Your cart is currently empty!
COUR D’APPEL
DE RIOM
Troisième chambre civile et commerciale
ARRET N°
DU : 15 Novembre 2023
N° RG 22/01144 – N° Portalis DBVU-V-B7G-F2H7
VD
Arrêt rendu le quinze Novembre deux mille vingt trois
Sur APPEL d’une décision rendue le 04 Avril 2022 par le Juge des contentieux de la protection du Tribunal Judiciaire de MOULINS (RG N°11-21-000233)
COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :
Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre
Mme Virginie THEUIL-DIF, Conseiller
Madame Virginie DUFAYET, Conseiller
En présence de : Mme Cécile CHEBANCE, Greffier placé, lors de l’appel des causes et Mme Céline DHOME, Greffier, lors du prononcé
ENTRE :
M. [S] [R]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentants : Me Fanny BOREL de la SCP ARNAUD-DEFFERIOLLES BOREL, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND (avocat postulant) et Me Aurélie ABBAL de la SCP ABBAL – CECCOTTI, avocat au barreau de MONTPELLIER (avocat plaidant)
Mme [D] [R]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentants : Me Fanny BOREL de la SCP ARNAUD-DEFFERIOLLES BOREL, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND (avocat postulant) et Me Aurélie ABBAL de la SCP ABBAL – CECCOTTI, avocat au barreau de MONTPELLIER (avocat plaidant)
APPELANTS
ET :
S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 542 097 902
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentants : Me Jean-michel DE ROCQUIGNY de la SCP COLLET DE ROCQUIGNY CHANTELOT BRODIEZ GOURDOU & ASSOCIES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND (avocat postulant) et Me Bernard BOULLOUD, avocat au barreau de GRENOBLE (avocat plaidant)
S.A. FRANFINANCE
immatriculée au RCS de NANTERRE sous le numéro B 719 807 406
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Représentants : Me Laurie FURLANINI, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND (avocat postulant) et Me Olivier LE GAILLARD de la SELARL BLG AVOCATS, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE (avocat plaidant)
S.A.S. PREMIUM ENERGY
immatriculée au RCS de BOBIGNY sous le numéro 522 019 322
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentants : Me Barbara GUTTON PERRIN de la SELARL LEXAVOUE RIOM-CLERMONT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND (avocat postulant) et Me Paul ZEITOUN de la SELARL PZA PAUL ZEITOUN, avocat au barreau de PARIS (avocat plaidant)
INTIMÉES
DÉBATS :
Après avoir entendu en application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, à l’audience publique du 21 Septembre 2023, sans opposition de leur part, les avocats des parties, Madame DUFAYET, magistrat chargé du rapport, en a rendu compte à la Cour dans son délibéré.
ARRET :
Prononcé publiquement le 15 Novembre 2023 par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme Annette DUBLED-VACHERON, Présidente de chambre, et par Mme Céline DHOME, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Exposé du litige
Selon bons de commandes en date des 15 mars et 9 juin 2016, Mme [D] [R] et M. [S] [R] ont fait l’acquisition de deux installations photovoltaïques auprès de la société Premium Energy au prix de 29 900 euros pour la première et 24 900 euros pour la seconde. La première installation a été financée par un prêt souscrit auprès de la société Sygma Banque et la seconde auprès de la société Franfinance.
Suivant exploit d’huissier en date 9 juin 2021, les consorts [R] ont fait assigner la société Premium Energy, la SA BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Sygma Banque et la SA Franfinance devant le juge des contentieux de la protection (JCP) du tribunal judiciaire de Moulins.
Ils se plaignaient notamment d’un manque de rentabilité des installations, non en adéquation avec les performances promises, outre certains manquements aux dispositions du code de la consommation, et sollicitaient notamment l’annulation du contrat de vente et, consécutivement, celle des contrats de crédits affectés, outre restitutions de droit et octroi de dommages et intérêts.
Par un jugement du 4 avril 2022, le JCP a :
– déclaré prescrite les actions en nullité du contrat du 15 mars 2016 à l’égard de la société Premium Energy et de la BNP Paribas Personal Finance,
– prononcé la nullité du protocole d’accord signé entre M. et Mme [R] à l’égard de la société Premium Energy pour ce qui concerne le contrat signé le 9 juin 2016,
– déclaré en conséquence recevable l’action de M. et Mme [R] à l’égard de la société Premium Energy pour ce qui concerne le contrat signé le 9 juin 2016,
– prononcé la nullité du contrat portant le numéro 4372 conclu le 9 juin 2016 entre M. et Mme [R] et la société Premium Energy,
– constaté la nullité subséquente du contrat de crédit affecté conclu selon offre préalable du 9 juin 2016 entre M. et Mme [R] et la société Franfinance,
– débouté M. et Mme [R] de leur demande en non remboursement du capital prêté par la société Franfinance,
– débouté M. et Mme [R] de leur demande de dommages et intérêts pour dol,
– débouté la société Premium Energy de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
– condamné solidairement en conséquence M. et Mme [R] à rembourser à la société Franfinance un somme correspondant au montant du capital emprunté déduction faite des sommes déjà versées au jour du jugement,
– dit que cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du jour où la société Franfinance aura fait parvenir par courrier recommandé une demande de paiement chiffrée de la somme due,
– ordonné la capitalisation de ces intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil,
– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné M. et Mme [R] aux dépens de l’instance à l’exception de ceux relatifs à la société Premium Energy pour le contrat du 9 juin 2016.
Les époux [R] ont interjeté appel de cette décision suivant déclaration électronique en date du 2 juin 2022.
Par des conclusions régulièrement déposées et notifiées par voie électronique le 25 juillet 2022, les appelants demandent à la cour de :
– les dire bien fondés en leur appel,
– confirmer le jugement en ce qu’il a :
– prononcé la nullité du protocole d’accord signé entre eux et la société Premium Energy le 16 juin 2017,
– déclaré recevable leur action à l’égard de la cette société pour ce qui concerne le contrat signé le 9 juin 2016 et prononcé la nullité du contrat portant le numéro 4372,
– prononcé la nullité du contrat de crédit affecté en date du 9 juin 2016 conclu avec Franfinance,
– le réformer pour le surplus et notamment en ce que le premier juge a déclaré la demande en nullité du bon de commande en date du 15 mars 2016 prescrite et rejeté l’ensemble de leurs autres prétentions,
– statuant à nouveau, vu les deux bons de commande en date des 15 mars et 9 juin 2016, vu les contrats de crédit, vu les articles L.111-1, L.111-2, L.121-17, L.121-18, L.121-23, L.311-32 du code de la consommation, à titre principal :
– prononcer la nullité des contrats conclus avec la Premium Energy,
– prononcer la nullité des contrats de crédits affectés,
– constater que la société BNP a commis une faute dans le déblocage des fonds au bénéfice de Premium Energy,
– constater que la société Franfinance a commis une faute dans le déblocage des fonds au profit de la société Premium Energy,
– en conséquence :
– dire que les sociétés BNP et Franfinance seront privées de leur droit à réclamer la restitution du capital prêté,
– condamner les sociétés BNP et Franfinance à leur restituer les mensualités (capital, intérêts et frais accessoires) versées,
– condamner les sociétés BNP et Franfinance au paiement de la somme de 15 000 euros de dommages et intérêts chacune,
– condamner la société Premium Energy au paiement de la somme de 15 000 euros de dommages et intérêts pour dol,
– en tout état de cause, condamner les mêmes à leur payer la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de première instance et d’appel.
Par conclusions régulièrement déposées et notifiées par voie électronique le 2 novembre 2022, la SAS Premium Energy demande à la cour, au visa des articles L.111-1 et suivants du code de la consommation, ancien 1338 du code civil, 1231-1 du code civil, 32-1 du code de procédure civile, de :
– la déclarer recevable et bien fondée en toutes ses demandes,
– confirmer le jugement sauf en ce qu’il :
– a annulé le protocole d’accord transactionnel,
– a annulé le bon de commande du 9 juin 2016,
– l’a déboutée de sa demande d’indemnisation au titre de la procédure abusive,
– rejeter toutes les prétentions et demandes formées à son encontre par les consorts [R],
– rejeter toutes les prétentions et demandes formées à son encontre par la société BNP,
– rejeter toutes les prétentions et demandes formées à son encontre par la société Franfinance,
– in limite litis :
– sur la prescription des demandes des consorts [R] :
‘ confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a déclaré prescrite l’action en nullité formelle exercée contre le contrat conclu le 15 mars 2016,
‘ déclarer que l’action en nullité pour vice de consentement formée à l’encontre du contrat conclu le 15 mars 2016 est prescrite depuis le 15 mars 2021,
‘ en conséquence, déclarer irrecevables les actions des consorts [R] sur ces fondements,
– sur la fin de non-recevoir tirée de la signature d’un protocole d’accord avec les consorts [R] :
‘ infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a annulé le protocole d’accord transactionnel,
‘ statuant à nouveau, déclarer qu’il y a une identité d’objet et de cause entre le protocole d’accord et les présentes demandes,
‘ en conséquence, déclarer irrecevable l’ensemble des demandes des consorts [R],
– à titre principal sur la demande de nullité des contrats conclus entre elle et les consorts [R] les 15 mars et 9 juin 2016 aux motifs de prétendus manquements aux dispositions du code de la consommation :
– juger qu’elle a respecté les dispositions prescrites par les articles L.111-1 et suivants du code de la consommation,
– juger qu’en signant les bons de commande aux termes desquels étaient indiquées les conditions de forme des contrats conclus à distance imposées par le code de la consommation, en ayant lu et approuvé les bons de commande (conditions générales de vente incluses), les consorts [R] ne pouvaient ignorer les prétendus vices de forme affectant les bons de commande souscrits,
– juger qu’en laissant libre accès à leur domicile aux techniciens, par l’acceptation sans réserve des travaux effectués par elle, en laissant les contrats se poursuivre et en procédant au remboursement des échéances des prêts souscrits auprès des banques, les consorts [R] ont manifesté leur volonté de confirmer l’acte prétendument nul,
– juger que par tous les actes volontaires d’exécution des contrats accomplis postérieurement à leur signature, les consorts [R] ont manifesté leur volonté de confirmer les bons de commande prétendument nuls,
– en conséquence, infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a déclaré nul le bon de commande signé le 9 juin 2016 et débouter les consorts [R] de leur demande tendant à faire prononcer l’annulation des contrats de vente conclus auprès d’elle sur le fondement de manquements aux dispositions du code de la consommation,
– à titre subsidiaire, sur les demandes indemnitaires formulées par les consorts [R] à son encontre sur le fondement d’un prétendu dol :
– juger que les consorts [R] succombent totalement dans l’administration de la preuve du dol qu’ils invoquent,
– juger l’absence de dol affectant le consentement des consorts [R] lors de la conclusion des contrats de vente,
– en conséquence, confirmer le jugement dont appel et débouter les consorts [R] de l’intégralité de leurs demandes indemnitaires formulées au soutien d’un prétendu dol,
– à titre très subsidiaire, et si par l’extraordinaire la cour déclarait le contrat nul,
– sur les demandes indemnitaires formulées par la BNP à son encontre :
‘ juger qu’elle n’a commis aucune faute dans l’exécution du contrat de vente conclu,
‘ juger que la société Sygma a commis des fautes dans la vérification du bon de commande et la libération des fonds, notamment au regard de sa qualité de professionnel du crédit,
‘ juger qu’elle ne devra pas être tenue de restituer à la société Sygma les fonds empruntés par les consorts [R] augmentés des intérêts,
‘ juger qu’elle ne sera pas tenue restituer à la société Sygma les fonds perçus,
‘ juger qu’elle ne sera pas tenue de garantir la société Sygma,
‘ en conséquence, confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a débouté la BNP de toutes ses demandes formulées à son encontre,
– sur les demandes indemnitaires formulées par la Franfinance à son encontre:
‘ juger qu’elle n’a commis aucune faute dans l’exécution du contrat de vente conclu,
‘ juger que la société Franfinance a commis des fautes dans la vérification du bon de commande et la libération des fonds, notamment au regard de sa qualité de professionnel du
crédit,
‘ juger qu’elle ne sera pas tenue de restituer à la société Franfinance les fonds empruntés par les consorts [R] augmentés des intérêts,
‘ juger qu’elle ne sera pas tenue restituer à la société Franfinance les fonds perçus,
‘ juger qu’elle ne sera pas tenue de garantir la société Franfinance,
‘ en conséquence, confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a débouté la société Franfinance de toutes ses demandes formulées à son encontre,
– en tout état de cause :
– infirmer le jugement et condamner solidairement les consorts [R] à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison du caractère parfaitement abusif de l’action initiée par ces derniers,
– condamner solidairement les consorts [R] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner in solidum les consorts [R] aux entiers dépens.
Suivant conclusions régulièrement déposées et notifiées par voie électronique le 5 octobre 2022, la SA BNP Paribas Personal Finance demande à la cour de :
– confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
– en conséquence, à titre principal :
– déclarer irrecevables pour cause de prescription quinquennale les demandes des époux [R] tendant à l’annulation du contrat de vente et subséquemment, du contrat accessoire de crédit affecté, et tendant à l’engagement de sa responsabilité pour faute,
– débouter les époux [R], mal fondés pour le surplus de leurs demandes,
– à titre subsidiaire :
– débouter les époux [R], mal fondés en toutes leurs demandes,
– condamner solidairement les époux [R] à poursuivre l’exécution du contrat de crédit aux clauses et conditions initiales,
– plus subsidiairement, si le contrat l’unissant aux époux [R] était annulé :
– remettre les parties dans l’état où elles se trouvaient antérieurement à la conclusion de celui-ci,
– en conséquence, condamner solidairement les époux [R] à lui rembourser le capital financé, outre les intérêts au taux légal à compter du déblocage des fonds, déduction faite des versements ayant déjà pu intervenir,
– ordonner que le montant de ce remboursement soit assorti d’un intérêt au taux légal avec capitalisation dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil,
– en tout état de cause, condamner solidairement les époux [R] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Suivant conclusions régulièrement déposées et notifiées par voie électronique le 21 octobre 2022, la SA Franfinance demande à la cour, au visa des articles 1134 et 1135 du code civil, L.111-1 et suivants du code de la consommation en sa version alors applicable, de :
– à titre principal :
– réformer le jugement en ce qu’il a prononcé la nullité du protocole d’accord signé entre les époux [R] et la société Premium Energy le 16 juin 2017 et déclaré en conséquence recevable l’action des époux [R] à l’égard de la société Premium Energy pour ce qui concerne le contrat signé le 9 juin 2016,
– débouter en conséquence les époux [R] de leur demande tendant à obtenir la nullité du protocole d’accord régularisé le 16 juin 2017 avec la société Premium Energy,
– déclarer irrecevables les demandes formulées par les époux [R] au titre de la fin de non-recevoir tirée de l’existence dudit protocole d’accord et réformer en ce sens le jugement déféré,
– à titre subsidiaire :
– réformer le jugement en ce qu’il a prononcé la nullité du contrat portant le numéro 4372 conclu le 9 juin 2016 et constaté la nullité subséquente du contrat de crédit affecté conclu entre elle et les époux [R],
– en conséquence et statuant de nouveau, débouter les époux [R] de leurs demandes, fins et prétentions,
– à titre très subsidiaire, si l’anéantissement du crédit litigieux devait être confirmé, confirmer le jugement rendu en ce qu’il a :
– débouté les époux [R] de leur demande tendant à la voir priver de sa créance de restitution,
– condamné solidairement les époux [R] à lui payer et porter une somme correspondant au capital emprunté, déduction faite des sommes déjà versées,
– en tout état de cause :
– ordonner la capitalisation des intérêts,
– débouter les époux [R] de toutes autres demandes, notamment indemnitaires,
– condamner in solidum les époux [R] à lui payer et porter la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner in solidum les époux [R] aux entiers dépens de l’instance,
– dire que, dans l’hypothèse où, à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées, l’exécution devra être réalisée par l’intermédiaire d’un huissier de justice, le montant
des sommes retenues par l’huissier, en application de l’article R.444-55 du code de commerce et son tableau 3-1 annexé, devra être supporté par le débiteur, en sus de l’application de l’article 700 du code de procédure civile, l’article L.111-8 du code des procédures civiles d’exécution ne prévoyant qu’une simple faculté de mettre à la charge du créancier les dites sommes.
Il est renvoyé aux dernières écritures des parties pour l’exposé complet de leurs prétentions et moyens.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 25 mai 2023.
Motivation de la décision
1/ Sur la prescription de l’action en nullité du contrat conclu le 15 mars 2016
Le JCP a retenu que le point de départ du délai de prescription de l’action en nullité du bon de commande conclu en méconnaissance des dispositions de l’article L.121-23 du code de la consommation en raison d’irrégularités formelles, se situait nécessairement à la date du bon de commande, et non à une date non précisée par les époux [R] à laquelle ils auraient pris conscience que l’installation des panneaux photovoltaïques n’était pas aussi intéressante que prévue.
Les appelants soutiennent que leur action en nullité contre le contrat de vente du 15 mars 2016 n’est pas prescrite car d’une part ils ne pouvaient pas se rendre compte immédiatement de l’inefficacité de leur installation, ce constat nécessitant plusieurs années d’exploitation. D’autre part, ils indiquent que la banque ne démontre pas que les mentions complètes de l’article L.121-23 du code de la consommation ont été littéralement reproduites sur le bon de commande, de sorte qu’en leur qualité de consommateurs profanes ils n’avaient pas connaissance de ces mentions obligatoires.
La société Premium Energy indique qu’en ce qui concerne la nullité formelle soulevée, la prescription commence à courir à compter de la signature du contrat. En effet, les conditions générales de vente reprennent in extenso les articles L.111-1, L.111-2, L.121-18-1, L.121-21 et suivants du code de la consommation. Les époux [R] ont ainsi eu tout loisir, dès la signature du contrat et même dans le délai de rétractation, de prendre connaissance des dispositions légales applicables. L’assignation ayant été délivrée le 9 juin 2021, soit plus de cinq ans après la signature du contrat, la prescription est acquise. En ce qui concerne la nullité pour vice du consentement, les appelants ne peuvent fonder leur demande de dol sur le prétendu autofinancement de l’investissement réalisé car elle ne s’est jamais engagée sur une rentabilité de l’opération.
La SA BNP Paribas Personal Finance indique que s’agissant des irrégularités formelles du bon de commande, les époux [R] pouvaient s’en apercevoir dès la souscription du contrat. S’agissant du prétendu non-respect des dispositions du code de la consommation, elle indique que seule l’omission d’une mention, mais pas son imprécision, pourrait entraîner la nullité du contrat, or en l’espèce il n’y a aucune omission.
Sur ce, il résulte des dispositions de l’article 2224 du code civil que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
Ainsi, le point de départ de la prescription de l’action en nullité fondée sur l’irrégularité du contrat principal est la date de la convention lorsque l’examen de sa teneur permet de constater l’irrégularité.
Tel est le cas en l’espèce de l’action fondée sur le non-respect des dispositions de l’article L121-23 du code de la consommation concernant les mentions obligatoires devant figurer sur le bon de commande, d’autant que le contrat comporte de manière très lisible la reproduction intégrale des articles L121-23 à L121-26 permettant au client, même non averti, de vérifier la conformité de son contrat à ces dispositions.
L’action en nullité introduite le 9 juin 2021 soit plus de cinq ans après la conclusion du contrat du 15 mars 2016 sera en conséquence déclarée prescrite.
S’agissant de la demande d’annulation du contrat pour dol, si les appelants évoquent un tel dol dans leurs développements relatifs à la prescription, force est de constater qu’ils ne développent ensuite aucune argumentation au fond sur la nullité du contrat pour dol, de sorte que l’examen de la prescription sur ce fondement, outre qu’elle n’est pas explicitement argumentée, se révèle sans objet.
Par suite, la décision sera confirmée en ce qu’elle a déclaré prescrite l’action en nullité du contrat de vente du 15 mars 2016 et, consécutivement, du contrat de prêt souscrit auprès de la société BNP Paribas Personal Finance pour financer cette commande.
2/ Sur la nullité du bon de commande du 9 juin 2016
– sur la fin de non-recevoir tirée de la transaction du 17 juin 2017 entre les époux [R] et la société Premium Energy
Le JCP a écarté cette fin de non-recevoir, estimant que la transaction ne répondait pas aux exigences du code civil en terme de concessions réciproques, la contrepartie de la renonciation à toute action judiciaire de la part des consorts [R] étant prévue en échange d’une somme de 600 euros.
La société Premium Energy conteste le déséquilibre de la transaction conclue. Elle estime que c’est à tort que le JCP a rapporté le montant de l’indemnité transactionnelle au montant du contrat pour en vérifier l’équilibre. Cette indemnité devait être évaluée uniquement par rapport aux reproches formulés par les époux [R].
La SA Franfinance rappelle que le protocole transactionnel était destiné à mettre un terme à tout litige relatif à la régularité du bon de commande, la fourniture et la productivité de l’installation. Or, au visa de l’article 2052 du code civil, les transactions ont entre les parties autorité de chose jugée.
Les appelants n’ont développé aucune argumentation sur ce point.
Sur ce, il résulte des dispositions de l’article 2044 du code civil que la transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître.
L’article 2052 du même code prévoit que la transaction fait obstacle à l’introduction ou à la poursuite entre les parties d’une action justice ayant le même objet.
Le protocole d’accord transactionnel signé entre les parties le 16 juin 2017 indique en son préambule ceci :
‘Conformément à ses engagements, la société Premium Energy a adressé un chèque de 711,72 euros aux consorts [R] en vu de permettre le report de 6 mois concernant les mensualités à venir sur la première installation.
Toutefois les consorts [R] ont fait état de ce que le délai d’obtention des subventions à savoir crédit d’impôt et récupération de la TVA sur les deux équipements commandés, n’allait pas coïncider avec les premières échéances de Sygma Banque.
Ainsi, ils ont demandé la prise en charge de deux mensualités à la société Premium Energy.
Consciente de la situation, la société Premium Energy a entendu faire exceptionnellement droit aux demandes des consorts [R].
C’est pourquoi, après de nombreux échanges, les parties ont finalement décidé, dans le but de clore le contentieux judiciaire ouvert, et d’écarter les coûts engendrés par son existence, de mettre un terme à leur différend par concessions réciproques contenues dans la présente transaction.’
Il résulte très clairement de ce préambule que le litige était ainsi très circonscrit et portait sur la prise en charge de deux mensualités du prêt dans l’attente de la perception par les époux [R] du crédit d’impôts inhérent à leur installation et la récupération de la TVA.
La transaction n’avait ainsi pas le même objet que leur action en justice, laquelle visait à obtenir, aux termes de leur assignation, la nullité du contrat pour manquements aux dispositions du code de la consommation et dol.
La décision sera confirmée, par substitution de motifs, en ce qu’elle a déclaré l’action des consorts [R] recevable, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la nullité de cette transaction.
– sur le fond
Le JCP a retenu que ‘si le bon de commande indique le nombre, la marque et la puissance de panneaux photovoltaïques et fournit les caractéristiques techniques des onduleurs et liste les matériaux divers nécessaires à cette installation il ne porte aucune information concernant le rendement et les performances dudit système, alors qu’il s’agit là d’une des informations essentielles pour guider le choix du consommateur dans le choix de l’installation’ ; que ‘cette absence est en parfaite contradiction avec la mention portée au bas de la première page selon laquelle ‘le rendement des panneaux photovoltaïques est garanti 25 ans’ puisque le consommateur ignore au terme de son engagement les rendements et les performances escomptés.’
Ainsi, et sans examiner les autres griefs, le JCP en a conclu que le manque d’information sur le rendement de l’installation suffisait à annuler le contrat, car il s’agissait d’un élément déterminant.
Au soutien de leur demande de nullité du bon de commande, les appelants rappellent qu’il a été conclu dans le cadre d’un démarchage à domicile.
Ils font valoir les irrégularités suivantes :
– la puissance des panneaux est précisée mais aucune mention n’est faite de la taille et du poids des panneaux et des modalités de leur pose en toiture,
– il n’est fourni aucune précision sur l’onduleur vendu, sur sa puissance et sur les démarches administratives que le vendeur s’engage à exécuter,
– le prix de chacun des biens ou services vendus composant le kit photovoltaïque n’est pas précisé,
– le nom du démarcheur est illisible,
– les délais de livraison et d’exécution des prestations ne sont pas mentionnés avec précision.
Il manque donc des informations sur les caractéristiques essentielles de l’installation.
Ils ajoutent que le bon de rétractation était absent et qu’ils n’ont pas été informés de ce droit.
La SA Premium Energy prétend que toutes les mentions requises au titre des caractéristiques essentielles de l’installation figurent au bon de commande. La puissance en Wc de l’installation est indiquée et c’est elle qui a un impact direct sur la production d’énergie et permet d’effectuer des comparaisons entre produits. La loi n’impose pas de préciser le rendement ou les performances.
S’agissant des autres données manquantes selon les appelants, elle fait observer qu’elles ne sont pas exigées par les textes qui ne font état que des caractéristiques essentielles.
Elle fait observer qu’au surplus ils n’ont émis aucune réserve à la réception des installations.
Sur les autres griefs, elle répond que :
– aucun texte n’exige que figure la mention du prix unitaire des matériels et que la mention du prix de l’installation est suffisante,
– le nom du démarcheur est parfaitement lisible comme étant [M] [B],
– les mentions relatives au délai de livraison sont très claires, a savoir un délai maximum de 4 mois,
– le bon de commande comporte bien un bon de rétractation et celui-ci est régulier.
Elle ajoute que les appelants ont réceptionné sans réserve l’installation, ce qui les empêche de remettre en cause la validité formelle du contrat et qu’il y a lieu de considérer, en cas de nullité prononcée, qu’ils ont confirmé l’acte nul en : laissant accès à leur domicile pour l’exécution des travaux, acceptant sans réserve la réception des travaux, sollicitant les deux banques pour le déblocage des fonds, la sollicitant pour les représenter auprès d’ENEDIS pour les démarches à effectuer en vue du raccordement, procédant au paiement régulier des échéances pendant 5 ans.
La SA Franfinance conclut également à la parfaite conformité du bon de commande aux dispositions du code de la consommation.
Sur ce, s’agissant d’un contrat conclu hors établissement le 9 juin 2016, il est en conséquence régi par les dispositions des articles L.121-16 et suivants du code de la consommation applicables à la date de signature du contrat, soit les dispositions du code de la consommation postérieures à la loi n°2014-33 du 17 mars 2014, mais antérieures à l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 entrée en vigueur le 1er juillet 2016.
Aux termes de l’article L.121-17 du code de la consommation applicable à l’espèce, préalablement à la conclusion d’un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, notamment les informations suivantes :
1° les informations prévues aux articles L.111-1 et L.111-2 ;
2° lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d’exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu’il contient sont fixées par décret en Conseil d’Etat.
Les informations de l’article L.111-1 que le professionnel communique au consommateur sont les suivantes :
1° les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné ;
2° le prix du bien ou du service, en application des articles L.113-3 et L.113-3-1 ;
3° en l’absence d’exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s’engage à livrer le bien ou à exécuter le service ;
4° les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu’elles ne ressortent pas du contexte, ainsi que, s’il y a lieu, celles relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique et, le cas échéant, à son interopérabilité, à l’existence et aux modalités de mise en ‘uvre des garanties et aux autres conditions contractuelles. La liste et le contenu précis de ces informations sont fixés par décret en Conseil d’Etat.
Selon l’article L.121-21, le consommateur dispose d’un délai de quatorze jours pour exercer son droit de rétractation d’un contrat conclu à distance, à la suite d’un démarchage téléphonique ou hors établissement, sans avoir à motiver sa décision ni à supporter d’autres coûts que ceux prévus aux articles L.121-21-3 à L.121-21-5.
Le délai mentionné au premier alinéa court à compter du jour :
– de la conclusion du contrat, pour les contrats de prestation de services et ceux mentionnés à l’article L.121-16-2 ;
– de la réception du bien par le consommateur ou un tiers, autre que le transporteur, désigné par lui, pour les contrats de vente de biens et les contrats de prestation de services incluant la livraison de biens.
Dans le cas d’une commande portant sur plusieurs biens livrés séparément ou dans le cas d’une commande d’un bien composé de lots ou de pièces multiples dont la livraison est échelonnée sur une période définie, le délai court à compter de la réception du dernier bien ou lot ou de la dernière pièce.
Aux termes de l’article L.121-18-1, le professionnel fournit au consommateur un exemplaire du contrat conclu, sur papier signé par les parties ou, avec l’accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l’engagement exprès des parties. Ce contrat comprend à peine de nullité, toutes les informations mentionnées au I de l’article L.121-17. Le contrat est accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° du I de l’article L.121-71.
En l’espèce, la description du bien vendu figurant au bon de commande est la suivante:
‘- installation photovoltaïque d’une puissance de 4500 Wc comprenant
– 16 panneaux SOLUXTEC* de 250 Wc
– Onduleur EATON- Onduleur EFFEKTA* – Onduleur SolarEdge – 6 abargements latéraux- 2 abargements gauche/droite – 3 abargements centraux – 4 abargements de jonction- 20 mètres de WAKAFLEX- 6 mètres de mousse expansive – 50m d’écran sous toiture – 150 de câbles mm² – 15 connecteurs mâle-femelle – 5 clips de sécurité – boîtier AC/DC*
– obtention du contrat de rachat EDF GARANTI 20 ANS
– démarches administratives (Mairie, Consuel, ERDF)
– le raccordement au réseau ERDF est pris en charge par la FÉDÉRATION HABITAT ECOLOGIQUE à concurrence de 1 200 €. Le passage des câbles entre le compteur et l’onduleur est inclus.’
Les trois signes ‘*’ figurant à la suite des panneaux, de l’onduleur et du boîtier AC-DC renvoient pour chacun à une description plus précise du bien avec des données techniques relatives à la puissance pour les panneaux, à la puissance, les dimensions et le poids pour l’onduleur, au contenu du coffret AC/DC.
Il apparaît ainsi que, contrairement à ce qu’a retenu le premier juge, l’installation est décrite de façon très précise dans ses caractéristiques essentielles que sont notamment le nombre de panneaux et leur puissance unitaire, la puissance de l’onduleur, les modalités d’installation. Le fait qu’il n’y ait pas de précision sur le rendement de l’installation non seulement n’est pas exigée par les textes, mais surtout ne peut être déterminé à ce stade puisque le rendement qui correspond à l’énergie de part solaire transformée en électricité, dépendra essentiellement de l’ensoleillement de la zone géographique dans laquelle l’installation se situe. Seule peut être déterminée la puissance de l’installation, laquelle est clairement exprimée comme il se doit en Watts crête (Wc).
En outre, le nom du démarcheur apparaît de façon très lisible à savoir [M] [B].
Le contrat produit par les appelants eux-mêmes comporte bien le formulaire de rétractation.
Enfin, les conditions générales de vente fixent un délai maximum de livraison de 4 mois et la prise en charge des démarches administratives est clairement attribuée au vendeur.
Il s’ensuit que le bon de commande est conforme aux dispositions du code de la consommation.
La cour observe que les appelants ne développent pas de moyens au soutien d’une demande autonome de nullité du contrat de crédit, sans lien avec le contrat principal.
La décision sera infirmée en ce qu’elle a prononcé la nullité du contrat portant le numéro 4372 conclu le 9 juin 2016 et constaté la nullité subséquente du contrat de crédit affecté souscrit auprès de la société Franfinance.
3/ Sur la demande de dommages et intérêts de la société Premium Energy
La décision sera confirmée en ce qu’elle a débouté la société Premium Energy de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, aucun abus du droit d’agir n’étant caractérisé de la part des consorts [R].
4/ Sur les frais irrépétibles et les dépens
Succombant en leur appel, les consorts [R] en supporteront les dépens, sans qu’il y ait lieu de leur faire supporter le droit proportionnel mis à la charge du créancier par l’article R.444-55 du code de commerce relatif au tarif des huissiers de justice.
L’équité commande cependant de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement, par substitution partielle de motifs, en ce qu’il a :
– déclaré prescrite les actions en nullité du contrat du 15 mars 2016 à l’égard de la société Premium Energy et de la BNP Paribas Personal Finance,
– déclaré recevable l’action de M. et Mme [R] à l’égard de la société Premium Energy pour ce qui concerne le contrat signé le 9 juin 2016,
– débouté la société Premium Energy de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Infirme le jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau,
Déboute Mme [D] [R] et M. [S] [R] de l’ensemble de leurs demandes,
Déboute les parties de leurs demandes au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [D] [R] et M. [S] [R] aux dépens de l’entière procédure de première instance et d’appel, sans qu’il y ait lieu de leur faire supporter le droit proportionnel mis à la charge du créancier par l’article R.444-55 du code de commerce relatif au tarif des huissiers de justice.
Le Greffier La Présidente