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COUR D’APPEL
de
VERSAILLES
Code nac : 80A
21e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 12 JANVIER 2023
N° RG 20/02802 – N° Portalis DBV3-V-B7E-UGJ4
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 19 novembre 2020 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOULOGNE-BILLANCOURT
N° Section : E
N° RG : F 18/01541
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Antoine PASQUET
Me Stéphanie ROUBINE
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Le 12 janvier 2023,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
S.A.S. MI-GSO
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentant : Me Antoine PASQUET de la SCP LEURENT & PASQUET, constitué / postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : K117 – Me Laurent GUYOMARCH de la SELARL GUYOMARCH-SEYTE AVOCATS, plaidant, avocat au barreau de TOULOUSE, vestiaire : 46
APPELANTE
***
Madame [S] [O]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, constitué / postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 – Me Stéphanie ROUBINE de la SELEURL CABINET STEPHANIE ROUBINE CSR, plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D1100
INTIMEE
***
Composition de la cour
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 24 octobre 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Odile CRIQ, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Thomas LE MONNYER, Président,
Madame Odile CRIQ, Conseiller,
Madame Véronique PITE, Conseiller,
Monsieur Mohamed EL GOUZI, greffier lors des débats.
FAITS ET PROCÉDURE
Mme [O], née le 23 septembre 1983 à Brisbane (Australie), a été engagée à compter du 28 janvier 2013 en qualité de responsable de recrutement, par la société MI-GSO, selon contrat de travail à durée indéterminée.
L’entreprise emploie plus de dix salariés et relève de la convention collective des bureaux d’études techniques dite Syntec.
Les parties ont conclu le 25 juin 2018 une rupture conventionnelle, laquelle a été homologuée par l’autorité administrative, la rupture du contrat intervenant le 13 août 2018.
Le 4 septembre 2018, par l’intermédiaire de son conseil, Mme [O] a contesté la rupture conventionnelle.
Mme [O] a saisi, le 17 décembre 2018, le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt aux fins d’entendre prononcer la nullité de la rupture conventionnelle, dire qu’elle devait produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamner la société au paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.
La société s’est opposée aux demandes de la requérante et a sollicité sa condamnation au paiement d’une somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement rendu le 19 novembre 2020, notifié le 2 décembre 2020, le conseil a statué comme suit :
Dit et juge que la rupture conventionnelle est nulle et produit les effets licenciement sans cause réelle et sérieuse
Condamne la société MI-GSO à verser à Mme [O] les sommes suivantes :
– 13 599,81 euros au titre du préavis de licenciement
– 1359 euros au titre de congés payés sur préavis
– 10 213,55 euros à titre d`indemnité légale de licenciement
– 18 133 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
– 10 000 euros au titre des dommages-intérêts au titre du harcèlement moral
– 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Rappelle que l’article R. 1454-28 du Code du travail réserve l’exécution provisoire au paiement des sommes dues au titre des rémunérations et indemnités mentionnées à l’article R. 1454-14 du même code,
Dit qu’il n’y a pas lieu d’ordonner l’exécution provisoire du surplus
Déboute Mme [O] du surplus de ses demandes.
Reçoit la société MI-GSO en ses demandes reconventionnelles et dit qu’il y a lieu à remboursement de l’indemnité de rupture conventionnelle perçue de 10 000 euros et autorise la compensation à hauteur de cette somme avec l’indemnité conventionnelle de licenciement à régler
Condamne la société MI-GSO aux éventuels dépens,
Ordonne le remboursement par la société MI-GSO à Pôle emploi des indemnités de chômage payées à Mme [O] à la suite de son licenciement, dans la limite de quatre mois.
Le 10 décembre 2020, la société MI-GSO a relevé appel de cette décision par voie électronique.
Par ordonnance rendue le 19 octobre 2022, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 24 octobre 2022.
‘ Aux termes de ses dernières conclusions, remises au greffe le 18 octobre 2022, la société MI-GSO demande à la cour de :
A titre principal :
Réformer le jugement de première instance en ce qu’il a dit et jugé que la rupture conventionnelle est nulle et produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’a condamnée au paiement de 13 599,81 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et 1 358 euros au titre des congés payés afférents, 10 213, 55 euros au titre de l’indemnité de licenciement, 18 133 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 10 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral, 1 000 euros sur le fondement de l’articIe 700 du code de procédure civile et au paiement des entiers dépens, au remboursement à Pole Emploi des indemnités de chômage payées à Mme [O], dans la limite de 4 mois.
Et statuant à nouveau :
Dire et juger que la rupture conventionnelle est exempte de nullité.
Dire et juger que Mme [O] n’a été victime d’aucun harcèlement moral.
Débouter Mme [O] de l’ensemble de ses prétentions (indemnité compensatrice de préavis, congés payés sur préavis, indemnité de licenciement, dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, dommages et intérêts pour harcèlement moral, indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile, remboursement de l’indemnité chômage allouée à Mme [O] dans la limite de 4 mois).
Condamner, à titre reconventionnel, Mme [O] au paiement de 4 000 euros au titre de I’article 700 du code de procédure civile et au paiement des entiers dépens.
A titre subsidiaire, si par extraordinaire, la cour devait entrer en voie de condamnation :
Dire et juger que l’intimée ne rapporte pas la preuve d’un préjudice à hauteur du quantum de ses prétentions et du niveau de condamnation retenu par le jugement de première instance,
Réformer le jugement de première instance en limitant l’octroi de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur une base limitée à 3 mois de salaires, à savoir 9 000 euros bruts.
‘ Selon ses dernières conclusions notifiées le 17 octobre 2022, Mme [O] demande à la cour de :
Confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a :
– prononcé la nullité de l’acte de rupture conventionnelle intervenue entre les parties ;
– dit et jugé que la rupture conventionnelle produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– condamné la société MI-GSO à lui payer les sommes suivantes :
– 13 599,81 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre 1359 euros de congés payés
– 10 213,55 euros au titre de l’indemnité de licenciement
– intérêt de droit au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes,
– 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Infirmer le jugement pour le surplus et sur le quantum :
Condamner la société MI GSO à lui payer :
– 54 399,24 euros (12 mois) au titre des dommages-intérêts au titre du harcèlement moral
– 27 199,62 euros (6 mois) au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Infirmer la décision en ce qu’elle a considéré qu’elle échoue à rapporter la preuve du non -respect de l’obligation de sécurité, et statuant à nouveau condamner la société MI GSO à lui payer la somme de 18 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de sécurité et de résultat.
Condamner la société MI GSO à lui payer la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 en cause d’appel.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.
MOTIFS
I- Sur la nullité de la rupture conventionnelle
Mme [O] conclut à la nullité de la rupture conventionnelle en faisant valoir que son consentement a été vicié et avoir subi un harcèlement moral.
Sur le harcèlement moral
Au soutien de sa demande tendant à voir reconnaître l’existence d’un harcèlement moral, la salariée fait valoir que ‘l’entreprise n’avait aucune intention de lui permettre de récupérer son poste à son retour d’Australie’ où elle a été détachée après avoir fait état des comportements déplacés dont des collègues étaient victimes, et a tout mis en ‘uvre pour la forcer à accepter un poste à [Localité 5] (après avoir pris soin de démissionner) ou à [Localité 6] ( en étant rétrogradé). Elle indique n’avoir jamais repris ses fonctions depuis son retour d’Australie, M. [P] ayant repris son poste depuis son départ. Elle ajoute que la société ne pouvait être en mesure de lui proposer de reprendre ses fonctions puisque son poste n’était plus disponible, de sorte qu’il ‘lui a été demandé voir imposer de solliciter une rupture conventionnelle. C’est dans ce contexte que tout a été mis en ‘uvre pour la forcer à signer une rupture conventionnelle. Lorsqu’elle a sollicité le retour à son poste, la société l’a convoqué à un entretien en vu d’un éventuel licenciement avec mise à pied à titre conservatoire !’. La salariée fait par ailleurs état de violences morales et physiques pour la forcer à signer la rupture conventionnelle .
La société réfute avoir exercé un quelconque harcèlement moral.
Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En vertu de l’article L. 1154-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Il est constant que par avenant à son contrat de travail en date du 30 octobre 2017, Mme [O] a accepté d’exercer temporairement ses fonctions à Sydney (Australie) du 20 novembre 2017 au 30 avril 2018.
La salariée affirme que ce départ serait intervenu après qu’elle ait fait état de plusieurs comportements déplacés à l’encontre de salariés de son service.
La salariée produit aux débats, une attestation de Mme [Z], établie en 2022, aux termes de laquelle cette ancienne collègue indique avoir été victime de harcèlement sexuel au sein de la société de la part de M. [L].
En l’état de cette seule pièce, Mme [O] ne justifie en aucune façon avoir été avisée des faits ainsi dénoncés par Mme [Z], ni d’avoir rapporté de quelconques agissements fautifs dont des salariés auraient été victimes au sein de l’entreprise. Il n’est pas établi que son détachement temporaire soit en lien avec une alerte qu’elle aurait portée à la direction relativement à des comportements déplacés dont des salariés auraient été victimes.
Suivant mail en date du 19 mars 2018, Mme [O] remerciait l’employeur de l’opportunité qui lui était faite de travailler au bureau de Sydney, proposition qu’elle déclinait, et lui rappelait le terme de l’avenant à la fin du mois d’avril tout en indiquant être ouverte à une prolongation du contrat jusqu’à la mi mai,
La salariée est revenue en France le 21 mai 2018,
Au cours du mois d’avril 2018, il a été proposé à la salariée deux postes, le premier situé à [Localité 6], le second à [Localité 5] auprès de la société Alten UK.
La salariée ne fournit aucun élément de nature à accréditer la thèse selon laquelle elle aurait subi une quelconque pression pour accepter les postes situés à [Localité 6] et [Localité 5].
Elle établit :
– avoir été convoquée le 11 mai 2018 par l’employeur à un entretien sur une éventuelle rupture conventionnelle, la convocation précisant que la salariée a indiqué en avoir exprimé le désir de mettre fin au contrat de travail dans ce cadre,
– le 13 juin 2018, M. [C], président de la société avait signé un projet de rupture prévoyant une indemnité de 88 317 euros,
– à l’issue de cet entretien, elle a sollicité un délai de réflexion en informant l’employeur avoir pris attache avec son conseil, le président lui accordant un délai de deux semaines tout en l’autorisant à télétravailler pendant cette période,
– le 20 juin, elle dénonce par lettre les conditions dans lesquelles l’entretien s’est déroulé et informait la société qu’elle reprendrait ses fonctions le 25 juin :
« vous n’avez eu de cesse depuis mon retour de me laisser comme simple choix de soit signer
le contrat basé à [Localité 5] soit de signer une rupture conventionnelle en indiquant qu’à défaut
il fallait envisager une autre issue… vous m’avez alors reçu en entretien le 14 juin et avait tout mis en ‘uvre pour me forcer à signer une rupture conventionnelle. Et le mot « forcer » est faible dans la mesure ou vous avez été même jusqu’à me bloquer le passage tant que ma signature n’était pas apposée sur le document de rupture… Ne souhaitant pas me voir reprendre mes fonctions, vous m’avez adressé un courriel le 16 juin 2018 m’indiquant que vous me laissez un délai de réflexion de deux semaines pour signer la rupture et me demander d’exercer ma profession depuis mon domicile…
Compte tenu de vos pratiques très cavalières et étant désemparée par cette situation et du peu de considération que vous avez eu pour ma personne, j’ai dû consulter mon médecin qui n’a pas eu d’autre choix que de m’arrêter pour un syndrome anxio-dépressif… Je vous remercie de bien vouloir effectuer le nécessaire afin que je puisse reprendre mes fonctions dans les meilleurs conditions sans avoir à craindre une mise au placard puisque vous m’avez clairement indiqué ne plus avoir de poste pour moi. En espérant que je pourrai reprendre mes fonctions dans les meilleures conditions sans avoir à craindre que ma santé soit par vos pratiques à nouveau mise à mal… ”.
– son médecin traitant l’a arrêté du 18 au 22 juin 2018 pour syndrome anxio dépressif important,
Pris dans leur ensemble, les seuls éléments constants ou établis par la salariée font présumer l’existence d’un harcèlement.
Toutefois, force est de constater que l’employeur justifie que :
– dès le 7 mai 2018, à une date où la salariée était toujours en détachement en Australie, Mme [O] informait M. [P] qu’elle finalisait les derniers détails sur sa mobilité au sein d’Alten UK, que M. [R] devait la contacter pour fixer la date de démarrage et remerciait son interlocuteur pour cette opportunité, (pièce n°7),
– Mme [O] et M. [P] échangeaient relativement au contrat qui était édité, la date d’entrée au sein de l’entreprise Alten Uk étant fixée au 11 juin 2018,
– le 31 mai, la salariée informait M. [R] qu’elle ne pourrait pas débuter le 11 juin en raison d’un dégât des eaux au niveau de son appartement tout en lui précisant que ses congés prenant fin le 8 juin, elle reviendrait chez Mi-Gso à partir du 11 juin en attendant la fin de ses travaux’ (pièces 9 et 10 de l’employeur),
– finalement elle informait son interlocuteur qu’après avoir réfléchi elle avait des doutes sur les conditions de sa mutation craignant de perdre en ‘niveau de vie’, même si le salaire est plus élevé que son salaire actuel, et en ‘niveau de poste’.
La salariée ajoutait ‘souhaiter évoquer la possibilité d’une rupture conventionnelle’, tout en acceptant ‘les 4 jours de congés offerts afin de régler son dégâts des eaux’.(pièce n°11)
Les éléments ainsi établis par l’employeur démontrent non seulement que la proposition de mutation au sein de la société Alten Uk, comprise dans le groupe auquel appartient l’employeur, agréait la salariée qui en a discuté les termes et conditions avant d’y renoncer au dernier moment pour des raisons sans lien aucun avec des agissements de harcèlement.
De même, il ressort de ces éléments que la salariée qui était en congé depuis son retour d’Australie, a expressément accepté les jours de congés supplémentaires accordés par l’employeur dans cette période de mutation programmée pour gérer les conséquences de son dégât des eaux, de sorte qu’elle n’est pas fondée à prétendre qu’elle aurait été maintenue par l’employeur en situation d’inactivité depuis son retour.
De même, il est démontré que c’est bien la salariée qui a initié le 11 juin la démarche visant à mettre fin au contrat de travail dans le cadre d’une rupture conventionnelle.
À l’issue de l’entretien du 13 juin, la salariée informait la direction que ‘son avocat lui conseillait de ne pas signer la rupture conventionnelle avant d’avoir un rendez-vous avec lui’, de sorte qu’elle ne pouvait pas leur faire retour immédiatement. C’est dans ces conditions que l’employeur lui accordait le 15 juin un délai de deux semaines pour lui laisser le temps de la réflexion et acceptait qu’elle exerce en télétravail durant cette période.
À réception de la lettre du 20 juin 2018, aux termes vifs et faisant état de pressions destinées à la contraindre de signer la rupture conventionnelle, l’employeur a pu légitimement initier une procédure disciplinaire en convoquant la salariée à un entretien préalable, assortie d’une mise à pied.
Il ressort du compte-rendu de l’entretien préalable en date du 4 juillet 2018, rédigé par M. [Y], délégué du personnel, qui a assisté la salariée lors de l’entretien préalable au licenciement, qu’après que le président de la société a présenté les faits reprochés, la salariée a exprimé, à l’issue d’une interruption de séance, ‘que son courrier n’était nullement destiné à initier une procédure de contentieux mais seulement à exprimer toute la frustration qu’elle avait pu ressentir au vu des éléments reprochés à la société et s’est déclarée ouverte à discuter d’autres possibilités de sortie de la société et notamment par une rupture conventionnelle’, proposition à laquelle M. [C] a répondu favorablement en proposant des modalités de rupture aux termes desquelles l’indemnité de rupture était portée à 10 000 euros.
C’est dans ces conditions et assistée du délégué du personnel que la salariée signait la rupture conventionnelle.
La société justifie là encore par des éléments étrangers à tout harcèlement avoir répondu favorablement à une demande formulée par la salariée.
La société souligne encore que Mme [O] a exprimé par message du 17 juillet 2018, à deux jours du terme du délai de rétractation dont elle bénéficiait, un message aux termes duquel elle indiquait à Mme [E] souhaiter ‘apporter des précisions’ suite au courrier qu’elle lui avait adressé : ‘il est vrai que je me (suis) sentie oppressée dans cette pièce et que j’ai décidé de vous adresser un courrier pour vous faire part de mon sentiment. Vous avez été particulièrement choquée de ce courrier contestant avec force les faits de harcèlement. Aujourd’hui et après en avoir discuté, j’ai dû mal interpréter les choses et vous prie de bien vouloir excuser mes propos’.
Il s’ensuit que l’employeur justifie par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement les éléments de faits établis par la salariée de sorte que le jugement sera infirmé en ce qu’il a considéré établi l’existence d’un tel harcèlement et condamné la société à verser à la salariée la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts.
Sur le vice du consentement
Mme [O] expose avoir conclu la rupture conventionnelle, alors qu’à son retour d’Australie, il ne lui a été proposé qu’un poste à [Localité 6] avec rétrogradation, ou un poste à [Localité 5] avec un nouvel employeur et qu’après la notification d’une mise à pied à titre conservatoire, elle a été convoquée à un entretien préalable à un licenciement.
Elle fait valoir que son consentement a été obtenu sous la contrainte du chantage et l’engagement d’une procédure de licenciement qui constitue un moyen de pression.
Elle ajoute que les conditions pour signer la rupture lui ont été imposées.
La société réplique que Mme [O] est seule à l’origine de la rupture conventionnelle. La société conteste toute pression ou harcèlement moral à l’égard de la salariée en faisant valoir que cette dernière ne s’est pas rétractée.
Elle relate qu’une rencontre est intervenue le 13 juin 2018, entre la salariée, Mme [E], directrice administration du personnel, et M. [P], responsable, recrutement et carrière, aux termes de laquelle Mme [O] demandait un délai supplémentaire afin de lui laisser le temps de présenter le projet à son avocat avant signature.
La société ajoute avoir été contrainte de remettre le 25 juin 2018, en mains propres à la salariée, une convocation à un entretien préalable au licenciement en raison d’un courrier que cette dernière adressait à la société intégrant diverses accusations.
La rupture conventionnelle permet à l’employeur et au salarié de convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie.
En application de l’article 1130 du Code civil, « l ‘erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu’ils sont de telle nature que, sans eux, l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes, leur caractère déterminant s’apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné. »
L’article 1140 du Code civil dispose qu’il y a violence, lorsqu’une partie s’engage sous la pression d’une contrainte, qui lui inspire la crainte d’exposer sa personne, sa fortune ou celle de ses proches, à un mal considérable.
La validité du consentement doit être appréciée au moment de la formation du contrat.
Il incombe à Mme [O] qui invoque l’existence d’une violence morale voire physique, ayant vicié son consentement d’en rapporter la preuve.
Or, il résulte des pièces produites que :
– le 07 mai 2018, Mme [O] informait son employeur, être en cours de finalisation des derniers détails sur sa mobilité à [Localité 5] (pièce 7 de la société),
– le 31 mai 2018, Mme [O] informait son employeur qu’elle ne pourrait pas prendre le poste à [Localité 5], le 11 juin, en raison d’un dégât des eaux survenu dans son appartement,
– le 11 juin 2018, la salariée informait son employeur, avoir des doutes sur les conditions de sa mutation à [Localité 5], et observait qu’en acceptant cette mobilité, elle perdait en niveau de vie, et en niveau de poste et l’informait de sa volonté de réintégrer MI-GSO [Localité 4] avec un poste compatible avec ses fonctions antérieures. Dans le cas contraire, elle précisait souhaiter évoquer la possibilité d’une rupture conventionnelle.
– une réunion a eu lieu le 13 juin 2018, entre Mme [E], la salariée et M. [P] pour débattre du principe et des conditions de la rupture, à l’issue duquel un délai de réflexion de deux semaines a été donné à Mme [O], délai pendant lequel il était convenu que dernière exerce son activité professionnelle en télétravail,
– par lettre remise en main propre contre décharge, datée du 25 juin 2018, la société convoquait la salariée à un entretien préalable à un licenciement lui indiquant qu’en raison de la gravité des faits reprochés, elle faisait l’objet d’une mise à pied à effet immédiat.
Il résulte du compte rendu d’entretien préalable au licenciement de Mme [O] en date du 04 juillet 2018, entretien au cours duquel la salarié a été assistée de M. [Y], délégué du personnel, que le motif ayant motivé le déclenchement de la procédure de licenciement était le courrier de la salariée du 20 juin 2018, l’employeur estimant que la salariée avait exprimé des propos diffamatoires à l’égard de deux cadres dirigeants constitutifs d’ une atteinte à l’intégrité morale de ces personnes.
Il ressort encore du compte rendu que la salariée a indiqué avoir voulu par son courrier seulement exprimer toute la frustration qu’elle a pu ressentir au vu des éléments reprochés à la société et qu’elle s’était déclarée ouverte à discuter d’autres possibilités de sortie de la société, par exemple une rupture conventionnelle.
Force est de constater que par deux fois la salariée a proposé à la société, une rupture conventionnelle, dès le 11 juin 2018, (pièce 11 de la société) avant que soit initiée la procédure de licenciement, mais aussi lors de l’entretien préalable, le 04 juillet 2018.
Si bien que c’est vainement que la salariée fait valoir que la procédure de licenciement avec mise à pied à titre conservatoire, laquelle aurait impliqué le reproche d’une faute grave par l’employeur, aurait été un moyen de pression pour la conduire à accepter une rupture conventionnelle dont il est justifié qu’elle en a eu l’initiative.
Par ailleurs, même si M. [Y], délégué du personnel, ayant assisté à l’entretien conclut le compte rendu en précisant qu’il ne fait pas un état détaillé de toutes les discussions et pièces produites durant l’entretien, afin de ne pas nuire à la clarté des éléments principaux, M. [Y] ne consigne pas la moindre violence physique et ou verbale, imputable à l’employeur dans le compte rendu de l’entretien préalable.
Enfin, même si la rupture conventionnelle du contrat a été signée le 4 juillet 2018 jour de l’entretien préalable au licenciement, il n’en demeure pas moins que Mme [O] n’a pas exercé son droit de rétractation, tel quel en avait le loisir aux termes d’un délai de réflexion 15 jours calendaires, droit de rétractation des parties énoncé dans la convention elle-même en son article 2.
Il s’ensuit que la salariée ne rapporte pas la preuve d’un vice du consentement.
En l’absence de vice du consentement et de faits de harcèlement moral, il convient de débouter Mme [O] de sa demande en nullité de la convention de rupture conclue le 4 juillet 2018 et de ses demandes subséquentes d’indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents, d’indemnité de licenciement et de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement entrepris sera donc infirmé de ces chefs.
Sur l’obligation de sécurité
Mme [O] affirme que la société informée de la situation et n’a pris aucune mesure afin de protéger sa santé mais l’a convoquée immédiatement à un entretien préalable en vue d’une sanction. Elle en déduit que la société a violé son obligation de sécurité.
La salariée produit aux débats un certificat de son médecin généraliste certifiant avoir examiné cette dernière, le 18 juin 2018, pour syndrome anxio-dépressif important réactionnel.
Il ne résulte pas des éléments de la cause que la salariée ait dénoncé une situation de harcèlement moral.
La société, qui justifie que la salariée était régulièrement suivie par la médecine du travail, établit avoir adopté un document unique d’évaluation des risques et un avenant au règlement intérieur en 2012 adoptant de nouvelles mesures relatives aux harcèlements moral et sexuel.
L’employeur justifiant ainsi avoir satisfait à son obligation de sécurité, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté Mme [O] de la demande d’indemnisation formée de ce chef.
II – Sur les autres demandes
La décision sera infirmée en ce qu’elle a condamné la société au paiement de la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles.
Mme [O] sera condamnée à payer à la société MI GSO la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. Elle sera condamnée aux entiers dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt le 19 novembre 2020, en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a débouté Mme [O] de sa demande d’indemnisation pour violation de l’obligation de sécurité.
Statuant à nouveau des chefs du jugement infirmés,
Déboute Mme [O] de sa demande en nullité de la rupture conventionnelle de son contrat de travail signée le 4 juillet 2018, et de ses demandes subséquentes d’indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents, d’indemnité de licenciement et de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Dit que Mme [O] n’a pas subi de harcèlement moral,
Déboute Mme [O] de sa demande indemnitaire au titre du harcèlement moral,
Y ajoutant,
Condamne Mme [O] à payer à la société MI-GSO la somme de 1000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [O] aux entiers dépens.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, et par Madame Isabelle FIORE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier, Le président,