Droit audiovisuel : 12 mai 2021 Cour de cassation Pourvoi n° 19-24.610

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Droit audiovisuel : 12 mai 2021 Cour de cassation Pourvoi n° 19-24.610
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CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 12 mai 2021

Cassation partielle

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 401 FS-P

Pourvoi n° T 19-24.610

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 12 MAI 2021

L’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) de [Localité 1], dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 19-24.610 contre l’arrêt rendu le 13 septembre 2019 par la cour d’appel d’Aix-en-Provence (chambre 4-8), dans le litige l’opposant à la société Uhlsport France, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Le Fischer, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales de Provence-Alpes-Côte d’Azur, de Me Le Prado, avocat de la société Uhlsport France, et l’avis de Mme Ceccaldi, avocat général, après débats en l’audience publique du 24 mars 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Le Fischer, conseiller référendaire rapporteur, M. Prétot, conseiller doyen, Mmes Taillandier-Thomas, Coutou, Renault-Malignac, M. Rovinski, Mmes Cassignard, Lapasset, M. Leblanc, conseillers, M. Gauthier, Mmes Vigneras, Dudit, conseillers référendaires, Mme Ceccaldi, avocat général, et Mme Aubagna, greffier de chambre.

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 13 septembre 2019), à l’issue d’un contrôle portant sur les années 2007 à 2009, l’URSSAF des Bouches-du-Rhône, aux droits de laquelle vient l’URSSAF de [Localité 1] (l’URSSAF), a réintégré dans l’assiette des cotisations de la société Uhlsport France (la société) le montant des sommes versées à des sportifs de haut niveau chargés de promouvoir les équipements de la marque « Uhlsport ».

2. L’URSSAF lui ayant décerné une contrainte, la société a formé opposition devant une juridiction de sécurité sociale.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses trois premières branches :

Enoncé du moyen

3. L’URSSAF fait grief à l’arrêt de recevoir la société en son opposition à contrainte alors :

« 1°/ que l’activité de mannequinat, même si elle est exercée à titre occasionnel, le fait de présenter au public, directement, ou indirectement par reproduction de son image sur tout support visuel ou audiovisuel, un produit, un service ou un message publicitaire, ou de poser comme modèle, avec ou sans utilisation ultérieure de son image ; que le contrat par lequel une personne s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un mannequin est présumé être un contrat de travail ; qu’en l’espèce, l’arrêt a constaté, par motifs propres et adoptés, que les contrats conclus entre la société et les divers athlètes, avaient pour objet la promotion de ses produits et services avec le concours d’athlètes de très haut niveau; qu’en contrepartie d’une rémunération, chaque athlète s’engageait à utiliser exclusivement les équipements Uhlsport (gants/textile) à l’occasion des entraînements, matchs amicaux ou de championnat et pour toutes autres manifestations ayant trait à leur activité ; que l’athlète conférait à Uhlsport le droit d’utiliser son nom et son image dans le cadre de la commercialisation des équipements de la marque, dans des catalogues, lors de campagnes promotionnelles et sur l’emballage des équipements, et que l’athlète s’engageait à fournir, avant le début du championnat un ou plusieurs clichés de son image avec le matériel Uhlsport, lesquels étaient validés par Uhlsport, à défaut de quoi, l’athlète devait se rendre disponible pour permettre à Uhlsport la réalisation de clichés nécessaires à la promotion d’équipement ; qu’en jugeant que ces contrats ne relevaient pas de l’activité de mannequinat mais constituaient des contrats commerciaux de sponsoring ou de parrainage sportif, de sorte que la présomption de salariat ne pouvait être retenue, lorsqu’il résultait de ses propres constatations que lesdits contrats avaient bien pour objet une activité de mannequin, la cour d’appel a violé les articles L. 7123-2, L. 7123-3, L. 7123-4 du code du travail et l’article L. 311-3-15° du code de la sécurité sociale ;

2°/ que l’obligation faite à l’athlète par son sponsor, contre rémunération, de porter exclusivement les équipements de sa marque lors de toutes les manifestations ayant trait à son activité sportive, et de fournir des clichés de son image avec le matériel de la marque ou de se rendre disponible pour permettre la réalisation de tels clichés nécessaires à la promotion de son équipement, suffit à caractériser son activité de mannequin, peu important que la société sponsor n’utilise pas ultérieurement les clichés des sportifs dans ses catalogues ou publications commerciales ; qu’en jugeant que les athlètes, qui étaient tenus à de telles obligations, n’exerçaient pas une activité de mannequin au prétexte inopérant que la société, bien qu’en possession de clichés de sportifs porteurs de l’équipement promu, ne les avait pas utilisé ultérieurement dans ses catalogues et publications commerciales, la cour d’appel a violé les articles L. 7123-2, L. 7123-3, L. 7123-4 du code du travail et l’article L. 311-3-15° du code de la sécurité sociale ;

3°/ que l’activité de mannequin suppose seulement qu’il présente au public, directement ou indirectement par reproduction de son image sur tout support visuel ou audiovisuel, un produit, un service ou un message publicitaire, ou qu’il pose comme modèle ; qu’il n’est pas exigé du mannequin qu’il participe à une manifestation ou une démonstration imposée par celui qui s’assure son concours ; qu’en jugeant que les contrats liant la société aux athlètes ne relevaient pas de l’activité de mannequinat car il ne leur était aucunement fait obligation de participer à une quelconque manifestation ou démonstration imposée par la société, au sens de la circulaire du 28 juillet 1994, la cour d’appel qui a ajouté à la loi une condition qu’elle ne prévoit pas, a violé l’article L. 7123-2 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1354, alinéa 2, du code civil, L. 311-3, 15°, du code de la sécurité sociale, L. 7123-2, L. 7123-3 et L. 7123-4 du code du travail, le deuxième, dans sa rédaction applicable au litige :

4. Selon le deuxième de ces textes, sont compris parmi les personnes auxquelles s’impose l’obligation d’affiliation au régime général prévue à l’article L. 311-2, les mannequins auxquels sont reconnues applicables les dispositions des trois derniers de ces textes.

5. Selon le troisième, est considérée comme exerçant une activité de mannequin, même si cette activité n’est exercée qu’à titre occasionnel, toute personne qui est chargée :

1° Soit de présenter au public, directement ou indirectement par reproduction de son image sur tout support visuel ou audiovisuel, un produit, un service ou un message publicitaire ;

2° Soit de poser comme modèle, avec ou sans utilisation ultérieure de son image.

6. Selon le quatrième, tout contrat par lequel une personne s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un mannequin est présumé être un contrat de travail.

7. Selon le cinquième, la présomption de l’existence d’un contrat de travail subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée au contrat par les parties. Elle n’est pas non plus détruite par la preuve que le mannequin conserve une entière liberté d’action pour l’exécution de son travail de présentation.

8. Il résulte de la combinaison de ces textes que la présentation directe au public d’un produit par un athlète à l’occasion de diverses manifestations et notamment, d’exhibitions sportives, avec ou sans compétition, entre dans le champ d’application de la présomption instituée par les trois derniers.

9. Pour rejeter la demande de l’URSSAF tendant à la condamnation de la société au paiement des sommes visées dans la contrainte, l’arrêt relève qu’il résulte des contrats conclus entre les différents sportifs, visés par le redressement, et la société, que cette dernière promeut son activité, ses produits, services avec le concours d’athlètes au travers de leurs performances sportives et de l’image qu’ils véhiculent, et que les sportifs, qui s’engagent à porter les équipements de la marque à l’occasion des entraînements, matchs amicaux ou de championnat et pour toutes autres manifestations ayant trait à leur activité, perçoivent une contrepartie matérielle et financière par le versement en fin de saison d’indemnités, en fonction notamment du nombre de matchs joués et des résultats obtenus en étant ainsi équipés.

10. L’arrêt ajoute que pour autant, si obligation est faite aux sportifs de donner à la société la possibilité d’utiliser leur nom et leur image dans le cadre de la commercialisation des équipements de la marque dans les catalogues, lors de campagnes promotionnelles et sur l’emballage des équipements, de fournir un cliché de leur personne portant l’équipement, il ne leur est aucunement fait obligation de participer à une quelconque manifestation qui serait imposée par la société, au sens de la circulaire du 28 juillet 1994. L’arrêt relève encore que selon la société, les clichés de sportifs porteurs de l’équipement promu n’ont pas été utilisés dans le cadre de la promotion de ses produits, ce qui est corroboré par la production des catalogues que l’inspecteur de l’URSSAF a pu examiner. Il énonce que l’URSSAF se contente de retenir la présomption de salariat tirée de l’activité de mannequinat, sans jamais apporter d’éléments quant au pouvoir de direction, de contrôle ou de sanction qui permettrait de qualifier un quelconque lien de subordination, que les contrats liant la société avec les sportifs ne créent pas d’obligations à son égard telles que la participation imposée à des manifestations ou démonstrations, et que la compensation financière variable qu’ils reçoivent résulte, en vertu des contrats de sponsoring, de leur acceptation de porter un équipement fourni durant leur activité sportive pour un employeur avec lequel ils sont par ailleurs liés professionnellement.

11. L’arrêt retient que la relation entre la société qui exploite le nom et la renommée des sportifs recevant compensation financière dans ce cadre est de nature commerciale, et que cette seule compensation ne peut suffire à permettre une requalification de ladite relation en une relation de travail telle qu’elle existe entre un employeur et un salarié, laquelle répond à des critères précis dont l’existence d’un lien de subordination. L’arrêt en déduit que par conséquent, les sportifs en relation commerciale avec la société et qui reçoivent une contrepartie financière dans le cadre de contrats de sponsoring ne relèvent pas de l’activité de mannequinat, au sens de l’alinéa 3 de l’article L. 763-1 du code du travail, devenu L. 7123-2 du même code, et qu’en l’absence d’activité de mannequinat, la présomption de salariat ne peut être retenue.

12. En statuant ainsi, alors qu’il ressortait de ses propres constatations que les conventions litigieuses emportaient pour les athlètes concernés l’obligation, moyennant rémunération, de porter les équipements de la marque en vue d’en assurer la promotion à l’occasion de diverses manifestations, de sorte que ces contrats étaient présumés être des contrats de travail de mannequin, et qu’il appartenait à la société de renverser cette présomption en apportant la preuve de l’absence de lien de subordination, la cour d’appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu’il confirme le jugement déféré rejetant la fin de non-recevoir opposée par la société Uhlsport France pour autorité de la chose jugée, l’arrêt rendu le 13 septembre 2019, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence ;

Remet, sauf sur ce point, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne la société Uhlsport France aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze mai deux mille vingt et un.

 


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