Droit de rétractation : 17 janvier 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/03798

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Droit de rétractation : 17 janvier 2023 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/03798
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17/01/2023

ARRÊT N°

N° RG 21/03798

N° Portalis DBVI-V-B7F-OLME

CR/NO

Décision déférée du 06 Juillet 2021

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de MONTAUBAN ( 20/00602)

Mme RIBEYRON

[T], [N] .[P]

C/

S.A.S. NBB LEASE FRANCE 1

INFIRMATION

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

1ere Chambre Section 1

***

ARRÊT DU DIX SEPT JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS

***

APPELANTE

Madame [T], [N] [P]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Amélie GAUX, avocat au barreau de TARN-ET-GARONNE

Représentée par Me Victor ETIVANT, avocat au barreau de NARBONNE

INTIMEE

S.A.S. NBB LEASE FRANCE 1 Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Karine DURRIEUX, avocat au barreau de TOULOUSE

Représentée par Me Valérie YON, avocat au barreau de VERSAILLES

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 13 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant C. ROUGER, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

C. ROUGER, président

A.M ROBERT, conseiller

S. LECLERCQ, conseiller

Greffier, lors des débats : N.DIABY

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par C. ROUGER, président, et par N.DIABY, greffier de chambre

FAITS – PROCÉDURE – PRÉTENTIONS

La société NBB Lease France 1 a pour activité le financement des ventes d’équipements à destination des professionnels. Elle est liée par un contrat cadre avec la société Fintake European Leasing, laquelle achète des matériels, qu’elle lui loue, et qui sont ensuite de nouveau loués par la société NBB Lease France 1 à des utilisateurs finaux.

Par contrat n°08083 du 19 septembre 2017, Mme [T] [P] a loué auprès de la société NBB Lease France 1 un copieur modèle 1325 IF de marque Canon et un meuble copieur, fournis par la société Buro Premium, moyennant un loyer de 870 euros HT, pour une durée de 21 trimestres.

Le 20 octobre 2017, Mme [P] a signé le procès-verbal de livraison et de « recette définitive » du copieur.

La société Fintake European Leasing, dans les droits de laquelle la société NBB Lease France 1 est subrogée, effectuait le règlement de la somme de 17.676,93 euros TTC au titre de la facture due pour l’acquisition du matériel.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 31 décembre 2019, la société NBB Lease France 1 a mis en demeure Mme [P] de s’acquitter des loyers impayés depuis le 1er octobre 2019, lui indiquant qu’à défaut, la résiliation du contrat interviendrait de droit en application de l’article 14.1 des conditions générales de location.

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C’est dans ces conditions que par acte d’huissier de justice du 3 juillet 2020, la société NBB Lease France 1 a fait assigner Mme [P] devant le tribunal judiciaire de Montauban en paiement des loyers impayés, des loyers à échoir et de l’indemnité contractuelle de résiliation ainsi qu’en restitution du matériel.

Mme [P] a quant à elle sollicité la nullité du contrat signé entre les parties et, à titre subsidiaire, sa résiliation aux torts de la société NBB Lease France 1.

Par jugement contradictoire du 6 juillet 2021, le tribunal judiciaire de Montauban a :

– condamné Mme [P] à payer à la Sas NBB Lease France 1 la somme de 2.088 euros au titre des loyers impayés pour les périodes allant du 1er octobre 2019 au 31 mars 2020, avec intérêts au taux légal majoré de 5% à compter du 8 janvier 2020,

– condamné Mme [P] à payer à la Sas NBB Lease France 1 la somme totale de 11.524 euros, soit 10.440 euros au titre des loyers à échoir, 1.044 euros au titre de l’indemnité contractuelle, et 40 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de recouvrement, avec intérêts au taux légal majoré de 5%, à compter du 8 janvier 2020,

– dit que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêt,

– dit que Mme [P] devra restituer le matériel loué à la société NBB Lease France 1 dans les locaux de la société Leasecom, [Adresse 6], sous astreinte de 10 euros par jour de retard à compter d’un délai de deux mois suivant la signification de la décision et pendant une durée de deux mois à compter de cette signification,

– débouté Mme [P] de ses demandes,

– condamné Mme [P] à payer à la Sas NBB Lease France 1 la somme de 1.000 euros en application des dispositions de l’article 700, 1° du code de procédure civile,

– condamné Mme [P] aux dépens en application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile,

– rappelé que l’exécution provisoire de la décision est de droit.

Pour statuer ainsi , au visa de l’article L 221-3 du code de la consommation, le premier juge a retenu que le contrat du 19 septembre 2017 stipulait expressément que les biens loués étaient exclusivement destinés à l’exercice de l’activité sociale ou professionnelle de Mme [P] et étaient en rapport direct avec celle-ci, que l’objet du contrat étant la location d’un photocopieur professionnel permettant la numérisation et la gestion électronique de documents, cet objet était en lien direct avec la gestion administrative de la patientèle de Mme [P], diététicienne, et la mise en forme des programmes qu’elle élaborait pour ses patients, de sorte que les sections 2, 3 et 6 du chapitre visé à l’article susvisé concernant les relations entre consommateurs et professionnels n’étaient pas applicables.

Au visa de l’article 14.1 du contrat, il a retenu qu’à défaut par Mme [P] d’avoir versé les sommes dues à la société NBB Lease France 1 au titre des loyers impayés après mise en demeure, la résiliation du contrat était régulièrement intervenue et que l’indemnité contractuelle de résiliation ne revêtait pas un caractère manifestement excessif.

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Par déclaration du 2 septembre 2021, Mme [P] a relevé appel de ce jugement, concernant l’ensemble de ses dispositions.

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Dans ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 13 octobre 2021, Mme [T] [P], appelante, demande à la cour, au visa des articles 1109 et suivants (anciens) du code civil et des articles L.121-6, L.111-1 et L.212-1 du code de la consommation, de :

Rejetant toute argumentation contraire comme état infondée,

– infirmer les dispositions suivantes du jugement dont appel en ce qu’il :

* l’a condamnée à payer à la Sas NBB Lease France 1 la somme de 2.088 euros au titre des loyers impayés pour les périodes allant du 1er octobre 2019 au 31 mars 2020, avec intérêts au taux légal majoré de 5%,

* l’a condamnée à payer à la Sas NBB Lease France 1 la somme totale de 11.524 euros, au titre de l’indemnité contractuelle et des loyers à échoir,

* dit que les intérêts échus produiront intérêts,

* dit qu’elle devra restituer le matériel loué sous astreinte de 10 euros par jour de retard à compter d’un délai de deux mois suivant signification,

* l’a déboutée de ses demandes,

* l’a condamnée à payer à la Sas NBB Lease France 1 la somme de 1.000 euros en application des dispositions de l’article 700, 1° du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens,

– prononcer la nullité du contrat signé entre elle et la Sas NBB Lease France 1 du fait du non respect des dispositions du code de la consommation dont celles liées au droit de rétractation,

– condamner la Sas NBB Lease France 1 à lui payer, à titre de remboursement des mensualités prélevées la somme totale de 8 250 euros,

A titre subsidiaire,

– prononcer la résiliation du contrat signé entre elle et la Sas NBB Lease France 1 aux torts exclusifs de la Sas NBB Lease France 1,

En toutes hypothèses,

– condamner en outre, la Sas NBB Lease France 1 à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Dans ses dernières écritures notifiées par voie électronique le 12 novembre 2021, la Sas NBB Lease France 1, intimée, demande à la cour, au visa des articles 31 du code de

procédure civile, L.131-1 du code des procédures civiles d’exécution, 1103 et 1104 du code civil, de :

– confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

– condamner Mme [P] à lui verser la somme de 4.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– dire que dans l’hypothèse ou à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans le jugement à intervenir, l’exécution forcée devra être réalisée par l’intermédiaire d’un huissier, le montant des sommes retenues par l’huissier par application de l’article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12/12/96 (tarif des huissiers) devra être supporté par le débiteur en sus de l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

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La clôture est intervenue le 28 juin 2022 .

SUR CE, LA COUR :

Selon l’article L. 221-3 du code de la consommation dans sa version en vigueur au 1er juillet 2016 applicable au litige, les dispositions du code de la consommation (sections 2, 3 et 6 du chapitre I) applicables aux relations entre consommateurs et professionnels sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l’objet de ces contrats n’entre pas dans le champ de l’activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq.

En l’espèce, Mme [T] [P] justifie être inscrite à l’Urssaf en qualité de diététicienne, travailleur indépendant, depuis le 1er Janvier 2014, exerçant son activité au [Adresse 3]. Son expert comptable atteste qu’aucune charge salariale n’est inscrite dans les comptes 2017 de cette activité libérale, situation confirmée par la fiche du répertoire SIRENE produite en pièce 5, mise à jour le 6/12/2017, faisant état d’un effectif nul.

Le 19 septembre 2017 Mme [P] a signé par l’intermédiaire du fournisseur Buro Premium dont le siège était sis à [Localité 5]), représenté par un agent commercial ou responsable développement, M.[Z] [G], à [Adresse 7], un contrat de location auprès de la société NBB Lease France 1 pour assurer le financement de la fourniture par Buro Premium d’un copieur Canon couleur 1325 IF avec meuble copieur représentant un coût total de 17.676, 936 € moyennant 21 échéances trimestrielles de 1044 € TTC. Ce contrat a été conclu dans un lieu qui n’est pas celui où les professionnels concernés exerçaient leur activité en permanence ou de manière habituelle et en la présence physique simultanée de Mme [P] et de M. [G] représentant la société Buro Premium laquelle l’a transmis à la société NBB Lease pour signature ou disposait de contrats de location pré-signés par cette dernière à faire remplir par le candidat locataire en même temps que le bon de commande. Il s’agit d’un contrat hors établissement.

Si Mme [P] a pu déclarer que l’emploi du matériel commandé était destiné à son usage professionnel il n’en demeure pas moins que l’objet du contrat, à savoir la location d’un copieur Canon couleur et d’un meuble copieur, n’est pas liée à sa compétence professionnelle de diététicienne nutritionniste et ne peut être considéré comme entrant dans le champ de son activité principale de sorte que Mme [P] peut utilement revendiquer l’application des dispositions du code de la consommation, notamment celles relatives aux contrats conclus hors établissement (section 3 du chapitre I articles L 221-8 et suivants) ainsi qu’au droit de rétractation et au bordereau de rétractation telles que prévues à l’article L 221-18 et suivants de la section 6 du chapitre I.

Selon les dispositions de l’article L 221-8 dans sa version en vigueur à compter du 1er juillet 2016, dans le cas d’un contrat conclu hors établissement, le professionnel fournit au consommateur, sur papier ou, sous réserve de l’accord du consommateur, sur un autre support durable, les informations prévues à l’article L. 221-5. Ces informations sont rédigées de manière lisible et compréhensible.

Selon celles de l’article L 221-9 dans sa version en vigueur à compter du 1er juillet 2016 le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l’accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l’engagement exprès des parties. Ce contrat comprend toutes les informations prévues à l’article L. 221-5. Le contrat est accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2o de l’article L. 221-5.

Selon les dispositions de l’article L 221-5 du code de la consommation dans sa version en vigueur à compter du 1er juillet 2016, applicable au litige, préalablement à la conclusion d’un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible notamment, « 2° Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d’exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu’il contient sont fixées par décret en Conseil d’Etat. »

Enfin, selon celles de l’article L 242-1 dans sa version en vigueur à compter du 1er juillet 2016, les dispositions de l’article L. 221-9 sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement. Une telle sanction peut en conséquence être invoquée par le souscripteur du contrat au même titre que la prolongation du délai de rétractation.

En l’espèce, le contrat de location, ne fait nulle mention de la faculté de rétractation ouverte au candidat locataire, ni ne comporte de bordereau de rétractation.

En conséquence, contrairement à ce qu’a retenu le premier juge dont la décision doit être infirmée, le contrat signé par Mme [P] le 19/09/2017 portant engagement de location irrévocable auprès de la société NBB Lease par l’intermédiaire du représentant commercial de Buro Premium est nul et de nul effet.

Il résulte de cette nullité que le contrat de location est privé de tout effet, de sorte que la société NBB Lease France 1 ne peut réclamer aucune condamnation à paiement en application de ce contrat nul et qu’elle doit être déboutée de l’intégralité de ses demandes à ce titre ; de même, corrélativement, Mme [P] se trouve bien fondée à solliciter la condamnation de la société NBB Lease France 1 à lui rembourser les échéances de location réglées en exécution de ce contrat nul du 1er janvier 2018 au 1er juillet 2019 inclus, la première échéance impayée étant celle du 1er octobre 2019, soit 7 échéances trimestrielles représentant au vu de l’échéancier produit au débat une première échéance de 1.097,03 € TTC suivie de 6 échéances de 1.044 € TTC pour un total de 7.361,03 € TTC, outre intérêts au taux légal à compter du 27 avril 2021 date de la notification de ses écritures de première instance portant demande de remboursement.

Les parties devant être remises en l’état antérieur, le matériel livré à Mme [P] en exécution du contrat nul doit être remis en la possession de la société NBB Lease. En l’absence de toute information délivrée sur le droit de rétractation, et en application des dispositions de l’article L 221-23 du code de la consommation dans sa version applicable au litige, pour les contrats conclus hors établissement, lorsque les biens sont livrés au domicile du consommateur au moment de la conclusion du contrat, le professionnel récupère les biens à ses frais s’ils ne peuvent pas être renvoyés normalement par voie postale en raison de leur nature. En conséquence, au regard de la nature des biens livrés à Mme [P] qui ne peuvent être renvoyés normalement par voie postale, il appartient à la société NBB Lease France 1 de les récupérer à ses frais.

Succombant en toutes ses prétentions la Sas NBB Lease France 1 supportera les dépens de première instance et ceux d’appel. Elle se trouve redevable d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile dans les conditions définies au dispositif du présent arrêt sans pouvoir elle-même prétendre à l’application de ce texte à son profit.

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions

Statuant à nouveau,

Prononce la nullité du contrat de location souscrit le 19 septembre 2017 par Mme [T] [P] auprès de la Sas NBB Lease France 1

Déboute la Sas NBB Lease France 1 de l’intégralité de ses demandes

Condamne la Sas NBB Lease France 1 à restituer à Mme [T] [P] la somme de 7.361,03 € TTC au titre des échéances de location réglées du 1er janvier 2018 au 1er juillet 2019 inclus, outre intérêts au taux légal à compter du 27 avril 2021

Dit qu’il appartiendra à la Sas NBB Lease France 1 de récupérer à ses frais le copieur Canon couleur 1325 IF et le meuble pour copieur objets du contrat de location annulé

Condamne la Sas NBB Lease France 1 aux dépens de première instance et d’appel ainsi qu’à payer à Mme [T] [P] une indemnité de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance et de celle d’appel

Déboute la Sas NBB Lease France 1 de sa demande d’indemnité sur ce même fondement.

Le Greffier, Le Président,

N. DIABY C. ROUGER

.

 


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