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COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 80C
17e chambre
Renvoi après cassation
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
DU 20 AVRIL 2022
N° RG 21/00989
N° Portalis DBV3-V-B7F-UNIG
AFFAIRE :
[V] [I] [H]
C/
S.A. FRANCE MEDIAS MONDE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 10 septembre 2015 par le Conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt
Section: encadrement
N° RG: F 12/01690
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :
Me Myriam MOUCHI
Me Jean-Marc COBLENCE
le :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT AVRIL DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
DEMANDERESSE ayant saisi la cour d’appel de Versailles par déclaration enregistrée au greffe social le 31 mars 2021 en exécution d’un arrêt de la Cour de cassation du 14 octobre 2020 cassant et annulant partiellement l’arrêt rendu le 20 décembre 2018 par la cour d’appel de Versailles (6ème chambre)
Madame [V] [I] [H]
née le 29 septembre 1956 à SANTANA DE CAMBAS
[Adresse 1]
[Localité 4]
Non comparante, représentée par Me Myriam MOUCHI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire: A 62 substitué à l’audience par Me Grégory VIANDIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2335
****************
DÉFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI
S.A. FRANCE MEDIAS MONDE anciennement dénommée AUDIOVISUEL EXTERIEUR DE LA FRANCE
N° SIRET : 501 524 029
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Mme Mariana GATHIGNOL, juriste droit social et par Me Jean-Marc COBLENCE de la SCP COBLENCE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0053 substitué à l’audience par Me Christine LECOMTE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire: A 837
****************
Composition de la cour :
L’affaire a été débattue à l’audience publique du 2 mars 2022, devant la cour composée de :
Madame Clotilde MAUGENDRE, Présidente,
Monsieur Laurent BABY, Conseiller,
Madame Nathalie GAUTIER, Conseiller
qui ont délibéré
Greffier, lors des débats : Madame Dorothée MARCINEK
Par jugement du 10 septembre 2015, le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt (section encadrement) a :
– constaté que le syndicat SNJ-CGT ne poursuit pas son intervention volontaire à l’instance,
– pris acte de l’engagement de la société France Medias Monde de régler à Mme [V] [I] [H] les sommes suivantes, et l’y condamne en tant que de besoin :
. 13 782 euros à titre de rappel de salaire variable,
. 1 378,20 euros au titre des congés payés afférents,
– rappelé que l’exécution provisoire est de droit en application de l’article R.1454-28 du code du travail,
– débouté Mme [H] de l’intégralité de ses autres demandes,
– débouté la société France Medias Monde de sa demande au titre de l’artic1e 700 du code de procédure civile,
– condamné la société France Medias Monde aux dépens.
Par arrêt du 20 décembre 2018, la 6ème chambre de la cour d’appel de Versailles a :
– infirmé le jugement déféré, uniquement sur la demande en paiement d’une indemnité de requalification et sur la remise d’un bulletin de paie avec obligation de régulariser la situation du salarié vis à vis des organismes sociaux et caisses de retraite, assurance chômage et prévoyance, dans un délai de deux mois à compter de l’arrêt, sans astreinte,
statuant à nouveau,
– condamné la société France Médias Monde à payer à Mme [H] la somme de 9 417,87 euros d’indemnité de requalification avec intérêts au taux légal à compter de l’arrêt,
– condamné la société France Médias Monde à délivrer à Mme [H] un bulletin de paie récapitulatif conforme à l’arrêt, et à régulariser la situation du salarié vis-à-vis des organismes sociaux et caisses de retraite, assurance chômage et prévoyance, dans un délai de deux mois à compter de l’arrêt, sans astreinte,
– confirmé le jugement pour le surplus,
y ajoutant,
– condamné la société France Médias Monde à payer à Mme [H] la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel,
– débouté Mme [H] de ses demandes nouvelles en paiement de rappels de salaire, d’incidence de ce rappel de salaire sur le treizième mois, d’indemnité de congés payés y afférents, de rappel de salaire pour majoration pour heures de nuit, d’incidence de cette majoration sur le treizième mois, d’indemnité de congés payés y afférents, de rappel de prime “petit matin”, d’incidence de cette majoration sur le treizième mois et d’indemnité de congés payés y afférents, de rappel de prime d’ancienneté, d’incidence de cette majoration sur le treizième mois et d’indemnité de congés payés y afférents, de rappel de “Nouvel Instrument Salarial”, d’incidence de cette majoration sur le treizième mois et d’indemnité de congés payés y afférents, de rappel de salaire pour heures de délégation et pour congés payés dits “historiques”,
– condamné Mme [H] aux dépens d’appel.
Par arrêt du 14 octobre 2020, la chambre sociale de la Cour de cassation, a :
– cassé et annulé, sauf en ce qu’il infirme le jugement déféré sur la demande en paiement d’une indemnité de requalification et sur la remise sans astreinte d’un bulletin de paie avec obligation de régulariser la situation du salarié vis à vis des organismes sociaux et caisses de retraite, assurance chômage et prévoyance, condamne la société France médias monde à payer à
Mme [H] la somme de 9 417,87 euros d’indemnité de requalification avec intérêts au taux légal à compter de l’arrêt et condamne la société France médias monde à délivrer à Mme [H] un bulletin de paie récapitulatif conforme à l’arrêt, et à régulariser la situation du salarié vis à vis des organismes sociaux et caisses de retraite, assurance chômage et prévoyance, dans un délai de deux mois à compter de l’arrêt, sans astreinte, et sauf en ce qu’il déboute Mme [H] de sa demande nouvelle de rappel de prime d’ancienneté, d’incidence de cette majoration sur le treizième mois et d’indemnité de congés payés afférents, l’arrêt rendu le 20 décembre 2018, entre les parties, par la cour d’appel de Versailles,
– remis, sauf sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoient devant la cour d’appel de Versailles autrement composée,
– condamne la société France médias monde aux dépens,
– en application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société France médias monde et la condamne à payer à Mme [H] la somme de 3 000 euros,
– dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé.
Par acte du 31 mars 2021 Mme [H] a saisi la cour de renvoi.
Par conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience par son conseil, Mme [H] demande à la cour de :
– infirmer le jugement déféré et statuant à nouveau sur ce point,
– dire qu’elle est victime de discrimination syndicale,
– condamner la société France medias monde au paiement de la somme de 150 000 euros à titre de dommages et intérêts,
à titre principal,
– fixer à la somme de 7 389 euros le montant de son salaire de référence,
– dire qu’elle doit bénéficier d’un reclassement à l’indice 2 300 depuis 2015,
– condamner la société France Medias Monde à lui verser les sommes suivantes :
. 66 312 euros à titre de rappel de salaires 2008 – 2016,
. 5 526 euros au titre de l’incidence du 13eme mois,
. 7 184 euros à titre de congés payés afférents,
. 124 778 euros à titre de rappel de salaires 2017-2020,
. 10 398 euros au titre de l’incidence du 13eme mois,
. 13 517 euros à titre de congés payés afférents,
. 14 997 euros à titre de rappel de la majoration heures de nuit 2008-2013,
. 1 250 euros au titre de l’incidence du 13eme mois,
. 1 624 euros à titre de congés payés afférents,
. 1 615 euros à titre de rappel de la majoration heures de nuit 2014-2016,
. 134 euros au titre de l’incidence du 13eme mois,
. 175 euros à titre de congés payés afférents,
. 16 737 euros à titre de rappel de primes trimestrielles « petit matin »,
. 1 395 euros au titre de l’incidence du 13eme mois,
. 1 813 euros à titre de congés payés afférents,
. 4 858 euros à titre de rappel de NIS,
. 485 euros à titre de payés afférents,
. 17 606 euros à titre de rappel d’heures de délégation,
. 9 067 euros à titre de rappel congés « historiques »,
à titre subsidiaire,
– fixer à la somme de 6 681 euros le montant de son salaire de référence,
– condamner la société France medias monde à lui verser les sommes suivantes :
. 30 825 euros rappel de salaires 2008 – 2016,
. 2 569 euros au titre de l’incidence du 13eme mois,
. 3 340 euros à titre de congés payés afférents,
. 82 292 euros à titre de rappel de salaires 2017-2020,
. 6 857 euros à titre de au titre de l’incidence du 13eme mois,
. 8 915 euros à titre de congés payés afférents,
. 13 693 euros à titre de rappel de la majoration heures de nuit 2008-2013,
. 1 141 euros à titre au titre de l’incidence du 13eme mois,
. 1 483 euros à titre de congés payés afférents,
. 803 euros à titre de rappel de la majoration heures de nuit 2014-2016,
. 67 euros au titre de l’incidence du 13eme mois,
. 87 euros à titre de congés payés afférents,
. 16 737 euros à titre de rappel de primes trimestrielles « petit matin »,
. 1 395 euros au titre de l’incidence du 13eme mois,
. 1 813 euros à titre de congés payés afférents,
. 2 437 euros à titre de rappel de NIS,
. 243 euros à titre de congés payés afférents,
. 15 571 euros à titre de rappel d’heures de délégation,
. 4 465 euros à titre de rappel congés « historiques »,
en tout état de cause,
– dire que ces sommes avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation,
– dire que la société France médias monde devra procéder à la régularisation de sa rémunération à compter du 1er janvier 2017,
– ordonner à la société France médias monde de lui remettre des bulletins de paie conformes et de régulariser sa situation auprès des organismes sociaux et de retraite dans les deux mois suivant la notification du présent arrêt, ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard,
– condamner la société France Médias Monde à lui payer la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Par conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience la société France Médias Monde, anciennement dénommée Audiovisuel Extérieurs de la France, demande à la cour de :
– confirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt du 10 septembre 2015,
– débouter Mme [H] de l’intégralité de ses demandes,
– condamner Mme [H] à lui payer une somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Franck Lafon, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
LA COUR,
Mme [I] [H] a été embauchée par la société Radio France Internationale (RFI), devenue aujourd’hui France médias monde, par contrat à durée déterminée couvrant la période du 9 février 1987 au 31 juillet 1987 en qualité de “chroniqueur-journaliste” pour les émissions en portugais destinées aux communautés étrangères. La relation de travail s’est poursuivie avec neuf autres contrats à durée déterminée pour le même emploi, échelonnés entre le 1er août 1987 et le 31 décembre 1991.
Par contrat de travail à durée indéterminée du 9 janvier 1992, à effet au 1er décembre 1991, Mme [H] a finalement été embauchée en qualité de “journaliste bilingue”, avec reprise de son ancienneté au 9 février 1987.
Les relations contractuelles sont régies par la convention collective des journalistes du 1er novembre 1976 et l’accord d’entreprise France médias monde.
En dernier lieu, elle occupe les fonctions de rédactrice en chef adjointe groupe 9 et perçoit un salaire moyen de 6 983,35 euros.
Depuis 1993, Mme [H] exerce différents mandats de représentants des salariés : déléguée du personnel en 1993, membre titulaire du comité d’entreprise en 1997, 1999, 2001, 2003, 2005, 2010 et 2013. Elle a été secrétaire du CE de juin 2010 à décembre 2013 et détachée à cet effet à hauteur de 80% de son temps. Lors des élections du CSE du 15 novembre 2019 elle a été élue suppléante sur la liste FO-CNT-SO.
Elle a saisi le conseil de prud’hommes de Boulogne-Billancourt le 23 octobre 2012 afin de demander la requalification de sa relation contractuelle depuis le premier contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, la reconnaissance de sa « discrimination syndicale, salariale et de carrière » et la condamnation de la société France médias monde à lui payer diverses sommes de nature salariale et de nature indemnitaire.
Sur la discrimination syndicale :
L’article L. 2141-5 dispose : « Il est interdit à l’employeur de prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d’avancement, de rémunération et d’octroi d’avantages sociaux, de mesures de disciplines et de rupture du contrat de travail ».
En application de l’article L. 1134-1, lorsque survient un litige en raison d’une méconnaissance de ces dispositions, il appartient au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de présenter au juge des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte au vu desquels il incombe à l’employeur de prouver que les mesures prises sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
La salariée soutient qu’elle a été victime d’une discrimination syndicale caractérisée par : la non application des dispositions conventionnelles lors de son changement de fonction le 1er janvier 2000, le non-respect de l’accord collectif dit Servat 2008, le non-paiement des heures de nuit majorées durant l’exercice de son mandat de secrétaire du comité d’entreprise du 8 juin 2010 au 12 décembre 2013 et de 2007 à 2010 période durant laquelle elle était membre élue du comité d’entreprise, le non-paiement de la prime trimestrielle « petit-matin » de juin 2010 à décembre 2013, le non-paiement du crédit d’heures lorsqu’elle était élue titulaire détachée en tant que secrétaire du CE du 8 juin 2010 au 12 décembre 2013, une discrimination dans l’exercice de ses attributions de journaliste, une inégalité de traitement à son arrivée dans la rédaction Multimédia en octobre 2006 et une évolution de carrière ralentie.
L’employeur réplique que la salariée n’a pas subi de traitement inégalitaire et que, même en ayant été très impliquée dans la défense des intérêts des salariés dans le cadre des deux plans de départ volontaire mise en ‘uvre dans la société, elle a bénéficié de plusieurs promotions.
Sur le non-respect des dispositions conventionnelles en 2000
La salariée prétend que lors de sa promotion, de l’indice 1430 à l’indice 1480, à effet au 1er janvier 2000 elle n’a pas bénéficié de l’augmentation de salaire de 7,5% prévue par l’article 19-3-2 de l’avenant audiovisuel de la convention collective et qu’elle n’a pas été repositionnée au bon nombre de points.
L’employeur réplique qu’en janvier 2000, la salariée n’a pas bénéficié d’une promotion mais d’une mesure de placement vertical sans changement de fonction qui n’ouvrait pas droit au bénéfice de l’article 19. Il ajoute qu’en application des accords Servat, accords d’entreprise instaurant des grilles de rémunération liées à l’ancienneté, elle a été repositionnée au bon nombre de points.
Il n’est pas discuté que la salariée a obtenu l’augmentation de son indice à effet au 1er janvier 2000 à la suite de la réunion des commissions paritaires 1999 et 2000 au mois de juin 2000.
Le protocole d’accord du 17 mai 2000, relatif à la résorption des disparités dans l’audiovisuel public, conformément à la clause de suivi prévue par l’accord dit « Servat » du 28 octobre 1994 et la création de filières professionnelles déterminant le déroulement de carrière des journalistes, a défini un système reposant sur la mise en ‘uvre de filières professionnelles permettant d’assurer aux journalistes une évolution professionnelle spécifique à leur type d’activité.
Il prévoit expressément (article V) que les commissions paritaires annuelles 1999 et 2000 seront entièrement consacrées à des mesures de « placement vertical » correspondant au repositionnement des journalistes dans les filières professionnelles sur les fonctions correspondant à leur activité et à leur profil professionnel, ce placement s’effectuant à l’échelon supérieur et le journaliste étant placé à l’indice correspondant à sa fonction par tranche d’ancienneté.
La salariée qui, en application de cet accord, a été replacée à l’échelon supérieur en passant de l’indice 1430 à l’indice 1480 est mal fondée à soutenir qu’elle a bénéficié d’une promotion individuelle et à revendiquer l’augmentation de 7,5 % prévue par l’article 19 de l’avenant.
En application de l’article II du protocole d’accord du 17 mai 2000, les journalistes occupant au 30 avril 2000 des fonctions hors filière encadrement, dont l’indice à cette date est égal par tranche d’ancienneté à celui de la grille du 9 février 1998 bénéficient des nouveaux indices minimaux.
Les journalistes dont l’indice réel est à cette même date supérieur au minimum sont placés à un indice qui leur assure le même écart en nombre de points d’indice, avec les nouveaux minima.
Il est établi que la salariée en avril 2000 était positionnée à l’indice 1430, percevait un salaire hors prime d’ancienneté de 18 398,90 francs équivalant à 1900 points d’indice, ce qui correspond au nombre de points d’indice prévu par l’accord Servat 1998 pour les chefs d’édition ayant plus de 12 ans d’ancienneté.
Elle ne pouvait donc prétendre au maintien d’un écart en nombre de points d’indice qui n’existait pas et a été rempli de ses droits en se voyant attribuer 2090 points d’indice.
Le non-respect invoqué n’est pas établi.
Sur le non-respect de l’accord collectif Servat 2008
La salariée soutient qu’en janvier 2008, elle a bénéficié d’une promotion pécuniaire de 5 % prévue à l’article 22-3-1 de l’avenant audiovisuel et qu’en application de l’accord Servat 2008 elle aurait dû bénéficier d’une augmentation supplémentaire de 3% lissée de 2008 à 2010.
Elle affirme que les mesures de l’accord Servat doivent se cumuler avec les mesures individuelles destinées à récompenser le mérite.
L’employeur oppose que l’accord Servat a pour objet de garantir une progression salariale minimale aux salariés qui ne bénéficient pas de mesures individuelles, progression qui se fait selon les paliers d’ancienneté et que si, par l’effet d’une promotion, le montant obtenu est supérieur au montant garanti par la grille Servat en fonction de l’ancienneté et de l’indice, ce qui est le cas de Mme [H], il n’y a pas lieu à l’octroi d’un complément.
L’accord Servat du 28 mai 2008 a mis en place une nouvelle grille de carrière à partir du 1er janvier 2011 comprenant des nouveaux minima indiciaires pour chaque fonction, niveaux et paliers d’ancienneté.
L’article 4 a créé en plus des quatre paliers d’ancienneté existants, deux paliers d’ancienneté supplémentaires : 17 à 25 ans, 25 ans et plus, et a prévu que ces paliers supplémentaires entraîneraient une majoration du salaire de base de 3%.
L’économie générale de l’accord consistant à fixer de nouveaux minima, même si l’accord a précisé que les mesures de l’accord ne pourraient se confondre avec les mesures générales proposées pour l’ensemble des salariés RFI, notamment aux journalistes à travers le NIS, à l’occasion des négociations annuelles obligatoires, la salariée ne peut interpréter l’article 4 comme prévoyant systématiquement une augmentation de 3% du salaire lorsqu’un salarié atteint 17 ans d’ancienneté.
Dès lors qu’elle a bénéficié de 2008 à 2011 d’une rémunération, hors prime d’ancienneté, supérieure à la rémunération minimum prévue compte tenu de son indice 1755 et de son ancienneté, l’employeur a respecté l’accord Servat 2008.
Le non-respect invoqué n’est pas établi.
Sur le non-paiement des heures de nuit majorées lié à l’exercice de son mandat
La salariée expose que le travail de nuit couvre la tranche horaire 21h-6h et donne lieu à une majoration de salaire horaire de 20% (sur les bulletins de paie HNN).
Elle indique qu’elle n’a pas perçu la majoration du 8 juin 2010 au 12 décembre 2013, période durant laquelle elle était secrétaire du comité d’entreprise, manquement que l’employeur a admis en reconnaissant devoir la somme de 15 160,22 euros qu’il a réglée après la notification du jugement prud’homal.
Elle prétend qu’elle a également été privée du paiement des heures de nuit entre 2007 et 2010 lorsqu’elle était membre élue du comité d’établissement. Elle précise que sur cette période ses horaires étaient de 15h30 à 1h30 soit 4,5 heures de nuit majorées de 20 % par jour travaillé et que l’examen de ses bulletins de paie montre qu’elle en était privée certains jours pendant les semaines durant lesquelles elle participait à des réunions. L’employeur réplique que les heures de nuit étaient bien dues sur la période 2008-2013.
Il précise sur la période 2010 à 2013 qu’il s’agit d’une erreur non intentionnelle, puisque dans un courrier du 22 juillet 2010, la directrice des ressources humaines avait informé Mme [H] qu’à compter de son détachement comme secrétaire du comité d’entreprise en date du 8 juin 2010 les éléments variables de paie seraient maintenus pendant son mandat. Il souligne qu’il a procédé à la régularisation.
En revanche, l’employeur ne soumet à la cour aucune argumentation sur la période 2007 à 2010 alors que la salariée établit qu’elle était privée de majorations d’heures de nuit certaines semaines, lorsqu’elle participait à des réunions : 11 octobre 2007, 27 mars 2008, 19 juin 2008, 29 octobre 2008, 4 décembre 2008, 3 avril 2009, 11 mai 2009, 20 mai 2009, 5, 25 et 26 juin 2009, 2 juillet 2009, 17 septembre 2009, 7 et 9 octobre 2009, 15 mars 2010, 22 avril 2010.
Le non-respect du paiement des majorations de nuit sur la période de 2007 à 2013 est établi. Il laisse présumer l’existence d’une discrimination syndicale et l’employeur n’apporte pas la preuve qu’il était justifié par des raisons objectives étrangères à toute discrimination.
Sur le non-paiement de la prime trimestrielle « petit matin »
La salariée expose et justifie qu’elle a perçu une prime trimestrielle « petit matin » (PPM) de juin 2007 à juin 2010, qu’elle en a été privée de juin 2010 à décembre 2013 et continue d’en être privée depuis son retour à son poste de travail en janvier 2014 alors qu’elle occupe le même poste qu’avant 2010 sur la même vacation de 15h à 1h du matin.
Elle ajoute qu’en outre la PPM est calculée en fonction du nombre de jours travaillés en horaire de nuit et que le non-paiement de toutes les HNN a eu un impact sur le paiement des PPM.
L’employeur réplique qu’il a à tort admis devant le premier juge être redevable de PPM alors qu’en réalité la salariée n’y était pas éligible et n’en avait bénéficié que par erreur, et que d’ailleurs ses collègues effectuant la même vacation 15h-1h ou 14h-00h, selon les cas, ne l’ont jamais perçu postérieurement à 2010.
Tout d’abord, il convient de constater que contrairement à ce que soutient l’employeur, l’arrêt du 20 décembre 2018 a été cassé, sauf en ce qu’il a accordé à la salariée une indemnité de requalification, en toutes ses dispositions et donc notamment en ce qu’il a débouté la salariée de sa demande de rappel de prime de « petit matin ».
Pour justifier la suppression de cette prime, l’employeur se prévaut (pièce E n°101) d’un courrier du 8 janvier 1980 du directeur général de Radio France expliquant que la prime « petit matin » versée trimestriellement est réservée aux journalistes qui prennent régulièrement leur service avant 4 heures pour assurer les éditions du matin. Si à juste titre la salariée soutient que RFI a été indépendante de Radio France à partir de 1985, elle ne communique aucun élément sur les conditions d’attribution de cette prime au sein de RFI, notamment pas d’accord d’entreprise alors qu’elle indique que l’employeur ne fournit pas d’accord d’entreprise justifiant la suppression de ce droit.
L’employeur tire aussi argument du fait que Mme [S] et Mme [Z] lorsqu’elles étaient binôme de Mme [H] ne percevaient pas la PPM et produit des bulletins de paie dont il déduit que Mme [S] n’a pas perçu de PMM au mois d’avril, juillet et octobre 2010 et que
Mme [Z] en a perçu en avril 2010 mais pas en juillet et octobre 2010. (pièce E n°102)
Ces bulletins de paie sont suffisamment lisibles pour établir ces faits.
Il résulte des plannings qu’au premier trimestre 2010 Mme [Z] travaillait de 23h30 à 9h30 et que les trimestres suivants et jusqu’en décembre 2010 elle était binôme de Mme [H].
Mme [S] a été binôme de Mme [H] ponctuellement notamment en février 2010.
Il importe peu que Mme [M] qui en janvier 2008 (pièce S n°132) a travaillé à peu près sur la même tranche horaire qu’elle, 15h15-01h15 et 15h30-01h30 ait perçu la PPM en janvier et avril 2008, puisque la période litigieuse a commencé en 2010.
La suppression de la PPM à partir de 2010 est établie. Elle laisse présumer l’existence d’une discrimination syndicale, mais l’employeur qui établit que les salariés placés dans la même position que Mme [H] ne percevaient plus non plus la PPM justifie par des raisons objectives étrangères à une discrimination syndicale sa décision.
Sur le non-paiement du crédit d’heures
Mme [H] expose qu’alors qu’elle a été informée par courrier du 22 juillet 2010 par la DRH qu’en raison de son détachement comme secrétaire au CE elle n’avait plus droit au crédit d’heures attribué aux membres du CE, au cours d’une réunion qui s’est tenue le 10 décembre 2010 les délégués syndicaux ont appris que M. [J] délégué syndical CFDT aussi détaché au CE était rémunéré de ses heures de délégation.
Elle précise que Mme [F], déléguée syndicale, a demandé un traitement identique par mail du 17 décembre 2010 et qu’en l’apprenant en juillet 2011 elle a fait la même chose.
Elle ajoute qu’elle n’a pas eu de réponse pendant 9 mois et a dû insister pour obtenir un rappel le 17 avril 2012, rappel qui s’est limité à la période antérieure au mois de juillet 2011, le paiement de la période ultérieure lui étant refusé faute de déclaration de prise d’heures de délégation.
L’employeur réplique que le paiement des heures de délégation n’est pas automatique et que le représentant du personnel doit remplir un formulaire et le remettre chaque fois qu’il entend faire usage du crédit d’heures. Il affirme que Mme [H] n’a jamais déclaré d’heures à l’exception de sa demande du mois de juillet 2011 à laquelle il a répondu exceptionnellement favorablement puisqu’elle semblait ignorer qu’elle pouvait continuer des heures de délégation malgré son détachement au CE en qualité de secrétaire, mais que pour la suite la règle lui a été rappelée, qu’elle n’a plus effectué de déclaration d’heures de délégation et n’en a donc plus obtenu le paiement.
Par courrier du 22 juillet 2010, (pièce E n°15) la DRH a, notamment, informé Mme [H] qu’elle ne bénéficierait pas pendant son détachement comme secrétaire du comité d’entreprise du crédit d’heures attribué aux membres du comité d’entreprise.
Il résulte des échanges de mails (pièces S n°27, 28, 29 et 64) que Mme [F] déléguée syndicale SNJ-CGT, qui avait appris au cours d’une réunion du 10 décembre 2010 que
M. [J], élu CFDT, détaché à temps plein pour les négociations sur les conventions collectives déclarait en supplément des heures de délégation, a demandé par mail du 17 décembre 2010 et obtenu en raison de son détachement à temps plein pour les négociations sur les conventions collectives du 9 novembre 2009 au 30 novembre 2010 la régularisation des heures de délégation à hauteur de 20 heures par mois à l’exception des mois de juillet et août 2010.
Il en ressort aussi que Mme [H] a adressé la même demande le 8 juillet 2011 pour un montant forfaitaire de 20 heures mensuelles pendant 13 mois, qu’elle a relancé sa demande le 5 mars 2012, que la régularisation est intervenue en avril 2012 et que par mail 15 avril 2013 il lui a été rappelé que le paiement des heures de délégation n’était pas automatique et qu’elle devait déposer une déclaration indiquant le jour de prise des heures de délégation et leur nombre.
Il ne peut qu’être constaté que cette déclaration n’a pas été exigée de la salariée pour la période antérieure à juillet 2011 ni demandée à Mme [F].
Le non-paiement des heures de délégation est établi. Il laisse présumer l’existence d’une discrimination syndicale et l’employeur n’apporte pas la preuve des raisons objectives qui ont justifié cette position.
Sur la discrimination dans l’exercice de ses attributions de journaliste
La salariée reproche à l’employeur de lui avoir refusé à partir de 2005 de continuer de collaborer ponctuellement en dehors de ses heures de travail avec la radio portugaise TSF, comme elle l’avait fait de 1997 à 2005.
Elle souligne que d’autres collègues sont autorisés à travailler avec d’autres médias.
Contrairement à ce que soutient l’employeur, peu important que la salariée n’ait pas repris ce moyen dans son pourvoi, l’arrêt de la cour de cassation renvoie à la cour d’appel l’examen de l’ensemble des faits qui lui sont soumis au soutien de la demande de discrimination syndicale.
La salariée établit (pièce S n°38) que le 22 octobre 2002 elle avait obtenu l’autorisation d’exercer une activité ponctuelle auprès de la radio portugaise FM-TSF pour un an et que le renouvellement de cette autorisation lui a été refusée par courrier du 22 décembre 2005 (pièce S n°39).
Dans ce courrier, le président directeur général lui fait remarquer qu’elle n’est pas dans son droit en ayant poursuivi son activité pour la radio portugaise au-delà de l’année qui lui avait été accordée. Il explique que RFI a des intérêts dans RPL et entend développer l’activité en langue portugaise, dans le domaine de l’information et avec le concours de la rédaction portugaise de RFI et qu’en conséquence il est légitime de ne pas autoriser que des journalistes de RFI puissent porter concurrence aux intérêts des diffusions en langue portugaise.
Il a maintenu sa position dans un courrier du 2 février 2006 (pièce S n°40).
Mme [H] établit qu’en 2006, M. [W], rédacteur en chef au service Afrique de RFI a collaboré régulièrement au magazine « Jeune Afrique » et qu’en 2008 M. [L] rédacteur en chef à RFI, était correspondant de la télévision irlandaise de service public RTE.
La différence de traitement est établi. Elle laisse présumer l’existence d’une discrimination syndicale mais l’employeur justifie que les autorisations données à M. [L] et
M. [W], contrairement à celle sollicitée par Mme [H], ne concernaient pas des antennes concurrentes.
Cette décision était justifiée par des raisons étrangères à toute discrimination syndicale.
Sur une inégalité de traitement à l’arrivée dans la Rédaction Multimédia
Mme [H] expose qu’elle a rejoint la rédaction Internet en octobre 2006, rédaction qui a été réorganisée en juin 2007 pour devenir la rédaction Multimédia 24h/24, que cette rédaction comprenait 24 journalistes et que, contrairement à la quasi-totalité des journalistes ayant rejoint cette rédaction, elle n’a pas été gratifiée d’une promotion fonctionnelle à son arrivée et a dû attendre 9 ans pour en obtenir une.
Peu important que la salariée n’ait pas repris ce grief dans son pourvoi, la cour de renvoi est saisie de l’intégralité des faits relatifs à la discrimination.
L’employeur réplique que les promotions n’ont aucun caractère automatique, que les promotions fonctionnelles ne sont pas attribuées à l’ancienneté mais par décision des commissions paritaires et au regard des fonctions réellement occupées.
Il affirme que la salariée occupait un poste de responsable d’édition multimédia (REM), que selon les accords 2007 et 2008 les indices correspondant à la fonction de REM sont les indices 1590 et 1755 et que Mme [H] étant déjà positionnée à un indice élevé (1755) et supérieur à l’indice minimal prévu pour sa fonction il n’était pas justifié qu’elle bénéficie d’une promotion fonctionnelle à l’inverse d’autres salariés.
Les fiches de carrière récapitulées par la salariée dans ses conclusions montrent qu’elle a été la seule journaliste affectée à la rédaction multimédia en ayant déjà un indice 1755.
Dix ont été intégrés ou promus avec l’indice 1280, six intégrés ou promus avec l’indice 1430, un avec l’indice 1480, cinq avec l’indice 1590. Tous n’ont pas bénéficié de promotion à leur arrivée, en particulier les mieux classés Mme [E] qui a été intégrée à l’indice 1590 en 2007 et promue à l’indice 1755 en 2012.
Le non-bénéfice de promotion à son arrivée au service REM s’il laisse présumer l’existence d’une discrimination syndicale est justifié par des raisons étrangères à toute discrimination, le niveau indiciaire de Mme [H] lors de son affectation et le fait que ce changement de poste ne constituait pas une promotion fonctionnelle.
Sur une évolution de carrière au ralenti
La salariée fait valoir qu’alors qu’elle avait bénéficié de 5 promotions fonctionnelles pendant ses 18 premières années d’activité, elle est restée 10 ans sans promotion de 2005 à 2015 et n’a obtenu une promotion fonctionnelle qu’en avril 2015 comme journaliste indice 2000 et une promotion en juin 2021 à effet au 1er septembre 2019 comme rédacteur en chef adjoint groupe 9 niveau 9.
Elle précise qu’elle n’a jamais fait l’objet d’aucun reproche et est une professionnelle reconnue.
Elle ajoute que près du tiers de la REM ont été promus à trois reprises, les 3/4 issus de la CFDT et que sur l’ensemble des rédactions en 2015 elle fait partie de ceux n’ayant pas eu de promotion depuis 10 ans.
Elle souligne qu’en moyenne les 64 journalistes ayant atteint l’indice 2000 ont 16,1 années d’ancienneté alors qu’elle ne l’a obtenu qu’au bout de 28 ans et que son retard est encore plus flagrant si elle se compare aux salariés issus des rangs de la CFDT, organisation syndicale qu’elle a quittée en 1997.
Elle indique qu’elle n’a toujours pas obtenu l’indice 2100, alors que les 14 journalistes qui ont atteint cet indice ont 23,2 ans d’ancienneté.
Peu important que la cour de cassation ait écarté les branches 11,12 et 13 du pourvoi relatives au déroulement de carrière comme n’étant manifestement pas de nature à entraîner la cassation la cour de renvoi est saisie de l’intégralité des faits relatifs à la discrimination.
L’employeur expose qu’il n’est pas libre de ses décisions de promotions puisque le nombre de promotions est fixé en NAO afin que soit respectée l’enveloppe donnée par l’autorité de tutelle.
Il précise que les journalistes peuvent bénéficier de promotions indiciaires automatiques et que, jusqu’en février 2011 en application de la convention collective, de promotions individuelles – pécuniaires ou fonctionnelles ‘ qui étaient décidées après réunion d’une commission paritaire qui statuait sur les listes présentées par la direction et les organisations syndicales, ce qui permettait un examen objectif même si finalement c’était l’employeur qui décidait.
Il explique que la convention collective a été mise en cause et qu’aucun accord n’ayant été trouvé avec les organisations syndicales, il a mis en place en février 2011 des mesures unilatérales qui prévoyaient notamment la création d’une commission pour défendre les intérêts des journalistes qui n’avaient obtenu aucune mesure individuelle depuis plus de 4 ans, et que Mme [H] a bénéficié de cette mesure en 2015.
Il indique que ces mesures unilatérales ont été remplacées par un accord du 31 décembre 2015 qui reprend notamment l’obligation d’examen une fois par an par la direction et les délégués du personnel et les délégués syndicaux de la situation des salariés n’ayant pas eu de promotions pendant 4 ans.
Il affirme que le fait que les promotions individuelles pécuniaires et financières soient examinées par une commission paritaire garantit l’égalité de traitement.
Il souligne que les promotions ne sont pas automatiques, que les promotions fonctionnelles sont liées à des changements de fonction et que plus les indices sont élevés moins le rythme de promotion est rapide.
Il conteste que la salariée n’ait pas bénéficié de promotion entre 2005 et 2015 puisqu’elle a bénéficié d’une promotion pécuniaire en 2008 et de deux promotions fonctionnelles en 2005 et 2015.
Il indique que Mme [H] n’a postulé, avant novembre 2018, à aucun poste qui aurait pu entraîner un changement indiciaire, y compris lorsqu’elle a émis seulement le souhait de postuler au poste de chef de service de la rédaction lusophone vers l’Afrique poste relevant de l’indice 1755, dont elle disposait depuis le 1er juillet 2005.
Il fait valoir que les indices sollicités par la salariée, 2000 à partir de 2007, 2100 à partir de 2011 et 2300 à partir de 2016 correspondent à des fonctions qu’elle n’a jamais occupées, ni même revendiquées pendant ces périodes.
Les pièces du dossier permettent de reconstituer l’évolution de carrière de Mme [H] comme suit :
– du 9 février 1987 au 1er décembre 1991 par contrats à durée déterminée, journaliste,
– à partir du 1er décembre 1991, par contrat à durée indéterminée journaliste bilingue indice 1170,
– à partir du 1er janvier 1993, affectation à la section portugaise et promotion fonctionnelle au poste de journaliste bilingue indice 1280,
– à partir du 1er mars 1997, promotion fonctionnelle à l’indice 1430,
– en application de l’accord du 17 mai 2000, positionnement dans la fonction chef d’édition correspondant à l’indice conventionnel 1430,
– à partir du 1er janvier 2000, indice 1480, chef d’édition 3,
– à partir du 1er janvier 2002, indice 1590, responsable d’édition,
– à partir du 1er juillet 2005, indice 1755, responsable d’édition 1,
– en octobre 2006 intégration à la rédaction Internet devenue rédaction multimédia, maintien de l’indice 1755,
– à partir de juin 2008, responsable d’édition 2 (pièce S n°101) et augmentation de salaire de 5 %,
– à partir d’avril 2015, responsable d’édition 3, indice 2000,
– le 10 janvier 2017, proposition d’un avenant à effet au 1er janvier 2017 prévoyant en application des nouvelles dispositions conventionnelles applicables un positionnement au groupe 8 C, avenant non signé par la salariée,
– proposition à compter du 1er septembre 2019 d’une promotion au poste de rédacteur en chef adjoint groupe 9 A, (pièce E n°105 et 107), par mail du 14 janvier 2020 la salariée a indiqué qu’elle examinerait l’avenant qui lui a été présenté,
– du 1er juin 2020 au 18 février 2021, rédactrice en chef week-end, correspondant à un poste de groupe 10,
– à partir du 18 février 2021 reprise du poste de rédacteur en chef adjoint.
Dans un mail du 19 février 2021, la salariée a indiqué au RRH, M. [P], qu’elle avait accepté sans hésitation en mai 2020 le poste de rédactrice en chef week-end malgré les contraintes qu’il comportait et qu’elle souhaitait qu’il soit pérennisé mais qu’elle ne pouvait accepter la proposition d’avenant car il était nécessaire que l’ensemble des différends soit réglé par une négociation globale, que sa demande avait été reçue avec un dédain et qu’elle n’avait d’autre choix que de demander un retour à son poste de REM. Elle soulignait qu’elle était la seule classée au groupe 8, tous les autres étant au groupe 9, alors qu’elle venait d’exercer des fonctions de rédactrice en chef niveau 10 sans compensation financière et demandait comment la situation allait être régularisée.
Par mail du 20 avril 2021, (pièce E n°108) M. [P] lui a répondu que dès que la possibilité de maintenir le poste de rédactrice week-end avait été confirmée en novembre 2020, il lui avait proposé une promotion, une augmentation de salaire et un versement de complément d’EVP mais qu’elle avait déjà indiqué qu’elle voulait que tous les différends soient résolus en même temps alors qu’il n’existait aucun lien entre le litige et cette promotion. Il a rappelé qu’elle ne s’était toujours pas positionnée sur l’avenant de transposition proposé au mois de janvier 2017 et lui a demandé de se déterminer.
Le 25 mai 2021, la salariée a transmis l’avenant signé.
Au mois de juin 2021, la situation salariale de Mme [H] a été régularisée à partir du 1er septembre 2019 sur la base d’un poste de rédactrice en chef adjointe, groupe 9A avec un salaire de base de 4 974,71 euros.
La salariée prétend que sa carrière a été sensiblement ralentie par rapport à celles des autres journalistes en particulier en 2005 et 2015 période durant laquelle elle n’a pas eu de promotion et qu’il lui a fallu 28 ans pour obtenir l’indice 2000 alors qu’en moyenne les élus CFDT ont mis 13,5 ans.
Le ralentissement de la carrière en particulier entre 2005 et 2015 laisse présumer l’existence d’une discrimination syndicale.
Cependant, la salariée a bénéficié d’une promotion pécuniaire en 2008.
En outre, en 2005 seulement 19,5 % des journalistes avaient un indice supérieur à 1755 et en 2015 seulement 23 %. Lorsque Mme [H] a obtenu en 2015 l’indice 2000, 11,24 % des journalistes avaient cet indice et 11,51 % un indice supérieur 4,21 % l’indice 2100 et 7,30 % l’indice 2300.
La salariée a donc continué à faire partie des journalistes ayant un indice élevé, ce qui était déjà son cas en 2005.
Aussi sur les 25 journalistes embauchés en contrat à durée indéterminée entre 1990 et 1992 et comptant une ancienneté comparable à celle de Mme [H] avec reprise d’ancienneté des périodes antérieures en 2014 5 sont à l’indice 1590, 8 à l’indice 1755, 8 à l’indice 2000 et 4 à l’indice 2100. La salariée a donc bénéficié de l’avancement moyen des salariés embauchés ayant son ancienneté. (pièce E n°29)
Elle se compare à des salariés ayant obtenu l’indice 2000 plus rapidement qu’elle, notamment des élus CFDT, mais il résulte de leurs fiches de carrière que notamment Mme [O] (pièce E n°58) et Mme [G] (pièce E n°48) ont obtenu des promotions fonctionnelles suite à des commissions paritaires, qui présentent des garanties d’impartialité. Ainsi, Mme [O] avait fait acte de candidature en 1999 à un poste de rédacteur en chef adjoint d’une rédaction nationale au service Monde et Mme [G] à un poste de rédacteur en chef adjoint au SRD Afrique.
Mme [G] est ensuite d’ailleurs restée 10 ans au coefficient 2000.
L’indice 2000 que Mme [H] revendique à partir de 2007 correspond à des postes de rédacteur en chef adjoint 1, d’envoyé spécial permanent 4, de responsable édition 3, de responsable rubrique 5 et de grand reporter 4.
L’indice 2100 qu’elle revendique à compter de 2011 correspond à des postes de rédacteur en chef adjoint 2, d’envoyé spécial permanent 5, de responsable édition 4, de responsable rubrique 6 et de grand reporter 5. L’indice 2300 qu’elle revendique à partir de 2015 correspond à un poste de rédacteur en chef 1 et envoyé spécial permanent 7.
Mme [H] ne justifie pas avoir sollicité des changements de fonction, avant novembre 2018 période à laquelle (pièce S n°138) elle s’est portée candidate à un poste de coordinateur éditorial des langues étrangères de RFI, candidature qui n’a pas été retenue.
L’employeur (pièces E n°128 et 129) établit que Mme [G] avait un profil plus adapté au poste.
De l’ensemble des pièces il ressort que l’employeur rapporte la preuve que le ralentissement relatif de la carrière de Mme [H] est justifié par des raisons étrangères à toute discrimination syndicale.
Finalement il est établi que Mme [H] a subi une discrimination syndicale caractérisée par le non-paiement des heures de nuit et le non-paiement des heures de délégations.
Il convient donc, infirmant le jugement, de dire que la discrimination syndicale est établie.
Sur l’indemnisation de la discrimination syndicale :
Le salarié victime d’une discrimination syndicale a droit à la réparation de l’intégralité du préjudice subi, notamment à la reconstitution de sa carrière lorsque celle-ci a été compromise.
Dès lors qu’il a été précédemment établi que la salariée n’a pas subi de préjudice de carrière et que l’employeur a exactement appliqué les dispositions conventionnelles et les accords Servat, elle ne peut prétendre à une reconstitution de carrière et, ajoutant au jugement, la salariée sera déboutée de ses demandes de rappel de salaire 2008-2016, de l’incidence du 13ème mois, des congés payés afférents, du rappel de salaires 2017-2021 d’incidence 13ème mois, de congés payés afférents, de rappel de NIS et de congés payés afférents, de rappel de congés « historiques» et de régularisation de retraite.
En revanche, il sera fait droit à sa demande au titre des heures de délégation pour la période de 2010 à 2013 soit, après déduction de la somme de 7 293,90 euros déjà versée, la somme de 17 606,50 euros.
Il a été jugé que la salariée a été abusivement privée du paiement de certaines heures de nuit majorées de 2007 à 2013, d’abord lorsqu’elle avait des réunions en qualité de membre du comité d’établissement et de 2010 à 2013 quand elle était secrétaire du comité d’entreprise.
Elle a donc droit au titre des années 2007-2013 au paiement des heures de nuit. Elle soumet à la cour un calcul effectué sur la base d’un salaire reconstitué qui lui a été refusé.
Sur la base du salaire qu’elle percevait effectivement, du nombre d’heures sollicitées dont le montant n’est pas discuté, en excluant l’année 2014 durant laquelle elle n’exerçait plus la fonction de secrétaire du comité d’entreprise, la salariée a droit à la somme de 12 058,89 euros, outre 1 004,07 euros au titre de l’incidence du 13ème mois et 1 306,37 euros au titre des congés payés soit la somme de 14 369,33 euros.
Dès lors que le premier juge a condamné l’employeur à payer la somme de 13 782 euros à ce titre, outre les congés payés afférents, et que l’infirmation n’est pas sollicitée de ce chef, le jugement sera confirmé.
Le préjudice autre que de carrière subi par la salariée du fait de la discrimination syndicale sera réparé par l’allocation d’une somme de 5 000 euros.
Sur la remise des documents :
Sans qu’il soit nécessaire d’assortir cette mesure d’une astreinte, il convient d’ordonner à la société France médias monde de remettre à Mme [H] un bulletin de salaire récapitulatif.
Sur les intérêts :
Les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l’employeur de la lettre le convoquant devant le bureau de conciliation pour les sommes afférentes à la période antérieure à cette date et à compter de leur échéance pour les sommes afférentes aux périodes postérieures.
La créance indemnitaire portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt pour le surplus.
Sur la demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile :
Il est inéquitable de laisser à la charge de Mme [H] les frais par elle exposés devant la cour de renvoi non compris dans les dépens à hauteur de 4 000 euros.
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement et contradictoirement, dans les limites de la cassation, en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,
INFIRME partiellement le jugement,
Statuant à nouveau,
DIT la discrimination syndicale établie,
CONDAMNE la société France médias monde à payer à Mme [H] les sommes suivantes :
. 15 571 euros au titre des heures de délégation, avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes pour les sommes afférentes à la période antérieure à cette date et à compter de leur échéance pour les sommes afférentes aux périodes postérieures,
. 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
ORDONNE à la société France médias monde de remettre à Mme [H] un bulletin de salaire récapitulatif conforme au présent arrêt,
CONFIRME le jugement pour le surplus,
Ajoutant au jugement,
DÉBOUTE Mme [H] de ses demandes de rappel de salaire 2008-2016, de l’incidence du 13ème mois, des congés payés afférents, du rappel de salaires 2017-2021 d’incidence 13ème mois, de congés payés afférents, de rappel de NIS et de congés payés afférents, de rappel de congés « historiques » et de régularisation de retraite,
DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,
CONDAMNE la société France médias monde à payer à Mme [H] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour de renvoi,
DÉBOUTE la société France médias monde de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société France médias monde aux dépens.
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Clotilde Maugendre, présidente et par Madame Dorothée Marcinek, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La greffière La présidente