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Depuis un arrêt rendu en date du 17 septembre 2020 (18-23626), la 2ème chambre civile de la Cour de cassation a posé un nouveau principe concernant la procédure contentieuse avec représentation obligatoire applicable devant la cour d’appel en ce qu’il résulte des articles 542 et 954 du code de procédure civile que lorsque l’appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l’infirmation ni l’annulation du jugement, la cour d’appel ne peut que confirmer le jugement.
La 2ème chambre civile de la Cour de cassation, visant les articles 542, 908 et 954 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, a maintenu depuis cette évolution jurisprudentielle en précisant notamment que :
– L’objet du litige devant la cour d’appel étant déterminé par les prétentions des parties, le respect de l’obligation faite à l’appelant de conclure conformément à l’article 908 s’apprécie nécessairement en considération des prescriptions de l’article 954 ;
– Il résulte de l’article 954, en son deuxième alinéa, que le dispositif des conclusions de l’appelant, remises dans le délai de l’article 908, doit comporter une prétention sollicitant expressément l’infirmation ou l’annulation du jugement frappé d’appel ;
– À défaut, en application de l’article 908, la déclaration d’appel est caduque ou, conformément à l’article 954, alinéa 3, la cour d’appel ne statuant que sur les prétentions énoncées au dispositif, ne peut que confirmer le jugement ;
– Ainsi, l’appelant doit dans le dispositif de ses conclusions mentionner qu’il demande l’infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l’anéantissement, ou l’annulation du jugement. En cas de non-respect de cette règle, la cour d’appel ne peut que confirmer le jugement, sauf la faculté qui lui est reconnue de relever d’office la caducité de l’appel ;
– Lorsque l’incident est soulevé par une partie, ou relevé d’office par le conseiller de la mise en état, ce dernier, ou le cas échéant la cour d’appel statuant sur déféré, prononce la caducité de la déclaration d’appel si les conditions en sont réunies.
La 2ème chambre civile de la Cour de cassation a posé une limite temporelle à l’application de sa nouvelle jurisprudence en admettant que l’obligation de mentionner expressément la demande d’infirmation ou d’annulation du jugement, affirmée pour la première fois par un arrêt publié le 17 septembre 2020, fait peser sur les parties une charge procédurale nouvelle, qu’en conséquence son application immédiate dans les instances introduites par une déclaration d’appel antérieure à la date de cet arrêt, aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable.`
En matière de caducité de la déclaration d’appel, la 2ème chambre civile de la Cour de cassation a donc réservé l’application de sa nouvelle jurisprudence concernant l’exigence, dans le dispositif des premières conclusions de l’appelant, de la mention expresse d’une demande d’infirmation de chefs du dispositif du jugement dont il recherche l’anéantissement ou d’une demande d’annulation du jugement, aux déclarations d’appel formées à compter du 17 septembre 2020.
Selon la nouvelle jurisprudence de la Cour de cassation, lorsque l’appelant ne mentionne pas expressément, dans ses premières conclusions nécessairement notifiées à la cour dans le délai prévu par l’article 908 du code de procédure civile, une demande d’infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l’anéantissement ou une demande d’annulation du jugement :
– La caducité de la déclaration d’appel encourue peut-être relevée d’office par le conseiller de la mise en état ou par la cour. Elle peut être demandée par une partie au conseiller de la mise en état, depuis sa désignation et jusqu’à la clôture de l’instruction, par voie de conclusions d’incident ;
– le manquement de l’appelant n’est pas régularisable vu les exigences procédurales posées par les articles 908 et 910-4 du code de procédure civile.
La caducité est l’état d’un acte juridique valable mais privé d’effet en raison de la survenance d’un fait postérieurement à sa création. La caducité de la déclaration d’appel a pour effet d’éteindre l’instance d’appel. La partie dont la déclaration d’appel a été frappée de caducité n’est plus recevable à former un appel principal contre le même jugement et à l’égard de la même partie.
La Cour de cassation juge que la caducité de la déclaration d’appel ne constitue pas une sanction disproportionnée au but poursuivi, qui est d’assurer la célérité et l’efficacité de la procédure d’appel, et n’est pas contraire aux exigences de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Les formalités et délais imposés par les articles 542, 908, 910-4 et 954 du code de procédure civile ne constituent pas une atteinte illégitime ou disproportionnée au droit d’accès au juge.
Il n’y a pas de condition de grief en matière de caducité de déclaration d’appel. La cour d’appel n’a pas à rechercher si l’irrégularité imputable à l’appelant a causé un grief à l’intimée dès lors que la caducité de la déclaration d’appel est encourue au titre, non pas d’un vice de forme, mais de conclusions d’appel, notifiées par l’appelant dans les délais requis par le code de procédure civile, qui ne sont pas conformes à la loi.
COUR D’APPEL DE RIOM
Chambre Sociale
ORDONNANCE n°
Du 07 Février 2023
N° RG 21/00395 – N° Portalis DBVU-V-B7F-FRNB
ChR/NB/NS
ORDONNANCE
DE CADUCITE D’APPEL
(articles 542, 908 et 954 du code de procédure civile)
jugement au fond, origine conseil de prud’hommes – formation paritaire de clermont-ferrand, décision attaquée en date du 25 janvier 2021, enregistrée sous le n° f 19/00353
Nous, Christophe RUIN, président de la chambre sociale chargé de la mise en état, assisté de Nadia BELAROUI, greffier,
ENTRE
Mme [R] [C]
[Adresse 2]
[Localité 7]
Représentée par Me Emmanuelle JALLIFFIER-VERNE de la SELEURL EJV AVOCATS, avocat au barreau de LYON
APPELANTE
ET
S.A.R.L. EKODRONE
prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis
[Adresse 8]
[Localité 5]
S.A.R.L. MANDATUM représentée par Me [P] [B], mandataire judiciaire de la SARL EKODRONE
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentées par Me Emmanuelle RICHARD de l’AARPI JURIS LITEM AARPI, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
CGEA GESTIONNAIRE DE L’AGS D'[Localité 4]
[Adresse 1]
[Adresse 9]
[Localité 4]
non constitué, non représenté
INTIMES
La société EKODRONE est une agence de production audiovisuelle : elle réalise et produit des vidéos, offre une prestation de captation vidéo au moyen d’un aéronef sans pilote, loue du matériel audiovisuel et propose également des formations, du conseil et de l’accompagnement.
Madame [R] [C], née le 31 août 1992, a été embauchée à compter du 1er décembre 2016 par la société EKODRONE, selon contrat de travail à durée indéterminée à temps complet, en qualité d’assistante. Madame [C] a démissionné par courrier daté du 5 janvier 2018.
Le 26 juin 2019, Madame [C] a saisi le conseil de prud’hommes de CLERMONT-FERRAND aux fins notamment de voir condamner la SARL EKODRONE à lui verser des rappels de salaire et des indemnités.
Par jugement rendu le 25 janvier 2021, le conseil de prud’hommes de CLERMONT-FERRAND a :
– dit et jugé les demandes de Madame [R] [C] en partie recevables et en partie fondées ;
– fixé en conséquence sa créance au passif de la Société EKODRONE aux sommes suivantes :
* 749,91 euros au titre d’heures supplémentaires, outre la somme de 74,99 euros au titre des congés payés afférents,
* 244 euros d’indemnité au titre de la contrepartie obligatoire en jours de repos ;
– débouté Madame [R] [C] de sa demande de rappel de salaire au titre du mois de novembre 2016 et des congés payés y afférents ;
– débouté Madame [R] [C] de sa demande de rappel de salaire au titre des fonctions exercées et des congés payés y afférents ;
– débouté Madame [R] [C] de sa demande de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité de résultat;
– débouté Madame [R] [C] de sa demande de dommages-intérêts au titre du différé de congés payés injustifié ;
– déclaré prescrites et donc irrecevables pour ce motif les demandes : – d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ; – de rappel d’indemnité compensatrice de congés payés ; – de remise de document de fin de contrat ;
– débouté Madame [C] de sa demande sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
– débouté la Société EKODRONE de sa demande sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
– dit et jugé qu’il n’y a pas lieu d’ordonner l’exécution provisoire du présent jugement
au-delà des sommes pour lesquelles elle est due de plein droit ;
– déclaré le présent jugement opposable à l’AGS et au CGEA d'[Localité 4] dans les limites prévues aux articles L.3253-1 et suivants du Code du travail et du décret n°2003-
684 du 24 juillet 2003 ;
– en vertu des dispositions de l’article 696 du Code de Procédure civile, condamné la SELARL MANDATUM en sa qualité de mandataire judiciaire de la Société EKODRONE, aux entiers frais et dépens de la présente instance.
En première instance, Madame [C] était assistée de Maître Emmanuelle JALLIFIER-VERNE (SELARL ACTIVE AVOCATS), avocat au barreau de LYON. La SARL EKODRONE ainsi que la SELARL MADATUM, cette dernière en qualité de mandataire judiciaire de la société EKODRONE, étaient assistées ou représentées par Maître Emmanuelle RICHARD, avocate au barreau de CLERMONT-FERRAND. Le CGEA d’ORLÉANS, délégation AGS, n’était ni présent ni représenté.
Le 15 février 2021, Madame [R] [C] a interjeté appel de ce jugement (avocat : Maître Emmanuelle [S]).
Le 15 mars 2021, Maître [H] [V], du barreau de CLERMONT-FERRAND, s’est constituée avocat dans les intérêts de la SARL EKODRONE et de la SELARL MANDATUM, représentée par Me [P] [B], en qualité de mandataire judiciaire de la SARL EKODRONE.
Le 8 avril 2021, l’appelante a fait signifier (à personne) la déclaration d’appel au CGEA d'[Localité 4] en tant que délégation AGS.
Le 11 mai 2021, Madame [R] [C] a notifié à la cour ainsi qu’à Maître [H] [V] ses premières conclusions au fond et ses pièces.
Le 12 mai 2021, Madame [R] [C] a fait signifier (à personne) ses conclusions et pièces au CGEA d'[Localité 4] en tant que délégation AGS.
Le 10 août 2021, la SARL EKODRONE ainsi que la SELARL MANDATUM, représentée par Me [P] [B], en qualité de mandataire judiciaire de la SARL EKODRONE, ont notifié à la cour ainsi qu’à Maître [H] [S] leurs premières conclusions au fond.
Le 21 décembre 2022, la SARL EKODRONE ainsi que la SELARL MANDATUM, représentée par Me [P] [B], en qualité de mandataire judiciaire de la SARL EKODRONE, ont notifié, à la cour ainsi qu’à Maître [H] [S], des conclusions d’incident afin de voir le conseiller de la mise en état prononcer la caducité de la déclaration d’appel formé par Madame [R] [C].
Le 2 janvier 2023, le greffe de la chambre sociale de la cour d’appel de Riom a avisé les avocats des parties (Maître [H] [S] et Maître Emmanuelle [V]) que l’incident était fixé à l’audience de mise en état du 23 janvier 2023 à 13 heures 40.
À l’audience de mise en état du 23 janvier 2023, l’avocat de la SARL EKODRONE ainsi que de la SELARL MANDATUM, représentée par Me [P] [B], en qualité de mandataire judiciaire de la SARL EKODRONE, a comparu, mais pas l’avocat de Madame [R] [C].
Maître Emmanuelle JALLIFFIER-VERNE, avocat de Madame [R] [C], n’a pas notifié de conclusions en réponse sur incident, mais a envoyé par mail, le 23 janvier 2023 à 11 heures 44, via une ‘assistante [Z] [D]’ (‘), une demande de renvoi, pour pouvoir répliquer aux conclusions d’incident dont elle reconnaît avoir pris connaissance, mais également pour constituer sa société en lieu et place d’ACTIVE AVOCATS (‘).
Maître [H] [S], régulièrement constituée comme avocat de Madame [R] [C], a pu prendre connaissance des conclusions d’incident dès le 21 décembre 2022 et a été informée le 2 janvier 2023 de la date d’audience de mise en état, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande (de dernière heure) de renvoi et a retenu l’incident (délibéré au 7 février 2023).
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernière conclusions d’incident, la SARL EKODRONE ainsi que la SELARL MANDATUM, représentée par Me [P] [B], en qualité de mandataire judiciaire de la SARL EKODRONE, demandent au conseiller de la mise en état de :
– prononcer la caducité de la déclaration d’appel formé par Madame [R] [C] ;
– condamner Madame [R] [C] à payer à la société EKODRONE la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner Madame [R] [C] aux dépens.
La SARL EKODRONE ainsi que la SELARL MANDATUM, représentée par Me [P] [B], en qualité de mandataire judiciaire de la SARL EKODRONE, exposent qu’il résulte des articles 542 et 954 du code de procédure civile que lorsque l’appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l’infirmation ni l’annulation du jugement, la Cour d’appel ne peut que confirmer le jugement. Il ne suffit donc pas de relever que les conclusions de l’appelant comportent des demandes tendant à « fixer », « condamner », « dire et juger » ; dès lors que l’appelant s’abstient de conclure expressément à la réformation ou à l’annulation du jugement déféré, l’appel est dénué d’objet. Cette position de la Cour de cassation a été rappelée récemment, pour tous les appels formés à compter du 17 septembre 2020. Étant précisé qu’aucune régularisation ne peut intervenir au-delà du délai imparti à l’appelant pour conclure. Il est demandé au conseiller de la mise en état de constater que la Cour n’est saisie d’aucune demande, entraînant la caducité de l’appel formé par Madame [C].
MOTIF
Aux termes de l’article 542 du code de procédure civile (avant 1er septembre 2017) : ‘L’appel tend à faire réformer ou annuler par la cour d’appel un jugement rendu par une juridiction du premier degré.’
Aux termes de l’article 542 du code de procédure civile (depuis 1er septembre 2017) : ‘L’appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d’appel.’
Aux termes de l’article 908 du code de procédure civile : ‘A peine de caducité de la déclaration d’appel, relevée d’office, l’appelant dispose d’un délai de trois mois à compter de la déclaration d’appel pour remettre ses conclusions au greffe.’
Aux termes de l’article 910-4 du code de procédure civile (décret 2019-1333 du 11 décembre 2019 / dispositions entrées en vigueur le 1er janvier 2020 mais applicables aux instances en cours à cette date) :
‘A peine d’irrecevabilité, relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. L’irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.
Néanmoins, et sans préjudice de l’alinéa 2 de l’article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.’
Aux termes de l’article 954 du code de procédure civile (décret 2017-891 du 6 mai 2017) :
‘Les conclusions d’appel contiennent, en en-tête, les indications prévues à l’article 961. Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé.
Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, l’énoncé des chefs de jugement critiqués, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu’un dispositif récapitulant les prétentions. Si, dans la discussion, des moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures sont invoqués au soutien des prétentions, ils sont présentés de manière formellement distincte.
La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion.
Les parties doivent reprendre, dans leurs dernières écritures, les prétentions et moyens précédemment présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et la cour ne statue que sur les dernières conclusions déposées.
La partie qui conclut à l’infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu’elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance.
La partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs.’
Aux termes de l’article 960 du code de procédure civile:
‘La constitution d’avocat par l’intimé ou par toute personne qui devient partie en cours d’instance est dénoncée aux autres parties par notification entre avocats.
Cet acte indique :
a) Si la partie est une personne physique, ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ;
b) S’il s’agit d’une personne morale, sa forme, sa dénomination, son siège social et l’organe qui la représente légalement.’
Aux termes de l’article 961 du code de procédure civile (décret 2017-891 du 6 mai 2017) :
‘Les conclusions des parties sont signées par leur avocat et notifiées dans la forme des notifications entre avocats. Elles ne sont pas recevables tant que les indications mentionnées à l’alinéa 2 de l’article précédent n’ont pas été fournies. Cette fin de non-recevoir peut être régularisée jusqu’au jour du prononcé de la clôture ou, en l’absence de mise en état, jusqu’à l’ouverture des débats.
La communication des pièces produites est valablement attestée par la signature de l’avocat destinataire apposée sur le bordereau établi par l’avocat qui procède à la communication.’
Avant le 17 septembre 2020, la 2ème chambre civile de la Cour de cassation jugeait que, vu les dispositions combinées des articles 542, 908 et 954 du code de procédure civile, le dispositif des premières conclusions de l’appelant doit comporter des prétentions déterminant l’objet du litige, à peine de caducité de la déclaration d’appel.
Depuis un arrêt rendu en date du 17 septembre 2020 (18-23626), la 2ème chambre civile de la Cour de cassation a posé un nouveau principe concernant la procédure contentieuse avec représentation obligatoire applicable devant la cour d’appel en ce qu’il résulte des articles 542 et 954 du code de procédure civile que lorsque l’appelant ne demande dans le dispositif de ses conclusions ni l’infirmation ni l’annulation du jugement, la cour d’appel ne peut que confirmer le jugement.
La 2ème chambre civile de la Cour de cassation, visant les articles 542, 908 et 954 du code de procédure civile et 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, a maintenu depuis cette évolution jurisprudentielle en précisant notamment que :
– L’objet du litige devant la cour d’appel étant déterminé par les prétentions des parties, le respect de l’obligation faite à l’appelant de conclure conformément à l’article 908 s’apprécie nécessairement en considération des prescriptions de l’article 954 ;
– Il résulte de l’article 954, en son deuxième alinéa, que le dispositif des conclusions de l’appelant, remises dans le délai de l’article 908, doit comporter une prétention sollicitant expressément l’infirmation ou l’annulation du jugement frappé d’appel ;
– À défaut, en application de l’article 908, la déclaration d’appel est caduque ou, conformément à l’article 954, alinéa 3, la cour d’appel ne statuant que sur les prétentions énoncées au dispositif, ne peut que confirmer le jugement ;
– Ainsi, l’appelant doit dans le dispositif de ses conclusions mentionner qu’il demande l’infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l’anéantissement, ou l’annulation du jugement. En cas de non-respect de cette règle, la cour d’appel ne peut que confirmer le jugement, sauf la faculté qui lui est reconnue de relever d’office la caducité de l’appel ;
– Lorsque l’incident est soulevé par une partie, ou relevé d’office par le conseiller de la mise en état, ce dernier, ou le cas échéant la cour d’appel statuant sur déféré, prononce la caducité de la déclaration d’appel si les conditions en sont réunies.
La 2ème chambre civile de la Cour de cassation a posé une limite temporelle à l’application de sa nouvelle jurisprudence en admettant que l’obligation de mentionner expressément la demande d’infirmation ou d’annulation du jugement, affirmée pour la première fois par un arrêt publié le 17 septembre 2020, fait peser sur les parties une charge procédurale nouvelle, qu’en conséquence son application immédiate dans les instances introduites par une déclaration d’appel antérieure à la date de cet arrêt, aboutirait à priver les appelants du droit à un procès équitable.
En matière de caducité de la déclaration d’appel, la 2ème chambre civile de la Cour de cassation a donc réservé l’application de sa nouvelle jurisprudence concernant l’exigence, dans le dispositif des premières conclusions de l’appelant, de la mention expresse d’une demande d’infirmation de chefs du dispositif du jugement dont il recherche l’anéantissement ou d’une demande d’annulation du jugement, aux déclarations d’appel formées à compter du 17 septembre 2020.
Selon la nouvelle jurisprudence de la Cour de cassation, lorsque l’appelant ne mentionne pas expressément, dans ses premières conclusions nécessairement notifiées à la cour dans le délai prévu par l’article 908 du code de procédure civile, une demande d’infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l’anéantissement ou une demande d’annulation du jugement :
– La caducité de la déclaration d’appel encourue peut-être relevée d’office par le conseiller de la mise en état ou par la cour. Elle peut être demandée par une partie au conseiller de la mise en état, depuis sa désignation et jusqu’à la clôture de l’instruction, par voie de conclusions d’incident ;
– le manquement de l’appelant n’est pas régularisable vu les exigences procédurales posées par les articles 908 et 910-4 du code de procédure civile.
La caducité est l’état d’un acte juridique valable mais privé d’effet en raison de la survenance d’un fait postérieurement à sa création. La caducité de la déclaration d’appel a pour effet d’éteindre l’instance d’appel. La partie dont la déclaration d’appel a été frappée de caducité n’est plus recevable à former un appel principal contre le même jugement et à l’égard de la même partie.
La Cour de cassation juge que la caducité de la déclaration d’appel ne constitue pas une sanction disproportionnée au but poursuivi, qui est d’assurer la célérité et l’efficacité de la procédure d’appel, et n’est pas contraire aux exigences de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Les formalités et délais imposés par les articles 542, 908, 910-4 et 954 du code de procédure civile ne constituent pas une atteinte illégitime ou disproportionnée au droit d’accès au juge.
Il n’y a pas de condition de grief en matière de caducité de déclaration d’appel. La cour d’appel n’a pas à rechercher si l’irrégularité imputable à l’appelant a causé un grief à l’intimée dès lors que la caducité de la déclaration d’appel est encourue au titre, non pas d’un vice de forme, mais de conclusions d’appel, notifiées par l’appelant dans les délais requis par le code de procédure civile, qui ne sont pas conformes à la loi.
En l’espèce, le dispositif des premières conclusions d’appel notifiées le 11 mai 2021 par Madame [R] [C] est ainsi libellé :
‘Vu la loi,
Vu les articles
Vu la jurisprudence précitée,
Vu les pièces versées aux débats,
Madame [R] [C] conclut à ce qu’il plaise à la Cour d’appel de RIOM de bien vouloir :
– DIRE ET JUGER recevable et bien fondée l’action de Madame [C] ;
– FIXER le salaire moyen de référence de Madame [C] à la somme de 2.223,46 € bruts par mois ;
– FIXER au passif de la Société EKODRONE l’ensemble des condamnations à intervenir ;
EN CONSEQUENCE,
– CONDAMNER la Société EKODRONE à verser à Madame [C] la somme
de 760,97 € bruts à titre de rappel de salaire du mois de novembre 2016, outre la somme de 76,09 € bruts de congés payés afférents ;
– CONDAMNER la Société EKODRONE à verser à Madame [C] la somme
de 11.446, 35 € bruts à titre de rappel de salaire minimum conventionnel, outre la somme de 1.144,63 € bruts de congés payés afférents ;
– CONDAMNER la Société EKODRONE à verser à Madame [C] la somme
de 2.004,74 € bruts à titre de rappel d’heures supplémentaires, outre la somme de 200,47 € bruts de congés payés afférents ;
– CONDAMNER la Société EKODRONE à verser à Madame [C] la somme
de 396,74 € nets à titre de rappel de contrepartie obligatoire en repos ;
– CONDAMNER la Société EKODRONE à verser à Madame [C] la somme
de 14.205,78 € nets à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;
– CONDAMNER la Société EKODRONE à verser à Madame [C] la somme
de 5.000 € nets à titre de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité de résultat ;
– CONDAMNER la Société EKODRONE à verser à Madame [C] la somme
de 500 € nets à titre de dommages-intérêts au titre du différé congés payés injustifié ;
– CONDAMNER la Société EKODRONE à verser à Madame [C] la somme
de 327,81 € bruts à titre de rappel de salaire du mois de janvier 2018 ;
EN TOUT ETAT DE CAUSE,
– ORDONNER à la Société EKODRONE de remettre à Madame [C], sous
astreinte de 150,00 € par jour de retard à compter du 15ème jour du jugement à intervenir, que le conseil se réservera le droit de liquider le cas échéant, la remise des documents suivants :
– le bulletin de salaire du mois de novembre 2016;
– le bulletin de salaire du mois de janvier 2018,
– le bulletin de salaires rectifiés pour l’ensemble de la période de travail,
– un certificat de travail conforme aux périodes réellement travaillées par Madame [C] c’est-à-dire du 21 novembre 2016 au 5 janvier 2018,
– une attestation Pôle-Emploi rectificative,
– un reçu pour solde de tout compte
– ASSORTIR l’ensemble des condamnations à intervenir des intérêts au taux légal à compter de la saisine de la Juridiction de céans ;
– CONDAMNER la Société EKODRONE à verser à Madame [C] la somme
de 3.000,00 € nets au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– CONDAMNER la Société EKODRONE aux entiers dépens ;
– DECLARER l’arrêt à intervenir opposable à l’AGS-CGEA d’Orléans ainsi qu’à la SELARL MANDATUM en sa qualité de mandataire judiciaire de la Société EKODRONE.
SOUS TOUTES RESERVES’
Dans sa déclaration d’appel du 15 février 2021, Madame [R] [C] indique que ‘les chefs de jugement critiqués sont en ce que la conseil de prud’hommes de CLERMONT-FERRAND a :
– dit et jugé les demandes de Madame [R] [C] en partie recevables et en partie fondées ;
– débouté Madame [R] [C]
* de sa demande de rappel de salaire au titre du mois de novembre 2016 et des congés payés y afférents ;
* de sa demande de rappel de salaire au titre des fonctions exercées et des congés payés y afférents ;
* de sa demande de dommages-intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité de résultat ;
* de sa demande de dommages-intérêts au titre du différé de congés payés injustifié ;
– déclaré prescrites et donc irrecevables pour ce motif les demandes :
* d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;
* de rappel d’indemnité compensatrice de congés payés ;
* de remise de document de fin de contrat ;
– débouté Madame [C] de sa demande sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile. ‘.
Le dispositif des premières conclusions d’appel notifiées par Madame [R] [C] à la cour le 11 mai 2021, soit dans le délai prévu par l’article 908 du code de procédure civile, ne mentionne pas les mots ‘infirmation’ ou ‘annulation’, ni même d’ailleurs les mots ‘réformation’ ou ‘confirmation’, ni ne contient une demande expresse d’infirmation des chefs du dispositif du jugement dont l’appelante rechercherait l’anéantissement, ou une demande expresse d’annulation du jugement.
En conséquence, vu les principes susvisés, l’objet du litige devant la cour d’appel ne pouvant être précisément déterminé par les prétentions présentées dans le dispositif des premières conclusions de l’appelante, il échet de prononcer la caducité de la déclaration d’appel.
Madame [R] [C] sera condamnée aux entiers dépens d’appel.
En équité, il n’y a pas lieu à condamnation de quiconque sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
Nous, Christophe RUIN, magistrat de la mise en état, assisté de Nadia BELAROUI, greffière,
– Prononçons la caducité de la déclaration d’appel formée le 15 février 2021 par Madame [R] [C] à l’encontre du jugement rendu en date du 25 janvier 2021 par le conseil de prud’hommes de CLERMONT-FERRAND ;
– Rappelons que la caducité de la déclaration d’appel a pour effet d’éteindre l’instance d’appel ;
– Disons que Madame [R] [C] supportera la charge des entiers dépens de la procédure d’appel ;
– Rappelons que, conformément aux dispositions de l’article 916 du code de procédure civile, la présente ordonnance peut être déférée par requête à la cour dans les quinze jours.
Le greffier Le magistrat de la mise en état
N. BELAROUI C. RUIN