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COUR D’APPEL DE RENNES
N° 121/22
N° RG 22/00231 – N° Portalis DBVL-V-B7G-SWTN
JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT
O R D O N N A N C E
articles L 741-10 et suivants du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile
Nous, Jean-Denis BRUN, conseiller à la cour d’appel de RENNES, délégué par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, assisté de Morgane LIZEE, greffière placée,
Statuant sur l’appel formé le 02 Mai 2022 à 11H44 par Maître PAULET PRIGENT avocat au barreau de RENNES pour:
M. [A] [S]
né le [Date naissance 1] 1983 à [Localité 3] ( TUNISIE)
de nationalité Tunisienne
ayant pour avocat Me Marie-aude PAULET-PRIGENT, avocat au barreau de RENNES
d’une ordonnance rendue le 29 Avril 2022 à 18H36 par le juge des libertés et de la détention du Tribunal judiaire de RENNES qui a rejeté les exceptions de nullité soulevées, le recours formé à l’encontre de l’arrêté de placement en rétention administrative, et ordonné la prolongation du maintien de M. [A] [S] dans les locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire pour une durée maximale de vingt-huit jours à compter du 28 avril 2022 à15h20;
En présence de Monsieur [N] [W] représentant du préfet de FINISTERE, dûment convoqué,muni d’un pouvoir
En l’absence du procureur général régulièrement avisé, ( avis écrit )
En présence de [A] [S], assisté de Me Marie-aude PAULET-PRIGENT, avocat,
Après avoir entendu en audience publique le 03 Mai 2022 à 11 H 00 l’appelant assisté de M. M.[U] [P], interprète en langue arabe, qui a pêté serment, et son avocat et le représentant du préfet en leurs observations,
Avons mis l’affaire en délibéré et le 03 Mai 2022 à 14h00, avons statué comme suit :
Par arrêté du 26 juillet 2021 notifié le même jour le Préfet du Finistère a fait obligation à Monsieur [A] [S] de quitter le territoire français.
Par arrêté du 26 avril 2022 notifié le même jour le Préfet du Finistère a placé Monsieur [A] [S] en rétention dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire.
Par requête du 28 avril 2022 le Préfet du Finistère a saisi le juge des libertés et de la détention d’une demande de prolongation de la rétention.
Monsieur [A] [S] a saisi le juge des libertés et de la détention d’une requête en contestation de la régularité de placement en rétention.
Par ordonnance du 29 avril 2022 le juge des libertés et de la détention a rejeté la contestation de la régularité de l’arrêté de placement en rétention, dit que la procédure était régulière et a autorisé la prolongation de la rétention pour une durée de vingt-huit jours.
Par déclaration motivée de son Avocat du 02 mai 2022 Monsieur [A] [S] a formé appel de cette ordonnance.
Il soutient à l’appui que le Préfet du Finistère n’a pas procédé à un examen approfondi de sa situation et a commis une erreur manifeste d’appréciation en ne prenant en compte ni l’existence d’un logement avec sa compagne et sa fille ni ses problèmes de santé dûment justifiés à l’audience du juge des libertés et de la détention.
Il fait valoir que la procédure est irrégulière en ce que la nécessité d’un recours à un interprétariat par téléphone n’est pas justifiée alors que ce procédé non justifié lui fait nécessairement grief et en ce que le Procureur de la République a été avisé tardivement de son placement en garde à vue.
Il conclut à la condamnation du Préfet du Finistère à lui payer la somme de 600,00 Euros sur le fondement des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Selon avis du 02 mai 2022 le Procureur Général a sollicité la confirmation de l’ordonnance attaquée.
A l’audience, Monsieur [A] [S], assisté de son Avocat, a fait développer oralement les termes de son mémoire d’appel.
Le Préfet du Finistère maintient que Monsieur [A] [S] ne dispose pas d’un domicile stable et fait valoir en outre que son état de santé n’est pas incompatible avec son maintien en rétention.
Il ne conteste pas le recours à l’interprétariat par téléphone sur réquisition à 20 h 10 mn sans mention de la nécessité d’y recourir mais souligne qu’il a exercé ses droits en sollicitant un examen médical et un Avocat et qu’il a eu remise d’un formulaire lui rappelant ses droits en langue arabe.
Il considère enfin que l’avis au Procureur à 20 h 29 après une interpellation à 19 h 45 n’est pas tardif.
MOTIFS
L’appel, formé dans les formes et délais légaux, est recevable.
Sur le défaut d’examen approfondi de la situation de Monsieur [A] [S] et l’erreur d’appréciation,
L’article L741-1 du CESEDA prévoit que l’autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l’étranger qui se trouve dans l’un des cas prévus à l’article L. 731-1 lorsqu’il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l’exécution de la décision d’éloignement et qu’aucune autre mesure n’apparaît suffisante à garantir efficacement l’exécution effective de cette décision.
Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l’article L. 612-3.
L’article L612-3 du CESEDA précise que le risque mentionné au 3° de l’article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans le cas où l’étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n’a pas sollicité la délivrance d’un titre de séjour, dans le cas où l’étranger s’est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation du visa, à l’expiration d’un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d’un titre de séjour, dans le cas où l’étranger s’est maintenu sur le territoire français plus d’un mois après l’expiration de son titre de séjour, dans le cas où ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu’il ne peut présenter des documents d’identité ou de voyage en cours de validité et qu’il ne justifie pas d’une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale.
L’article 15 de la Directive 2008/115/CE prévoit qu’à moins que d’autres mesures suffisantes, mais moins coercitives, puissent être appliquées efficacement dans un cas particulier, les États membres peuvent uniquement placer en rétention le ressortissant d’un pays tiers qui fait l’objet de procédures de retour afin de préparer le retour et/ou de procéder à l’éloignement, en particulier lorsqu’il existe un risque de fuite.
L’article L741-4 du CESEDA prévoit que l’arrêté de placement en rétention prend en compte l’état de vulnérabilité.
En l’espèce, Monsieur [A] [S] s’est soustrait à deux mesures d’éloignement en 2019 et 2021 avec interdiction de retour après avoir bénéficié de mesures d’assignation à résidence, a été placé en garde à vue le 25 avril 2022 pour des violences sur sa concubine, avec qui il revendique portant une vie commune, a déclaré le même jour d’une part qu’il avait pour adresse le CCAS puis qu’il vivait chez des amis et qu’il ignorait l’adresse de l’hôtel où vivaient la mère de son enfant et cette dernière.
Les documents médicaux versés aux débats et notamment ceux de l’OFII du 16 novembre 2021 et le certificat médical établi le 26 avril 2022 en garde à vue et les documents produits à l’audience n’établissent pas que son état de santé serait incompatible avec une mesure privative de liberté, ce qu’a précisément relevé le Préfet dans son arrêté de placement en rétention.
C’est en conséquence après un examen approfondi de la situation de Monsieur [A] [S] et sans commettre d’erreur d’appréciation que le Préfet a placé ce dernier en rétention au regard de l’absence de garanties de représentation et de l’absence d’un état de vulnérabilité faisant obstacle à son placement en rétention.
Sur l’avis tardif du Procureur du Placement en garde à vue,
Sur le recours à un interprétariat par téléphone,
L’article 706-71 du Code de Procédure Pénale, au visa duquel l’intéressé conteste la régularité de la procédure de garde à vue, dispose :
« Aux fins d’une bonne administration de la justice, il peut être recouru au cours de la procédure pénale, si le magistrat en charge de la procédure ou le président de la juridiction saisie l’estime justifié, dans les cas et selon les modalités prévus au présent article, à un moyen de télécommunication audiovisuelle.
Lorsque les nécessités de l’enquête ou de l’instruction le justifient, l’audition ou l’interrogatoire d’une personne ainsi que la confrontation entre plusieurs personnes peuvent être effectués en plusieurs points du territoire de la République ou entre le territoire de la République et celui d’un Etat membre de l’Union européenne dans le cadre de l’exécution d’une décision d’enquête européenne et se trouvant reliés par des moyens de télécommunications garantissant la confidentialité de la transmission. Dans les mêmes conditions, la présentation aux fins de prolongation de la garde à vue ou de la retenue judiciaire peut être réalisée par l’utilisation de moyens de télécommunication audiovisuelle. Il est alors dressé, dans chacun des lieux, un procès-verbal des opérations qui y ont été effectuées. Ces opérations peuvent faire l’objet d’un enregistrement audiovisuel ou sonore, les dispositions des troisième à huitième alinéas de l’article 706-52 sont alors applicables.
Les dispositions de l’alinéa précédent prévoyant l’utilisation d’un moyen de télécommunication audiovisuelle sont applicables devant la juridiction de jugement pour l’audition des témoins, des parties civiles et des experts. Elles sont également applicables, avec l’accord du procureur de la République et de l’ensemble des parties, pour la comparution du prévenu devant le tribunal correctionnel si celui-ci est détenu.
Ces dispositions sont également applicables à l’audition ou à l’interrogatoire par un juge d’instruction d’une personne détenue, au débat contradictoire préalable au placement en détention provisoire d’une personne détenue pour une autre cause, au débat contradictoire prévu pour la prolongation de la détention provisoire, y compris l’audience prévue à l’avant-dernier alinéa de l’article 179, aux audiences relatives au contentieux de la détention provisoire devant la chambre de l’instruction ou la juridiction de jugement, à l’interrogatoire de l’accusé par le président de la cour d’assises en application de l’article 272, à la comparution d’une personne à l’audience au cours de laquelle est rendu un jugement ou un arrêt qui avait été mis en délibéré ou au cours de laquelle il est statué sur les seuls intérêts civils, à l’interrogatoire par le procureur ou le procureur général d’une personne arrêtée en vertu d’un mandat d’amener, d’un mandat d’arrêt, d’un mandat d’arrêt européen, d’une demande d’arrestation provisoire, d’une demande d’extradition ou d’une demande d’arrestation aux fins de remise, à la présentation au juge des libertés et de la détention, au premier président de la cour d’appel ou au magistrat désigné par lui en application des articles 627-5,695-28, 696-11 et 696-23 si la personne est détenue pour une autre cause, ou à l’interrogatoire du prévenu devant le tribunal de police si celui-ci est détenu pour une autre cause. Lorsqu’il s’agit d’une audience au cours de laquelle il doit être statué sur le placement en détention provisoire ou la prolongation de la détention provisoire, la personne détenue peut, lorsqu’elle est informée de la date de l’audience et du fait que le recours à ce moyen est envisagé, refuser l’utilisation d’un moyen de télécommunication audiovisuelle, sauf si son transport paraît devoir être évité en raison des risques graves de trouble à l’ordre public ou d’évasion ; il en est de même lorsqu’il doit être statué sur l’appel portant sur une décision de refus de mise en liberté ou sur la saisine directe de la chambre de l’instruction en application du dernier alinéa de l’article 148 ou de l’article 148-4 par une personne détenue en matière criminelle depuis plus de six mois dont la détention n’a pas déjà fait l’objet d’une décision de prolongation et n’ayant pas personnellement comparu, sans recourir à un moyen de communication audiovisuelle, devant la chambre de l’instruction depuis au moins six mois.
Elles sont de même applicables devant la commission d’indemnisation des victimes d’infractions, devant le premier président de la cour d’appel statuant sur les demandes de réparation d’une détention provisoire, devant la Commission nationale de réparation des détentions, devant la commission d’instruction des demandes en révision et en réexamen et devant la cour de révision et de réexamen.
Pour l’application des dispositions des alinéas précédents, si la personne est assistée par un avocat ou par un interprète, ceux-ci peuvent se trouver auprès du magistrat, de la juridiction ou de la commission compétents ou auprès de l’intéressé. Dans le premier cas, l’avocat doit pouvoir s’entretenir avec ce dernier, de façon confidentielle, en utilisant le moyen de télécommunication audiovisuelle. Dans le second cas, une copie de l’intégralité du dossier doit être mise à sa disposition dans les locaux de détention sauf si une copie de ce dossier lui a déjà été remise. Si ces dispositions s’appliquent au cours d’une audience, celle-ci doit se tenir dans des conditions qui garantissent le droit de la personne à présenter elle-même ses observations.
Lorsqu’une personne est détenue, la notification d’une expertise par une juridiction doit se faire par l’utilisation d’un moyen de télécommunication audiovisuelle, sauf décision contraire motivée ou s’il doit être procédé concomitamment à un autre acte.
En cas de nécessité, résultant de l’impossibilité pour un interprète de se déplacer, l’assistance de l’interprète au cours d’une audition, d’un interrogatoire ou d’une confrontation peut également se faire par l’intermédiaire de moyens de télécommunications.
Un décret en Conseil d’Etat précise, en tant que de besoin, les modalités d’application du présent article. »
Ce texte ne prévoit pas la notification des droits en garde à vue.
L es pièces de la procédure débattues contradictoirement montrent que Monsieur [A] [S] ne caractérise aucune atteinte à ses droits et qu’il n’a subi aucune atteinte à ces droits puisqu’il a reçu une notice sur ses droits en garde à vue dans une langue qu’il comprend et qu’il a effectivement exercé les droits qui lui ont été notifiés.
Sur l’avis tardif du Procureur de la République,
L’article 63 du Code de Procédure Pénale dispose seul un officier de police judiciaire peut, d’office ou sur instruction du procureur de la République, placer une personne en garde à vue et que dès le début de la mesure, l’officier de police judiciaire informe le procureur de la République, par tout moyen, du placement de la personne en garde à vue.
En l’espèce, il ressort des pièces de la procédure débattues contradictoirement que Monsieur [A] [S] a été interpellé à 19 h 45 mn, qu’il a été conduit au Commissariat de Police de [Localité 2] et que la mesure de garde à vue a été décidée par un Officier de Police Judiciaire et lui a été notifiée à 20 h 20 et le Procureur de la République a été informé de cette mesure à 20 h 29 mn. Un délai de 44 minutes entre l’interpellation et l’information du Procureur et de 9 mn entre la notification de la mesure de garde à vue et cette information est compatible avec les exigences de l’article 63 du Code de Procédure Pénale.
L’ordonnance attaquée sera confirmée.
La demande au titre des dispositions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 n’est pas justifiée et sera rejetée.
PAR CES MOTIFS,
Déclarons l’appel recevable,
Confirmons l’ordonnance du juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Rennes du 29 avril 2022,
Rejetons la demande au titre des dis positions des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991,
Laissons les dépens à la charge du Trésor Public.
Ainsi jugé le 03 mai 2022 à 14 heures
LE GREFFIERLE CONSEILLER DÉLÉGUÉ
Notification de la présente ordonnance a été faite ce jour à [A] [S], à son avocat et au préfet
Le Greffier,
Cette ordonnance est susceptible d’un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile.
Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général.
Le Greffier