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Dans le cadre d’une succession incluant des œuvres d’art, la juridiction est en droit de juger (requalification) qu’un don d’oeuvres d’art par des époux pour leurs enfants ne peut s’analyser en un présent d’usage, s’agissant du don de plusieurs oeuvres d’une valeur non négligeable constituant une part importante du patrimoine des époux (le don d’un seul tableau de Chu Teh Chan a été évalué entre 200 000 et 300 000 euros).
Une décision a été confirmée en ce qu’elle a qualifié de donation rapportable à la succession le don d’oeuvres d’art effectué par les époux à leurs enfants.
Pour rappel, aux termes de l’article 843 du code civil, tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l’actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu’il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement ; il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu’ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale.
L’article 852 du même code dispose que les frais de nourriture, d’entretien, d’éducation, d’apprentissage, les frais ordinaires d’équipement, ceux de noces et les présents d’usage ne doivent pas être rapportés, sauf volonté contraire du disposant. Le caractère de présent d’usage s’apprécie à la date où il est consenti et compte tenu de la fortune du disposant.
L’article 860 dispose que le rapport est dû de la valeur du bien donné à l’époque du partage, d’après son état à l’époque de la donation. Si le bien a été aliéné avant le partage, on tient compte de la valeur qu’il avait à l’époque de l’aliénation. (…)
Il résulte de ces dispositions que par principe, toutes les donations sont présumées rapportables, et ce quelle que soit leur forme (donation notariée, dons manuels, donations indirectes, donations déguisées…), à moins qu’elles n’aient été stipulées faites par préciput et hors part successorale. Le seul fait que le formalisme prescrit par l’article 931 du code civil n’a pas été respecté ne suffit pas à écarter la présomption du caractère rapportable de la donation consentie.
Par ailleurs, ces donations sont en principe rapportables en valeur, ce qui permet lors du partage, tout en respectant la volonté du donataire de gratifier personnellement chaque donataire de telle chose en particulier, d’établir ou rétablir l’égalité en valeur des gratifications faites aux héritiers, étant précisé que s’il est loisible aux parents de partager leurs biens de manière inégale entre leurs enfants, c’est à la condition de ne pas enfreindre la réserve qui est d’ordre public et à laquelle nul ne peut déroger même par des donations ou un testament. Le calcul de la réserve de chaque enfant suppose nécessairement le rapport des libéralités consenties à chacun.
Néanmoins les présents d’usage sont exclus du domaine du rapport, sauf volonté contraire du disposant. Pour revêtir cette qualification, le don doit remplir deux conditions cumulatives : avoir été fait à l’occasion d’un événement où il est d’usage de consentir une donation (anniversaire, mariage, fiançailles, étrennes, réussite aux examens…) et il doit être d’une valeur modique compte tenu de la fortune du disposant, ce caractère étant apprécié à la date où le présent d’usage est consenti.
Afin de qualifier ces présents de donation rapportable ou de présent d’usage, il convient de procéder à l’évaluation des présents effectués relativement à la fortune des donateurs à la date à laquelle ils ont eu lieu, et de déterminer l’événement à l’occasion duquel ils ont été donnés.
_____________________________________________________________________________________
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 1
ARRÊT DU 10/02/2022
****
N° RG 18/06102 – N° Portalis DBVT-V-B7C-R6ML
Jugement (N° 18/01433) rendu le 06 septembre 2018 par le tribunal de grande instance de G
APPELANTS
Madame A L-D veuve X
née le […] à […]
demeurant […]
[…]
représentée par Me Thibaut Crasnault, membre du cabinet Debacker et Associés, avocat au barreau de Valencienne
assistée de Me Sébastien Foucherault, membre de la SCP Avodès, avocat au barreau des Deux-Sèvres
Monsieur Z L-D
né le […] à […]
demeurant appartement […]
[…]
Monsieur B L-D
né le […] à […]
demeurant […]
[…]
représentés par Me Odile Ivanovitch-Debosque, avocat au barreau de G INTIMÉ
Monsieur Y L-D
né le […] à […]
demeurant […]
[…]
représenté et assisté de Me R Koch, avocat au barreau de G
ayant pour conseil, Me I-Laure Cadillon-Toullec, avocat au barreau de La Rochelle-Rochefort
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
AQ AR-AS, présidente de chambre
Emmanuelle Boutié, conseiller
Céline Miller, conseiller
GREFFIER LORS DES DÉBATS : AD AE
DÉBATS à l’audience publique du 15 novembre 2021 après rapport oral de l’affaire par Céline Miller.
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 10 février 2022 après prorogation du délibéré du 27 janvier 2022 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par AQ AR-AS, présidente et AD AE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 18 octobre 2021
****
Y L et M J se sont mariés et le couple a donné naissance à quatre enfants : Y, Z, A et B. Le couple a ensuite divorcé.
M J a ensuite épousé, le 9 février 1972, C-AF D initialement selon le régime de la séparation de biens puis de la communauté universelle suivant acte notarié du 8 août 1988 homologué par jugement du tribunal de grande instance de G du 18 mai 1989, stipulant qu’en cas de prédécès de M. C-AF D, l’actif de la communauté appartiendrait en totalité à son épouse survivante.
M. C-AF D a adopté en 1993 les quatre enfants de son épouse, et par acte notarié du 23 décembre 1996 homologué par jugement du tribunal de grande instance d’Arras du 20 mars 1997, le régime matrimonial des époux a été amendé pour une communauté universelle avec clause d’attribution de l’intégralité de l’actif de la communauté à l’époux survivant quel que soit l’époux pré-décédé.
En avril 2005, le couple a donné des oeuvres d’art, tableaux et sculptures, aux quatre enfants.
C-AF D est décédé le […] à Niort.
M J est décédée le […] à Roubaix.
Elle laisse pour lui succéder ses quatre enfants.
Une déclaration de succession a été déposée et mentionne que la succession comprend notamment un véhicule Twingo, des comptes bancaires, des titres, une maison située à Willeman.
Mme A L-D a remis au notaire chargé de la succession, Maître C-AG AH, un testament olographe rédigé par M J qu’il a déposé à ses minutes par un acte du 26 juillet 2016. L’acte prévoit que :
‘Je [ … } souhaite par la présente lettre, léguer la quotité disponible de mes biens à mes enfants qui auront respecté nos choix de cadeaux faits librement toute notre vie. En souvenir de notre famille, je désire que tout cela reste inchangé.
Le 28 février 2013′
Le 26 juillet 2016, les héritiers ont également signé un acte notarié de partage reçu par le même notaire selon lequel les titres ont été partagés tandis que le véhicule, les meubles meublants, les dons manuels et l’immeuble ont été maintenus dans l’indivision dans le cadre d’une convention d’indivision.
Par acte d’huissier des 14 et 27 février 2017, M. Y L-D a fait assigner ses frères et sœur, MM. Z et B L-D et Mme A L-D devant le tribunal de grande instance de G aux fins notamment d’obtenir l’ouverture des opérations complémentaires de comptes, liquidation et partage de la succession d’M J veuve D, condamner ses frères et sœurs à rapporter à la succession les oeuvres d’art qui leur avaient été données en avril 2005, à savoir sept tableaux et deux sculptures ou assimilées chacun, étant précisé que lui-même déclare à cette fin les oeuvres par lui reçues en cette occasion, les condamner à la peine du recel successoral et avant O droit ordonner une expertise judiciaire afin de déterminer la valeur rapportable des oeuvres d’art dont le rapport est demandé.
Par jugement du 6 septembre 2018, le tribunal de grande instance de G a :
Rejeté la fin de non recevoir tirée du contenu de l’assignation ;•
• Dit que la remise de diverses oeuvres d’art, tableaux et sculptures, par C-AF D et M J à Y, Z, A et B L-D n’est pas un présent d’usage ;
• Dit que cette remise des oeuvres s’analyse en une donation rapportable par chaque héritier à la succession d’ M J veuve D ;
• Précisé que pour l’identification des oeuvres, le jugement fait référence à la pièce 9 communiquée par M. Y L-D et qui est annexée en couleurs au présent jugement ; Condamné M. Z L-D à rapporter à la succession les oeuvres suivantes :• un tableau de Chu Teh Chun n° 317◊ un tableau de Kijno n° 323◊ un tableau d’un peintre allemand n° 350◊ un tableau de Bryen n° 316◊ un tableau de Xi Lombardini n° 320◊ un tableau d’Hemery n° 324◊ un second tableau d’Hemery n° 339 et 344◊ une sculpture de Dodeigne n° 321◊ un tableau de Dodeigne n° 371◊
– Précisé que le tableau Jeux de formes, 1994 de Chu Teh Chun référencé sous le numéro 317, aliéné en 2013, génère un rapport de sa valeur selon les règles de l’article 860 du code civil ;
– Condamné M. B L-D à rapporter à la succession les oeuvres suivantes :
un tableau de Manessier n° 321• un tableau de Delaunay n° 328• un tableau de Tal Coat […]• un tableau de Pignon n° 402 et 393• un tableau d’Hemery n° 369• une sculpture bronze allongé n° 357• une sculpture […]
– Rejeté le surplus de la demande de rapport formée contre M. B L-D ;
– Condamné Mme A L-D à rapporter à la succession les oeuvres suivantes :
deux tableaux de W n°322• un tableau d’Hemery n°318• un tableau de Lanskoy n°326• un tableau de Germain n°381• un tableau de Lanskoy n°473 et 382• un tableau de Bertholle n°382• une sculpture Oreille musicale n°383• une sculpture AF verticale […]
ainsi que :
une sculpture de AF n°329• un tableau de ‘Radjani’ n°346 identité du peintre à faire rechercher• un tableau de Vu Cao Dam n°364• un tableau de Charchoune n°367• un tableau de Singler n°372• un tableau de Bazaine n°368•
– Condamné Mme A L-D à rapporter également à la succession un tableau de Chu Teh Chun identifié par référence à la pièce 33 communiquée par M. Y L-D dans le cadre de l’instance et qui est annexée en couleur au jugement ;
– Dit que M. Y L-D doit rapporter à la succession les oeuvres suivantes :
. un tableau de Pignon n°319
un tableau de P. Ambrogiani n° 327• un tableau de W n°334• un tableau de Hemery n°338• un tableau de Pichette n°349• un second tableau de Hemery n°353• un tableau de Kijno n°355• un tableau de Manessier n°370• une sculpture de Coëtlogon n°476•
– Dit que M, Y L-D doit également rapporter à la succession une sculpture de Dimitrienko non photographiée;
– Rejeté la demande reconventionnelle en rapport à cette succession formée contre M. Y L-D ;
– Ordonné l’ouverture des opérations complémentaires de comptes/liquidation et partage de la succession d’M J veuve D ;
– Désigné pour y procéder Maître C-AK AL, notaire à G ;
(‘)
– Rejetté toutes les demandes d’application de la sanction du recel successoral ;
– Ordonné une expertise des oeuvres d’art à rapporter à la succession ;
– Désigné pour y procéder M. C-AI AJ (…)
– Donné à l’expert mission de :
* se faire communiquer tous documents et pièces qu’il estimera utiles à l’accomplissement de sa mission et à ce sujet, les parties devront répondre sans délai à l’expert les pièces produites devant être, de manière générale, numérotées en continu et accompagnées d’un bordereau,
* se rendre, si nécessaire, sur les lieux où se trouvent les tableaux,
* examiner les oeuvres figurant à la liste ci-dessus, sauf le tableau de Chu Teh Chun n°317 Jeux de formes, 1994, vendu aux enchères le 16 novembre 2013 au prix de 230 000 euros,
* entendre les parties en leurs dires et observations ainsi que tout sachant,
* en préciser la valeur à l’époque du partage, d’après son état à l’époque de la donation,
* répondre aux dires des parties;
(‘)
– Rejeté la demande de restitution par M. Y L-D de sa part de quotité disponible ;
– Dit n’y avoir lieu à aucune condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Dit que les dépens seront payés comme frais de partage ;
– Rejeté la demande de recouvrement direct des dépens formée par Maître R Koch ;
– Ordonne l’exécution provisoire du jugement dans toutes ses dispositions.
Par ordonnances de changement d’expert des 1er et 24 octobre 2018, l’expertise a finalement été confiée à Mme N K, expert auprès de la cour d’appel de Poitiers ;
Madame A L-D a interjeté appel du jugement du 6 septembre 2018 par déclaration enregistrée le 2 novembre 2018.
MM. Z et B L-D ont également interjeté appel de cette décision par déclaration enregistrée le 8 novembre 2018.
Les deux procédures ont été jointes sous le numéro 18/06102 par ordonnance du magistrat chargé de la mise en état du 5 septembre 2019.
***
Par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 6 octobre 2021, Madame A L-D veuve X demande à la cour, au visa des articles 921, 850, 852, 843, 778 et 2224 du code civil, d’infirmer la décision entreprise sauf en ce qu’elle a rejeté les demandes de recel successoral dirigées à son encontre et de :
• constater qu’aucune demande de rapport à la succession de C-AF D n’a été formulée avant l’instance d’appel ;
• qu’aucune demande d’ouverture de la succession de C-AF D n’a été formulée avant l’instance d’appel ;
• O toute demande de rapport à la succession de C-AF D ou d’ouverture de succession de C-AF D irrecevable ;
• débouter M. Y L-D de ses demandes de rapport à la succession d’M D ;
• O M. Y L-D irrecevable et mal fondé en sa demande de rapport dirigé à l’encontre de la concluante d’une somme de 23 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du […], anatocisme et application des sanctions du recel successoral ;
• O plus généralement M. Y L-D mal fondé en sa demande d’application à la concluante des sanctions du recel successoral en confirmant le jugement de ce chef ;
• constater que les biens offerts à la concluante à l’occasion de la réunion familiale liée aux fêtes de Pâques 2005 sont constitués de :
– 1 ensemble de deux tableaux W n°322
– 1 tableau de Lanskoy n°326
– […]
– Constater que la concluante a également reçu :
– 1 tableau Chu Teh Chun n° 33/32 au début des années 1990,
– 1 tableau de Germain n°381 à T 2006,
– 1 sculpture n°383 à T 2007,
– 1 tableau de Hemery n°318 en 2008,
– 1 sculpture attribuée à Coutelle n°329 en 2008.
– O que M. Y L-D succombe dans l’administration de la preuve de ce que la concluante détiendrait toute autre oeuvre ;
– Rejeter toute demande contraire aux présentes intéressant des oeuvres qui ne sont pas listées ci-dessus ;
– O que les donations discutées dans le cadre de la présente instance sont des présents d’usage ;
– Subsidiairement, O que les donations discutées ont été réalisées par préciput et hors parts ;
– O n’y avoir lieu à rapport ;
– O n’y avoir lieu à recel successoral à l’égard de la concluante ;
– Subsidiairement, en cas de rapport et pour les besoins du rapport,
o Fixer la valeur des oeuvres détenues par la concluante comme suit :
– ensemble de deux tableaux W n°322 : 23 800 euros
– tableau de Lanskoy n°326 : 13 600 euros
– sculpture n°406 : 136 euros
– tableau de Chu The Chun n° 33/32 suivant sa valeur au début des années 1990 : 88 400 euros
– tableau de Germain n°381 à T 2006 : 4 760 euros
– sculpture n°383 à T 2007 : 204 euros
– tableau de Hemery n°318 en 2008 : 272 euros
– sculpture attribuée à Coutelle n°329 en 2008 : 102 euros
o O que seule la moitié de la valeur de chaque donation consentie ensemble par C-AF D et M D pourra être rapportée à la succession d’M D,
o O en conséquence, pour les seules oeuvres parmi celles-ci-dessous répertoriées et détenues par la concluante qui devraient éventuellement être rapportées, qu’elles ne pourraient l’être pour des valeurs supérieures à ce qui suit :
– ensemble de deux tableaux W n°322 : 11 900 euros
– tableau de Lanskoy n°326 : 6 800 euros
– sculpture n°406 : 68 euros
– tableau de Chu Teh Chun n° 33/32 reçu au début des années 1990 : 44 200 euros
– tableau de Germain n°381 à T 2006 : 2 380 euros
– sculpture n°383 à T 2007 : 102 euros
– tableau de Hemery n°318 en 2008 : 136 euros
– sculpture attribuée à Coutelle n°329 en 2008 : 51 euros
– O M. Y L-D convaincu de recel successoral sur les biens qu’il a dissimulés et O qu’il en devra rapport à la succession sans pouvoir prétendre à une quelconque part sur ces biens ;
– Faire application des dispositions testamentaires et O que la quotité disponible de la succession d’M D sera répartie entre la concluante, son frère Z et son frère B L-D à l’exclusion d’Y L-D ;
En cas de confirmation de l’expertise :
– O que la mission de l’expert sera étendue à l’évaluation de chacun des biens au jour de la donation du disposant au profit du donataire,
– Etendre les opérations d’expertise aux oeuvres suivantes détenues par ou pour le compte d’Y L-D:
deux tableaux de Miotte (cf. liste n°3),
un tableau de Kijno (cf. liste n°1),
un tableau de Dimitriunko (cf. liste n°1),
un tableau de Bertholle (cf. liste n°2),
un tableau de Bering(cf. liste n°2),
le tableau n°84 (cf. liste n°2), détenu par E (‘),
tableau détenu par E (‘) (cf. liste n°3).
– Surseoir à statuer sur l’ensemble des autres demandes en l’attente du dépôt du rapport d’expertise,
En toute hypothèse :
– Condamner M. Y L-D à verser à la concluante la somme de 17 000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile pour les frais engagés en première instance et en appel.
– Condamner M. Y L-D aux entiers dépens de première instance et d’appel en ce compris les frais d’expertise judiciaire.
Par conclusions n° 3 notifiées par la voie électronique le 25 novembre 2019, MM. Z et B L-D demandent à la cour, au visa des articles 843 et suivants, 913 et suivants, 1077-2 et 1078, 700 du code de procédure civile, d’infirmer le jugement déféré sauf en ce qu’il a rejeté les demandes de recel successoral formulées par M. Y L-D à l’encontre de MM. Z et B L-D, et de :
A titre principal,
O que le couple D-J disposait d’un patrimoine de plus de 5 millions d’euros,•
O que le couple D-J possédait […],•
O que le couple D-J était particulièrement généreux,•
O qu’il était d’usage pour le couple D-J d’effectuer des cadeaux,•
O que la remise des oeuvres a été effectuée à l’occasion d’un événement précis à savoir, à• l’occasion de fêtes familiales de Pâques en 2005,
• O que la valeur des oeuvres remises à Pâques 2005 est proportionnelle au patrimoine du couple D-J,
En conséquence,
• Qualifier la remise des oeuvres d’art effectuée lors des fêtes de Pâques 2005 de présents d’usage non-rapportables à la succession de Madame M J veuve D O n’y avoir lieu à expertise,•
• O que M. Y L-D a contrevenu aux dispositions du testament rédigé par sa mère le 28 février 2013,
En conséquence,
• O que M. Y L-D est privé de sa part de la quotité disponible dans la succession de sa mère,
• Condamner M. Y L-D à restituer la quotité disponible qu’il a pu recevoir, à ses frères et soeur au regard de son mépris du testament de sa mère,
A titre subsidiaire, si la cour retenait la qualification de donation rapportable,
• O que le testament de Madame M J veuve D doit être interprété comme voulant O que les cadeaux effectués ne sont pas rapportables,
• O que M. Y L-D a contrevenu aux dispositions du testament rédigé par sa mère le 28 février 2013,
En conséquence,
• O que M. Y L-D est privé de sa part de la quotité disponible dans la succession de sa mère,
• Condamner M. Y L-D à restituer la quotité disponible qu’il a pu recevoir, à ses frères et soeur au regard de son mépris du testament de sa mère,
A titre infiniment subsidiaire et si, par extraordinaire, la cour retenait la qualification de donation rapportable et rejetait l’interprétation du testament,
• O que la « liste » retenue par les premiers juges (pièce n°9 communiquée par M. Y L-D) n’est pas suffisamment probante pour servir de base incontestable au rapport à succession,
• O que Monsieur B L-D ne possède pas les oeuvres suivantes ou ne les détenait pas à Pâques 2005 :
* Tal Coat, L’affût, […],
* Sculpture acier, n°403,
• Si par extraordinaire la cour considérait que la « liste » était suffisamment probante, retenir la valeur basse des évaluations faites par l’expert dans son rapport d’expertise sauf en ce qui concerne les oeuvres vendues,
• O, pour les oeuvres à rapporter et qui ont été vendues, que le prix de vente peut être différent de la valeur de l’oeuvre au jour de son aliénation,
• O qu’il conviendra de retenir la valeur des oeuvres vendues et devant être rapportées au jour de leur aliénation, O que le Chu Teh Chun doit être évalué selon sa valeur au jour de son aliénation, soit le 16• novembre 2013 et non selon son prix de vente aux enchères,
• O qu’aucune demande de rapport à la succession de Monsieur C-AF D n’a été formulée,
• O qu’aucune demande d’ouverture de la succession de Monsieur C-AF D n’a été formulée,
• O que toute demande relative à la succession de Monsieur C-AF D ou d’ouverture de sa succession est irrecevable,
• O que le rapport à succession ne se fera que par moitié dans la mesure où les biens donnés étaient des biens communs,
En tout état de cause,
• Confirmer la décision du 6 septembre 2018 en ce qu’elle a dit que le recel successoral n’est pas constitué, M. Y L-D ne rapportant pas la preuve, ni d’une soustraction ou dissimulation, ni d’une intention frauduleuse de la part de M. B L-D et de M. Z L-D,
En conséquence,
• Débouter M. Y L-D de sa demande de condamnation indivisible ou individuelle de MM. Z et B L-D à la peine du recel successoral,
• Condamner M. Y L-D à rapporter l’intégralité des tableaux qu’il a reçus et qu’il dissimule à ses frères et soeur,
• Condamner M. Y L-D à la peine du recel successoral en le privant de tous droits tant sur les rapports des oeuvres reçues en avril 2005, du tableau W mais également tout au long de sa vie,
À titre subsidiaire et si la cour retenait le recel successoral à l’encontre de Messieurs Z et B L-D,
• condamner M. Y L-D conjointement à ses frères aux peines de recel successoral,
• Débouter M. Y L-D de sa demande d’homologation du rapport d’expertise,
• En conséquence, débouter M. Y L-D de sa demande de condamnation de M. Z L-D à une indemnité de rapport à la succession d’M D d’un montant de 247 950,00 euros correspondant à la valeur moyenne des tableaux qu’il a été condamné à rapporter par le jugement déféré, ce avec intérêts au taux légal à compter du […] ainsi que la capitalisation des intérêts d’une part sur la somme de 230 000,00 euros correspondant au prix de vente du tableau « Jeux de formes » de Chu Teh Chun et d’autre part sur le solde de l’indemnité, soit 17 950,00 euros,
• Débouter également M. Y L-D de sa demande de condamnation de M. B L-D à une indemnité de rapport à la succession d’M D d’un montant de 35 200,00 euros correspondant à la valeur moyenne des tableaux qu’il a été condamné à rapporter par le jugement déféré et ce avec intérêts au taux légal à compter du […] ainsi que capitalisation des intérêts,
• O que MM. Z et B L-D n’ont cause d’opposition à la demande en rectification d’erreur matérielle de M. Y L-D, Débouter M. Y L-D de ses plus amples demandes, fins et conclusions,•
• Condamner M. Y L-D à verser la somme de 5 000,00 euros tant à l’égard de Monsieur Z L-D qu’à l’égard de B L-D au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, soit 10 000,00 euros au total,
• Condamner M. Y L-D aux entiers frais et dépens de la présente instance et de première instance.
Par dernières conclusions n°4 notifiées par la voie électronique le 13 octobre 2021, MM. Z et B L-D demandent à la cour, au visa des articles 843 et suivants, 921 et suivants, 1077-2 et 1078, 850, 852, 921, 778 et 2224 du code civil, 700 du code de procédure civile, d’infirmer le jugement déféré sauf en ce qu’il a rejeté les demandes de recel successoral formulées par M. Y L-D à l’encontre de MM. Z et B L-D, et de :
A titre principal,
• Constater qu’aucune demande de rapport à la succession de C AF D n’a été formulée avant la présente procédure devant la cour d’appel,
• Constater qu’aucune demande d’ouverture de la succession de C AF D n’a été formulée avant la présente procédure devant la cour d’appel,
• O toute demande de rapport à la succession de C-AF D ou d’ouverture de succession de C-AF D irrecevable
• Débouter M. Y L-D de ses demandes de rapport à la succession d’M D,
• O que la remise de tableaux effectuée lors des fêtes de Pâques 2005 sont des présents d’usage non-rapportables à la succession de Mme M J veuve D,
En conséquence :
– O n’y avoir lieu à expertise, n’y avoir lieu à rapport, n’y avoir lieu à recel successoral
Subsidiairement,
– O que les donations discutées ont été réalisées par préciput et hors part,
En conséquence :
O n’y avoir lieu à rapport,• O n’y avoir lieu à recel successoral à l’égard des concluants,• O n’y avoir lieu à expertise,•
A titre infiniment subsidiaire,
– O que M. Y L-D a contrevenu aux dispositions du testament rédigé par sa mère le 28 février 2013,
En conséquence,
• O que M. Y L-D est privé de sa part de quotité disponible, dans la succession de sa mère,
• condamner M. Y L-D à restituer à ses frères et soeur la quotité disponible qu’il a reçue, et ce au regard de son mépris du testament de sa mère,
A titre infiniment subsidiaire et si, par extraordinaire, la cour retenait la qualification de donation rapportable et rejetait l’interprétation du testament :
• O que la « liste » retenue par les premiers juges (pièce n°9 communiquée par M. Y L-D) n’est pas suffisamment probante pour servir de base incontestable au rapport à succession,
• O que Monsieur B L-D ne possède pas les oeuvres suivantes ou ne les détenait pas à Pâques 2005 :
Tal Coat, L’affût, […],
sculpture acier, n°403,
• O que le rapport à succession ne se fera que par moitié dans la mesure où les biens donnés étaient des biens communs ;
En cas de confirmation de l’expertise,
• O que la mission de l’expert sera étendue à l’évaluation de chacun des biens au jour de la donation du disposant au profit du donataire,
• Etendre les opérations d’expertise aux oeuvres suivantes détenues par ou pour le compte d’Y L-D :
o Deux tableaux de Miotte (cf. liste n°3),
o Un tableau de Kijno (cf. liste n°1),
o Un tableau de Dimitriunko (cf. liste n°1),
o Un tableau de Bertholle (cf. liste n°2),
o Un tableau de Bering (cf. liste n°2),
o Le tableau n°84 (cf liste n°2), détenu par E ( ‘),
o Tableau détenu par E ( ‘) (cf liste n°3)
• Surseoir à statuer sur l’ensemble des autres demandes dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise,
En tout état de cause,
• Confirmer la décision du 6 septembre 2018 ce qu’elle a dit que le recel successoral n’est pas constitué, M. Y L-D ne rapportant pas la preuve, ni d’une soustraction ou dissimulation, ni d’une intention frauduleuse de la part de M. B L-D et M. Z L-D,
En conséquence,
• Débouter M. Y L-D de sa demande de condamnation indivisible ou individuelle de MM. Z et B L-D à la peine du recel successoral, O M. Y L-D coupable de recel successoral,•
• Condamner M. Y L-D à rapporter l’intégralité des tableaux qu’il a reçus et qu’il dissimule à ses frères et soeur,
• Condamner M. Y L-D à la peine du recel successoral en le privant de tous droits tant sur les rapports des oeuvres reçues en avril 2005, du tableau de W mais également tout au long de sa vie,
• Débouter M. Y L-D de sa demande d’homologation du rapport d’expertise,
• En conséquence, débouter M. Y L-D de sa demande de condamnation de M. Z L-D à une indemnité de rapport à la succession d’M D d’un montant de 247 950,00 euros correspondant à la valeur moyenne des tableaux qu’il a été condamné à rapporter par le jugement déféré, ce avec intérêts au taux légal à compter du 14 janvier 2016 ainsi que la capitalisation des intérêts d’une part sur la somme de 230 000,00 euros correspondant au prix de vente du tableau « Jeux de formes » de Chu Teh Chun et d’autre part sur le solde de l’indemnité soit 17 950,00 euros,
• Débouter également M. Y L-D de sa demande de condamnation de Monsieur B L-D à une indemnité de rapport à la succession d’M D d’un montant de 35 200,00 euros correspondant à la valeur moyenne des tableaux qu’il a été condamné à rapporter par le jugement déféré et ce avec intérêts au taux légal à compter du […] ainsi que capitalisation des intérêts,
• O que MM. Z et B L-D n’ont cause d’opposition à la demande en rectification d’erreur matérielle de M. Y L-D, Débouter M. Y L-D de ses plus amples demandes, fins et conclusions,•
• Condamner M. Y L-D à verser la somme de 5 000,00 euros tant à l’égard de M. Z L-D qu’à l’égard de M. B L-D au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, soit 10 000,00 euros au total,
• Condamner M. Y L-D aux entiers frais et dépens de la présente instance et de première instance.
*
Par dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 14 octobre 2021, M. Y L-D demande à la cour, au visa des articles 15, 16, 135, 143 et 232 et suivants du code de procédure civle, 815, 843, 852, 860, 919, 778, 892, 1343 et 1343-2 du code civil, de confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de G le 6 septembre 2018 dans son intégralité à l’exception de ce qu’il déboute M. Y L-D de ses demandes au titre de l’application des sanctions du recel successoral à l’encontre de Mme A L-D, M. Z L-D et M. B L-D et de :
• Rejeter les conclusions et pièces signifiées le 13 octobre 2021 par MM. Z et B L-D,
• Débouter Mme A L-D veuve X, MM. Z et B L-D de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,
• O M. Y L-D recevable et bien fondé en son appel incident et ses demandes, Homologuer le rapport d’expertise de Mme N K,•
• Condamner Mme A L-D à une indemnité de rapport à la succession d’M D d’un montant de 242 450 euros correspondant à la valeur moyenne des tableaux qu’elle a été condamnée à rapporter par le jugement déféré et ce avec intérêts au taux légal principalement à compter du […] et subsidiairement de l’arrêt à intervenir, ainsi que capitalisation des intérêts,
• Condamner M. Z L-D à une indemnité de rapport à la succession d’M D d’un montant de 248 100 euros correspondant à la valeur moyenne des tableaux qu’il a été condamné à rapporter par le jugement déféré, ce d’une part avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts sur la somme de 230 000 euros principalement à compter du […] et subsidiairement à compter du jugement du 6 septembre 2018 et d’autre part avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts sur la somme de 18 100 euros principalement à compter du […] et subsidiairement à compter de l’arrêt à intervenir,
• Condamner M. B L-D à une indemnité de rapport à la succession d’M D d’un montant de 35 200euros correspondant à la valeur moyenne des tableaux qu’il a été condamné à rapporter par le jugement déféré et ce avec intérêts au taux légal principalement à compter du […] et subsidiairement à compter de l’arrêt à intervenir, ainsi que capitalisation des intérêts,
• O que M. Y L-D rapportera à la succession d’M D la somme de 40 780 euros correspondant à la valeur moyenne des tableaux dont il doit le rapport en précisant qu’il a d’ores et déjà rapporté 20 000 euros qui figurent dans la déclaration fiscale de succession établie par Me AH,
• Condamner Mme A L-D à rapporter à la succession d’M D la somme de 23 000 euros avec intérêt au taux légal et capitalisation des intérêts principalement à compter du […] et subsidiairement à compter du jugement du 6 septembre 2018,
• Condamner Mme A L-D, MM. Z et B L-D aux peines du recel successoral en les privant, à titre principal conjointement et indivisiblement et à titre subsidiaire individuellement, de tous droits sur les rapports qu’ils doivent effectuer aux titres des oeuvres d’art et de la somme de 23 000 euros donnés ci-dessus à la succession d’M D,
• Procéder à la rectification du jugement déféré en ce qu’il utilise la conjonction de coordination « et » au lieu de « ou » lorsqu’il évoque les rapports suivants :
* Z L-D : un second tableau de Hemery, N° 339 OU 344 * B L-D : un tableau de Pignon, N° 402 OU 393
* A L-D : un tableau de Lanskoy, N° 473 OU 382
• Condamner conjointement Mme A L-D, MM. Z et B L-D à verser à M. Y L-D une indemnité de 12 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile
• Condamner conjointement Mme A L-D , MM. Z et B L-D aux entiers dépens de la procédure d’appel ce avec distraction au profit de Me R Koch, Avocat au Barreau de G, sur son affirmation de droit, en application des dispositions de l’article 699 du Code de Procédure Civile, dépens qui comprendront notamment les frais d’expertise judiciaire.
Par conclusions notifiées par la voie électronique le 18 octobre 2021, MM. Z et B L-D demandent à la cour de débouter M. Y L-D de sa demande de rejet de leurs écritures signifiées le 13 octobre 2021, et subsidiairement de prononcer le rabat de l’ordonnance de clôture en vertu des dispositions de l’article 803 du code de procédure civile.
Pour l’exposé détaillé des moyens des parties, il sera renvoyé à leurs dernières conclusions écrites notifiées par la voie électronique, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
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MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de rejet des conclusions n°4 de MM. Z et B L-D et la demande de rabat de clôture
Aux termes de l’article 15 du code de procédure civile, les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent et les moyens de droit qu’elles invoquent, afin que chacune soit à même d’organiser sa défense.
L’article 16 du même code dispose que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement.
L’article 135 du même code prévoit que le juge peut écarter du débat les pièces qui n’ont pas été communiquées en temps utile.
L’article 803 ajoute que l’ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s’il se révèle une cause grave depuis qu’elle a été rendue ; (‘) L’ordonnance de clôture peut être révoquée, d’office ou à la demande des parties, (…) après l’ouverture des débats, par décision du tribunal.
M. Y L-D sollicite le rejet des conclusions et pièces signifiées le 13 octobre 2021 par MM. Z et B L-D, cinq jours seulement avant l’ordonnance de clôture intervenue le 18 octobre 2021.
Il fait valoir que la date de clôture de la procédure était connue des parties depuis le 4 février 2021 ; qu’après la jonction des deux appels prononcée le 5 septembre 2019, il avait pris des conclusions de synthèse signifiées par voie électronique le 26 juillet 2021 et avait pris des dernières écritures le 14 septembre 2021, sans modification de son argumentation au fond, juste pour communiquer un récépissé d’accusé de réception (pièce 43) ; que MM. Z et B L-D ont cependant conclu une nouvelle fois et rajouté une pièce complémentaire le 13 octobre 2021, au mépris du principe du contradictoire, à quatre jours de la clôture, dont deux ouvrables, soulevant de multiples arguments dans leurs dernières écritures de 93 pages alors que la problématique juridique posée par la procédure est très complexe ; que dès lors, il était impossible pour son conseil, dans la courte durée avant la clôture de la mise en état, de vérifier si de nouveaux faits ont été invoqués, afin le cas échéant de les démentir étant souligné qu’à l’évidence, de multiples modifications ont été apportées par rapport aux avant-dernières écritures.
MM. Z et B L-D demandent à la cour de débouter M. Y L-D de sa demande de rejet de leurs écritures signifiées le 13 octobre 2021 et à titre subsidiaire, d’ordonner le rabat de l’ordonnance de clôture en vertu des dispositions de l’article 803 du code de procédure civile.
Ils font valoir que leur conseil a justifié ne pas avoir pu répondre aux écritures de M. Y L-D avant le 13 octobre 2021 en communiquant ses arrêts de travail, arrêt au demeurant prolongé jusqu’au 2 décembre 2021 ; que dans ses dernières écritures, M. Y L-D a développé de nouveaux arguments qui nécessitaient une relecture complète de ses écritures, ce qui n’est pas leur cas, leurs dernières conclusions ne faisant que reprendre la chronologie des faits ; que leur pièce n°59 dont M. Y L-D demande qu’elle soit écartée des débats n’est pas nouvelle, figurant d’ailleurs dans les pièces de Mme A L-D veuve X (en pièce n°54).
Ceci étant exposé, il résulte de la comparaison des conclusions n° 3 et n° 4 déposées par MM. Z et B L-D que le premier de ces jeux de conclusions comportait 73 pages incluant le bordereau de pièces tandis que le second jeu comporte 93 pages incluant le bordereau de pièces, soit 20 pages en plus, ainsi que trois nouvelles pièces.
La cour observe que loin de ne comporter qu’une précision de la chronologie du dossier, les nouvelles conclusions de MM. Z et B L-D comportent de nouveaux arguments disséminés dans toute la démonstration, tandis que certains arguments des précédentes conclusions sont abandonnés.
De telles conclusions déposées le 13 octobre 2021 soit à 5 jours seulement, dont trois jours ouvrables, de la clôture de l’instruction constituent un manquement manifeste au respect du contradictoire dans la mesure où elles imposent à l’adversaire une relecture complète et approfondie de ces conclusions pour identifier les nouveaux arguments et pouvoir le cas échéant y répondre.
Or le conseil de MM. Z et B L-D était en possession des dernières écritures n°4 de M. Y L-D depuis le 14 septembre 2021, ce qui lui permettait largement de répondre pour fin septembre début octobre 2021. En outre, la cour observe que les conclusions n° 4 de M. Y L-D sont strictement identiques à ses conclusions n° 3 communiquées dès le 26 juillet 2021, sauf à ajouter une pièce n° 43 ter constituant un accusé de réception de courrier.
Dans ces conditions, il convient, afin de faire respecter le principe du contradictoire, d’écarter des débats le dernier jeu de conclusions n°4 de MM. Z et B L-D ainsi que les trois nouvelles pièces qu’elles comportent (n° 57, 58 et 59), la cour estimant n’y avoir lieu à rabat de l’ordonnance de clôture en l’absence de cause grave intervenue depuis cette ordonnance.
Il sera donc référé à l’argumentation développée par MM. Z et B L-D dans leurs conclusions n°3.
Sur la demande d’ouverture des opérations complémentaires de compte, liquidation et partage de la succession d’M J veuve D
Aux termes de l’article 815 du code civil, nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision et le partage peut toujours être provoqué, à moins qu’il n’y ait été sursis par jugement ou convention.
C’est à bon droit que les premiers juges, après avoir constaté que suite au partage du 26 juillet 2016, il restait des biens en indivision provenant de la succession d’M J veuve D, laquelle avait recueilli personnellement tout le patrimoine de la succession de son époux en vertu de son contrat de mariage, ont ordonné l’ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession d’M J veuve D.
Par ailleurs, l’article 1364 du code de procédure civile dispose que si la complexité des opérations le justifie, le tribunal désigne un notaire pour procéder aux opérations de partage et commet un juge pour surveiller ces opérations. Le notaire est choisi par les copartageants et, à défaut d’accord, par le tribunal.
C’est également à juste titre que les premiers juges, ayant constaté d’une part que le partage incluait divers biens dont un immeuble et que la désignation d’un notaire s’imposait et d’autre part, que les parties n’étaient pas parvenues à s’entendre sur le choix d’un notaire, ont désigné Maître C-AK AL, notaire à G, pour procéder à ces opérations, étant précisé qu’en cas de difficulté ou de refus de la mission par le notaire, il pourra être pourvu à son remplacement par le juge commis à la surveillance de ces opérations au tribunal judiciaire de G.
La décision déférée sera donc confirmée sur ces points.
Sur la qualification de la remise des oeuvres d’art en 2005
Aux termes de l’article 843 du code civil, tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l’actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu’il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement ; il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu’ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale.
L’article 852 du même code dispose que les frais de nourriture, d’entretien, d’éducation, d’apprentissage, les frais ordinaires d’équipement, ceux de noces et les présents d’usage ne doivent pas être rapportés, sauf volonté contraire du disposant. Le caractère de présent d’usage s’apprécie à la date où il est consenti et compte tenu de la fortune du disposant.
L’article 860 dispose que le rapport est dû de la valeur du bien donné à l’époque du partage, d’après son état à l’époque de la donation. Si le bien a été aliéné avant le partage, on tient compte de la valeur qu’il avait à l’époque de l’aliénation. (…)
Il résulte de ces dispositions que par principe, toutes les donations sont présumées rapportables, et ce quelle que soit leur forme (donation notariée, dons manuels, donations indirectes, donations déguisées…), à moins qu’elles n’aient été stipulées faites par préciput et hors part successorale. Le seul fait que le formalisme prescrit par l’article 931 du code civil n’a pas été respecté ne suffit pas à écarter la présomption du caractère rapportable de la donation consentie.
Par ailleurs, ces donations sont en principe rapportables en valeur, ce qui permet lors du partage, tout en respectant la volonté du donataire de gratifier personnellement chaque donataire de telle chose en particulier, d’établir ou rétablir l’égalité en valeur des gratifications faites aux héritiers, étant précisé que s’il est loisible aux parents de partager leurs biens de manière inégale entre leurs enfants, c’est à la condition de ne pas enfreindre la réserve qui est d’ordre public et à laquelle nul ne peut déroger même par des donations ou un testament. Le calcul de la réserve de chaque enfant suppose nécessairement le rapport des libéralités consenties à chacun.
Néanmoins les présents d’usage sont exclus du domaine du rapport, sauf volonté contraire du disposant. Pour revêtir cette qualification, le don doit remplir deux conditions cumulatives : avoir été fait à l’occasion d’un événement où il est d’usage de consentir une donation (anniversaire, mariage, fiançailles, étrennes, réussite aux examens…) et il doit être d’une valeur modique compte tenu de la fortune du disposant, ce caractère étant apprécié à la date où le présent d’usage est consenti.
Il ressort des éléments constants de la procédure que C-AF D et M J son épouse ont donné des oeuvres d’art à leurs quatre enfants en avril 2005 et qu’il n’a été dressé aucun acte écrit à cette occasion.
C’est donc à juste titre que les premiers juges ont estimé qu’il n’était pas établi que tout ou partie de cette remise d’oeuvres d’art aurait été faite par préciput et hors part successorale pour l’un quelconque des enfants.
Afin de qualifier ces présents de donation rapportable ou de présent d’usage, il convient de procéder, ainsi que l’ont fait les premiers juges, à l’évaluation des présents effectués relativement à la fortune des donateurs à la date à laquelle ils ont eu lieu, et de déterminer l’événement à l’occasion duquel ils ont été donnés.
MM. Z et B L-D soutiennent que le couple D-J, détenteur notamment de quatre oeuvres de Rodin, disposait d’un patrimoine de plus de 5 millions d’euros ; que le couple était particulièrement généreux et avait coutume d’offrir des présents ou gratifications en de nombreuses occasions, que ce soit des fêtes (T, Pâques) ou des événements particuliers (anniversaires, mariages, naissances,…), que ce soit à leurs enfants, leurs petits-enfants ou à la famille plus élargie, et même à des personnes extérieures à la famille (amis, associations sportives, musée de la Piscine de Roubaix) ; que la remise d’oeuvres d’art en avril 2005 a été effectuée à l’occasion d’un événement précis à savoir les fêtes familiales de Pâques, et que la valeur des oeuvres remises à cette occasion est proportionnelle au patrimoine du couple D-J,
Mme A D-L veuve X confirme qu’il était effectivement d’usage pour les époux D-J, particulièrement généreux, d’offrir des présents lors des réunions familiales qu’ils avaient l’habitude de tenir jusqu’en 2005, année de leur départ en maison de retraite ; qu’une réunion familiale s’est bien tenue pour les fêtes de Pâques 2005 ; que les oeuvres données tant en 2005 qu’aux autres occasions ne présentaient pas de valeur particulière qui ne soit pas en proportion avec la fortune des donateurs dont il est justifié aux débats ; qu’il convient de se placer à l’époque des dons et non à l’époque de l’ouverture de la succession pour apprécier la fortune du disposant ; qu’il convient de préciser que les époux D-J possédaient de nombreuses oeuvres qui avaient pour certaines une grande notoriété ou valeur, à l’image des tableaux de Rodin offerts à une nièce de feu C-AF D.
S’il ne conteste pas la générosité habituelle du couple J-D dont il a pu bénéficier au même titre que ses frères et soeur, M. Y L-D soutient que la réunion d’avril 2005 a été l’occasion de la répartition entre ses frères et soeur et lui-même de la plupart des oeuvres de valeur figurant au domicile de Willeman des époux J-D alors que C-AF D avait intégré un Ehpad à Niort depuis février 2005 et que son épouse s’apprêtait à le rejoindre ; que si leur mère avait pensé à l’origine leur donner deux tableaux chacun qu’elle avait sélectionnés à l’avance, la répartition des autres oeuvres s’est poursuivie pour ne pas laisser la maison vide avec des oeuvres de valeur ; qu’aucun inventaire n’a été établi des oeuvres confiées à chacun en cette occasion mais qu’il ne devait s’agir que d’une répartition provisoire ; qu’il a cependant toujours eu conscience du caractère inégalitaire en valeur des tableaux ainsi répartis et qu’il a cherché depuis 2012 à trouver une solution amiable auprès de ses frères et soeur, à recenser les oeuvres de leurs parents et leurs destinataires, mais qu’il s’est heurté à leur résistance ; qu’il a découvert par hasard que son frère Z avait vendu en 2013 le tableau de Chu Teh Chun recueilli à cette occasion, pour une valeur de 230 000 euros ; qu’il a voulu rapporter à la succession son tableau de W d’une valeur de 20 000 euros, mais que ses frères et soeur ont refusé de faire de même pour les oeuvres qu’ils avaient reçues ; qu’il avait pris l’initiative de faire évaluer en décembre 2012 d’après photographies vingt-six des oeuvres d’art appartenant au patrimoine de leurs parents et ayant fait l’objet de la répartition contestée, et que l’expert les avait évaluées à 536 000 euros incluant la valeur du Chu Teh Chun de son frère alors estimé entre 200 000 et 300 000 euros ; que la liste sur laquelle il se fonde pour demander le rapport des oeuvres (pièce 9 retenue par le tribunal) est composée des photographies prises par son frère Z début 2005 de 118 oeuvres d’art figurant au domicile de leurs parents, laquelle est corroborée par la liste manuscrite non datée mais à l’en-tête du couple D-J, vraisemblablement écrite de la main de Mme AM-AN AO née H, une amie intime de leur mère, ainsi qu’il ressort d’une expertise graphologique diligentée par ses soins.
Ceci étant exposé, les éléments versés dans la procédure mettent en évidence que les époux D-J, dont la fortune était très confortable à la suite d’héritages familiaux perçus par M. D, menaient un train de vie élevé ( nombreux voyages, achats de tableaux et oeuvres d’art, de vins de valeur, restaurants et vacances…) auquel ils n’hésitaient pas à associer leur proche famille (enfants, petits-enfants, neveux et nièces…) par des cadeaux en diverses circonstances, que ce soit pour les fêtes traditionnelles (T notamment), pour les anniversaires, mariages, naissances, ou à l’occasion de simples visites.
Il est ainsi relaté dans les attestations d’P X et AP L-D, petits-enfants, Q D, I-R D et S D, neveux, et A L-D née D’hondt, belle-fille, que la générosité des époux D-J s’exerçait sous la forme de dons d’objets précieux (décoration, bijoux,…), de caisses de vins, vêtements de marque, de financement de voitures et de séjours linguistiques pour les petits-enfants et parfois de tableaux mais également d’argent liquide à chacune des familles de leurs enfants pour des sommes importantes au moment des étrennes de fin d’année.
Plusieurs donations-partage ont également été effectuées par les époux J-D au profit de leurs enfants et petits-enfants, entre 1986 et 2003, pour un montant total cumulé de 1 554 753,42 euros.
S’il n’est pas contesté que des oeuvres ont bien été données à leurs enfants en 2005, à l’occasion des fêtes de Pâques, le nombre d’oeuvres données et leur valeur fait débat, les parties ne parvenant toujours pas à s’accorder sur un document de référence de nature à établir la consistance du patrimoine en oeuvres d’art des époux D-J en 2005.
Est cependant produite (pièce 6 d’Y L-D) une liste manuscrite non datée, établie sur un papier à entête des époux D-J, de toutes les oeuvres d’art, au nombre de 103, garnissant leur maison pièce par pièce, avec pour certaines oeuvres l’indication en francs de leur valeur.
Si cette pièce n’est pas datée, Z et Y L-D y font référence dans leurs échanges épistolaires de 2012 comme ayant été établie par Mme M J épouse D en janvier 2005. La cour observe par ailleurs que la page 14 de ce document porte des mentions « Ehpad » à côté de plusieurs oeuvres, pour indiquer les oeuvres que les époux D-J souhaitaient emmener avec eux en Ehpad, étant précisé que cette entrée a bien eu lieu en 2005 (en début d’année pour C-AF D).
Certes, deux expertises graphologiques versées aux débats par les parties permettent d’établir que cette liste n’aurait en réalité pas été rédigée de la main de Mme J épouse D, mais très vraisemblablement de la main de son amie, Mme AM-AN AO née H. Il est cependant tout à fait possible voire vraisemblable que cette liste ait été rédigée à la demande et sous la dictée de Mme J-D.
Par ailleurs, la circonstance que cette liste comporte à côté de certaines oeuvres leur évaluation en francs alors qu’elle est censée avoir été rédigée début 2005, soit postérieurement au passage à l’euro, n’est pas en soi de nature à entraîner la conclusion que cette liste a nécessairement été rédigée avant le passage à l’euro dès lors d’une part, qu’elle a vraisemblablement été rédigée par ou sous la dictée d’une personne âgée (M J-D), et d’autre part que les prix indiqués sont manifestement sous- évalués pour certains (le tableau de Chu Teh Chun, « Jeux de formes », par exemple, évalué à 130 000 francs, soit 19 818 euros alors qu’en 2012, il a été évalué entre 200 000 et 300 000 euros et qu’il a été vendu 230 000 euros en 2013), ce qui peut laisser penser que les prix indiqués correspondent en réalité aux prix d’achat des oeuvres par les époux J-D.
Enfin, la cour observe à l’instar des premiers juges que la liste manuscrite est corroborée par des photographies prises par M. Z L-D en janvier 2005 au domicile des époux D-J, lesquelles ont été compilées dans un document comportant 118 photographies en couleurs d’oeuvres d’art numérotées, versé en pièce 9 par M. Y L-D.
M. Y L-D a par ailleurs repris ces photographies dans un nouveau document versé en pièce 11, dans lequel il les présente dans l’ordre de la liste manuscrite établie par sa mère, ce qui permet de confirmer la concordance de ces documents sur la consistance en oeuvres d’art du patrimoine des époux D-J début 2005.
Si les appelants demandent à la cour d’écarter la pièce 9 de M. Y L-D retenue comme document de référence par le tribunal pour le rapport des oeuvres d’art à la succession de Mme M J, ils n’expliquent pas en quoi cette pièce serait insuffisamment probante. En outre, s’ils reconnaissent tous avoir reçu des oeuvres d’art en avril 2005, certains des appelants persistent à ne pas indiquer précisément à la cour les oeuvres d’art reçues en cette occasion, seuls MM. Y et Z L-D ayant déclaré les oeuvres qu’ils ont reçues.
Il conviendra donc de retenir la pièce 9 produite par M. Y L-D pour l’évaluation du patrimoine en oeuvres d’art des époux D-J.
S’agissant de la valeur de ces oeuvres, si certaines n’ont pas de valeur particulière, d’autres ont une valeur plus importante liée à la renommée de l’artiste. A cet égard, M. Y L-D a fait procéder en décembre 2012 à une expertise sur photographies de 29 des oeuvres les plus marquantes appartenant au patrimoine du couple D-J et ayant fait l’objet de la répartition contestée, dont il ressort que ces oeuvres ont une valeur globale de 536 000 euros incluant la valeur du tableau de Chu Teh Chun « Jeux de formes » attribué à M. Z L-D, alors évalué entre 200 000 et 300 000 euros.
Or, il ressort des éléments versés aux débats et notamment de la correspondance de C-AF D avec son notaire au moment du changement de régime matrimonial du couple en 1988 et des avis d’imposition sur la fortune versés aux débats que la fortune des époux J-D, qui s’élevait à 1 048 297 euros en 1988, a oscillé entre 1 089 217 euros et 1 438 906 euros au plus haut entre 2003 et 2010, pour atteindre en 2005 la somme de 1 193 565 euros au titre de l’actif net imposable, étant précisé que ces évaluations ne comprenaient pas les oeuvres d’arts.
Il apparaît donc que les oeuvres d’art, dont la valeur globale approchait 600 000 euros, constituaient une part importante du patrimoine des époux D en 2005.
S’il est établi par ailleurs que quatre oeuvres de Rodin constituant un ensemble ont un moment fait partie de ce patrimoine pour avoir été recueillis dans les années 1990 dans le cadre de la succession de la mère de M. D, il ressort des éléments versés aux débats que ces oeuvres ont par la suite été données à une nièce de M. D à une date indéterminée mais en tous les cas antérieure à 2005 puisque ces oeuvres ne sont mentionnées ni dans la liste manuscrite, ni dans les photographies prises par M. Z L-D début 2005 au domicile de Willeman des époux J-D. Mme AM-AN AO épouse H, amie intime d’M J épouse D, évoque à cet égard une conversation qu’elle a eue avec celle-ci en 1994 pour l’attribution de ces tableaux que le couple pensait initialement donner à leurs enfants, mais qu’il ont finalement préféré offrir à la nièce de M. D pour ne pas les dépareiller.
La cour considère donc que les oeuvres de Rodin étaient sorties du patrimoine des époux J-D en 2005, et que le patrimoine de référence à retenir pour cette année est celui déclaré dans le cadre de l’imposition sur la fortune (1 193 565 euros), outre la valeur globale des oeuvres d’art supérieure à 536 000 euros puisque seules 29 des 103 oeuvres d’art listées par Mme J épouse D dans sa liste manuscrite ont été évaluées par le cabinet d’expertise Couturier-Expertisez.com expert mandaté par M. Y L-D en décembre 2012.
Il apparaît donc que c’est à juste titre que les premiers juges ont considéré que le don d’oeuvres d’art effectué en avril 2005 par les époux J-D ne peut s’analyser en un présent d’usage, s’agissant du don de plusieurs oeuvres d’une valeur non négligeable constituant une part importante du patrimoine des époux J-D, le seul tableau de Chu Teh Chan valant entre 200 000 et 300 000 euros.
La décision déférée sera donc confirmée en ce qu’elle a qualifié de donation rapportable à la succession d’M J épouse D le don d’oeuvres d’art effectué par les époux J-D en avril 2005 à leurs enfants.
Sur la qualification de la remise du tableau de Chu Teh Chun « Allusions poétiques 93 » à Mme A L-D veuve X
Mme A L-D veuve X détient à son domicile un tableau du peintre Chu Teh Chun, « Allusions poétiques 93 », identifié par référence à la pièce 32 (ancienne pièce 33 de 1ère instance) de M. Y L-D qui en réclame le rapport à la succession compte tenu de sa valeur importante.
Mme A L-D veuve X soutient qu’elle détient ce tableau depuis le milieu des années 1990 et qu’il lui a été offert par les époux J-D en remerciement de travaux qu’elle avait faits dans une dépendance de son domicile pour pouvoir accueillir le couple plus confortablement. Elle ajoute que ce tableau avait à l’époque une valeur peu importante et qu’il n’était pas disproportionné au regard du patrimoine des époux J-D, de sorte qu’on peut le qualifier de présent d’usage et qu’il pourrait ainsi échapper au rapport à la succession.
M. Y L-D prétend que Mme A L-D ne démontre pas à quelle occasion ce tableau lui a été offert et qu’en tout état de cause, il ne peut lui avoir été offert avant 1997 puisqu’il produit un procès-verbal de constat d’huissier reprenant le contenu d’un fichier vidéo datant de T 1996, dans lequel il est constaté que le tableau en question figurait toujours au domicile des époux J-D à T 1996.
Ceci étant exposé, la cour observe au regard des éléments de preuve fournis par les parties que si le tableau de Chu Teh Chun « Allusions poétiques 93 » figurait toujours au domicile des époux J-D à T 1996, il était en revanche accroché au domicile de Mme A L-D veuve X à T U. Mme A L-D produit en outre des attestations de proches qui témoignent avoir vu ce tableau accroché dans son salon à partir de l’année 2000.
Le tableau a donc du être donné à Mme A L-D veuve X dans l’intervalle de temps compris entre T 1996 et T U.
Il n’a été dressé aucun acte écrit à cette occasion et il n’est donc pas établi que ce don aurait été faite par préciput et hors part successorale.
Par ailleurs, si Mme A L-D prétend que ce tableau lui a été offert en remerciement des travaux qu’elle a effectués à son domicile entre 1994 et 1995, elle n’en rapporte pas la preuve et se contredit d’ailleurs en prétendant dans son dispositif qu’il lui a été offert au début des années 1990, alors qu’au vu de son intitulé « Allusions poétiques 93 », le tableau a vraisemblablement été réalisé en 1993. Elle ne démontre pas non plus que ce tableau lui ait été offert à une occasion particulière où il serait d’usage d’offrir des cadeaux.
En outre, ce tableau a été évalué lors de l’expertise judiciaire effectuée par Mme N K en 2019 dans une fourchette comprise entre 130 000 euros et 150 000 euros. Compte tenu de l’évolution importante de la quotation de l’artiste entre 2000 et 2018 telle qu’elle ressort d’une simulation sur le site Artprice communiquée par Mme A X, il apparaît que la valeur des oeuvres de cet artiste a été multipliée par 15 entre ces deux dates, de sorte qu’en 2000, il peut être estimé que le tableau valait à tout le moins 8 666 euros (130 000 euros/15). Mme A X évalue quant à elle dans ses conclusions la valeur de ce tableau à 88 400 euros au début des années 1990.
En tout état de cause, quelle que soit la valeur retenue pour ce tableau entre T 1996 et T U, période de temps pendant laquelle le don est intervenu, elle ne peut être qualifiée de modique au regard du patrimoine des époux D-J.
Il apparaît donc que les conditions ne sont pas réunies pour qualifier ce don de présent d’usage, la qualification de don manuel rapportable à la succession devant être retenue.
La décision des premiers juges sera donc confirmée en ce qu’elle a condamné Mme A L-D à rapporter à la succession un tableau de Chu Teh Chun identifié par référence à la pièce 33 (devenue 32 en procédure d’appel) communiquée par M. Y L-D.
Sur l’identification des tableaux objets du rapport
Si la liste précise de ce que chacun a reçu en avril 2005 n’a pas été dressée en cette occasion, MM. Y et Z L-D ont effectué a posteriori en 2012 un travail d’identification des oeuvres reçues et de leurs destinataires, des annotations étant apposées sur les listes d’oeuvres déjà mentionnées avec l’indication du dépositaire présumé de l’oeuvre. Ils ont par ailleurs déclaré eux-mêmes les oeuvres qu’ils détenaient en provenance du patrimoine de leurs parents.
Compte tenu des éléments déjà développés, il y a lieu de confirmer les premiers juges en ce qu’ils ont retenu la pièce n°9 de M. Y L-D comportant les photographies numérotées de toutes les oeuvres figurant au domicile des époux D-J en 2005 pour référencer les oeuvres d’art données aux parties et dont le rapport est demandé à la succession.
Mme A L-D et M. B L-D contestent être en possession de certaines des oeuvres qui leur ont été attribuées par leurs frères et ne fournissent pas la liste des oeuvres qu’ils ont reçues en avril 2005. Il n’est pas rapporté la preuve de la localisation de ces oeuvres qui ont en conséquence été évaluées par l’expert sur photographies, avec la mention « non localisé ».
Au vu des éléments aux débats, la décision déférée sera confirmée en ce qu’elle a condamné M. Z L-D à rapporter à la succession les oeuvres qu’il a reconnu détenir dans un courriel du 15 novembre 2012 (pièce n° 13 d’Y L-D), qu’il a présenté sur photographies à l’expert judiciaire, Mme N K et dont l’identification se fait par référence à la pièce n° 9 communiquée par Y L-D :
un tableau de Chu Teh Chun n° 317, vendu en 2018 pour le prix de 230 000 euros,• un tableau de Kijno n°323, estimé par Mme K entre 3 000 et 4 000 euros,•
• un tableau d’un peintre allemand/école moderne n° 350, estimé par Mme K entre 100 et 200 euros, un tableau de Bryen n°316, estimé par Mme K entre 5 000 et 7 000 euros,•
• un tableau de AB Longobardi n°320, estimé par Mme K entre 500 et 700 euros, la cour observant que c’est par erreur que les premiers juges ont attribué cette oeuvre à Xi Lombardini, un tableau d’Hemery n°324, estimé par Mme K entre 400 et 500 euros,•
• un tableau d’Hemery n° 339 et 344 (figurant sur les deux photos), estimé par Mme K entre 100 et 200 euros, une sculpture de Dodeigne n° 321, estimé par Mme K entre 5 000 et 7 000 euros,• un tableau de Dodeigne n° 371, estimé par Mme K entre 1 000 et 1 500 euros.•
La cour observe que si ces tableaux n’ont pas été présentés physiquement à l’expert, M. Z L-D lui a proposé de se déplacer à Nice pour les examiner et lui a donné des photographies de qualité recto/verso de chaque oeuvre, avec des descriptions précises, et les dimensions des tableaux correspondant aux références indiquées sur les châssis, de sorte que l’expert n’a pas estimé nécessaire de se déplacer à Nice. Au vu de ces éléments, la cour estime en effet qu’il est suffisamment probant que M. L-D est bien en possession des oeuvres qu’il a déclaré détenir, à l’exception du Chu Teh Chun qui a été aliéné en 2018.
Il sera par ailleurs précisé, à l’instar des premiers juges, que le tableau « Jeux de formes 1994 » de Chu Teh Chun, référencé sous le numéro 317, aliéné en 2018, doit générer le rapport de sa valeur au moment de son aliénation en application des règles de l’article 860 du code civil, le cour ajoutant que la valeur au moment de l’aliénation doit s’entendre du prix de l’aliénation, seul élément objectif permettant d’établir réellement la valeur du bien au moment de son aliénation.
D e m ê m e , l a d é c i s i o n d é f é r é e s e r a c o n f i r m é e e n c e q u ‘ e l l e a d i t q u e M . E m m a n u e l L-D devrait rapporter à la succession les oeuvres suivantes, qu’il a reconnu détenir, qu’il a présentées à l’expert judiciaire ‘ à l’exception de celles qui ont été aliénées dont il a présenté les attestations de vente – et dont l’identification se fait par la même référence, sauf la dernière :
un tableau de Pignon n° 319, estimé par Mme K entre 2 000 et 3 000 euros,• un tableau de P. Ambrogiani n° 327, estimé par Mme K entre 2 500 et 3 500 euros,• un tableau de W n° 334, vendu le 21 octobre 2016 pour 27 000 euros,• un tableau d’Hemery n° 338, estimé par Mme K entre 300 et 400 euros,• un tableau de Pichette n° 349, estimé par Mme K entre 800 et 1 200 euros,• un tableau d’Hemery n°353, estimé par Mme K entre 300 et 400 euros,• un tableau de Kijno n°355, estimé par Mme K entre 1 000 et 1 500 euros,• un tableau de Manessier n° 370, vendu le 18 mai 2016 pour 4 600 euros• une sculpture de Coëtlogon n°476, estimé par Mme K entre 300 et 400 euros,• une sculpture de Dimitrienko non photographiée, vendue le 4 juillet 2016 pour 380 euros.•
De même que pour M. Z L-D, le rapport des oeuvres aliénées se fera par référence à leur valeur au moment de l’aliénation, à savoir leur prix de vente, en application des règles de l’article 860 du code civil.
Mme A L-D reconnaît avoir reçu à l’occasion des fêtes de Pâques de 2005 les tableaux suivants :
un ensemble de deux tableaux de W n° 322• un tableau de Lanskoy n° 326• une sculpture […]
Par ailleurs, la cour observe qu’à la demande de l’expert judiciaire de lui présenter aux fins d’examen les tableaux de Germain (n° 381), Lanskoy (n° 473) et Bertholle (n° 382) dont le premier juge l’avait condamnée au rapport, Mme L-D lui a répondu qu’elle lui avait présenté toutes les pièces emportées en 2005.
Elle reconnaît cependant dans ses conclusions avoir reçu les oeuvres suivantes en d’autres occasions :
• un tableau de Chu Teh Chun (pièce 32 d’Y L-D), dont il a déjà été indiqué qu’il devait être rapporté à la succession un tableau de Germain n° 381 qu’elle prétend avoir reçu à T 2006,• une sculpture n° 383 qu’elle prétend avoir reçu à T 2007,• un tableau d’Hemery n° 318 qu’elle prétend avoir reçu en 2008,• une sculpture attribuée à Coutelle n° 329 qu’elle prétend avoir reçu en 2008,•
Elle ne rapporte néanmoins pas la preuve des circonstances précises dans lesquelles elle aurait reçu ces oeuvres, ni du fait pour les deux dernières de celles-ci qu’elles lui auraient été offertes à l’occasion d’un événement particulier où il est de coutume d’offrir des présents.
Ces oeuvres ne peuvent donc être qualifiées de présent d’usage et devront être rapportées à la succession.
Mme A L-D devra donc rapporter à la succession les oeuvres suivantes dont l’identification se fait par la même référence que précédemment, la décision déférée étant confirmée sur ce point :
• un ensemble de deux tableaux de V W, n°322, estimé par Mme K entre 35 000 et 45 000 euros, un tableau d’A. Lanskoy n° 326, estimé par Mme K entre 20 000 et 30 000 euros,•
• une sculpture « AF verticale » de Coutelle n°406, estimé par Mme K entre 200 et 300 euros, un tableau de P. Hemery n°318, estimé par Mme K entre 400 et 500 euros,• un tableau de Germain n°381, estimé par Mme K entre 7 000 et 9 000 euros,•
• une sculpture « Oreille musicale » de Coetlogon n°383, estimée par Mme K entre 300 et 400 euros,
• une sculpture « Couple enlacé » attribuée à Coutelle n°329, estimé par Mme K entre 150 et 200 euros,
• un tableau de Chu Teh Chun, « Allusions poétiques 93 », identifié par référence à la pièce 32 (33 en première instance) de M. Y L-D, estimé par Mme K entre 130 000 et 150 000 euros.
S’agissant des tableaux de Lanskoy (figurant sur les deux photos n°473 et 382), Bertholle (n°382), […]), Vu Cao Dam (n°364), Charchoune (n°367), Singier (n°372) et Bazaine (n°368) que Mme A L-D a été condamnée à rapporter à la succession par le premier juge mais qu’elle conteste avoir en sa possession et qu’elle n’a pas présenté à l’expert, leur rapport ne pourra pas être ordonné en l’absence de preuve de ce qu’elle a effectivement ces oeuvres en sa possession.
Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu’il a condamné Mme A L-D à rapporter à la succession de Lanskoy (n°473 et 382), Bertholle (n°382), […]), Vu Cao Dam (n°364), Charchoune (n°367), Singier (n°372) et Bazaine (n°368) et statuant à nouveau, la cour déboutera M. Y L-D de sa demande de rapport à la succession de ces tableaux par Mme A L-D.
La décision déférée sera confirmée en ce qu’elle a condamné M. B L-D à la succession les oeuvres suivantes, listées par le premier juge, présentées à l’expert judiciaire et dont l’identification se fait par la même référence :
un tableau de Manessier n°321, estimé par Mme K entre 20 000 et 25 000 euros,• un tableau de Delaunay n°328, estimé par Mme K entre 8 000 et 12 000 euros,•
• un tableau de Pignon n°402 et 393 (figurant sur les deux photos), estimé par Mme K entre 800 et 1 000 euros un tableau d’Hemery n°369, estimé par Mme K entre 800 et 1 000 euros,•
• une sculpture en bronze allongé de Xenia n°357, estimé par Mme K entre 150 et 250 euros.
M. B L-D a en revanche déclaré à l’expert ne pas avoir, ni n’avoir jamais eu en sa possession le tableau de Tal Coat, « L’affut », […], estimé par l’expert d’après photographie entre 600 et 800 euros. En l’absence de preuve de sa possession de cette oeuvre, il ne saurait être condamné à la rapporter.
S’agissant de la sculpture en acier n°403 que M. B L-D a été condamné à rapporter à la succession, il a déclaré à l’expert avoir eu cette sculpture en 2014 et a produit une photographie de celle-ci dans la maison familiale de Willeman en 2013. Elle a été estimée sans valeur par l’expert. Compte tenu de sa faible valeur, M. B L-D sera dispensé de la rapporter à la succession.
La décision déférée sera donc infirmée en ce qu’elle a condamné M. B L-D à faire rapport à la succession du tableau de Tal Coat, « L’affut », […], et de la sculpture en acier n°403. Statuant à nouveau sur ce point, la cour déboutera M. Y L-D de sa demande de rapport à la succession de ces deux oeuvres par M. B L-D.
Sur les tableaux donnés à M. E L-D, petit-fils des époux J-D
Aux termes de l’article 847 du code civil, les dons et legs faits au fils de celui qui se trouve successible à l’époque de l’ouverture de la succession sont toujours réputés faits avec dispense du rapport. Le père venant à la succession du donateur n’est pas tenu de les rapporter.
Il ressort des déclarations de M. Y L-D dans un courriel adressé à son frère Z le 18 novembre 2012 que son fils E a été destinataire de plusieurs cadeaux en oeuvres d’art de la part de ses grands-parents, à savoir :
un tableau d’Hemery n° 10, reçu en cadeau• un tableau de Bering n°91, reçu en cadeau de naissance pour son fils AA• un tableau n°84, sous réserve de vérification auprès de son fils.•
Les références de cette liste se rapportent à la liste versée par M. Y L-D en pièce 10, laquelle reprend les photographies de son frère Z dans l’ordre de la liste manuscrite d’M J épouse D.
L’oeuvre référencée sous le numéro 10 de cette liste correspond à un ensemble de trois tableaux d’Hemery, rétrospective de l’exposition La Lainière de Roubaix (n°325 de la liste produite en pièce 9).
Mme A L-D demande l’extension de l’expertise ordonnée par le premier juge aux oeuvres détenues par M. E L-D, dont l’une porte la référence n°84 et l’autre n’est pas précisée, en vue de leur rapport à la succession par M. Y L-D.
La cour observe cependant que ses demandes ne sont pas qualifiées précisément, le tableau n°84 n’étant pas identifié et son possesseur n’étant pas certain, et le deuxième tableau réclamé n’étant pas précisé.
En outre, en application de l’article 847 du code civil, M. Y L-D n’a pas à rapporter à la succession les dons reçus par son fils E.
Mme A L-D sera donc déboutée de sa demande d’extension d’expertise à ces oeuvres.
Sur la valorisation des oeuvres et le montant des rapports dus à la succession
L’article 860 dispose que le rapport est dû de la valeur du bien donné à l’époque du partage, d’après son état à l’époque de la donation. Si le bien a été aliéné avant le partage, on tient compte de la valeur qu’il avait à l’époque de l’aliénation. Si un nouveau bien a été subrogé au bien aliéné, on tient compte de la valeur de ce nouveau bien à l’époque du partage, d’après son état à l’époque de l’acquisition. Toutefois, si la dépréciation du nouveau bien était, en raison de sa nature, inéluctable au jour de son acquisition, il n’est pas tenu compte de la subrogation. Le tout sauf stipulation contraire dans l’acte de donation.
En application de ces dispositions, la valeur des oeuvres d’art à retenir en vue du rapport à la succession est la valeur la plus proche du partage, sauf pour les biens aliénés avant le partage, pour lesquels la valeur à retenir est celle qu’il avait au moment de l’aliénation.
La décision déférée sera confirmée en ce qu’elle a ordonné une expertise pour déterminer la valeur des oeuvres d’art à rapporter au plus près du partage à intervenir, la cour y ajoutant n’y avoir lieu à extension de la demande d’expertise telle que formulée par Mme A L-D pour des oeuvres dont elle attribue la possession à son frère Y sans en apporter la preuve.
Pour les besoins du rapport à la succession, il sera retenu pour chaque oeuvre la valeur la plus faible de la fourchette donnée par l’expert, outre le prix de vente des biens ayant fait l’objet d’une aliénation, indice le plus pertinent de leur valeur au moment de leur aliénation compte tenu du caractère volatile du marché de l’art.
Par ailleurs, il convient de préciser que compte tenu du régime matrimonial de communauté universelle avec clause d’attribution de l’universalité du patrimoine de la communauté au dernier vivant, adopté par les époux D-J suivant acte notarié du 8 août 1988 modifié par acte notarié du 23 décembre 1996, M J épouse D s’est trouvée, au décès de son époux intervenu le […], propriétaire de l’intégralité en pleine propriété de l’universalité des biens meubles et immeubles composant la communauté, de sorte que le rapport des oeuvres d’art ayant fait l’objet de la donation à sa succession devra se faire pour l’intégralité de la valeur de ces oeuvres.
Au vu des règles qui viennent d’être énoncées pour la détermination du rapport du par chacun à la succession de Mme M J veuve D, les rapports à la succession seront fixés comme suit :
* M. Z L-D devra rapporter à la succession les montants suivants en fonction des oeuvres qu’il a été condamné à rapporter :
tableau de Chu Teh Chun n°317 : 230 000 euros,•
tableau de Kijno n°323 : 3 000 euros•
tableau d’un peintre allemand/école moderne n°350 : 100 euros,•
tableau de Bryen n°316 : 5 000•
tableau de AB Longobardi n°320 : 500 euros•
tableau d’Hemery n°324 : 400 euros•
tableau d’Hemery n°339 et 344 : 100 euros• une sculpture de Dodeigne n°321 : 5 000 euros• un tableau de Dodeigne n°371 : 1 000 euros•
Soit un montant total de 245 100 euros à rapporter à la succession.
* M. Y L-D devra rapporter à la succession les montants suivants en fonction des oeuvres qu’il doit rapporter :
tableau de Pignon n°319 : 2 000 euros,•
tableau de P. Ambrogiani n°327 : 2 500 euros,•
tableau de W n°334 : 27 000 euros (prix de vente au 21 octobre 2016) ,•
tableau d’Hemery n°338 : 300 euros,•
tableau de Pichette n°349: 800 euros,•
tableau d’Hemery n°353 : 300 euros,•
tableau de Kijno n°355 : 1 000 euros,•
tableau de Manessier n°370 : 4 600 euros (prix de vente au 18 mai 2016),• sculpture de Coëtlogon n°476 : 300 euros,• sculpture de Dimitrienko non photographiée: 380 euros (prix de vente au 4 juillet 2016),•
Soit un montant total à rapporter à la succession de 39 180 euros.
* Mme A L-D devra rapporter à la succession les montants suivants en fonction des oeuvres qu’elle a été condamnée à rapporter :
ensemble de deux tableaux de V W n° 322 : 35 000 euros,• tableau d’A. Lanskoy n° 326 : 20 000 euros,• sculpture « AF verticale » de Coutelle n° 406 : 200 euros,• tableau de P. Hemery n° 318 : 400 euros,• un tableau de Germain n° 381 : 7 000 euros,• sculpture « Oreille musicale » de Coetlogon n° 383 : 300 euros,• sculpture « Couple enlacé » attribuée à Coutelle n° 329: 150 euros,•
• tableau de Chu Teh Chun, « Allusions poétiques 93 », identifié par référence à la pièce 32 (33 en première instance) de M. Y L-D : 130 000 euros
Soit un montant total à rapporter à la succession de 193 050 euros.
* M. B L-D devra rapporter à la succession les montants suivants en fonction des oeuvres qu’il a été condamné à rapporter :
tableau de Manessier n° 321 : 20 000 euros,• un tableau de Delaunay n° 328 : 8 000 euros,• un tableau de Pignon n° 402 et 393 : 800 euros,• un tableau d’Hemery n° 369 : 800 euros,• une sculpture en bronze allongé de Xenia n° 357 :150 euros,•
Soit un montant total à rapporter de 29 750 euros.
La demande de M. Y L-D tendant à assortir les condamnations au rapport des intérêts au taux légal avec capitalisation des intérêts sera par ailleurs rejetée, les condamnations au rapport ne pouvant s’analyser en condamnation au paiement d’une indemnité au sens de l’article 1231-7 du code civil, s’agissant de la reconstitution de la masse successorale composée des biens laissés par le défunt et des biens donnés rapportés.
Sur la demande de condamnation de Mme A L-D au rapport de la somme de 23 000 euros au titre des liquidités reçues par sa mère
M. Y L-D sollicite le rapport à la succession par A L-D de la somme de 23 000 euros que celle-ci aurait perçu par chèques émis par leur mère entre 2009 et 2012 sur son compte HSBC.
Il fait valoir qu’il n’a eu connaissance de ces versements que postérieurement au jugement déféré, par un courrier de la banque HSBC qui lui a été adressé le 5 octobre 2018, de sorte que sa demande ne saurait être qualifiée de nouvelle en cause d’appel, d’autant qu’il avait évoqué en première instance le fait sa mère lui avait dit que sa soeur avait bénéficié de plusieurs dons de sommes d’argent de 10 000 euros, ce qu’il n’avait pu prouver à l’époque, n’ayant pas les documents bancaires. Il ajoute que ces dons d’argent à Mme A L-D ont été effectués alors qu’M J veuve D était revenue vivre dans le Nord et que sa fille vivait toujours à Niort, qu’il ne pouvait donc s’agir de rémunération de services rendus ou de remboursements de frais de séjour.
Mme A L-D ne conteste pas ces dons d’argent mais affirme qu’il s’agit d’un soutien financier qui lui avait été accordé par sa mère alors qu’elle venait de perdre son époux et qu’elle était seule, sans emploi et sans ressources, ce que personne n’ignorait dans la famille, son frère Z étant notamment chargé de gérer les affaires de leur mère, et son frère Y ayant lui-même souvent procédé au tri de ses papiers et dossiers. Elle rappelle enfin que sa mère avait pour habitude de donner à chaque famille des sommes importantes pour les étrennes (15 000 euros par famille), ce qui a pu être considéré comme un don d’usage par le jugement déféré.
Ceci étant exposé, il résulte de l’article 564 du code de procédure civile qu’à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n’est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l’intervention d’un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.
Cependant, en matière de partage de succession, les parties étant respectivement demanderesses et défenderesses quant à l’établissement de l’actif et du passif, toute demande doit être considérée comme une défense au fond.
En outre, en vertu de l’article 566 du même code, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
La nouvelle demande de rapport présentée par M. Y L-D à l’encontre de sa soeur est recevable, constituant bien une défense à une prétention adverse présentée dans le cadre d’un partage en cours. Elle doit par ailleurs être considérée comme la conséquence ou le complément nécessaire de la demande principale d’ouverture des opérations de compte, liquidation partage de la succession d’M J-D présentée par M. Y L-D, et se trouve donc également à ce titre recevable.
M. Y L-D rapporte la preuve, par la production de chèques tirés sur le compte HSBC de leur mère, de versements de sommes d’argent à Mme A L-D pour une somme totale de 23 000 euros, entre août 2010 et octobre 2012.
Mme A L-D ne démontre pas que ces sommes lui aient été versées en contrepartie de services ou de remboursements de frais qu’elle aurait avancés pour sa mère.
Le caractère libéral de ces versements doit donc être présumé. Cependant, aucun écrit n’ayant été dressé, il n’est donc pas établi que ces dons d’argent aient été effectués par préciput et hors part successorale.
Ces dons sont donc en principe rapportables à la succession, sauf pour Mme A L-D à démontrer leur caractère de présent d’usage.
Or, Mme A L-D ne rapporte pas la preuve de ce que ces dons aient été effectués à l’occasion d’un ou plusieurs événements particuliers où il est d’usage de faire de présent, à la différence des étrennes que versait leur mère à tous ses enfants à l’occasion des fêtes de fin d’année.
Le caractère de présent d’usage de ces dons ne peut donc être retenu et ils seront qualifiés de dons manuels rapportables à la succession par Mme A L-D à hauteur de 23 000 euros.
De la même manière que précédemment, M. Y L-D sera débouté de sa demande au titre des intérêts au taux légal sur cette somme et de la capitalisation des intérêts.
Sur le recel successoral
Aux termes de l’article 778 du code civil, ‘Sans préjudice de dommages et intérêts, l’héritier qui a recelé des biens ou des droits d’une succession ou dissimulé l’existence d’un cohéritier est réputé accepter purement et simplement la succession, nonobstant toute renonciation ou acceptation à concurrence de l’actif net, sans pouvoir prétendre à aucune part dans les biens ou les droits détournés ou recelés. Les droits revenant à l’héritier dissimulé et qui ont ou auraient pu augmenter ceux de l’auteur de la dissimulation sont réputés avoir été recelés par ce dernier.
Lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible, l’héritier doit le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir y prétendre à aucune part.
L’héritier receleur est tenu de rendre tous les fruits et revenus produits par les biens recelés dont il a eu la jouissance depuis l’ouverture de la succession. »
En l’espèce, c’est par des motifs tout à fait pertinents que la cour adopte dans leur intégralité que les premiers juges, après avoir constaté premièrement que la donation des oeuvres d’art faite au printemps 2005 avait été effectuée en présence de l’ensemble des enfants et que chaque héritier alors présomptif avait donc vu ce que chaque co-héritier recevait, que le recel qui suppose la dissimulation ou la soustraction d’un actif ou d’une libéralité était impossible relativement aux oeuvres données à cette occasion, alors que le litige à l’origine de l’action en justice résultait du fait que les héritiers ne s’entendaient pas sur la qualification de la remise des oeuvres d’art et sur l’évaluation des oeuvres ainsi remises, deuxièmement que s’agissant des oeuvres d’art que Mme A L-D aurait conservées à son domicile après le passage en EHPAD de leur mère, il n’est pas établi qu’elle ait cherché à les dissimuler à la succession, la cour y ajoutant qu’au regard des photographies versées en pièce 33 par Y L-D, seul le tableau de Vu Cao Dam (n°364) ne fait pas l’objet d’un rapport à la succession, sa localisation n’ayant pas été démontrée, et que s’agissant des dons de sommes d’argent par M J veuve D, ceux-ci n’ont pas été dissimulés à la fratrie, troisièmement que la demande d’application des règles du recel à M. Y L-D pour tous les dons qu’il avait reçus tout au long de sa vie était indéterminée, ont considéré que la sanction du recel n’avait pas à être appliquée à l’égard d’aucun héritier et qu’ils ont rejeté toutes les demandes formées sur ce fondement.
La décision déférée sera confirmée sur ce point.
Sur la demande de restitution de la part de quotité disponible reçue par M. Y L-D
Les appelants sollicitent la condamnation de M. Y L-D à être privé de sa part de quotité disponible dans la succession de sa mère et à restituer à ses frères et soeur la quotité disponible qu’il a pu recevoir au regard de son mépris du testament de sa mère.
A l’instar des premiers juges, la cour constate que cette demande se fonde sur le testament olographe de Mme M J épouse D en date du 23 février 2013, déposé entre les mains de Maître C-AG AH, notaire, par acte reçu le 25 juillet 2016, dont la validité n’a pas été contestée, et qui est rédigé dans les termes suivants :
‘Je soussignée, Madame M D,
Demeurant à
[…]
[…]
souhaite par la présente lettre,
léguer la quotité disponible de mes biens à mes
enfants qui auront respecté nos choix de cadeaux faits librement toute notre vie,
en souvenir de notre famille, Je désire que
tout cela reste inchangé.
Le 28 février 2013.
Y. D’
MM. Z et B L-D et Mme A L-D soutiennent que leur frère n’aurait pas respecté le testament de leur mère en engageant la présente action en justice pour remettre en cause les donations effectuées par leurs parents et qu’il devrait dès lors être privé de sa part de quotité disponible, en application du testament de leur mère.
La cour rappelle cependant qu’en vertu de l’article 860 du code civil, le rapport des libéralités à la succession se fait en principe en valeur ce qui permet lors du partage, tout en respectant la volonté du donataire de gratifier personnellement chaque donataire de telle chose en particulier, d’établir ou rétablir l’égalité en valeur des gratifications faites aux héritiers, étant précisé que s’il est loisible aux parents de partager leurs biens de manière inégale entre leurs enfants, c’est à la condition de ne pas enfreindre la réserve qui est d’ordre public et à laquelle nul ne peut déroger même par des donations ou un testament.
En outre, en vertu de l’article 858 du même code, le rapport se fait en moins prenant dans la succession et il ne peut être exigé qu’il soit fait en nature.
Dans ces conditions, c’est à juste titre et à bon droit que les premiers juges, estimant que le fait de demander le rapport ne remettait nullement en cause les ‘cadeaux’ (dans une acception très large équivalente à l’ensemble des libéralités) faits par les parents à leurs enfants et que l’action en justice engagée par M. Y L-D ne pouvait aboutir qu’à l’évaluation des libéralités pour calculer théoriquement la valeur de la quotité disponible et de la réserve de chaque héritier avec application éventuelle de la réduction des libéralités excessives qui se résoud par le paiement d’une soulte, ont estimé que l’exécution du testament de Mme M J épouse D n’impliquait pas que la quotité disponible ne soit attribuée qu’aux défendeurs ni que M. Y L-D soit condamné à rendre la part de cette quotité déjà reçue dans le cadre du premier partage partiel.
Dès lors, la décision déférée sera confirmée en ce qu’elle a rejeté la demande de restitution de cette part de quotité disponible par M. Y L-D.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
Le sort des dépens et de l’article 700 du code de procédure civile ont été exactement réglés par le premier juge qui a indiqué qu’en l’absence de partie succombante, les dépens seraient payés comme frais de partage et qu’aucune condamnation n’étant prononcée, le droit de recouvrement direct de l’avocat ne pouvait s’exercer, l’équité commandant par ailleurs de ne prononcer aucune condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La décision déférée sera confirmée sur ces points.
Par ailleurs, il convient de O que les dépens d’appel seront payés en frais de partage et que l’équité commande de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Ecarte des débats le dernier jeu de conclusions n° 4 de MM. Z et B L-D ainsi que les trois nouvelles pièces qu’elles comportent (n° 57, 58 et 59) ;
Dit qu’il sera référé à leurs conclusions n° 3 ;
Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions sauf en ce qu’elle a :
• Condamné M. Z L-D à rapporter à la succession un tableau de Xi Lombardini n°320 ;
• Condamné Mme A L-D à rapporter à la succession les oeuvres de Lanskoy (n° 473 et 382), Bertholle (n° 382), […]), Vu Cao Dam (n° 364), Charchoune (n° 367), Singier (n° 372) et Bazaine (n° 368) ;
• Condamné M. B L-D à rapporter à la succession le tableau de Tal Coat, « L’affut », […], et la sculpture en acier n° 403 ;
Statuant à nouveau,
Condamne M. Z L-D à rapporter à la succession un tableau de AB•
Longobardi n° 320 ;
• Déboute M. Y L-D de sa demande tendant à voir condamner Mme A L-D à rapporter à la succession les oeuvres de Lanskoy (n° 473 et 382), Bertholle (n° 382), […]), Vu Cao Dam (n° 364), Charchoune (n° 367), Singier (n° 372) et Bazaine (n° 368) ;
• Déboute M. Y L-D de sa demande tendant à voir condamner M. B L-D à rapporter à la succession le tableau de Tal Coat, « L’affut », […], et la sculpture en acier n° 403 ;
Y ajoutant,
• Condamne Mme A L-D à rapporter à la succession d’M J épouse D une indemnité d’un montant de 193 050 euros, correspondant à la valeur des tableaux qu’elle a été condamnée à rapporter suivant la fourchette basse retenue par l’expert ;
• Condamne Mme A L-D épouse X à rapporter à la succession d’M AC épouse D une somme de 23 000 euros correspondant au montant des chèques versés par M J épouse D entre août 2010 et octobre 2012 ;
• Condamne M. Z L-D à rapporter à la succession d’M J épouse D une indemnité d’un montant de 245 100 euros, correspondant à la valeur des tableaux qu’il a été condamné à rapporter suivant la fourchette basse retenue par l’expert, et au prix de cession des biens aliénés,
• Condamne M. B L-D à rapporter à la succession d’M J épouse D une indemnité d’un montant de 29 750 euros, correspondant à la valeur des tableaux qu’il a été condamné à rapporter suivant la fourchette basse retenue par l’expert,
• Condamne M. Y L-D à rapporter à la succession d’M J épouse D une indemnité d’un montant de 39 180 euros, correspondant à la valeur des tableaux qu’il a été condamné à rapporter suivant la fourchette basse retenue par l’expert, et au prix de cession des biens aliénés, Rejette la demande d’intérêts au taux légal et de capitalisation des intérêts,• Rejette la demande de complément d’expertise,• Dit n’y avoir lieu à rectification d’erreur matérielle,• Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage,•
• Dit n’y avoir lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Le greffier, La présidente