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COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 51A
14e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 22 SEPTEMBRE 2022
N° RG 21/07040 – N° Portalis DBV3-V-B7F-U3NC
AFFAIRE :
[L] [G]
C/
[X] [Y]
…
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 19 Octobre 2021 par le Tribunal de proximité de BOULOGNE BILLANCOURT
N° RG : 12-21-0085
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 22.09.2022
à :
Me Julie GOURION, avocat au barreau de VERSAILLES
Me Lénaïg RICKAUER, avocat au barreau de VERSAILLES,
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT DEUX SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [L] [G]
né le 18 Janvier 1968 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentant : Me Julie GOURION, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 51 – N° du dossier 2211133
Assisté de Me Béranger BOUDIGNON, avocat plaidant au barreau de Paris
APPELANT
****************
Monsieur [X] [Y]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 3]
Madame [R] [Y]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentant : Me Lénaïg RICKAUER, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 13 – N° du dossier 20210312
Assistés de Me Cayla HORVILLEUR, avocat plaidant
INTIMES
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 13 Juin 2022 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marina IGELMAN, Conseiller chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Nicolette GUILLAUME, Président,
Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller,
Madame Marina IGELMAN, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Mme Elisabeth TODINI,
EXPOSE DU LITIGE
Par acte sous seing privé du 31 mars 2016, à effet du 31 mars 2016, M. [X] [Y] et Mme [R] [Y] ont donné à bail, pour une durée de 3 ans renouvelable, à M. [L] [G] un local à usage d’habitation situé [Adresse 2], moyennant un loyer mensuel révisable de 697,51 euros.
Par acte d’huissier de justice délivré le 18 mars 2021, M. et Mme [Y] ont fait assigner en référé M. [G] aux fins d’obtenir principalement la constatation de l’acquisition de la clause résolutoire à la suite de la délivrance le 18 décembre 2020 d’un commandement de payer visant cette clause, son expulsion, sa condamnation au paiement de la somme principale de 4 260,59 euros au titre des loyers et charges arrêtés à la date du 23 février 2021 ainsi que d’une indemnité d’occupation égale au loyer et charges et ce à compter du 8 décembre 2021 et jusqu’à la libération effective des lieux.
Par ordonnance réputée contradictoire rendue le 19 octobre 2021, le juge des contentieux et de la protection du tribunal judiciaire de Nanterre a :
– renvoyé les parties à se pourvoir ainsi qu’elles aviseront, mais dès à présent,
– condamné M. [G] à payer à M. et Mme [Y] la somme de 10 09l,76 euros, au titre des loyers, charges et indemnités d’occupation impayés, décompte arrêté à la date du 6 septembre 2021,
– constaté que les conditions d’acquisition de la clause résolutoire figurant au contrat de bail conclu le 31 mars 2016 entre M. et Mme [Y] d’une part, M. [G] d’autre part, concernant un appartement à usage d’habitation sis [Adresse 2], sont réunies à la date du 18 février 2021,
– ordonné en conséquence à M. [G] de quitter les lieux et de restituer les clés, au plus tard deux mois après la signification d’un commandement de quitter les lieux délivré conformément à l’article L. 412-l du code des procédures civiles d’exécution,
– dit qu’à défaut pour M. [G] d’avoir volontairement libéré les lieux et restitué les clés dans ce délai, M. et Mme [Y] pourront faire procéder à son expulsion ainsi qu’à celle de tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique et l’assistance d’un serrurier, dans les conditions prévues par les articles L. 411-1 et s. du code des procédures civiles d’exécution,
– rejeté la demande formée par M. et Mme [Y] portant sur le transport et la séquestration des meubles et objets mobiliers garnissant les locaux loués,
– condamné M. [G] à payer à compter du 18 février 2021 à M. et Mme [Y] une indemnité d’occupation mensuelle d’un montant égal à celui dûment justifié du loyer et des charges qui auraient été dus si le bail s’était poursuivi, étant précisé que ladite indemnité ne pourra être réclamée qu’à compter de la date d’arrêté de compte susvisée soit le 6 septembre 2021 échéance de septembre 2021 incluse et qu’elle sera due jusqu’à la libération effective des lieux,
– condamné M. [G] aux dépens,
– dit qu’une copie de l’ordonnance sera transmise, par les soins du greffe, au représentant de l’Etat dans le département.
Par déclaration reçue au greffe le 25 novembre 2021, M. [G] a interjeté appel de cette ordonnance en tous ses chefs de disposition, sauf en ce qu’elle a rejeté la demande formée par M. et Mme [Y] portant sur le transport et la séquestration des meubles et objets mobiliers garnissant les locaux loués.
Dans ses dernières conclusions déposées le 7 juin 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M. [G] demande à la cour, au visa des articles notamment 6, 23 et 24 de la loi du 6 juillet 1989, de la loi du 13 décembre 2000 (SRU) et de la loi du 23 novembre 2018 (Elan), de :
– le déclarer recevable et fondé en son appel ;
y faisant droit,
in limine litis,
sur la demande de nullité du commandement de payer et les actes en découlant,
– prononcer la nullité du commandement de payer visant la clause résolutoire délivré le 18 décembre 2020 à M. [G] à la demande de M. et Mme [Y] ;
en conséquence :
– réformer l’ordonnance de référé entreprise en ce qu’elle a :
– renvoyé les parties à se pourvoir ainsi qu’elles aviseront, mais dès à présent ;
– condamné M. [G] à payer à M. et Mme [Y] la somme de 10 09l,76 euros, au titre des loyers, charges et indemnités d’occupation impayés, décompte arrêté à la date du 6 septembre 2021 ;
– constaté que les conditions d’acquisition de la clause résolutoire figurant au contrat de bail conclu le31 mars 2016 entre M. et Mme [Y] d’une part, M. [G] d’autre part, concernant un appartement à usage d’habitation sis [Adresse 2], sont réunies à la date du 18 février 2021;
– ordonné en conséquence à M. [G] de quitter les lieux et de restituer les clés, au plus tard deux mois après la signification d’un commandement de quitter les lieux délivrés conformément à l’article L. 412-l du code des procédures civiles d’exécution ;
– dit qu’à défaut pour M. [G] d’avoir volontairement libéré les lieux et restitué les clés dans ce délai, M. et Mme [Y] pourront faire procéder à son expulsion ainsi qu’à celle de tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique et l’assistance d’un serrurier, dans les conditions prévues par les articles L. 411-1 et s. du code des procédures civiles d’exécution ;
– condamné M. [G] à payer à compter du 18 février 2021 à M. et Mme [Y] une indemnité d’occupation mensuelle d’un montant égal à celui dûment justifié du loyer et des charges qui auraient été dus si le bail s’était poursuivi, étant précisé que ladite indemnité ne pourra être réclamée qu’à compter de la date d’arrêté de compte susvisée soit le 6 septembre 2021 échéance de septembre 2021 incluse et qu’elle sera due jusqu’à la libération effective des lieux ;
– condamné M. [G] aux dépens ;
– dit qu’une copie de l’ordonnance sera transmise, par les soins du greffe, au représentant de l’Etat dans le département ;
en conséquence,
– débouter M. et Mme [Y] de l’ensemble de leurs demandes fins et conclusions ;
– ordonner sa réintégration sans délai dans le bien loué ;
– condamner solidairement M. et Mme [Y] à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation des préjudices résultant de son expulsion illégale ;
sur la fin de non recevoir,
– déclarer M. et Mme [Y] irrecevables en leur action car ne justifiant pas de leur qualité et de leur intérêt à agir par la production de leur titre de propriété ;
en conséquence :
– réformer l’ordonnance de référé entreprise en ces dispositions ci-dessus visées,
en conséquence,
– débouter M. et Mme [Y] de l’ensemble de leurs demandes fins et conclusions ;
– ordonner sa réintégration sans délai dans le bien loué ;
– condamner solidairement M. et Mme [Y] à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation des préjudices résultant de son expulsion abusive ;
et si par extraordinaire, la cour ne devait pas faire droit aux demandes de nullité du commandement de payer et de fin de non-recevoir soulevées par lui :
– réformer l’ordonnance de référé entreprise en ces dispositions susvisées,
statuant à nouveau,
à titre principal :
– déclarer que M. et Mme [Y] ont manqué à leurs obligations de lui délivrer un logement décent, d’entretenir le bien en état de servir pour son usage et d’en garantir une jouissance paisible ;
– déclarer, compte tenu des manquements M. et Mme [Y] à leurs obligations de bailleurs, qu’il est bien fondé à opposer une exception d’inexécution au paiement des loyers et charges du bien loué constituant un logement indécent ;
– déclarer qu’il sera dégrevé de l’intégralité de son loyer et des charges y afférentes pour les années 2019, 2020 et 2021 ;
en conséquence,
– ordonner sa réintégration sans délai dans le bien loué ;
– condamner solidairement M. et Mme [Y] à lui payer la somme de 10 000 euros en réparation des préjudices résultant de son expulsion abusive ;
– condamner solidairement M. et Mme [Y] à lui rembourser les frais, s’élevant à 5 283,48 euros TTC, qu’il a engagés pour la rénovation et la mise aux normes du bien loué à des fins d’usage d’habitation principale ;
– condamner solidairement M. et Mme [Y] à lui rembourser les loyers versés au titre des années 2019, 2020 et 2021 ;
– condamner solidairement M. et Mme [Y] à lui payer la somme de 10 000 euros en réparation des préjudices causés par leurs manquements à leurs obligations de mise à disposition d’un logement décent, d’entretien et de garantie de la jouissance paisible des lieux ;
– débouter M. et Mme [Y] de l’ensemble de leurs demandes fins et conclusions ;
et si par extraordinaire, la cour ne devait pas faire droit aux demandes à titre in limine litis et à titre principal de M. [G] :
à titre subsidiaire :
– suspendre les effets de la clause résolutoire ;
– ordonner sa réintégration sans délai dans le bien loué ;
– lui accorder un délai de trois ans pour régler sa dette locative ;
à titre infiniment subsidiaire :
– débouter M. et Mme [Y] de leur demande de résiliation judiciaire du bail au motif de la sous-location alléguée ;
en tout état de cause :
– enjoindre à M. et Mme [Y] de remettre, sous astreinte de 15 euros par jour à compter d’un délai de 15 jours à compter de la signification de l’arrêt à intervenir, à M. [G] un décompte des charges locatives pour les années 2018 à 2021, factures à l’appui, selon la nature des charges et présentation du mode de répartition des charges entre les locataires ;
– condamner solidairement M. et Mme [Y] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance, dont distraction au profit de Maître Julie Gourion, avocat aux offres de droits conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Dans leurs dernières conclusions déposées le 4 juin 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de leurs prétentions et moyens, M. et Mme [Y] demandent à la cour, au visa des articles 524 du code de procédure civile, 6 et 8 de la loi du 10 juillet 1989 et 1217 du code civil, de :
in limine litis,
– radier l’affaire du rôle ;
à titre subsidiaire,
– dire M. [G] irrecevable et mal fondé en toutes ses demandes ;
– l’en débouter ;
– confirmer l’ordonnance de référé du 19 octobre 2021 ;
par conséquent :
– constater et, en tant que de besoin, prononcer la résiliation de plein droit du bail passé entre les parties par l’effet du jeu de la clause résolutoire pour défaut de paiement des loyers et charges ;
– constater l’occupation sans droit ni titre de M. [G] ;
– confirmer le bien fondé de l’expulsion de M. [G] ainsi que celle de tous ses biens et occupants de son chef dans les lieux et ce avec l’assistance de la force publique ;
– condamner M. [G] à leur verser la somme de 14 844,17 euros au titre de l’arriéré locatif et des indemnités d’occupation dus au 1er février 2022 ;
– condamner M. [G] à leur verser une indemnité d’occupation égale au loyer et aux charges et ce à compter du 8 décembre 2021 jusqu’au complet déménagement et restitution des clés ;
– ordonner, aux frais de M. [G] le transport des biens meubles entreposés dans l’appartement dans tout garde-meuble de son choix ;
à titre infiniment subsidiaire,
– dire M. [G] irrecevable et mal fondé en toutes ses demandes ;
– l’en débouter ;
– constater l’existence d’une sous-location du locataire sans autorisation du bailleur ;
– prononcer la résiliation judiciaire du bail ;
par conséquent :
– constater et, en tant que de besoin, prononcer la résiliation de plein droit du bail passé entre les parties pour manquement du locataire à ses obligations ;
– constater l’occupation sans droit ni titre de M. [G] ;
– confirmer le bien fondé de l’expulsion de M. [G] ainsi que celle de tous ses biens et occupants de son chef dans les lieux et ce avec l’assistance de la force publique ;
– condamner M. [G] à leur verser la somme de 14 844,17 euros au titre de l’arriéré locatif et des indemnités d’occupation dus au 1er février 2022 ;
– condamner M. [G] à leur verser une indemnité d’occupation égale au loyer et aux charges et ce à compter du 8 décembre 2021 jusqu’au complet déménagement et restitution des clés ;
– ordonner, aux frais de M. [G] le transport des biens meubles entreposés dans l’appartement dans tout garde-meuble de son choix ;
en toute hypothèse,
– condamner M. [G] au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 7 juin 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur les demandes in limine litis et fin de non-recevoir :
Sur la demande de radiation :
M. et Mme [Y] sollicitent de « monsieur ou madame le président de la cour d’appel » la radiation de l’affaire du rôle à défaut pour l’appelant d’avoir exécuté la décision frappée d’appel et assortie de l’exécution provisoire.
L’appelant n’a pas conclu sur ce moyen.
Sur ce,
Il découle des dispositions de l’article 524 du code de procédure civile, qu’il n’entre pas dans les pouvoirs de la cour saisie d’un appel formé contre une ordonnance du juge des référés de statuer sur une demande de radiation, seul le premier président pouvant être saisi dans le cadre d’un procédure à bref délai.
La demande de radiation formée devant la cour par M. et Mme [Y] doit donc être déclarée irrecevable.
Sur le défaut de qualité à agir de M. et Mme [Y] :
L’appelant soutient que les intimés ne justifient ni de leur qualité, ni de leur intérêt à agir.
Il fait valoir que malgré la sommation de communiquer qui leur a été faite le 7 avril 2022, ils n’ont versé qu’un extrait de matrice cadastrale sans date, ni possibilité de vérifier les références.
Il considère qu’ils ne justifient donc pas de leur qualité de propriétaires.
Les intimés n’ont pas répondu sur ce point.
Sur ce,
L’article 31 du code de procédure civile dispose que l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
Il résulte de l’extrait de matrice cadastrale versé en pièce n° 8 par les intimés, datant de l’année 2021, que ces derniers sont bien propriétaires de l’appartement situé au [Adresse 2].
M. et Mme [Y] ont par ailleurs contracté avec M. [G] en leur qualité de propriétaires des lieux loués.
Dans ces conditions, ils justifient tant de leur qualité que de leur intérêt à agir et le moyen de ce chef sera rejeté.
Sur la nullité du commandement de payer :
M. [G] conclut à la nullité du commandement de payer visant la clause résolutoire du 18 décembre 2020 aux motifs que les sommes visées sont erronées et qu’il lui a été délivré de mauvaise foi.
Ainsi, il avance que ce commandement mentionne un solde créditeur de 521,17 euros en sa faveur dont il n’a jamais eu la moindre justification, qu’il ne prend pas en compte les sommes qui lui sont dues au titre des travaux qu’il a entrepris et que le bailleur s’était engagé à lui rembourser et qu’en outre, le bailleur ne lui fournit plus les justificatifs des régularisations de charges depuis l’année 2017.
Il argue également de la mauvaise foi des bailleurs lors de la délivrance du commandement puisque ceux-ci n’ont pas pris en compte les dépenses de travaux qu’il a entrepris aux fins de mises aux normes et rénovation de l’appartement et que par ailleurs, ils savaient qu’à la date du commandement, il se trouvait éloigné de son domicile pour des raisons professionnelles, ce qu’ils ne pouvaient au demeurant ignorer puisque l’acte a fait l’objet d’un dépôt à étude qui n’a pas été récupéré.
M. et Mme [Y] rétorquent qu’un décompte, reprenant tous les loyers impayés depuis le 1er mars 2020 et une somme au crédit, particulièrement clair et compréhensible, était bien joint au commandement.
Ils répondent également que n’étant pas au fait de l’emploi du temps de leur locataire, il ne saurait leur être reproché d’avoir fait signifier le commandement alors que M. [G] était en déplacement professionnel.
Sur ce,
Il convient de rappeler que s’il n’entre pas dans les pouvoirs du juge des référés de prononcer la nullité du commandement, en revanche les contestations élevées par l’appelant sur la validité du commandement peuvent faire échec en référé à la constatation de l’acquisition de la clause résolutoire si elles revêtent un caractère sérieux.
L’article 24 I de la loi du 6 juillet 1989 dispose que toute clause prévoyant la résiliation de plein droit d’un contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus (…) ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux.
Il est constant que commandement de payer doit permettre au débiteur de connaître la nature et le détail des sommes qui lui sont réclamées. Toutefois, le fait que ces sommes soient éventuellement en partie erronées n’est pas une cause d’irrégularité du commandement.
Il doit être délivré de bonne foi.
Ainsi, le seul fait que les bailleurs n’auraient pas justifier des régularisations de charges, visées comme telles s’agissant de la somme de 521,17 euros figurant au commandement, ne saurait entraîner l’irrégularité du commandement.
S’agissant des sommes qui lui seraient dues au titre des travaux qu’il a entrepris, M. [G] justifie bien avoir effectué des travaux dans l’appartement mais ne verse aucune pièce pour démontrer comme il l’affirme que les bailleurs se seraient engagés à les prendre en charge. Ces sommes ne peuvent en conséquence être considérées comme des créances de M. [G] à l’égard de ses bailleurs et aucune irrégularité n’est démontrée de ce chef.
Enfin, comme le font valoir M. et Mme [Y], ils ne pouvaient être au courant que leur locataire s’était déplacé pour des raisons professionnelles lors de la délivrance du commandement de payer, la signification de l’acte à étude d’huissier indiquant seulement que ce dernier n’a rencontré personne sur place.
En conséquence de ces éléments, aucune irrégularité du commandement n’est susceptible de faire échec à la constatation de l’acquisition de la clause résolutoire, laquelle s’est retrouvée acquise faute pour M. [G] d’avoir réglé les sommes visées dans le délai de 2 mois qui lui était imparti pour ce faire.
L’ordonnance querellée sera confirmée en ce qu’elle a tiré les conséquences de droit de la bonne délivrance du commandement de payer visant la clause résolutoire, c’est-à-dire en ce qu’elle a constaté l’acquisition de celle-ci et la résiliation du bail, ordonné au locataire de quitter les lieux et à défaut, son expulsion
Sur l’exception d’inexécution :
L’appelant entend opposer aux bailleurs une exception d’inexécution aux motifs que lorsque le bien lui a été donné à bail, il n’était pas décent et que les bailleurs n’ont pas satisfait à leur obligation de reddition des charges.
Ainsi M. [G] explique que lorsqu’il a pris le bien à bail, celui-ci était affecté à un usage de bureau, ne comprenait aucune cuisine aménagée, était par ailleurs en très mauvais état et vétuste, de sorte que le mandataire des propriétaires, la société Foncia Agence Centrale, lui a proposé de prendre le bien et d’y effectuer les travaux nécessaires à sa rénovation et remise aux normes, en échange d’une remise de loyers équivalente aux travaux effectués.
Il indique qu’il a ensuite adressé au mandataire les photos des travaux réalisés et les factures pour un montant total de 5 283,48 euros, mais n’a jamais reçu les remises de loyers promises.
Il fait grief à ses bailleurs de ne pas avoir aménagé une cuisine conformément à l’article 3 alinéa 4 du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002.
Il conteste l’état des lieux auquel se réfèrent les intimés, faisant valoir qu’il est erroné et qu’il n’est pas valable, comportant une signature électronique dont ni l’authenticité ni l’intégrité ne sont justifiés ; que rien ne prouve qu’il l’ait signé et, à considérer qu’il l’ait signé, qu’il n’ait pas été modifié après sa signature.
Il prétend que les bailleurs avaient missionné un entrepreneur pour refaire entièrement l’appartement et que M. et Mme [Y] n’ont pas répondu à sa sommation de communiquer les devis, ni les travaux d’entretien du bien loué depuis son acquisition, ce qui démontre qu’ils ne l’ont jamais entretenu.
Il dénonce par ailleurs l’infestation de cafards géants d’Australie à laquelle il a dû faire face, rendant le logement insalubre et ayant nécessité l’intervention à 4 reprises de sociétés de désinfection, et indique qu’il en a bien averti ses bailleurs par l’intermédiaire de l’Agence Foncia Centrale.
En conséquence, l’appelant demande le dégrèvement de l’intégralité de son loyer et de ses charges dans les limites de la prescription triennale, soit pour les années 2019, 2020 et 2021.
Les bailleurs intimés opposent que M. [G] prétend sans en rapporter la preuve que le logement donné en location était indécent.
Ils soulignent que le fait que le studio comprenait un « coin cuisine » et non une cuisine équipée ne fait pas de lui un logement indécent et qu’il est habituel qu’un studio soit pourvu d’un simple coin cuisine.
Ils relèvent que selon l’état des lieux d’entrée, le logement comprenait notamment : un coin cuisine muni d’un évier à l’état neuf, un plan de travail, des rangements et une hotte aspirante, et était donc conforme à l’article 3 du décret du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent.
Ils ajoutent que l’état des lieux a été dressé par un organisme professionnel indépendant, à savoir Constatimmo, et que la signature électronique bénéficie en droit interne d’une présomption de fiabilité.
Ils avancent que le constat des lieux constitue un commencement de preuve par écrit dont M. [G] peine à contester de manière sérieuse la fiabilité.
Ils font par ailleurs valoir qu’il appartenait à M. [G] d’alerter ses bailleurs sur la présence de cafards et qu’il ne peut leur reprocher la présence de ces nuisibles faute de l’avoir fait.
Sur les travaux effectués, ils objectent que l’appelant les a effectués de son propre chef, sans leur accord, que le bail ne relate aucun accord sur une prétendue remise de loyers en échange et qu’il ne produit aucun autre élément pour justifier de ses dires.
Sur ce,
Il est constant que le locataire peut se prévaloir de désordres pour justifier le non-paiement des loyers s’ils sont de nature à rendre le logement inhabitable.
Or au cas présent, force est de constater que l’appelant allègue, sans le démontrer, que le logement était inhabitable lors de son entrée dans les lieux.
Le document intitulé « constat des lieux entrant du vendredi 01 avril 2016 », s’il apparaît avoir été établi informatiquement, il présente toutefois sur chaque page les paraphes attribués au locataire entrant et au mandataire du propriétaire ainsi que sur la dernière page, la signature intégrale de chacun d’eux, de sorte qu’il ne s’agit à l’évidence pas de signatures électroniques au sens du décret n°2001-272 du 30 mars 2001 pris pour l’application de l’article 1316-4 du code civil et relatif à la signature électronique et que l’appelant est mal fondé à en dénier l’authenticité.
D’ailleurs, M. [G] ne prétend pas dans ses écritures que les paraphes et la signature figurant sur ce document ne seraient pas les siens et il sera en outre observé qu’ils sont très ressemblants avec ceux, non contestés, figurant sur le contrat de bail du 31 mars 2016.
Ce document doit donc être considéré comme ayant pleine valeur probante.
Or, il ressort des mentions de ce constat que lors de l’entrée dans les lieux de M. [G], la cuisine comportait un évier (avec joint d’étanchéité, robinetterie, vidage, siphon), un robinet machine à laver « nc », un plan de travail, un élément bas et un élément haut, 2 radiateurs « nc », une hotte aspirante et une étagère, soit une description permettant d’en déduire la conformité avec l’article 3 4. du décret n° 2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent qui dispose que le logement doit comporter notamment : « Une cuisine ou un coin cuisine aménagé de manière à recevoir un appareil de cuisson et comprenant un évier raccordé à une installation d’alimentation en eau chaude et froide et à une installation d’évacuation des eaux usées ».
Le fait que l’appelant communique des factures de travaux qu’il a fait réaliser dans le logement n’est pas de nature à démontrer le caractère inhabitable de celui-ci, les achats effectués, outre qu’il n’est pas démontré qu’ils auraient bénéficié audit logement, constitués par divers matériaux de plomberie, de plan de travail, de rangement cuisine etc, pouvant constituer des dépenses d’amélioration.
Enfin, s’il résulte des pièces versées par l’appelant, et notamment de l’attestation établie par M. [N] [J] et du courriel adressé à l’agence Aphservices, que le logement aurait été infesté de cafards entre 2017 et 2020, en revanche M. [G] ne verse aucune pièce permettant de démontrer qu’il en aurait informé ses bailleurs, de sorte qu’aucune inertie à ce titre ne saurait leur être reprochée faute de preuve qu’ils en avaient connaissance.
A défaut pour M. [G] de démontrer le caractère inhabitable du logement ou une faute des bailleurs, l’exception d’inexécution ne saurait être retenue.
En outre, comme pour ses allégations précédentes, c’est par voie de simple affirmation que l’appelant prétend que le mandataire des bailleurs les aurait engagés à déduire des loyers dus le montant des travaux qu’il a effectués, aucune mention à ce titre ne figurant au contrat de bail du 31 mars 2016.
Partant, l’ordonnance querellée sera également confirmée en ce qu’elle a condamné M. [G] au titre des loyers, charges et indemnités d’occupation impayés ainsi qu’à payer une indemnité d’occupation jusqu’à la libération effective des lieux.
En conséquence de ce qui vient d’être jugé, il sera dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de M. [G] de dommages et intérêts en réparation des préjudices résultant de la location d’un logement indécent ainsi que sur sa demande de réintégration dans le logement loué et de dommages et intérêts en réparation des préjudices résultant des opérations d’expulsion abusive, aucune des fautes alléguées à ces titres n’étant établies avec une évidence suffisante.
Sur la demande subsidiaire de suspension des effets de la clause résolutoire et d’octroi de délais :
L’appelant, faisant valoir que la pandémie mondiale de Covid-19 a eu un impact négatif très important sur son activité de producteur audiovisuel, qu’il a connu une très importante baisse de revenus en 2020 et 2021, sollicite la suspension des effets de la clause résolutoire, sa réintégration dans le logement loué et qu’il lui soit accordé des délais les plus étendus possibles, pour pouvoir acquitter sereinement et sans défaut de paiement la dette locative sollicitée.
Les intimés n’ont pas développé de réponse à ces demandes.
Sur ce,
L’article 1343-5 du code civil dispose que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
L’article 24 V de la loi du 6 juillet 1989 dispose que le juge peut, même d’office, accorder des délais de paiement dans la limite de trois années, par dérogation au délai prévu au premier alinéa de l’article 1343-5 du code civil, au locataire en situation de régler sa dette locative. Le quatrième alinéa de l’article 1343-5 s’applique lorsque la décision du juge est prise sur le fondement du présent alinéa. Le juge peut d’office vérifier tout élément constitutif de la dette locative et le respect de l’obligation prévue au premier alinéa de l’article 6 de la présente loi. Il invite les parties à lui produire tous éléments relatifs à l’existence d’une procédure de traitement du surendettement au sens du livre VII du code de la consommation.
L’article 24 VII prévoit que pendant le cours des délais accordés par le juge dans les conditions prévues aux V et VI du présent article, les effets de la clause de résiliation de plein droit sont suspendus. Ces délais et les modalités de paiement accordés ne peuvent affecter l’exécution du contrat de location et notamment suspendre le paiement du loyer et des charges. Si le locataire se libère de sa dette locative dans le délai et selon les modalités fixés par le juge, la clause de résiliation de plein droit est réputée ne pas avoir joué. Dans le cas contraire, elle reprend son plein effet.
Au cas présent, M. [G] ne verse à l’appui de sa demande qu’un unique document, soit son avis d’imposition sur les revenus 2020, lequel ne permet de justifier, ni de la dégradation de sa situation financière dont il fait état, ni de sa capacité à rembourser sa dette locative si celle-ci était échelonnée.
Il convient en conséquence de rejeter ses demandes de ces chefs.
Sur la demande de communication des justificatifs des charges :
M. [G] demande à la cour d’enjoindre à M. et Mme [Y] de lui remettre un décompte des charges locatives pour les années 2018 à 2021, factures à l’appui, selon la nature des charges et présentation du mode de répartition des charges entre les locataires.
Il explique qu’il n’a reçu de ses bailleurs aucun décompte annuel des charges locatives, ni obtenu de justificatif lui permettant de vérifier que les provisions acquittées étaient dues avant régularisation des charges depuis l’année 2017, pour laquelle il avait reçu une somme d’environ 300 euros de régularisation en sa faveur.
Les intimés n’ont pas conclu sur cette demande.
Sur ce,
Aux termes de l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de fait dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
Les alinéas 6 et 7 de l’article 23 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs prévoient que :
« Les charges locatives peuvent donner lieu au versement de provisions et doivent, en ce cas, faire l’objet d’une régularisation annuelle. Les demandes de provisions sont justifiées par la communication de résultats antérieurs arrêtés lors de la précédente régularisation et, lorsque l’immeuble est soumis au statut de la copropriété ou lorsque le bailleur est une personne morale, par le budget prévisionnel.
Un mois avant cette régularisation, le bailleur en communique au locataire le décompte par nature de charges ainsi que, dans les immeubles collectifs, le mode de répartition entre les locataires et, le cas échéant, une note d’information sur les modalités de calcul des charges de chauffage et de production d’eau chaude sanitaire collectifs. Durant six mois à compter de l’envoi de ce décompte, les pièces justificatives sont tenues, dans des conditions normales, à la disposition des locataires. »
En l’espèce, il est constant que les bailleurs n’ont pas respecté leur obligation légale de régularisation annuelle des charges, ou à tout le moins, qu’ils n’en ont pas justifié.
Il convient dès lors de leur enjoindre de fournir à M. [G] un décompte des charges locatives pour les années 2018 à 2020, selon la nature des charges et le mode de répartition entre les locataires et ce, sous astreinte de 15 euros par jour de retard passé le délai d’un mois suivant le présent arrêt, astreinte qui courra pendant 3 mois.
Sur les demandes accessoires :
M. [G] perdant essentiellement à hauteur d’appel, l’ordonnance sera confirmée en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.
Il ne saurait prétendre à l’allocation de frais irrépétibles et devra en outre supporter les dépens d’appel.
Il serait par ailleurs inéquitable de laisser à M. et Mme [Y] la charge des frais irrépétibles exposés en cause d’appel. L’appelant sera en conséquence condamné à leur verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant par arrêt contradictoire,
Déclare irrecevable la demande de radiation de M. [X] [Y] et Mme [O] [Y],
Rejette la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité et d’intérêt à agir de M. [X] [Y] et Mme [O] [Y],
Confirme l’ordonnance du 19 octobre 2021 en toutes ses dispositions,
y ajoutant,
Enjoint à M. [X] [Y] et Mme [O] [Y] de fournir à M. [L] [G] un décompte des charges locatives pour les années 2018 à 2020, selon la nature des charges et le mode de répartition entre les locataires et ce, sous astreinte de 15 euros par jour de retard passé le délai d’un mois suivant le présent arrêt, astreinte qui courra pendant 3 mois.
Déboute M. [L] [G] de toutes ses autres demandes,
Condamne M. [L] [G] à verser à M. [X] [Y] et Mme [O] [Y] la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en appel,
Dit que M. [L] [G] supportera les dépens d’appel.
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Madame Nicolette GUILLAUME, président, et par Madame Élisabeth TODINI, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le président,