Droit de rétractation : décision du 11 janvier 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/16146
Droit de rétractation : décision du 11 janvier 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 20/16146
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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 3

ARRET DU 11 JANVIER 2023

(n° ,12 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/16146 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CCTZO

Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Novembre 2020 – Tribunal Judiciaire de PARIS – RG n° 13/04097

APPELANT

Monsieur [R] [D]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065, avocat postulant

Représenté par Me Alexandre UZAN, avocat au barreau de PARIS, toque P.441, avocat plaidant

INTIMEE

S.A.R.L. MPR DIFFUSION

N° SIRET : 509 544 540

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Alain LEBEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : C0521, avocat postulant et plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Douglas BERTHE, conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Gilles BALAY, président

Monsieur Douglas BERTHE, conseiller

Madame Marie GIROUSSE, conseillère

qui en ont délibéré

Greffière, lors des débats : Madame FOULON

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Monsieur Douglas BERTHE, conseiller, faisant fonction de Président et par Anaïs DECEBAL, greffier à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

*

* *

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte du 12 octobre 1999, M. [R] [D] a donné à bail à M. [K] [F], aux droits duquel se trouve la société MPR Diffusion, des locaux composés d’un local commercial et d’un local à usage d’habitation, situés [Adresse 1].

La destination des lieux est ‘ confiserie et biscuiterie en gros, demi-gros, détails et produits de régime ‘.

Par acte du 22 décembre 2006, le bailleur a fait délivrer à la preneuse un congé avec offre de renouvellement. Suivant jugement du 02 juillet 2009, le juge des loyers commerciaux a désigné M. [M] [N] en qualité d’expert aux fins de rechercher la valeur locative des locaux au 1er janvier 2008. Ce dernier a rendu son rapport le 15 octobre 2010 concluant au plafonnement du loyer en renouvellement à la somme de 20.865 euros.

Par acte du 25 mars 2011, le bailleur a exercé son droit d’option de refuser le renouvellement du bail commercial et a offert à la preneuse le paiement d’une indemnité d’éviction.

Par exploit du 21 mars 2013, la preneuse a saisi le tribunal de grande instance de Paris aux fins essentielles de fixation de indemnité d’éviction, lequel a également été saisi par le bailleur par exploit du 25 mars 2013 aux fins essentielles de fixation de l’indemnité d’occupation.

Après jonction des procédures, le tribunal de grande instance de Paris a, par jugement mixte du 21 mai 2015, dit que l’exercice du droit d’option par le bailleur, par acte du 31 décembre 2007 à la suite du congé avec offre de renouvellement délivré le 22 décembre 2006 a mis fin, au 31 décembre 2007, au bail du 22 octobre 1999 ; il a désigné M. [B] [J] en qualité d’expert, pour déterminer les montants des indemnités d’éviction et d’occupation, lequel a déposé son rapport le 16 novembre 2017.

Par jugement du 05 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Paris a :

– fixé à la somme globale de 452 075 €, l’indemnité d’éviction due par M. [R] [D] à la société MPR Diffusion qui se décompose ainsi :

indemnité principale : 445 445 € ;

indemnités accessoires :

1 500 € pour les frais de déménagement ;

5 130 € pour trouble commercial ;

– condamné M. [R] [D] à payer à la société MPR Diffusion le montant de l’indemnité d’éviction ainsi fixée, assortie des intérêts au taux légal à compter de la décision ;

– dit que la société MPR Diffusion est redevable d’une indemnité d’occupation à compter du 1er avil 2008 jusqu’au 18 avril 2017 et fixé à la somme de 36 060 € hors taxes et hors charges, le montant annuel de cette indemnité d’occupation ;

– condamné la société MPR Diffusion à payer à M. [A] [D] le montant de l’indemnité d’occupation ainsi fixée, assortie des intérêts au taux légal à compter de la décision ;

– dit que la compensation s’opérera de plein droit entre les créances réciproques de M. [R] [D] et la société MPR Diffusion à hauteur de la somme la plus faible ;

– dit n’y avoir lieu à capitalisation des intérêts échus depuis plus d’un an ;

– débouté M. [R] [D] de sa demande de dommages et intérêts ;

– l’a condamné aux dépens, en ce inclus les frais d’expertise judiciaire confiée à M. [J], qui pourront être recouvrés dans les conditions prévues par l’article 699 du code de procédure civile ;

– l’a condamné à payer à la société MPR Diffusion la somme de 6 000 € par application de l’article 700 du même code ;

– ordonné l’exécution provisoire ;

– rejeté toutes demandes plus amples ou contraires.

***

Par déclaration du 10 novembre 2020, M. [R] [D] a interjeté appel partiel du jugement.

Par conclusions déposées le 31 mars 2021, la société MPR Diffusion a interjeté appel incident partiel du jugement.

Par ordonnance du 18 octobre 2022, l’exécution provisoire du jugement frappé d’appel a été interrompue.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 05 octobre 2022.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Vu les dernières conclusions déposées le 13 mai 2022, par lesquelles M. [R] [D], appelant à titre principal et intimé à titre incident, demande à la Cour de:

– infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;

– le confirmer sur le montant de l’indemnité principale de l’indemnité d’éviction d’un montant de 445 445 € ;

statuant à nouveau,

– débouter la société MPR Diffusion de l’ensemble de ses demandes ;

– déclarer la société MPR Diffusion irrecevable en sa demande de restitution du dépôt de garantie ;

– dire M. [R] [D] recevable et bien fondé en l’ensemble de ses demandes ;

– dire qu’à compter du 1er janvier 2008, la société MPR Diffusion est débitrice d’une indemnité d’occupation et ce jusqu’à la date de restitution des clés le 18 avril 2017 ;

– fixer le montant de l’indemnité d’occupation due par la société MPR Diffusion à la somme annuelle de :

67 600 € hors taxes et hors charges pour la période allant du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2010, outre la TVA au taux actuel de 20 % ;

70 170 € hors taxes et hors charges pour la période allant du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013, outre la TVA au taux actuel de 20 % ;

74 400 € hors taxes et hors charges pour la période allant du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016, outre la TVA au taux actuel de 20 % ;

74 500 € hors taxes et hors charges pour la période allant du 1er janvier 2017 au 18 avril 2017, outre la TVA au taux actuel de 20 % ;

– et condamner la société MPR Diffusion à payer lesdites sommes assorties des accessoires susvisés ;

– dire que l’indemnité d’occupation sera augmentée des taxes et charges prévues par le bail du 12 octobre 1999 ;

– condamner la société MPR Diffusion au paiement des intérêts au taux légal sur les indemnités d’occupation à compter de chaque date d’exigibilité et ordonner leur capitalisation dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil pour ceux dus depuis une année entière ;

– dire que les indemnités accessoires composantes de l’indemnité d’éviction ne sont pas dues à raison de l’absence de réinstallation de la société MPR Diffusion ;

– fixer le montant de l’indemnité d’éviction due par la société MPR Diffusion à monsieur [R] [D], en l’absence de réinstallation, à la somme de 445 445 €, et condamner la société MPR Diffusion au paiement de ladite somme [SIC] ;

– dire que l’indemnité d’occupation sera payée par compensation avec l’indemnité d’éviction à due concurrence, à raison des règles de la compensation légale ;

– condamner la société MPR Diffusion à lui payer la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts ;

– la condamner aux dépens de la procédure qui comprendront les frais d’expertise et qui pourront être recouvrés directement par maître Samuel Guillaume, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, ainsi qu’au paiement de la somme de 8 000 € par application de l’article 700 du même code.

Vu les dernières conclusions déposées le 06 juin 2022, par lesquelles la société MPR Diffusion, intimée à titre principal et appelante à titre incident, demande à la Cour de :

– déclarer M. [R] [D] mal fondé en l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions et l’en débouter ;

– confirmer le jugement en ce qu’il a fixé les indemnités accessoires à la somme de 1 500€ pour les frais de déménagement et à celle de 5 130 € pour le trouble commercial et a condamné M. [R] [D] au paiement à son profit, assorties des intérêts au taux légal à compter du jugement ;

– le confirmer également en ce qu’il a retenu un abattement de précarité de 40 % applicable sur l’indemnité d’occupation et en ce qu’il a alloué une somme de 6 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– le réformer pour le surplus ;

– la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes reconventionnelles ;

– évaluer le préjudice subi du fait du défaut de renouvellement de son bail par l’exercice du droit d’option de M. [D] à la somme globale de 483 630 €, se décomposant comme suit :

– indemnité principale d’éviction : 477 000 € ;

– indemnités accessoires : 5 130 € au titre du trouble commercial et 1 500 € au titre des frais de déménagement ;

en conséquence,

– condamner M. [R] [D] à lui payer le montant de l’indemnité globale d’éviction ainsi fixée, assortie des intérêts au taux légal ;

– fixer à la somme annuelle de 31 560 € hors charges, l’indemnité d’occupation qui est due par la concluante à compter du 1er avril 2008 jusqu’à la libération effective des lieux intervenue le 31 mars 2017 ;

– condamner M. [R] [D] à lui payer une somme de 10 750,94 € au titre de la restitution du dépôt de garantie, assortie des intérêts légaux à compter du 31 mars 2017 ;

– ordonner la capitalisation des intérêts dus pour une année entière ;

– dire que les sommes payées depuis le 1er janvier 2008 par la concluante s’imputeront sur les indemnités d’occupation à due concurrence du montant réglé et la différence se compensera à due concurrence avec le montant de l’indemnité d’éviction et celui du dépôt de garantie dus par M. [R] [D] à due concurrence de la faible de ces deux créances réciproques et en condamner pour le surplus M. [D] au paiement au profit de la concluante ;

– condamner M. [R] [D] à lui payer la somme de 8 000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel dont distraction au profit de maître Alain Lebeau, avocat aux offres de droit pour ceux dont il a fait l’avance, en application des dispositions de l’article 699 du même code.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties. Cependant, pour une meilleure compréhension du présent arrêt, leur position sera synthétisée.

Le bailleur, M. [R] [D], expose :

– sur l’indemnité principale d’éviction, qu’il ne conteste pas le montant de l’indemnité principale, que l’application d’un coefficient de commercialité de 7 est justifiée, qu’il conteste en revanche les indemnités accessoires et qu’aux termes de l’article L. 145-14 du code de commerce, l’indemnité d’éviction doit être égale au préjudice causé au locataire par le défaut de renouvellement, soit uniquement le préjudice causé par le défaut de renouvellement, que cette disposition est d’ordre public,

– sur le trouble commercial, que l’indemnité doit compenser la perte de temps de la recherche d’un nouveau fonds et que cette indemnité n’est pas due lorsque le preneur n’a pas l’intention de se réinstaller, puisqu’il n’a pas, dans cette hypothèse, de démarches à réaliser pour chercher un nouveau fonds, que la condamnation aux indemnités accessoires est exclue chaque fois qu’il est établi que la réinstallation du locataire évincé est exclue de même qu’en cas de cessation d’activité, que pour évaluer ce préjudice, le juge doit se placer au moment le plus proche de sa réalisation, soit en principe au jour du départ effectif du locataire, soit le 31 mars 2017 en l’espèce, et non au moment de l’exercice du droit d’option par le bailleur, qu’en outre le preneur a fait valoir ses droits à la retraite le 28 mars 2017 et qu’il est donc incontestable qu’il ne se réinstallera pas,

– sur les frais de déménagement, qu’il n’y a pas lieu de retenir une indemnisation au titre des frais de déménagement puisqu’en vertu de l’article L. 145-29 du code de commerce le preneur est tenu de rendre les locaux vides,

– sur l’indemnité d’occupation, que l’application d’un abattement pour précarité de 40 % opéré par le premier juge n’est pas justifié et qu’il ne peut être pénalisé pour avoir exercé un droit d’option d’ordre public et qui lui est dévolu par la loi, que le droit d’option exercé s’avérait en définitive très favorable à la société MPR DIFFUSION puisqu’elle lui permettait de bénéficier d’une indemnité d’éviction, alors que son gérant entendait exercer ses droits à la retraite, que la société MPR DIFFUSION a bénéficié d’une véritable rente de situation pendant la durée du bail avec un loyer plafonné, que la durée de la procédure ne peut lui être imputée en ce qu’à compter de l’exercice du droit d’option, la société MPR DIFFUSION disposait d’un délai de deux années pour agir en fixation du montant de l’indemnité d’éviction alors que ce n’est qu’à la veille de l’expiration du délai qui lui était imparti que la société MPR DIFFUSION a, par acte extrajudiciaire du 21 mars 2013, saisi le tribunal et qu’à la suite du dépôt du rapport d’expertise de monsieur [J] le 10 novembre 2017, la société MPR DIFFUSION a attendu le 9 décembre 2018 pour signifier ses conclusions en ouverture de rapport, que l’abattement pour précarité n’est pas justifié dès lors que le locataire ne démontre pas un préjudice lié à l’éviction et ne pourrait être en tout état de cause supérieur à 10 % à l’instar de ce qu’a retenu l’expert, ce coefficient correspondant aux usages et à la jurisprudence habituelle lorsqu’un abattement est appliqué, que l’indemnité d’occupation doit être indexée sur l’indice du coût de la construction et révisée de façon triennale à compter du 1er janvier 2011,

– sur son préjudice, que le bail en son article 15° stipule que le preneur doit « laisser en fin de jouissance le propriétaire faire dresser par son architecte l’état des réparations, acquitter le montant de celles-ci ainsi que le coût d’établissement de cet état », clause qui n’a pas été respectée et que le locataire a abusé de son droit de quitter les lieux en les restituant de façon soudaine, qu’en effet le bailleur a été avisé par un courrier du 28 mars 2017 du départ du locataire pour le 31 mars 2017, que le procès-verbal de constat établi le 31 mars 2017 démontre que les locaux ont été restitués dans un état dégradé rendant impossible leur relocation,

– sur la restitution du dépôt de garantie, qu’il s’agit d’une demande nouvelle en cause d’appel qui doit être déclarée irrecevable.

La preneuse, la société MPR Diffusion, expose :

– sur l’indemnité principale d’éviction, qu’elle doit être fixée à la valeur du droit au bail et qu’un coefficient de 7,5 doit être appliqué pour tenir compte de la commercialité de premier ordre de la rue de Rivoli.

– sur les frais de déménagement, qu’ils sont dus pour la partie habitation et que pour la partie commerciale, le locataire doit restituer les lieux vides et doit déménager les stocks, les objets mobiliers et les effets personnels,

– sur le trouble commercial, qu’il convient d’indemniser le temps passé par le commerçant pour obtenir réparation du préjudice lié au congé avec refus de renouvellement au détriment de son activité et que dès la réception du congé, le fonds est fragilisé, qu’il doit être évalué à trois mois de l’excédent brut d’exploitation moyen des droits derniers exercices,

– sur l’indemnité d’occupation, que la valeur locative des lieux estimée par M. [J] est excessive au regard des rapports rendus par MM. [N] et [V], qu’un prix unitaire de 600 €/m² pondéré pour la partie commerciale serait plus en adéquation avec les références relevées et l’emplacement des locaux.

– sur l’abattement pour précarité, qu’elle a subi une baisse de rentabilité du fonds du fait de l’exercice par le bailleur de son droit de rétractation de l’offre de renouvellement, que la durée de la procédure a été anormalement longue par le fait du bailleur et que l’impossibilité d’investir l’a conduite à anticiper son départ à la retraite,

– sur la demande d’indexation de l’indemnité d’occupation, que les dispositions des articles L.145-34, L.145-37 et L.145-38 du code de commerce ne sont pas applicables à une indemnité d’occupation, qu’aucune indexation n’est légalement ou contractuellement applicable à l’indemnité d’occupation,

– sur la demande de dommages-intérêts du bailleur, que les locaux ont été restitués dans un état d’usage en l’état, sans dégradation et que la charge de la réfection de leur vétusté n’a pas été transférée au preneur au terme du bail alors qu’aux termes de l’article 1755 du code civil, aucune des réparations réputées locatives n’est à la charge du locataire quand elles ne sont occasionnées que par vétusté, que le bailleur n’a justifié d’aucun frais de réparations et qu’aucune faute ne peut lui être imputée dans le cadre de la restitution des clés et des locaux,

– sur la demande de restitution du dépôt de garantie, qu’il s’agit d’une demande reconventionnelle recevable et qu’elle est un accessoire de la demande en paiement d’une indemnité d’éviction, qu’elle est au surplus en lien avec les prétentions du bailleur demandant le paiement de réparations à la charge du locataire.

MOTIFS DE L’ARRÊT

Sur la valeur marchande du fonds de commerce :

Il n’est pas contesté que la valeur marchande du fonds de commerce est de 102.590 euros selon la méthode d’évaluation par l’excédent brut d’exploitation et de 316.194euros par l’approche du chiffre d’affaires.

Sur la valeur du droit au bail :

La valeur du droit au bail se déduit par la différence entre la valeur locative de marché et la valeur du loyer si celui-ci avait été renouvelé, à laquelle il est d’usage d’appliquer un coefficient de situation en fonction de l’attractivité commerciale de la zone où sont situés les locaux.

Sur la description des locaux, il convient de se reporter à la descrption faite par les premiers juges.

La surface utile de 176,40 m² des lieux loués, dont 38 m² non pondérée pour l’appartement et une surface pondérée de 74,78 m² arrondie à 75m²P pour la boutique retenue par l’expert judiciaire, ne fait pas l’objet de contestation par les parties.

S’agissant de la valeur locative en cas de renouvellement du loyer, l’expert judiciaire, rejoignant les conclusions de M. [N] dans son rapport d’expertise judiciaire d’octobre 2010, retient qu’à la date du renouvellement du bail soit le 1er janvier 2008, le loyer de renouvellement aurait été fixé au loyer plafonné et le plafonnement du loyer en renouvellement n’est pas contesté par les parties.

Pour déterminer le loyer plafonné, il convient de retenir le loyer au 1er janvier 1999, de 100.906,65 francs arrondis à 100.907 francs, l’indice du coût de la construction du 2ème trimestre 2007, dernier indice en vigueur au 1er janvier 2008 soit 1435 et pour l’indice diviseur, l’indice ICC au 2ème trimestre 1998 soit 1.058 : 100.907 x 1435 / 1058 = 136.863 francs soit 20.864,63 euros, arrondis à la somme de 20.865 euros, ce qui n’est plus contesté non plus par les parties.

S’agissant de la valeur locative de marché et de la valeur locative en renouvellement au 1er janvier 2008, l’expert judiciaire a retenu trois nouvelles locations situées dans une fourchette comprise entre 1139 et 2006 euros/m²P, deux renouvellements amiables de 457 euros/m²P et 771 euros/m²P, et quatre fixations judiciaires comprises entre 430 euros et 1400 euros/m²P, soulignant que, parmi ces références relatives à des locaux situés dans le secteur des locaux loués, les plus élevées sont situées [Adresse 6] à une distance comprise entre 100 et 550 mètres de la boutique.

Au titre des références pour la partie habitation, l’expert judiciaire a retenu neuf locations d’appartements présentant des surfaces et des étages similaires à ceux des lieux loués et évoluant dans un fourchette de 231 euros à 406 euros/m² sur une base annuelle.

Au vu de ces références, de l’emplacement, des caractéristiques et de la destination des locaux loués, l’expert judiciaire retient une valeur locative :

pour la partie commerciale de : 75 m²P x 1000 euros/m²P = 75.000 euros

pour la partie habitation de : 38 m² x 250m²/m²/an = 9.500 euros

soit une valeur totale locative de marché au 1er janvier 2008 de 84.500 euros/an HT HC.

Cette estimation n’est pas contestée par les parties et sera donc retenue.

S’agissant du différentiel et du coefficient applicable, la différence entre la valeur locative de marché, soit 84.500 euros et la valeur locative en renouvellement, soit 20.865 euros s’élève à la somme de 63.635 euros.

L’emplacement des locaux sur la rue de Rivoli dans le quartier du Marais présente une commercialité de première ordre, qui doit être légèrement tempérée par leur localisation sur le côté impair de cette artère et le caractère plus hétérogène de la commercialité de ce tronçon ainsi que le relèvent les rapports judiciaires de M. [J] et de M. [N]. S’il est exact que dans son pré-rapport du 29 juin 2016, M. [J] avait retenu un coefficient de situation de 7,5 en première intention, il retient dans son rapport définitif du 10 novembre 2017 un coefficient de situation de 7 compte-tenu des dires des parties. La cour observe par ailleurs que dans son rapport amiable, M.[V], retient également un coefficient de 7. Il résulte de l’ensemble de ces éléments qu’un coefficient de situation de 7 sera retenu.

La valeur du droit au bail s’élève donc à la somme de 445.445 euros ( 63.635 x 7).

Sur la fixation de l’indemnité d’éviction :

Aux termes de l’article L 145-14 du code de commerce, en cas de congé avec refus de renouvellement, le bailleur doit payer au locataire évincé une indemnité dite d’éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement, l’indemnité d’éviction est destinée à permettre au locataire évincé de voir réparer l’entier préjudice résultant du défaut de renouvellement. Elle comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre.

Il est admis que l’indemnité d’éviction s’évalue à la date la plus proche de l’éviction et que la valeur du fonds de commerce est au moins égale à celle du droit au bail qui s’y trouve incluse.

La valeur marchande du fonds de commerce étant inférieure à celle du droit au bail fixée à la somme de 445.445 euros, l’indemnité principale sera ainsi fixée à la somme de 445.445 euros.

Sur les indemnités accessoires

La société locataire ne sollicite aucune somme au titre des frais de remploi, des frais de réinstallation et des frais administratifs eu égard au fait que son gérant a fait valoir ses droits à la retraite le 28 mars 2017.

Sur le trouble commercial :

Cette indemnité compense la perte de temps générée par l’éviction et le moindre investissement dans le commerce le temps de la recherche d’un nouvel emplacement.

Il est constant que le preneur n’avait pas l’intention de se réinstaller eu égard au départ à la retraite de son gérant. Il n’avait par conséquent pas de démarches à réaliser pour ce faire. En revanche, il convient d’indemniser le temps passé par le preneur pour obtenir réparation du préjudice lié à l’éviction et ce au détriment de son activité. L’indemnité sera donc évaluée à un mois de l’excédent brut d’exploitation moyen des droits derniers exercices, soit 1710€ (20518 €/12). Le jugement sera donc infirmé sur ce point.

Sur les frais de déménagement :

L’indemnité pour frais de déménagement a pour objet d’indemniser 1e preneur des frais exposés pour libérer les locaux dont i1 est évincé.

Si le preneur est tenu de restituer un local vide aux termes de l’article L 145-29 du code de commerce, cependant l’article L 145-14 du même code dispose expressément que ses frais de déménagement sont indemnisables au titre de l’indemnité d’éviction.

Il n’est pas contesté que le preneur s’est effectivement acquitté de son obligation de restituer des locaux vide, cela résultant par ailleurs du procès-verbal de constat dressé par Me [S] [I], huissier de justice le 31 mars 2017.

L’expert judiciaire propose une somme forfaitaire de 1.500 euros qui sera retenue.

***

La demande de monsieur [R] [D] que son preneur, la société MPR DIFFUSION, soit condamnée à lui payer l’indemnité d’éviction résulte manifestement d’une erreur de plume de ce dernier et s’avère en tout état de cause infondée.

Il ressort de1’ensemble des éléments ci-dessus exposés que l’indemnité d’éviction totale due à la société MPR DIFFUSION par monsieur [R] [D] s’élève à la somme de:

– indemnité principale : 445 445€,

– trouble commercial : 1 710 €,

– Frais de déménagement : 1 500 €,

TOTAL : 448 655 €.

Il apparaît légitime que l’indemnité d’éviction soit assortie des intérêts légaux qui courront à compter de sa fixation judiciaire par le présent arrêt et que ces intérêts seront, le cas échéant et conformément à l’article 1343-2 du code civil, capitalisés s’ils sont dûs pour une année entière.

Sur l’indemnité d’occupation :

Il résulte de l’article L.145-28 et R 145-7 du code de commerce que le locataire évincé qui se maintient dans les lieux est redevable d’une indemnité d’occupation jusqu’au paiement de l’indemnité d’éviction, qui est égale à la valeur locative compte tenu de tous éléments d’appréciation, notamment les prix couramment pratiqués dans le voisinage concernent des locaux équivalents. En outre, l’indemnité d’occupation est de nature mixte, compensatoire et indemnitaire et son montant relève de l’appréciation souveraine des juges du fond.

En l’espèce, l’expert judiciaire évalue l’indemnité d’occupation à la somme de 60.100 euros par an à compter du 1er janvier 2008, compte tenu des caractéristiques des locaux, de leur emplacement, de l’activité exercée et des références qu’il a relevé, sur la base d’une valeur locative de 700€/m²B pour la partie commerciale et de 200€/m² pour la partie habitation. L’expert [N] détermine une valeur locative de 449 €/m²p pour la partie commerciale et l’expert amiable [V] estime la valeur locative de la partie commerciale à 450 €/m²p et 216 € m² pour la partie habitation.

Eu égard à l’ensemble de ces élements, il conviendra de retenir une valeur locative de 600€/m²B pour la partie commerciale et de 210 €/m² pour la partie habitation, soit une l’indemnité d’occupation de 52 980 € (210€ X 38 m² + 600 € X 75m²p).

L’expert judiciaire fait valoir que le preneur a été en mesure de poursuivre son activité jusqu’au départ à la retraite de son gérant et qu’un abattement de précarité de 10% se justifie conformément à l’usage.

Le preneur n’apporte pas la démonstration que la durée de la procédure résulte du fait exclusif du bailleur ni que la baisse de la rentabilité de son commerce serait exclusivement imputable à l’exercice par le bailleur de son droit de rétractation de l’offre de renouvellement. L’abattement d’usage de 10 % pour cause de précarité sera donc retenu et le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

En ce qui concerne, la demande d’indexation et de révision triennale de l’indemnité d’occupation, aucune disposition légale ou contractuelle ne les prévoyant et eu égard au caractère mixte de l’indemnité d’occupation, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de ces chefs. Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.

En conséquence, il y a lieu de fixer l’indemnité d’occupation à la somme annuelle de 47 682 € (52 980 € X 0.90) pour la période allant du 1er janvier 2008 jusqu’à la libération des effective lieux, en l’espèce, le 18 avril 2017, date de réception par le bailleur du courrier recommandé contenant les clés des locaux, à laquelle seront ajoutés les taxes et charges prévues par le bail du 12 octobre 1999.

Il apparaît légitime que l’indemnité d’occupation soit assortie des intérêts légaux qui courront à compter de sa fixation judiciaire par le présent arrêt et que ces intérêts seront, le cas échéant et conformément à l’article 1343-2 du code civil, capitalisés s’ils sont dûs pour une année entière

Sur la demande de dommages-intérêts du bailleur :

Il résulte de l’article 1755 du code civil qu’aucune des réparations réputées locatives n’est à la charge des locataires quand elles ne sont occasionnées que par vétusté.

L’état des lieux établi le 31 mars 2017, après libération des lieux, par Me [S] [I], huissier de Justice, en présence de Me [O] [G], huissier de Justice représentant M.  [R] [D] fait ressortir un état d’usure des locaux compatible avec leur vétusté, des installations électriques et de chauffage en état de fonctionnement et une partie habitation avec des peintures et des revêtements en bon état, présentant une installation électrique en état de fonctionnement. Ce procès-verbal ne caractérise en outre aucune dégradation des locaux relevant des réparations locatives et il convient à cet égard de souligner que le bailleur ne justifie d’aucun frais de réparations.

De même, aucun élément ne permet de démontrer que le preneur se serait opposé à ce que l’architecte du bailleur accède aux lieux et procède à l’état des réparations et à l’estimation de leur coût.

Enfin, en avisant le bailleur de son départ le 28 mars 2017 puis en restituant les clés le18 avril 2017, le preneur s’est borné à faire usage de son droit sans qu’un abus de sa part ne puisse en être inféré.

M. [R] [D] sera donc débouté de sa demande de dommages et intérêts et le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.

Sur la demande de restitution du dépôt de garantie :

Il résulte de l’article 566 du code de procédure civile que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

En l’espèce, le dépôt de garantie est destiné à couvrir les éventuels manquements du preneur à ses obligations (paiement du loyer et des charges, réalisation des réparations locatives…). S’il est exacte qu’il résulte des débats que la restitution du dépôt de garantie n’est sollicitée pour la première fois qu’en cause d’appel, cependant et pour s’opposer à sa restitution le bailleur a fait valoir que les locaux ont été restitués dans un état dégradé nécessitant des réparations locatives. La demande de restitution du dépôt de garantie apparaît donc recevable en ce que cette dernière est conditionnée par la question des réparations locatives avec laquelle elle se rattache par un lien suffisant.

Sur le fond, le quantum du dépôt de garantie n’est pas contesté et rien ne fait obstacle à la restitution du dépôt de garantie qui sera donc ordonnée pour son montant de 10 750,94 € assortie des intérêts légaux à compter de la date du présent arrêt et que ces intérêts seront, le cas échéant et conformément à l’article 1343-2 du code civil, capitalisés s’ils sont dûs pour une année entière.

Sur la compensation :

La société MPR DIFFUSION et M. [R] [D] étant créanciers l’une de l’autre, il y a lieu de constater que la compensation entre l’ensemble de leurs créances réciproques s’opère de plein droit à hauteur de la somme la plus faible. Le jugement entrepris sera confirmé sur ce point.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Le jugement de première instance sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles.

L’instance ayant eu pour cause la délivrance par le bailleur d’un congé refusant le renouvellement, il lui appartient d’en supporter les dépens. Il conviendra également d’autoriser Me  Alain LEBEAU, avocat, à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont il a été fait l’avance sans avoir reçu provision en application de l’article 699 du code de procédure civile. Monsieur [R] [D] devra en outre indemniser la société MPR DIFFUSION de ses frais irrépétibles d’instance en lui payant la somme de 3 000 € en application de l’article 700 du même code.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

DÉCLARE la SARL MPR DIFFUSION recevable en sa demande de restitution du dépôt de garantie,

INFIRME partiellement le jugement du 5 novembre 2020 du tribunal judiciaire de Paris en ses dispositions sur l’indemnité d’éviction et l’indemnité d’occupation, sur les intérêts légaux et sur le refus d’ordonner la capitalisation des intérêts échus depuis plus d’un an,

Le confirme pour le surplus,

et statuant de nouveau sur ces chefs,

FIXE à la somme globale de 448 655 € l’indemnité d’éviction dont est redevable Monsieur [R] [D] à l’égard de la SARL MPR DIFFUSION qui se décompose ainsi :

– indemnité principale : 445 445€,

– trouble commercial : 1 710 €,

– Frais de déménagement : 1 500 €,

CONDAMNE M. [R] [D] à payer à la SARL MPF DIFFUSION le montant de l’indemnité d’éviction ainsi fixée, assortie des intérêts au taux légal à compter de la présente décision et précise que ces intérêts seront, le cas échéant et dans les termes de l’article 1343-2 du code civil, capitalisés s’ils sont dûs pour une année entière,

FIXE le montant de l’indemnité d’occupation dont est redevable la SARL MPF DIFFUSION à l’égard de M. [R] [D] à la somme annuelle de 47 682 € pour la période allant du 1er janvier 2008 jusqu’au 18 avril 2017, outre les taxes et les charges prévues au bail,

CONDAMNE la SARL MPR DIFFUSION à payer à M. [A] [D] le montant de l’indemnité d’occupation ainsi fixée, assortie des intérêts au taux légal à compter de la présente décision et précise que ces intérêts seront, le cas échéant et dans les termes de l’article 1343-2 du code civil, capitalisés s’ils sont dûs pour une année entière,

y ajoutant,

CONDAMNE M. [R] [D] à payer à la SARL MPF DIFFUSION la somme de 10 750,94 € au titre de la restitution du dépôt de garantie assortie des intérêts au taux légal à compter de la date du présent arrêt et précise que ces intérêts seront, le cas échéant et dans les termes de l’article 1343-2 du code civil, capitalisés s’ils sont dûs pour une année entière,

CONDAMNE Monsieur [R] [D] à payer à la SARL MPR DIFFUSION la somme de 3 000 € en indemnisation de ses frais irrépétibles d’appel,

CONDAMNE Monsieur [R] [D], aux dépens de l’appel et autorise Me Alain LEBEAU, avocat, à recouvrer directement ceux dont il a été fait l’avance sans recevoir de provision en application de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

FAISANT FONCTION

 


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