Droit de rétractation : décision du 10 novembre 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 21/00427
Droit de rétractation : décision du 10 novembre 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 21/00427
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2ème Chambre

ARRÊT N°504

N° RG 21/00427

N° Portalis DBVL-V-B7F-RIX2

(1)

S.A. DOMOFINANCE

C/

M. [C] [R]

Mme [T] [L] épouse [R]

Me [Z] [N] [E]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

– Me CASTRES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 10 NOVEMBRE 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,

Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,

GREFFIER :

Mme Ludivine BABIN, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 12 Septembre 2023

ARRÊT :

Rendu par défaut, prononcé publiquement le 10 Novembre 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTE :

S.A. DOMOFINANCE

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Hugo CASTRES de la SCP HUGO CASTRES, postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Laure REINHARD du CABINET RD AVOCATS, plaidant, avocat au barreau de NIMES

INTIMÉS :

Monsieur [C] [R]

né le 27 Décembre 1983 à [Localité 7] (19)

[Adresse 3]

[Localité 2]

Assigné par acte d’huissier en date du 28/04/2021, délivré à domicile, n’ayant pas constitué

Madame [T] [L] épouse [R]

née le 03 Septembre 1990 à [Localité 8] (44)

[Adresse 3]

[Localité 2]

Assignée par acte d’huissier en date du 28/04/2021, délivré à personne, n’ayant pas constitué

Maître [Z] [N] [E] es qualité de mandataire liquidateur de la société LES COMPAGNONS SOLAIRES

[Adresse 6]

[Localité 5]

Assigné par acte d’huissier en date du 19/04/2021, délivré à domicile, n’ayant pas constitué

EXPOSÉ DU LITIGE

À la suite d’un démarchage à domicile, M. [C] [R] et Mme [T] [L] (les époux [R]) ont, selon bon de commande du 21 novembre 2018, commandé à la société Les Compagnons solaires (la société LCS), exerçant sous la dénomination ‘Les Compagnons de la rénovation énergétique’, la fourniture et la pose d’une installation photovoltaïque, moyennant le prix de 18 900 euros TTC.

En vue de financer cette opération, la société Domofinance a, selon offre acceptée le même jour, consenti aux époux [R] un prêt de 18 900 euros au taux de 3,87 % l’an, remboursable en 120 mensualités de 193,28 euros hors assurance emprunteur, après un différé de remboursement de 5 mois.

Les fonds ont été versés à la société LCS au vu d’une fiche de réception des travaux du 10 décembre 2018.

Les époux [R] ont, par courrier du 11 juillet 2019, vainement tenté d’exercer leur droit de rétractation, s’abstenant en outre de régler les mensualités de remboursement du prêt en dépit d’une lettre recommandée de mise en demeure de régulariser l’arriéré sous dix jours en date du 12 novembre 2019.

La société Domofinance s’est alors, par un second courrier recommandé du 4 décembre 2019, prévalue de la déchéance du terme.

Prétendant que le bon de commande était irrégulier, les époux [R] ont, par actes du 22 janvier 2020, fait assigner devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Nantes en annulation ou, subsidiairement, en caducité, des contrats de vente et de prêt la société Domofinance ainsi que M. [N] [E], ès qualités de mandataire judiciaire de la société LCS, dont le redressement judiciaire avait été prononcé par jugement du tribunal de commerce de Bobigny du 26 décembre 2019.

Par conclusions du 13 novembre 2020, la société Domofinance a contesté les irrégularité alléguées et s’est portée demanderesse reconventionnelle en paiement des sommes dues en exécution du contrat de prêt.

Par jugement du 12 janvier 2021, le premier juge a :

prononcé l’annulation du contrat conclu le 21 novembre 2018 entre les époux [R] et la société LCS,

prononcé l’annulation du contrat de crédit conclu le même jour entre les époux [R] et la société Domofinance,

dit que le mandataire judiciaire de la société LCS devra reprendre l’ensemble des matériels posés au domicile des époux [R] dans les deux mois suivant la signification du jugement, après en avoir prévenu ces derniers quinze jours à l’avance,

autorisé les époux [R], faute d’enlèvement dans le délai précité, à disposer desdits matériels comme bon leur semblera,

débouté la société Domofinance de sa demande en restitution du capital emprunté,

fixé, à titre chirographaire, la créance de la société Domofinance au passif de la société LCS à la somme de 9 450 euros,

condamné la société Domofinance aux dépens et aux frais retenus par l’huissier en application de l’article L. 111-8 du code des procédures civiles d’exécution,

condamné la société Domofinance à payer aux époux [R] une somme de 350 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

rappelé que le jugement est exécutoire de droit,

débouté les parties de toutes autres demandes différentes, plus amples ou contraires au dispositif.

Faisant grief au juge des contentieux de la protection d’avoir violé le principe de la contradiction, et contestant l’irrégularité du bon de commande, la société Domofinance a relevé appel de ce jugement le 20 janvier 2021, pour demander à la cour de :

annuler le jugement attaqué,

subsidiairement, le réformer,

dire n’y avoir lieu à annulation du contrat principal de vente et, partant, du contrat de crédit,

par conséquent, débouter les époux [R] de leurs demandes,

à titre reconventionnel, condamner solidairement les époux [R] au paiement de la somme de 21 111,89 euros en exécution du contrat de prêt après déchéance du terme, outre intérêts au taux conventionnel de 3,87 % à compter du 4 décembre 2019,

subsidiairement, en cas d’annulation des contrats, dire qu’elle n’a commis aucune faute et que les époux [R] ne justifie pas de l’existence d’un préjudice en lien de causalité avec cette faute,

par conséquent, condamner solidairement les époux [R] au remboursement de la somme de 28 900 euros correspondant au montant du capital prêté, outre les intérêts au taux légal à compter de la mise à disposition des fonds,

débouter les époux [R] de toute autre demande,

fixer sa créance, à titre chirographaire, au passif de la procédure collective de la société LCS pour un montant de 18 900 euros,

en tout état de cause, condamner solidairement les époux [R] au paiement d’une indemnité de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de première instance et d’appel.

Les époux [R] et M. [N] [E], intimé ès qualités de liquidateur judiciaire de la société LCS, n’ont pas constitué avocat devant la cour.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu’aux dernières conclusions déposées par la société Domofinance le 16 avril 2021 et signifiées aux intimés défaillants les 19 et 28 avril 2021, l’ordonnance de clôture ayant été rendue le 8 juin 2023.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Sur la nullité du jugement

Aux termes de l’article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction, et ne peut donc fonder sa décision sur les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement.

Or, en l’espèce, le jugement attaqué prononce la nullité du contrat principal et, subséquemment, du contrat de crédit, au seul motif d’une irrégularité du formulaire de rétractation, lequel, selon le premier juge, exigeait illicitement son envoi par lettre recommandée avec avis de réception et indiquait erronément que le point de départ du délai de rétractation de 14 jours était la date de la commande, et non celle de la livraison.

Pourtant, la société Domofinance précisait dans ses écritures que le verso du bon de commande, comportant le bordereau de rétractation et les conditions générales de vente informant les acquéreurs des modalités de leur faculté de rétractation, ne lui avaient pas été communiquées par la partie adverse, l’exposé des moyens de la décision attaquée soulignant en effet que, selon l’établissement de crédit, les époux [R] ne produisaient pas le bordereau de rétractation et ne rapportaient donc pas la preuve des irrégularité dont ils se prévalaient.

Et, ni les notes d’audience, ni les énonciations du jugement ne révèlent que le bon de commande ait été communiqué dans son intégralité à l’audience des plaidoiries et que la société Domofinance ait été à même de l’analyser et de le discuter.

Il s’en déduit que, si le bon de commande a été remis en son intégralité au juge des contentieux de la protection, celui-ci n’a été que partiellement communiqué par les demandeurs à la défenderesse, de sorte que le premier juge ne pouvait, sans faire respecter le principe de la contradiction en enjoignant aux époux [R] de communiquer à la partie adverse la totalité du document, motiver exclusivement sa décision d’annulation des contrats sur les irrégularités d’une pièce que cette dernière n’a pas été en mesure d’examiner dans son intégralité et de discuter.

Force sera donc d’annuler le jugement attaqué, la cour devant néanmoins évoquer le fond du litige et statuer à nouveau.

Sur le fond

En cause d’appel, les époux [R] sont défaillants, de sorte qu’ils ne forment aucune prétention, ne présentent aucun moyen et ne produisent aucune pièce, notamment pas le bon de commande et le formulaire de rétractation.

Il n’y a par conséquent pas matière à annulation des contrats de fourniture et de crédit.

Il ressort par ailleurs de l’offre de prêt, du tableau d’amortissement, de l’historique des mouvements du prêt et du décompte de créance qu’il restait dû à la société Domofinance, au jour de la déchéance du terme du 4 décembre 2019 :

1 086,16 euros au titre des échéances échues impayées de juillet à novembre 2019 (246,76 + [209,85 x 4]),

18 542,35 euros au titre du capital restant dû,

1 483,38 euros au titre de l’indemnité de défaillance égale à 8 % du capital restant dû,

soit, au total, 21 111,89 euros, avec intérêts au taux contractuel de 3,87 % sur le principal de 19 628,51 euros (1 086,16 + 18 542,35) à compter de l’arrêté de compte du 4 décembre 2019.

Il n’y a en revanche pas matière à application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Annule le jugement rendu le 12 janvier 2021 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Nantes ;

Statuant à nouveau,

Condamne solidairement M. [C] [R] et Mme [T] [L] épouse [R] à payer à la société Domofinance la somme de 21 111,89 euros, avec intérêts au taux de 3,87 % sur le principal de 19 628,51 euros à compter du 4 décembre 2019 ;

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [C] [R] et Mme [T] [L] épouse [R] aux dépens de première instance et d’appel ;

Rejette toutes autres demandes contraires ou plus amples.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 


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