Droit de rétractation : 5 janvier 2023 Cour d’appel de Caen RG n° 21/00772

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Droit de rétractation : 5 janvier 2023 Cour d’appel de Caen RG n° 21/00772
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AFFAIRE :N° RG 21/00772 –

N° Portalis DBVC-V-B7F-GWXE

 

ARRÊT N°

JB.

ORIGINE : DECISION en date du 16 Décembre 2020 du Tribunal de Commerce de CAEN

RG n° 2019005537

COUR D’APPEL DE CAEN

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRÊT DU 05 JANVIER 2023

APPELANTE :

S.A.S. AXECIBLES

N° SIRET : 440 043 776

[Adresse 6]

[Localité 5]

prise en la personne de son représentant légal

représentée par Me Stéphane PIEUCHOT, avocat au barreau de CAEN

assistée de Me Michel APELBAUM, avocat au barreau de PARIS,

INTIMES :

Monsieur [I] [C] [B] [L]

né le 03 Janvier 1965 à [Localité 7]

[Adresse 3]

[Localité 1]

représenté et assisté de Me Jean DELOM DE MEZERAC, substitué par Me Agathe MARRET, avocats au barreau de CAEN

S.A.S. LOCAM – LOCATION AUTOMOBILES MATERIELS

N° SIRET : 310 880 315

[Adresse 2]

[Localité 4]

prise en la personne de son représentant légal

représentée par Me Julia ZIVY, avocat au barreau de CAEN,

assistée de Me Michel TROMBETTA, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Mme EMILY, Président de Chambre,

Mme COURTADE, Conseillère,

M. GOUARIN, Conseiller,

DÉBATS : A l’audience publique du 13 octobre 2022

GREFFIER : Mme LE GALL, greffier

ARRÊT prononcé publiquement le 05 janvier 2023 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Madame EMILY, président, et Mme LE GALL, greffier

* * *

EXPOSE DES FAITS, DE LA PROCEDURE ET DES PRETENTIONS

Selon acte sous seing privé du 24 janvier 2019, M. [I] [L], artisan peintre en bâtiment, a souscrit un contrat d’abonnement et de location de solution internet ayant pour objet la mise en place par la société Axecibles, fournisseur, d’une solution internet globale permettant la présentation des produits et services de l’abonné, notamment la création d’un site internet, sa mise à jour, son hébergement, son référencement et le suivi de son référencement, et ce, pour une durée de 48 mois renouvelable, moyennant le paiement de la somme de 442 euros TTC au titre du forfait de mise en ligne au profit du fournisseur, de celle de 598,80 euros TTC au titre de la formation internet entreprise et de 48 loyers mensuels d’un montant de 348 euros TTC.

Par acte sous seing privé du même jour, M. [L] a souscrit un contrat de location de site web auprès de la société Locam, loueur, portant sur le site www.peinture.[L].fr fourni par la société Axecibles, moyennant le versement de 48 loyers d’un montant mensuel de 348 euros TTC.

Le 28 janvier 2019, un cahier des charges a été établi entre la société Axecibles et M. [L].

Le 25 février 2019, un procès-verbal de réception sans réserve ainsi qu’un procès-verbal de livraison et de conformité du site internet en cause ont été établis.

Selon lettre recommandée avec demande d’avis de réception du19 juin 2019, la société Locam a mis en demeure M. [L] de lui payer le montant des échéances impayées depuis mars 2019 dans un délai de huit jours.

Suivant acte d’huissier du 19 juin 2019, M. [L] a fait assigner les sociétés Axecibles et Locam devant le tribunal de commerce de Caen aux fins, notamment, de voir prononcer l’annulation des contrats litigieux et, subsidiairement, de voir condamner les défenderesses au paiement de la somme de 16.704 euros sur le fondement de l’article L. 442-6 2° du code de commerce.

Par jugement du 16 décembre 2020, le tribunal de commerce de Caen :

– s’est déclaré compétent,

– a débouté les sociétés Axecibles et Locam de l’intégralité de leurs demandes,

– a prononcé la nullité du contrat d’abonnement et de location de solution internet avec toutes les conséquences de droit,

– a constaté la caducité du contrat subséquent concernant la société Locam,

– a ordonné l’exécution provisoire,

– a condamné in solidum les sociétés Axecibles et Locam à payer à M. [L] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens comprenant les frais de greffe liquidés à la somme de 87,05 euros dont 14,51 euros de TVA.

Selon déclaration du 16 mars 2021, la société Axecibles a interjeté appel de cette décision.

Par dernières conclusions du 30 août 2022, l’appelante, outre des demandes de « constater » ne constituant pas des prétentions sur lesquelles il n’y a pas lieu de statuer, poursuit l’infirmation du jugement attaqué en toutes ses dispositions et demande à la cour, statuant à nouveau, à titre principal, de déclarer M. [L] irrecevable et mal fondé en ses demandes formées à son encontre et de l’en débouter.

À titre reconventionnel, elle demande à la cour de condamner M. [L] de lui verser la somme de 2.000 euros pour procédure abusive et, en tout état de cause, celle de 3.000 euros à titre d’indemnité de procédure ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au profit de son conseil.

Par dernières conclusions du 15 septembre 2021, la société Locam poursuit la réformation du jugement attaqué en toutes ses dispositions, demande à la cour de condamner M. [L] à lui payer la somme de 18.374,40 euros avec intérêts au taux légal à compter du 19 juin 2019, de le « débouter de ses demandes comme partiellement irrecevables et toutes non fondées » et de le condamner au paiement de la somme de 2.000 euros à titre d’indemnité de procédure ainsi qu’aux entiers dépens.

Par dernières conclusions du 1er septembre 2022, M. [L] demande à la cour à titre principal de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de débouter les sociétés Axecibles et Locam de toutes leurs demandes.

Subsidiairement, il demande à la cour de prononcer la nullité des clauses insérées aux articles 15, 18-2 et 28 du contrat Axecibles, de l’article 18 du contrat Locam sur le fondement de l’article 1171 du code civil, de condamner solidairement les sociétés Axecibles et Locam au paiement d’une indemnité de 16.704 euros et, en toute hypothèse, celle de 4.000 euros à titre d’indemnité de procédure ainsi qu’aux entiers dépens.

La mise en état a été clôturée le 7 septembre 2022.

Pour plus ample exposé des prétentions et moyens, il est référé aux dernières écritures des parties.

MOTIVATION

1. Sur la validité du contrat principal au regard des vices du consentement

Selon les articles 1130 et 1137 du code civil, le dol vicie le consentement lorsqu’il est de telle nature que, sans lui, l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes.

Le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre partie par des man’uvres ou des mensonges.

Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie.

Pour statuer comme il l’a fait, le tribunal a retenu qu’il existait un lien entre les contrats conclus le même jour par M. [L] avec les sociétés Locam et Axecibles et que cette dernière s’était livrée à des man’uvres dolosives en n’informant pas explicitement M. [L] de son engagement auprès de la société Locam et sur le paiement de mensualités.

M. [L] s’approprie les motifs des premiers juges, mettant en cause le comportement du représentant de la société Axecibles, exposant qu’il pensait ne devoir que les sommes de 348 euros et 442,80 euros, qu’il n’aurait pas contracté s’il avait su que le règlement des sommes à payer devait s’opérer par de telles mensualités et que le recours à une signature sur l’écran d’un ordinateur ne lui avait pas permis de prendre connaissance des documents litigieux.

Cependant, il ressort clairement des articles 2 et 4 du contrat conclu le 24 janvier 2019 entre M. [L] et la société Axecibles, intitulé contrat d’abonnement et de location de solution internet, que celui-ci porte sur la mise en place d’une solution internet globale permettant la présentation des produits et services de l’abonné, notamment la création d’un site internet, sa mise à jour, son hébergement, son référencement et le suivi de son référencement, et ce, pour une durée de 48 « mensualités » renouvelable, moyennant le paiement de la somme de 442 euros TTC au titre du forfait de mise en ligne au profit du fournisseur, de celle de 598,80 euros TTC au titre de la formation internet entreprise et de 48 loyers mensuels d’un montant de 348 euros TTC chacun.

Aucune des pièces produites par M. [L], sur lequel pèse la charge de la preuve des man’uvres dolosives, n’est de nature à établir la dissimulation par M. [Y], représentant de la société Axecibles, du principe d’un paiement mensuel dans le but de vicier le consentement de son cocontractant, étant en outre relevé que M. [L] a adressé le 25 février 2019 à la société Axecibles un mandat de prélèvement Sepa portant sur un « paiement récurrent/répétitif » traduisant sa connaissance d’un échelonnement en plusieurs échéances du paiement de la prestation fournie.

La seule circonstance que le contrat en cause ait été signé directement par M. [L] sur un ordinateur ne privait pas celui-ci de la possibilité de lire préalablement les documents soumis à sa signature.

Les difficultés de santé du frère de M. [L] à l’époque de la conclusion du contrat litigieux, au demeurant non établies, sont sans conséquence sur la démonstration de man’uvres dolosives imputées à la société Axecibles.

2. Sur la validité des contrats litigieux au regard des dispositions du code de la consommation

Selon l’article L. 221-3 du code de la consommation, les dispositions des sections II, III, VI du chapitre relatif aux contrats conclus à distance et hors établissement applicables aux relations entre consommateurs et professionnels sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels, dès lors que l’objet de ces contrats n’entre pas dans le champ de l’activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.

Contrairement à ce que soutiennent les sociétés Axecibles et Locam, la conclusion par un peintre en bâtiment d’un contrat portant sur la création d’un site internet destiné à promouvoir son activité n’entre pas dans le champ de l’activité principale de celui-ci.

Contrairement à ce que soutient la société Locam, le contrat souscrit par M. [L] auprès de cette dernière ne porte pas sur des services financiers au sens de l’article L. 221-2 du code de la consommation dès lors que ce contrat a pour objet la location d’un site web sur une durée de 48 mois sans option d’achat.

Il ressort des pièces produites par M. [L], notamment la fiche d’immatriculation au répertoire des métiers et l’extrait « pappers », que celui-ci n’a pas d’employé.

Il s’ensuit que les dispositions de l’article L. 221-3 du code de la consommation sont applicables aux contrats en cause.

Selon les articles L. 221-5, L. 221-8, L. 221-9 et L. 242-1 du code de la consommation, le professionnel doit, à peine de nullité du contrat, fournir au consommateur un exemplaire du contrat conclu hors établissement comprenant toutes les informations prévues à l’article L. 221-5, notamment sur son droit de rétractation.

L’appelante ne saurait invoquer l’article 1-2 du contrat la liant à M. [L], selon lequel l’abonné renonce expressément à son droit de rétractation, dès lors qu’une telle clause est nulle en application de l’article L. 242-3 du code de la consommation.

Par ailleurs, le contrat d’abonnement et de location de solution internet conclu entre la société Axecibles et M. [L] ne saurait s’analyser en un contrat de fourniture de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés au sens de l’article L. 221-28 3° du code de la consommation, l’établissement préalable d’un cahier des charges par les parties ayant pour seul objet de fournir à la société Axecibles les informations nécessaires à la création du site web objet du contrat, qui constitue une prestation de service et non un bien.

Faute de comprendre les informations relatives au droit de rétractation du consommateur, le contrat conclu entre la société Axecibles et M. [L] doit être déclaré nul.

En outre, M. [L] justifie avoir effectué un versement de 442,80 euros le jour même de la conclusion des contrats en cause, en violation des dispositions de l’article L. 221-10 du code de la consommation.

L’interdépendance du contrat conclu le 24 janvier 2019 entre M. [L] et la société Axecibles et celui signé le même jour entre M. [L] et la société Locam n’est pas discutée, de sorte que la nullité du premier entraîne la caducité du second conformément aux dispositions de l’article 1186 du code civil.

À ces motifs, le jugement entrepris sera donc confirmé.

3. Sur les demandes accessoires

La solution donnée au litige conduit à confirmer le rejet de la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive formée par la société Axecibles.

Les dispositions du jugement entrepris relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance, fondées sur une exacte appréciation, seront confirmées.

Les sociétés Axecibles et Locam, qui succombent, seront condamnées in solidum aux dépens d’appel, déboutées de leurs demandes d’indemnité de procédure et condamnées in solidum à payer à M. [L] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions soumises à la cour ;

Y ajoutant,

Condamne in solidum les sociétés Axecibles et Locam aux dépens d’appel, qui pourront être recouvrés selon les modalités prévues à l’article 699 du code de procédure civile et à payer à M. [I] [L] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les sociétés Axecibles et Locam de leurs demandes d’indemnité de procédure.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

N. LE GALL F. EMILY

 


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