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N° RG 22/03720 – N° Portalis DBVM-V-B7G-LRRC
C8
Minute N°
Copie exécutoire
délivrée le :
la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC
la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU JEUDI 06 JUILLET 2023
Appel d’un jugement (N° RG 2022F57)
rendu par le Tribunal de Commerce de GAP
en date du 07 octobre 2022
suivant déclaration d’appel du 15 octobre 2022
APPELANTE :
S.A.R.L. MANFREE au capital de 20.000€, immatriculée au RCS de GAP sous le numéro 751.541.582, prise en la personne de son gérant en exercice Mme [R] [P],
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Dejan MIHAJLOVIC de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et plaidant par Me CAMBON, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
S.A.S. LES MANDATAIRES au capital de 20 000 €, immatriculée au RCS de MARSEILLE sous le n° 850 597 097, es qualités de liquidateur judiciaire de la société MARGHERITA, mandat conduit par Maître [U] [D],
[Adresse 2]
[Localité 1]
représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE – CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et plaidant par Me Marie BOISSIN de la SELARL CAPELA, avocat au barreau des Alpes de Haute Provence
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Marie-Pierre FIGUET, Présidente,
Mme Marie-Pascale BLANCHARD, Conseillère,
M. Lionel BRUNO, Conseiller,
Assistés lors des débats de Alice RICHET, Greffière
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l’affaire a été régulièrement communiquée et représentée lors des débats par Mme Françoise BENEZECH, substitut général, qui a fait connaître son avis.
DÉBATS :
A l’audience publique du 07 juin 2023, Mme FIGUET, Présidente, a été entendue en son rapport,
Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries,
Puis l’affaire a été mise en délibéré pour que l’arrêt soit rendu ce jour,
EXPOSE DU LITIGE :
La société Margherita a été immatriculée le 1er juin 2017 et exploite une activité de pizzeria, restauration sur place et à emporter, débit de boissons, bar. Elle est dirigée par Mme [R] [P] qui détient l’intégralité du capital social.
Le 20 mai 2017, elle a pris en location gérance le fonds de commerce de restaurant, hôtel, débit de boissons, bar, organisation de séminaire et banquets de la société Manfree, situé à [Localité 3] à compter du 15 mai 2017 pour une durée de 3 ans non renouvelable.
Le 9 novembre 2017, elle a acquis les parts sociales de la société Manfree qu’elle a cédées à M. [H] [P] le 7 mars 2019.
La locataire gérante ayant cessé de verser les redevances, la société Manfree l’a faite assigner en constatation de la résiliation du contrat. Ce dernier étant parvenu à son terme en cours d’instance, le juge des référés a ordonné l’expulsion de la société Margherita par ordonnance du 26 juin 2020.
Sur l’assignation de Mme [R] [P] et par jugement du 16 juillet 2021, le tribunal de commerce de Gap a prononcé la nullité de l’acte de cession des parts sociales de la société Manfree dont l’actif immobilier avait été cédé le 25 mai 2021 à une société Assunta.
Sur l’assignation des sociétés Nor et Manfree et par jugement du 15 septembre 2021, le tribunal de commerce de Gap a ouvert le redressement judiciaire de la société Margherita et désigné la SAS Les Mandataires, représentée par Maître [U] [D], en qualité de mandataire judiciaire et la SELARL [M] & Associés, représentée par Maître [U] [M], en qualité d’administrateur judiciaire.
Par jugement du 7 octobre 2022, confirmé en appel le 9 février 2023, le tribunal de commerce de Gap a converti le redressement judiciaire en liquidation judiciaire, désignant la SAS Les Mandataires, représentée par Maître [U] [D], en qualité de liquidateur judiciaire.
Par assignation du 24 février 2022, la SELARL [M] & Associés et la SAS Les Mandataires, ès qualités, ont saisi le tribunal de commerce de Gap aux fins d’extension de la procédure collective aux sociétés Manfree, Nor, Miral et Margherita-Briançon.
Par décision du 7 octobre 2022, le tribunal de commerce de Gap a prononcé l’extension de la procédure collective de la société Margherita aux sociétés Manfree, Nor, Miral et Margherita-Briançon.
Suivant déclaration au greffe du 15 octobre 2022, la société Manfree a relevé appel de cette décision en toutes ses dispositions qu’elle a reprises dans son acte d’appel.
Prétentions et moyens de la société Manfree:
Au terme de ses dernières écritures notifiées le 15 novembre 2022, la société Manfree demande à la cour de :
– juger recevable et bien fondée la société Manfree en ses demandes,
– infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Gap le 7 octobre 2022 en ce qu’il a :
* déclaré recevable et partiellement fondée la SAS Les Mandataires, mission conduite par Maître [U] [D], ès qualités de mandataire judiciaire en charge de la liquidation judiciaire de la SAS Margherita,
* constaté l’existence de relations financières anormales entre la SAS Margherita et la société Manfree,
* prononcé l’extension de la procédure de liquidation judiciaire ouverte par jugement du tribunal de commerce de Gap du 27 juillet 2022 à l’encontre de la société Manfree [Adresse 4] [Localité 3] Siren 751 541 582 RCS Gap,
* prononcé la confusion des patrimoines de la SAS Margherita [Adresse 4] [Localité 3] Siren 751 541 582 RCS Gap à la SARL Manfree [Adresse 4] [Localité 3] Siren 751 541 582 RCS Gap,
En ce qui concerne la SARL Manfree strictement,
* dit que les opérations se poursuivront sous patrimoine commun,
* désigné la SELARL Viguier, commissaire de justice aux fins de procéder contradictoirement à un inventaire et réaliser une prisée du patrimoine de la SARL MANFREE ainsi que des garanties qui le grèvent,
* ordonné aux chefs d’entreprises de remettre au liquidateur la liste des créanciers comportant les indications prévues par l’article L622-6 alinéa 2 dans les 8 jours du prononcé du présent jugement,
* ordonné aux représentants légaux des sociétés de communiquer au greffe du tribunal sans faute tout changement d’adresse de leur domicile personnel afin qu’ils puissent être joints à tout moment et sans délai pour les besoins de la procédure,
* ordonné les mesures de publicité prescrites à l’article R621-8 du Code de commerce,
Statuant à nouveau,
– juger que les conditions nécessaires au prononcé d’une extension de procédure ne sont pas établies,
– débouter la SAS Les Mandataires ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Margherita de l’intégralité de ses demandes à l’encontre de la société Manfree,
– condamner la SAS Les Mandataires ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Margherita à verser à la société Manfree la somme de 3.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la SAS Les Mandataires ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Margherita aux entiers dépens, tirés en frais privilégiés de procédure, dont distraction au profit de la SELARL Dauphin-Mihajlovic.
La société Manfree soutient que le défaut de règlement par la société Margherita des redevances de location gérance à compter de juin 2019 et la résiliation du contrat qui s’en est suivie, éléments retenus par le tribunal de commerce, ne caractérisent pas l’existence de relations financières anormales et une confusion des patrimoines aux motifs que:
– elle a fait délivrer un commandement de payer le 16 novembre 2019 et une assignation en constat de la résiliation le 23 janvier 2020,
– le défaut de paiement n’a duré que cinq mois, période trop courte pour révéler des relations financières anormales,
– le contrat de location gérance n’a pas été résilié pour cause d’impayé mais est parvenu à son terme le 15 mai 2020,
– il est indifférent que M. [H] [P] ait été le gérant de la société Manfree et qu’il ait assuré la gestion de fait de la société Margherita à cette période,
– l’action en extension de procédure collective ne concerne que les personnes morales et ne peut être utilisée pour régler des conflits familiaux entre M [P] et sa s’ur.
Prétentions et moyens de la société Les Mandataires,:
Selon ses dernières conclusions notifiées le 13 décembre 2022, la société Les Mandataires, ès qualités, entend voir:
– confirmer le jugement dont appel en ce que la liquidation judiciaire la SAS Margherita a été étendue à la société Manfree,
– ordonner l’emploi des dépens en frais privilégiés de la procédure de liquidation judiciaire.
Le liquidateur judiciaire fait valoir que :
– la société Margherita a cessé de payer ses redevances sans que des raisons économiques identifiées justifient sa défaillance,
– par l’entremise de la société Manfree, M. [P] a obtenu la résiliation du contrat de location gérance, puis cédé l’actif immobilier à un tiers, avant de reprendre les locaux pour l’exploitation de la société Margherita Briançon, société qu’il contrôle,
– M. [P] a ainsi privé la société Margherita de l’exploitation du fonds de commerce et l’a donc appauvrie.
Il considère que les relations financières anormales sont constituées par le cumul sur la même tête des qualités de dirigeant de fait de la société Margherita et de dirigeant de droit de la société Manfree qui ont permis par l’arrêt du paiement des redevances de provoquer la perte du droit d’exploitation de la société Margherita au profit de la société Margherita Briançon.
Conclusions du Ministère public :
Le 12 janvier 2023, le Ministère Public a conclu à la confirmation de la décision critiquée.
Pour le surplus des moyens développés, il convient de se reporter aux dernières écritures des parties en application de l’article 455 du code de procédure civile.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 7 juin 2023.
MOTIFS DE LA DECISION :
L’article L.621-2 code de commerce dispose que la procédure collective ouverte peut être étendue à une ou plusieurs autres personnes en cas de confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur ou de fictivité de la personne morale.
Pour caractériser la confusion, il doit être établi l’existence entre les deux sociétés de relations financières anormales constitutives d’une confusion de leur patrimoine.
En l’espèce, la société Margherita a cessé de régler les redevances dues au titre de la location gérance à la société Manfree à compter du mois de juin 2019. Par lettre recommandée du 16 septembre 2019, la société Manfree l’a mise en demeure de lui régler la somme de 14.400 euros au titre des redevances de juin à septembre 2019. La locataire gérante a réglé la somme de 14.748,73 euros. Néanmoins, elle ne s’est pas acquittée des redevances suivantes. Le 16 novembre 2019, la société Manfree lui a délivré un commandement de payer la somme de 7.200 euros correspondant aux redevances d’octobre et novembre 2019 visant la clause résolutoire. Elle l’a assignée devant le juge des référés par acte du 23 janvier 2020 qui a constaté dans son ordonnance du 26 juin 2020 que le contrat de location-gérance étant arrivé à son terme le 15 mai 2020, la société Manfree renonçait à voir acquise la clause résolutoire et a ordonné l’expulsion de la société Margherita du fonds de commerce situé au plan d’eau à [Localité 3].
Selon ses derniers états financiers établis au 30 avril 2019, l’activité de la société Margherita dégageait un chiffre d’affaires de 830.000 euros, un excédent brut d’exploitation de 187.000 euros, un résultat net bénéficiaire de 116.000 euros et elle disposait à cette date de 67.000 euros de liquidités. Elle était donc en mesure de régler les redevances dues.
Toutefois, le seul fait pour la société bailleresse de délivrer un commandement de payer à sa locataire gérante 5 mois et demi après le 1er impayé après avoir dans un premier temps adressé une lettre de mise en demeure qui a été fructueuse pour les quatre premiers mois et de poursuivre la résiliation de la location gérance ne constitue pas une relation financière anormale entre les deux personnes morales, quant bien même la résiliation était de nature à entraîner la perte de la location gérance pour la société Margherita, étant observé qu’en l’occurrence la résiliation n’a pas été constatée puisque la location gérance prenait fin en tout état de cause le 15 mai 2020, la location n’étant pas renouvelable.
S’il n’est pas contesté que M. [H] [P] a assuré la gestion de fait de la société Margherita jusqu’au mois de juin 2019 et se trouvait aussi propriétaire et gérant de la société Manfree depuis le 7 mars 2019 au travers d’une cession annulée par la suite, la seule communauté de dirigeants et d’intérêts ne suffit pas à caractériser une confusion des patrimoines de deux personnes morales.
Par ailleurs, si la décision pour le dirigeant de la société Margherita de ne pas s’acquitter des redevances de location-gérance alors même que la situation financière de la société lui permettait d’effectuer de tels règlements et d’exposer ainsi la société à une résiliation anticipée du contrat de location gérance en permettant à la société Manfree de récupérer plus rapidement son fonds de commerce est de nature à constituer une faute de gestion, ces éléments sont insuffisants à remettre en cause la réalité économique de deux sociétés juridiquement distinctes et à caractériser l’existence entre les deux sociétés de relations financières anormales constitutives d’une confusion de leur patrimoine.
Dès lors, le jugement sera infirmé en ce qu’il a prononcé l’extension de la procédure collective de la société Margherita à la société Manfree.
La SAS Les Mandataires, ès qualités, sera déboutée de sa demande d’extension de la liquidation judiciaire de la société Margherita à la société Manfree.
Les dépens seront tirés en frais privilégiés de procédure de liquidation judiciaire.
En équité, la société Manfree sera déboutée de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme le jugement du tribunal de commerce de Gap en date du 7 octobre 2022, en ses dispositions soumises à la cour et en tant qu’elles concernent la société Manfree.
Statuant à nouveau,
Déboute la SAS Les Mandataires, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SAS Margherita, de sa demande d’extension de la liquidation judiciaire de la société Margherita à la société Manfree.
Dit que les dépens seront tirés en frais privilégiés de procédure de liquidation judiciaire.
Déboute la société Manfree de sa demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
SIGNÉ par Mme FIGUET, Présidente et par Mme RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Greffière La Présidente