoir en son appel et la déclarer bien fondée,

– réformer le jugement entrepris en ce qu’il :

* a prononcé la nullité du contrat de vente conclu le 19 mai 2016 avec M. [T],

* a prononcé la nullité du contrat de crédit affecté conclu le 19 mai 2016 entre M. et Mme [T] et la société Franfinance,

* a dit qu’en conséquence M. [T] serait tenu de mettre à sa disposition pendant un délai de quatre mois à compter de la signification de la décision, l’ensemble des matériels posés à son domicile et que, faute de restitution sollicitée dans ce délai, il serait autorisé à en disposer,

* l’a condamnée avec la société Franfinance à payer à M. et Mme [T] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

* l’a déboutée de sa demande de condamnation des époux [T] au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Statuant de nouveau :

– constater la validité du contrat conclu avec M. [T] le 19 mai 2016,

– dire et juger que l’annulation du contrat de vente n’est pas encourue telle que demandée par M. [T] en première instance,

– dire et juger qu’en tout état de cause, M. [T] a entendu confirmer son engagement à son égard,

En conséquence :

– débouter les époux [T] de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,

– condamner les époux [T] au paiement d’une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Par jugement du tribunal de commerce d’Angers du 2 février 2022, la société Azur Solution Energie a été placée en liquidation judiciaire et la société Athena, prise en la personne de Me [C] [R], a été désignée en qualité de mandataire liquidateur de la société.

Par ordonnance rendue le 9 mars 2022, le conseiller de la mise en état de la cour d’appel de Versailles a, suite à cette mise en liquidation judiciaire :

– constaté l’interruption de l’instance,

– ordonné la mise hors du rôle général de la cour d’appel de l’affaire,

– dit que l’instance serait reprise dans les conditions prévues par les articles 373 et 374 du code de procédure civile.

L’instance a été reprise et réinscrite sous le numéro RG : 22/02911 à la demande des époux [T], appelants à titre incident, après que ceux-ci eurent assigné en intervention forcée par acte de commissaire de justice du 13 avril 2022, la société Athena, ès qualités de mandataire liquidateur de la société Azur Solution Energie.

Aux termes de leurs conclusions signifiées le 28 avril 2022, M. et Mme [T], intimés et appelants à titre incident, demandent à la cour de :

– juger mal fondé l’appel interjeté par la société Azur Solution Energie à l’encontre du jugement rendu le 30 juillet 2021 par le juge des contentieux de la protection de Puteaux,

– juger recevable et bien fondé leur appel incident à l’encontre du jugement rendu le 30 juillet 2021 par le juge des contentieux de la protection de Puteaux,

– débouter la société Azur Solution Energie de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions contraires aux leurs ou dirigées contre leurs intérêts,

– débouter la société Franfinance de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions contraires aux leurs ou dirigées contre leurs intérêts,

– faire droit à leurs demandes, fins et conclusions,

Sur le fond,

– confirmer le jugement du juge des contentieux de la protection de Puteaux du 30 juillet 2021 en ce qu’il a prononcé l’annulation du contrat conclu entre M. [T] et la société Azur Solution Energie le 19 mai 2016,

– confirmer le jugement du juge des contentieux de la protection de Puteaux du 30 juillet 2021 en ce qu’il a constaté l’annulation de plein droit du contrat de crédit affecté conclu le 19 mai 2016 entre eux et la société Franfinance,

– confirmer le jugement du juge des contentieux de la protection de Puteaux du 30 juillet 2021 en ce qu’il a jugé que la société Franfinance avait commis des fautes dans le cadre de son déblocage des fonds,

– infirmer le jugement du juge des contentieux de la protection de Puteaux du 30 juillet 2021 en ce qu’il a rejeté leur demande tendant à se voir dispensés de restitution à la société Franfinance du capital prêté, et en ce qu’il les a condamnés in solidum à verser à la société Franfinance la somme de 14 356,76 euros,

Statuant à nouveau,

– au principal, dans le cas certain où la cour d’appel de Versailles confirmera l’annulation du contrat de crédit affecté :

– juger à titre principal que les fautes extracontractuelles commises par la société Franfinance leur ont causé un préjudice d’un montant de 23 100 euros qui sera réparé par la privation de la société Franfinance de sa créance de restitution du capital prêté à hauteur de ce montant et juger en conséquence qu’ils doivent restituer à la société Franfinance la somme de 5 090 euros sous déduction du montant des mensualités du contrat de crédit affecté déjà payées par eux,

– à titre subsidiaire, juger que les fautes extracontractuelles commises par la société Franfinance leur ont causé un préjudice d’un montant de 11 276 euros qui sera réparé par la privation de la société Franfinance de sa créance de restitution du capital prêté à la hauteur de ce montant et juger en conséquence qu’ils doivent restituer à la société Franfinance la somme de 16 914 euros sous déduction du montant des mensualités du contrat de crédit affecté déjà payées par eux,

– ou, subsidiairement, si par impossible la cour d’appel de Versailles ne confirmait pas le jugement déféré en ce qu’il a prononcé l’annulation du contrat de crédit affecté :

– condamner, à titre principal la société Franfinance à leur payer la somme de 23 100 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé à eux par sa faute contractuelle,

– condamner à titre subsidiaire la société Franfinance à leur payer la somme de 11 276 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé à ces derniers par sa faute contractuelle,

– condamner la société Franfinance à leur payer la somme de 3 600 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre le paiement des entiers dépens de première instance et d’appel.

Aux termes de ses conclusions signifiées le 29 avril 2022, la société Franfinance, intimée et appelante à titre incident, demande à la cour de :

– la dire et juger recevable et bien fondée en son appel incident,

Y faisant droit, à titre principal :

– infirmer le jugement rendu le 30 juillet 2021 par le juge des contentieux de la protection siégeant près le tribunal de proximité de Puteaux en ce qu’il a prononcé la nullité du bon de commande et du prêt,

Statuant à nouveau :

– débouter M. et Mme [T] de leur demande en annulation du bon de commande et du contrat de prêt accessoire,

A titre subsidiaire, dans l’hypothèse où les conventions seraient annulées :

– infirmer le jugement rendu le 30 juillet 2021 par le juge des contentieux de la protection siégeant près le tribunal de proximité de Puteaux en ce qu’il a décidé qu’elle aurait commis une faute,

Statuant à nouveau :

– condamner M. et Mme [T] à lui restituer le capital prêté, déduction faite des échéances remboursées par eux,

A titre très subsidiaire, dans l’hypothèse où le jugement entrepris serait confirmé en ce qu’il a prononcé l’annulation des conventions et retenu une faute de sa part :

– confirmer le jugement rendu en ce qu’il a :

* dit qu’en conséquence, M. et Mme [T] étaient tenus de lui restituer le capital prêté,

* condamné en conséquence solidairement M. et Mme [T] à lui restituer la somme de 14 356,76 euros,

A titre infiniment subsidiaire, dans l’hypothèse où les conventions seraient annulées et qu’elle serait privée de sa créance de restitution du capital :

– condamner M. et Mme [T] à restituer le capital prêté, déduction faite des échéances remboursées par eux,

– limiter la décharge de l’obligation de restitution du capital prêté à concurrence du préjudice réellement subi par M. et Mme [T] qui ne pourrait être équivalent au capital prêté,

– dire et juger que les revenus énergétiques de M. et Mme [T] viendraient en déduction de leur éventuel préjudice,

– ordonner la compensation des créances,

En tout état de cause,

– condamner in solidum M. et Mme [T] au paiement d’une somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de la procédure,

– condamner in solidum M. et Mme [T] aux dépens d’appel au profit de Maître Stéphanie Cartier qui pourra les recouvrer dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

La société Athena, prise en la personne de Me [C] [R], assignée en intervention forcée par les époux [T], ès qualités de mandataire liquidateur de la société Azur Solution Energie, par acte de commissaire de justice du 13 avril 2022, n’a pas constitué avocat. L’assignation en intervention forcée, la déclaration d’appel de la société Azur Solution Energie du 17 septembre 2021, les conclusions d’intimés et d’appel incident des époux [T] du 28 mars 2022, lui ont été signifiées à personne morale par acte de commissaire de justice du 13 avril 2022.

Le conseil de la société Azur Solution Energie a informé la cour le 25 novembre 2022 que la société Athena étant défaillante, il ne déposerait aucun dossier de plaidoirie.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 25 octobre 2022.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.

La société intimée Athena, qui ne comparaît pas, ayant été citée à personne, la cour statuera par arrêt réputé contradictoire, en application des dispositions de l’article 474, alinéa 1, du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I) Sur l’appel principal de la société Azur Solution Energie

L’appel de la société Azur Solution Energie est recevable pour avoir été interjeté dans les formes et délais légaux.

Toutefois, la cour constate que la société Athena , seule habilitée à représenter l’appelante depuis sa mise en liquidation judiciaire, en sa qualité de liquidateur, n’a pas constitué avocat.

Les seules conclusions de la société Azur Solution Energie, notifiées par la voie électronique le 6 décembre 2021 ne peuvent être examinées par la cour, du fait qu’elles sont antérieures à la mise en liquidation judiciaire de l’appelante par jugement du tribunal de commerce d’Angers du 2 février 2022.

Par suite et en l’absence de conclusions de la part de la société Athena , ès qualités de liquidateur de la société Azur Solution Energie, cette dernière est réputée s’approprier les motifs du jugement déféré en application des dispositions du dernier alinéa de l’article 954 du code de procédure civile.

Il incombe néanmoins à la cour, l’appel étant recevable, de statuer sur les demandes incidentes des époux [T] et de la société Franfinance.

II) Sur les demandes d’annulation des contrats de vente et de crédit affecté

Les époux [T] demandent, à titre liminaire, à la cour de réputer non écrites les conditions générales de vente, motif pris de ce qu’elles ne sont ni lisibles ni compréhensibles, étant rédigées dans une typographie inférieure au corps huit.

Ils concluent, en suite, à la nullité du contrat de vente en raison du fait que :

– les caractéristiques essentielles du ballon thermodynamique ne sont pas mentionnées sur le bon de commande, ainsi que plusieurs caractéristiques de la centrale photovoltaïque, notamment le nombre de bouches d’insufflation,

– le délai de livraison et d’installation indiqué ‘dans les trois mois de la pré-visite du technicien’ est imprécis, d’autant plus que les conditions générales stipulent que l’installation interviendra le jour de la livraison des produits et que les délais de raccordement de l’installation ne sont pas indiqués,

– le bon de commande ne prévoit pas la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation.

Les appelants soutiennent que la nullité encourue du bon de commande n’a pas été couverte comme le fait valoir la banque, parce qu’ils n’ont pas eu connaissance des irrégularités affectant le bon de commande, n’ayant jamais approuvé les conditions générales de vente, qui ne reproduisent pas les articles du code de la consommation, et qu’ils n’ont jamais manifesté leur volonté de réparer ces causes de nullité.

A titre subsidiaire, les époux [T] concluent à la nullité du contrat de vente pour dol en soulignant que le commercial de la société Azur Solution Energie a rédigé un document intitulé ‘Synthèse financière’ qui est entré dans le champ contractuel, est s’est avéré totalement faux.

La société Franfinance sollicite l’infirmation du jugement déféré en ce qu’il a prononcé la nullité des contrats de vente et de crédit affecté, et s’oppose aux moyens soulevés par les appelants, en rétorquant que :

– le bon de commande est régulier au regard des dispositions du code de la consommation et M. [T] a reconnu avoir pris connaissance de toutes les informations relatives aux produits, et n’a émis aucune réserve ni aucun grief à la livraison,

– à titre subsidiaire, les irrégularités affectant le contrat de vente constituent une nullité relative qui a été couverte les acquéreurs ayant réceptionné les travaux, payé volontairement le prix de la prestation à la société venderesse, exécuté tout aussi volontairement le contrat en commençant à rembourser leur prêt, manifesté un temps, enfin, une volonté de conserver le matériel et de l’utiliser.

Réponse de la cour

La demande visant à voir réputées non écrites les conditions générales du contrat de vente, motif pris de la taille des caractères, n’a pas été reprise dans le dispositif des conclusions des époux [T], de sorte que la cour n’a pas à statuer sur cette demande, en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile.

Le bon de commande, signé le 19 mai 2016, est soumis aux dispositions des articles L.111-1, L.111-2 et L.121-17 et suivants du code de la consommation relatives au démarchage à domicile.

L’article L.121-17 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable au litige, dispose :

‘préalablement à la conclusion d’un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

1° Les informations prévues aux articles L.111-1 et L.111-2,

2° Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d’exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu’il contient sont fixées par décret en Conseil d’Etat (…),

6° Les informations relatives aux coordonnées du professionnel, (…), aux modalités de résiliation, aux modes de règlement des litiges et aux autres conditions contractuelles, dont la liste et le contenu sont fixés par décret en Conseil d’Etat.’

Selon l’article L.111-1 du code de la consommation :

‘Avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :

– 1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné,

– 2° Le prix du bien ou du service, en application des articles L.113-3 et L.113-3-1,

– 3° En l’absence d’exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s’engage à livrer le bien ou à exécuter le service,

– 4° Les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu’elles ne ressortent pas du contexte, ainsi que, s’il y a lieu, celles relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique et, le cas échéant, à son interopérabilité, à l’existence et aux modalités de mise en ‘uvre des garanties et aux autres conditions contractuelles. La liste et le contenu précis de ces informations sont fixés par décret en Conseil d’Etat’.

Enfin selon l’article L.121-18-1 du code de la consommation :

‘Le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l’accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l’engagement exprès des parties. Ce contrat comprend, à peine de nullité, toutes les informations mentionnées au I de l’article L. 121-17Le contrat mentionne, le cas échéant, l’accord exprès du consommateur pour la fourniture d’un contenu numérique indépendant de tout support matériel avant l’expiration du délai de rétractation et, dans cette hypothèse, le renoncement de ce dernier à l’exercice de son droit de rétractation’.

En l’espèce, les époux [T] ont acquis le 19 mai 2016 et moyennant un prix toutes taxes comprises de 28190 euros :

– un pack de douze panneaux aérovoltaïques de type GSE AIR SYSTEM, raccordés en autoconsommation avec revente du surplus d’électricité non consommée, de 280 wc chacun,

– un ballon thermodynamique,

– un pack d’ampoule LED,

– une tablette.

Le bon de commande litigieux comportait un paragraphe intitulé ‘ Délais’ ainsi libellé :

‘ Pré-visite : la visite du technicien interviendra au plus tard dans les deux mois de la signature du bon de commande.

Livraison des produits : la livraison des produits interviendra dans les trois mois de la pré-visite du technicien.

Installation des produits : l’installation des produits sera réalisée…. Le jour de la livraison des produits (cf. Article 4 des conditions générales de vente).

Délai de raccordement et de mise en service (offre photovoltaïque) : Azur Solution Energie s’engage à adresser la demande de raccordement auprès d’ERDF et/ou des régies d’électricité, dès réception du récépissé de la déclaration préalable de travaux et à procéder au règlement du devis. Une fois les travaux de raccordement de l’installation réalisés, la mise en service pourra intervenir dans les délais fixés par ERDF et/ou les régies d’électricité’.

L’article 4 des conditions générales de vente est consacré aux facultés de rétractation offertes au client et précise que ce dernier peut se rétracter sans donner de motif dans un délai de quatorze jours partant du jour de la signature du contrat pour les contrats limités à la réalisation de prestations de services et du jour de la réception du produit par le client ou par le tiers désigné par lui dans le bon de commande pour les contrats de vente ou de prestations de services incluant la livraison de biens.

Cette description permettait aux acquéreurs de comparer utilement la proposition de la société Azur Solution Energie notamment en termes de prix avec des offres concurrentes en particulier pendant le délai de rétractation et de vérifier que tous les éléments nécessaires au fonctionnement de l’installation avaient bien été livrés et installés, avant de signer l’attestation de fin de travaux.

Il n’est pas étayé, au-delà de considération d’ordre général, que la marque ou le modèle du ballon thermodynamique, la marque des panneaux solaires étant indiqué, les caractéristiques et la puissance de l’onduleur, le nombre de bouches d’insufflation du système aérovoltaïque, le modèle et le type des panneaux aérovoltaïques vendus, pouvaient constituer, in concreto, des caractéristiques essentielles du produit au sens des articles précités, alors que la description du produit vendu est suffisamment détaillée au regard des exigences textuelles.

L’article L. 111-1 précité ne faisait pas obligation au vendeur de préciser le prix unitaire et le coût de la main d’oeuvre.

Contrairement à ce que soutiennent les acquéreurs, le bon de commande est compréhensible et suffisamment précis quant au délai de livraison, celui-ci étant d’une durée de 5 mois : 3 mois à compter de la pré-visite du technicien, qui interviendra elle-même au plus tard dans les deux mois à compter de la signature du bon de commande. Il ne s’agit pas d’un délai global mais d’un plan parfaitement séquencé, dès lors qu’il est distingué entre le délai de pose des modules et celui de réalisation des prestations à caractère administratif, qui dépend en partie de la société ERDF.

Il en est de même quant au point de départ du délai de rétractation, les conditions générales de vente auquel le bon de commande renvoie et qui reprennent les termes de l’article L.121-21 du code de la consommation mentionnant notamment que le point de départ du délai de rétractation est celui du jour de la réception du produit par le client pour les contrats de vente ou de prestations de service incluant la livraison de biens. De plus, le bon de commande contient un formulaire détachable de rétractation conforme aux dispositions de l’article R.121-3 du code de la consommation, peu important que des ciseaux soient nécessaires pour détacher ce formulaire. Si les conditions générales de vente du bon de commande sont effectivement rédigées dans des caractères inférieurs au corps 8, il n’y a pas lieu de les écarter des débats en application de l’article L.133-2 du code de la consommation, étant observé que les consorts G.-L. ne tirent pas d’autre conséquence de ce fait.

Enfin, c’est en vain que les époux [T] soutiennent que le bon litigieux ne prévoit pas la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation. En signant le bon de commande, les époux [T] ont, en effet, reconnu, selon clause pré-imprimée, avoir pris connaissance des conditions générales de vente. Or celles-ci, en leur article 13, informent le client de la possibilité de recourir à une médiation :

“Le Client est informé qu’il peut en tout état de cause recourir à une médiation conventionnelle, notamment auprès de la Commission de la médiation de la consommation (C. Consom. art. L. 534-7) ou auprès des instances de médiation sectorielles existantes, ou à tout mode alternatif de règlement des différends (conciliation, par exemple) en cas de contestation”.

Le bon de commande litigieux n’est donc pas entaché des irrégularités que les appelants dénoncent.

Les époux [T] soutiennent, par ailleurs, que le contrat de vente encourt l’annulation, au motif que leur consentement aurait été vicié par des manoeuvres dolosives de la société venderesse.

Selon l’article 1116 ancien du code civil dans sa rédaction applicable à l’espèce, “le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces manoeuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé”.

En l’espèce, les manoeuvres dolosives que les époux [T] prêtent à la société venderesse ne sont pas établies.

Les acquéreurs font, en effet, valoir que le commercial de la société venderesse leur a remis un document rempli de sa main, intitulé ‘ Synthèse financière’ et que ce document s’est révélé mensonger en ce qu’il promettait des gains annuels de 3 563 euros, soit 296 euros par mois, sur la base d’une production à la revente de 1 750 euros par an dès la première année, alors que la revente n’a rapporté que 500 euros et a chuté à moins de 200 euros à compter de la troisième année. Les époux [T] soulignent, en outre, que le crédit d’impôt qui leur a été octroyé était beaucoup moins important que celui indiqué par le commercial et que leur consommation d’électricité a augmenté fortement après l’installation des panneaux photovoltaïques.

Cependant, s’il est exact que le montant du crédit d’impôt et le prix de la revente d’électricité pour la première année ont été notablement inférieurs à ceux figurant sur la synthèse financière, le document précise que la somme de 3 563 euros, constitue une moyenne annuelle sur vingt ans, de sorte que la rentabilité de l’installation doit être appréciée sur cette durée.

Cela est d’autant plus vrai que le prix de l’électricité est amené à augmenter très fortement à compter de l’année 2023.

De plus, il y a lieu d’intégrer dans les gains le coût de l’électricité consommée par les époux [T] pour satisfaire leurs besoins domestiques, seul le surplus de leur production étant revendu à la société ERDF.

Enfin, les époux [T] déplorent une augmentation de leur consommation d’électricité, mais sans démontrer qu’elle serait imputable à l’installation dont ils ont fait l’acquisition.

Il n’est donc pas établi que, sur une période de vingt ans, la simulation financière de la société venderesse, est erronée, comme le soutiennent les acquéreurs et que, partant leur installation ne serait pas rentable sur une telle durée.

En considération de ces éléments, il apparaît que le document ‘ Synthèse financière’ ne suffit pas à établir l’existence des manoeuvres dolosives dont les époux [T] entendent se prévaloir.

C’est pourquoi ils seront déboutés de leur demande de nullité du contrat de vente et, subséquemment du contrat de crédit affecté.

III) Sur la responsabilité de la société Franfinance et les demandes indemnitaires des époux [T] dirigées à son encontre

Les époux [T] sollicitent, à titre subsidiaire et en raison des fautes commises par la banque, l’infirmation du jugement en ce qu’il les a condamnés à restituer à la société Franfinance une somme de 14 356, 76 euros, correspondant au capital prêté sous déduction des mensualités remboursées, et la condamnation de la société Franfinance à leur payer, principalement, la somme de 23 100 euros et subsidiairement, celle de 11 276 euros, à titre de dommages et intérêts.

Les fautes reprochées à la banque sont de :

– ne pas avoir vérifié la régularité du bon de commande,

– d’avoir débloqué prématurément les fonds, sans s’assurer que les prestations financées étaient entièrement achevées et avant même l’expiration du droit de rétractation dont les acquéreurs disposaient, ce qui a occasionné un préjudice qui doit être indemnisé sous la forme d’une perte de chance de ne pas contracter.

La société Franfinance soutient, en réplique, n’avoir commis aucune faute et, à titre subsidiaire, qu’il n’est démontré par les acquéreurs aucun préjudice en lien causal avec les fautes qui lui sont reprochées, dès lors que l’installation a été raccordée et fonctionne parfaitement.

Réponse de la cour

Si les motifs énoncés au paragraphe précédent suffisent à écarter les griefs émis par M. et Mme [T] à l’encontre de la société Franfinance aux motifs que celle-ci aurait commis une faute en ne vérifiant pas la régularité du bon de commande, l’exécution du contrat de crédit ne fait pas obstacle à ce que les emprunteurs recherchent la responsabilité du prêteur dans les obligations spécifiques qui lui incombent dans le cadre d’une opération économique unique.

Les demandes de dommages et intérêts formées par M. et Mme [T] sont donc recevables et il convient, dès lors, d’examiner leur bien-fondé.

M. et Mme [T] reprochent à la société Franfinance d’avoir libéré hâtivement les fonds, sans s’être assurée au préalable de l’exécution complète du contrat principal.

Dans la logique de l’opération commerciale unique, l’emprunteur ne saurait être tenu d’un engagement financier qui n’aurait pas pour contrepartie la livraison d’un bien ou l’exécution d’une prestation de service. L’article L. 312-48 du code de la consommation prévoit du reste que les obligations de l’emprunteur ne prennent effet qu’à compter de la livraison du bien ou de la fourniture de la prestation. Il est donc justifié que le prêteur s’enquière de l’exécution complète du contrat principal et ne délivre les fonds qu’après une telle exécution, sous peine de commettre une faute.

L’emprunteur qui détermine l’établissement de crédit à libérer les fonds au vu d’une attestation de livraison n’est pas recevable à soutenir ensuite, au détriment du prêteur, que le bien ne lui a pas été livré (1er Civ., 14 novembre 2001, pourvoi n° 99-15.690).

Il incombe donc au prêteur de vérifier que l’attestation de fin de travaux qui lui est adressée suffit à déterminer que la prestation promise a été entièrement achevée.

En l’espèce, le document destiné à la société Franfinance et qui a été signé par M.[T], est libellé ainsi :

‘ L’acheteur M. [T] [S] …

a réceptionné sans restriction ni réserve le bien ou la prestation objet du financement, conforme au bon de commande,

Le soussigné vendeur du bien ou de la prestation de service, objet du contrat de crédit désigné ci-dessus, certifie sous sa seule et entière responsabilité que le bien ou la prestation de services a été livrée et installée à l’entière satisfaction de l’acheteur, en conformité avec le bon de commande signé par ce dernier.

Le vendeur à Franfinance de lui adresser le montant du financement correspondant à cette opération en une seule fois … 28 190 euros’

Cette attestation est signée par l’emprunteur, datée du 10 août 2016, si elle est de nature à identifier l’opération financée, n’est pas propre à caractériser l’exécution complète du contrat principal, dès lors que le bon de commande stipulait que le raccordement au réseau et les démarches administratives étaient comprises dans la commande.

En outre, l’attestation de fin de travaux est rédigée par la société prestataire qui exprime elle-même la demande de paiement et non pas par l’emprunteur qui, par sa signature, se contente d’acquiescer à cette demande.

Ce libellé aurait dû inciter le prêteur à opérer une vérification auprès de son client pour s’assurer que les prestations avaient effectivement été achevées.

La société Franfinance a donc commis une faute en libérant les fonds sans s’assurer que la prestation financée avait été entièrement exécutée et avant l’expiration du délai de rétractation qui expirait le 24 août 2016.

Pour autant, il est constant que l’installation a été effectivement raccordée au réseau public, qu’elle fonctionne et procure des revenus aux époux [T], qu’il n’est pas établi que la rentabilité de l’installation ne sera pas celle revendiquée par la venderesse sur une durée de vingt ans, correspondant à la durée de vie de l’installation, et, que les époux [T] n’ont jamais exercé leur droit de rétractation et ne peuvent utilement prétendre qu’ils ont perdu le montant du capital prêté, les contrats de vente et de crédit n’étant point annulés, en sorte qu’ils ont reçu la contrepartie du contrat conclu avec la société venderesse et ne démontrent aucun préjudice en lien causal avec les conditions de libération du capital prêté.

Par suite, les époux [T] seront déboutés de leurs demandes en paiement de dommages et intérêts pour les montants sollicités à titre principal comme à titre subsidiaire.

IV) Sur les demandes accessoires

Les époux [T], qui succombent, seront condamnés aux dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt réputé contradictoire et par mise à disposition au greffe

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau

Déboute M. [S] [T] et Mme [L] [T], née [I], de la totalité de leurs demandes ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne in solidum M. [S] [T] et Mme [L] [T], née [I] à payer à la société Franfinance une indemnité de 2 500 euros ;

Condamne in solidum M. [S] [T] et Mme [L] [T], née [I], aux dépens de première instance et d’appel et dit que les dépens d’appel pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, par Me Stéphanie Cartier, avocat en ayant fait la demande.

– prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

 


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