Dirigeant de fait : 3 octobre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/06652

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Dirigeant de fait : 3 octobre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/06652
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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 8

ARRÊT DU 3 OCTOBRE 2023

(n° / 2023, 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/06652 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFSJY

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 janvier 2022 -Tribunal de commerce de MELUN – RG n° 2021L00523

APPELANT

Monsieur [V] [U]

Né le [Date naissance 1] 1977 à [Localité 8] (92)

De nationalité française

Demeurant [Adresse 3]

[Localité 6]

Représenté par Me Elise ORTOLLAND de la SEP ORTOLLAND, avocate au barreau de PARIS, toque : R231,

Assisté de Me Valère GAUSSEN de l’ASSOCIATION Gaussen Imbert Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : R132,

INTIMES

S.C.P. [F] [P] [E], ès qualités,

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de MEAUX sous le numéro 500 966 999,

Dont le siège social est situé [Adresse 7]

[Localité 5]

Représentée et assistée de Me Maria-Christina GOURDAIN de la SCP Société Civile Professionnelle d’Avocats GOURDAIN ASSOCIES, avocate au barreau de PARIS, toque : D 1205,

Monsieur LE PROCUREUR GÉNÉRAL – SERVICE FINANCIER ET COMMERCIAL

[Adresse 2]

[Localité 4]

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 18 avril 2023, en audience publique, devant la cour, composée de :

Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre,

Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère,

Madame Constance LACHEZE, conseillère,

qui en ont délibéré.

Un rapport a été présenté à l’audience par Madame [I] [D] dans le respect des conditions prévues à l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL

MINISTÈRE PUBLIC : L’affaire a été communiquée au ministère public, représenté lors des débats par monsieur François Vaissette, avocat général, qui a fait connaître son avis écrit le 23 septembre 2022, et ses observations orales lors de l’audience .

ARRÊT :

– Contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.

*

* *

FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS

La société Alti a été constituée le 15 juillet 2016 avec pour objet l’exploitation d’un fonds de commerce de plomberie, chauffage et ventilation. M. [V] [U] en a été le co-associé majoritaire à 75% et le co-gérant avec Mme [M] [W].

Par contrat du 9 janvier 2018, M. [U] et Mme [W] ont cédé l’ensemble de leurs parts sociales pour un euro symbolique à M. [N] [S] qui a le jour même été nommé gérant de la société, le changement de gérant ayant été publié le 4 juillet 2018.

Sur requête du ministère public et par jugement du 14 novembre 2018, le tribunal de commerce de Melun a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’égard de la société Alti et désigné la SCP [F] – [P] – [E] en qualité de liquidateur judiciaire, puis sur assignation de ce dernier et par jugement du 13 janvier 2021, a reporté la date de cessation des paiements au 15 mai 2017.

Par acte du 16 juin 2021, le liquidateur judiciaire a assigné M. [U] et Mme [W] aux fins de les voir condamnés solidairement à contribuer à l’insuffisance d’actif, ainsi que

M. [S], et à l’une sanctions commerciales prévues au livre VI du code de commerce, leur reprochant :

– d’avoir fait disparaître des documents comptables et de ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font l’obligation (art L. 653-5, 6° du code de commerce);

– d’avoir sciemment omis de demander l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire (art L. 653-8, al 3) ;

– d’avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l’actif ou augmenté frauduleusement le passif de la personne morale (art L. 653-4, 5°) ;

– d’avoir, dans l’intention d’éviter ou de retarder l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, fait des achats en vue d’une revente au-dessous du cours ou employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds (art L. 653-5, 2°) ;

– d’avoir poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire ne pouvant conduire qu’à la cessation des paiements de la personne morale (art L. 653-4, 4°).

Par jugement du 12 janvier 2022, le tribunal de commerce de Melun a, concernant

M. [U], retenu les cinq griefs énoncés et :

– prononcé à son encontre une mesure d’interdiction de gérer de trois ans ;

– condamné M. [U] au paiement de la somme de 170 000 euros au titre de l’insuffisance d’actif ;

– ordonné l’exécution provisoire ;

– dit que les publicités du jugement, conformément à l’article R 653-3 du code de commerce seront effectuées sans délai, nonobstant toutes voies de recours ;

– dit qu’en application des articles L. 128-1 et R. 128-1 et suivants du code de commerce, cette sanction fera l’objet d’une inscription au fichier national des interdits de gérer ;

– mis les dépens liquidés à la somme de 181,32 € outre les frais de signification à la charge de M. [U] et Mme [W] et si les fonds du débiteur ne peuvent y suffire à la charge du Trésor Public.

Le tribunal a ainsi retenu l’ensemble des griefs invoqués à l’encontre de M. [U] et de Mme [W] et un seul d’entre eux à l’encontre de M. [S].

Mme [W] et M. [S] ont chacun été condamnés à la sanction d’un an d’interdiction de gérer, Mme [W] a en outre été condamnée à contribuer à concurrence de 7 000 euros à l’insuffisance d’actif tandis que M. [S] n’a pas été considéré comme responsable à ce titre.

Par déclaration du 31 mars 2022, M. [U] a relevé appel de ce jugement.

Par dernières conclusions (n°2) remises au greffe et notifiées par voie électronique le

13 octobre 2022, M. [U] demande à la cour :

– d’infirmer le jugement du tribunal de commerce de Melun ;

– statuant à nouveau, de débouter la SCP [F] – [P] – [E] ès qualités de ses demandes de condamnation au paiement de la somme de 208 798 euros au titre de la responsabilité pour insuffisance d’actif ;

– de débouter le ministère public et le liquidateur judiciaire de leurs demandes ;

– de statuer ce que de droit quant aux dépens.

Par dernières conclusions (n°2) remises au greffe et notifiées par voie électronique le

5 janvier 2023, la SCP [F] – [P] – [E] ès qualités forme appel incident et demande à la cour :

– de la déclarer recevable et bien fondée en son appel incident ;

– statuant à nouveau, de condamner M. [U] à supporter l’insuffisance d’actif de la société Alti à hauteur de la somme de 208 798 euros (20 000 + 170 000 + 18 798) ;

– par voie de conséquence, de condamner M. [U] à lui payer cette somme ès qualités ;

– de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a prononcé à l’encontre de M. [U], une interdiction de gérer d’une durée de trois ans ;

– de condamner M. [U] aux dépens.

Par avis communiqué et notifié par voie électronique le 23 septembre 2022, le ministère public demande à la cour :

– de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné M. [U] à une mesure d’interdiction de gérer pour une durée de trois ans ;

– d’infirmer le jugement en ce qu’il a condamné ce dernier au paiement de la somme de

170 000 euros ;

– de condamner M. [U] au paiement de la somme de 188 000 euros au titre de sa responsabilité pour insuffisance d’actif.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 14 mars 2023.

SUR CE,

– Sur la nullité du jugement

Dans le corps de ses écritures, M. [U] soulève in limine litis la nullité du procès-verbal de signification de l’assignation du 16 juin 2021 (PV 659), soutenant que cela lui a causé grief puisqu’il n’a pas comparu à l’audience, ce qui entraine par voie de conséquence la nullité du jugement. Il fait en effet valoir que l’huissier de justice n’a pas épuisé toutes les voies de recherche à sa disposition avant d’établir un procès-verbal de recherches infructueuses.

La SCP [F] – [P] – [E] ès qualités réplique qu’il n’appartenait pas à l’huissier instrumentaire de rechercher l’adresse de M. [U], que ce dernier n’a jamais indiqué sa nouvelle adresse, qu’il a été cité à l’adresse figurant sur l’extrait Kbis de la société Alti.

Le ministère public ajoute qu’il ne peut être allégué qu’une recherche sur infogreffe aurait permis de connaître l’adresse de l’appelant puisque la capture d’écran invoquée indique l’adresse d’une des sociétés du dirigeant et non de son domicile.

Sur ce,

Cette exception de nullité soulevée dans le corps des écritures n’est pas reprise par l’appelant dans le dispositif de ses conclusions, de sorte que la cour n’est pas saisie de ce moyen qu’elle ne peut pas davantage relever d’office s’agissant d’une irrégularité de forme qui est alléguée.

Il n’y a donc pas lieu de statuer de ce chef.

– Sur la responsabilité pour insuffisance d’actif :

L’article L. 651-2 du code de commerce dispose : ” Lorsque la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif, décider que le montant de cette insuffisance d’actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d’entre eux, ayant contribué à la faute de gestion. En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables. Toutefois, en cas de simple négligence du dirigeant de droit ou de fait dans la gestion de la personne morale, sa responsabilité au titre de l’insuffisance d’actif ne peut être engagée (‘)”.

Si un dirigeant qui n’est plus en fonction au jour du jugement d’ouverture peut être condamné à supporter tout ou partie de l’insuffisance d’actif, c’est à la condition qu’il puisse lui être imputé une faute de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actif et que l’insuffisance d’actif puisse être caractérisée au jour de sa démission, la charge de la preuve pesant en la matière sur le demandeur à l’action, sauf à ce que le dirigeant continue en fait à assurer la gestion.

En l’espèce, M. [U] est poursuivi en sa seule qualité de dirigeant de droit de la société Alti dont il a cessé d’être le dirigeant le 9 janvier 2018 par suite de sa démission de son mandat de gérant. S’il est établi qu’il a continué à faire fonctionner le compte bancaire de la société Alti jusqu’en juin 2018 inclus, en vertu d’une convention de compte le désignant comme représentant légal de la société Alti et n’ayant pas fait l’objet d’une procuration, sa responsabilité n’est pas recherchée en tant que dirigeant de fait au-delà du 9 janvier 2018, date de sa démission.

A cette date, la SCP [F] – [P] – [E] ès qualités n’invoque pas l’existence d’une insuffisance d’actif, se limitant à faire état du montant total des créances nées entre le

15 mai 2017 et le 9 janvier 2018 et déclarées dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire ainsi que de virements bancaires suspects. Il n’est pas invoqué la présence ou l’absence de capitaux propres au jour de la démission de M. [U] faisant suite à la cession de ses parts sociales pour un euro symbolique à M. [S].

Dans ces conditions, le mandataire liquidateur manque à établir une insuffisance d’actif au jour de la fin du mandat du dirigeant dont la responsabilité est recherchée, alors que cette preuve lui incombe.

La demande à ce titre sera donc rejetée sans qu’il soit nécessaire d’examiner les fautes de gestion alléguées.

– Sur les griefs

– Sur le défaut de tenue d’une comptabilité

La SCP [F] – [P] – [E] ès qualités soutient que le grief doit être retenu comme l’ont fait les premiers juges, qu’en effet, aucune comptabilité n’a été tenue, que M. [U] ne peut sérieusement prétendre l’avoir confiée à M. [S] sans avoir établi un procès-verbal de cette remise à cette occasion, que M. [S] n’a en réalité jamais exercé de mandat social puisque le changement de gérant du 9 janvier 2018 n’a été publiée que tardivement le

4 juillet suivant et qu’il est établi désormais que ce changement n’a pas été accompagné d’une modification du nom du représentant légal de la société dans la convention de compte courant la liant à sa banque.

Le ministère public fait valoir que ce grief est caractérisé en ce qu’aucune comptabilité n’a été remise au mandataire ou produite à l’occasion de la présente instance, ce dont il déduit que la comptabilité de la société Alti n’existe pas, alors que la tenue d’une comptabilité s’imposait à M. [U] en tant que dirigeant de cette société.

M. [U] explique avoir confié l’ensemble de la comptabilité de la société Alti à son successeur au moment de sa démission de ses fonctions de gérant le 9 janvier 2018 et affirme que, n’étant plus gérant de la société Alti au moment de l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire, le fait qu’aucune comptabilité n’ait pas été communiquée au mandataire liquidateur ne lui est pas imputable.

Sur ce, il résulte de l’application combinée des articles L. 653-5, 6° et L. 653-8 du code de commerce qu’est sanctionné par la faillite personnelle ou l’interdiction de gérer le fait d’avoir fait disparaître des documents comptables, de ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font l’obligation, ou d’avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables.

En l’espèce, il est justifié de l’absence de tout document comptable. Faute par M. [U] de produire les comptes de la société Alti ou un récépissé de remise à son successeur, l’inexistence de la comptabilité est suffisamment démontrée et le grief tenant au défaut de tenue de comptabilité est constitué.

– Sur le retard dans la déclaration de cessation des paiements

La SCP [F] – [P] – [E] ès qualités et le ministère public indiquent que la procédure collective a été ouverte sur requête du procureur de la République, qu’au 15 mai 2017, date de la cessation des paiements, M. [U] était encore gérant de la société Alti, et qu’il ne pouvait ignorer la situation financière de cette dernière.

La SCP [F] – [P] – [E] ès qualités ajoute qu’en dépit de la démission de M. [U] le 9 janvier 2018 de son mandat de gérant, il peut lui être reproché de ne pas avoir procédé à la déclaration de cessation des paiements avant cette date, que le passif né après le 15 mai 2017 n’aurait pas existé et que le passif même constitué par la gestion de M. [S] n’aurait pas été constitué, d’autant qu’il a agi ainsi sciemment et dans son intérêt personnel.

M. [U] rétorque que la date de cessation des paiements a été fixée au 15 mai 2017 en raison du solde débiteur de 3 874,56 euros empêchant le paiement des arriérés de cotisations dues à la Pro BTP ainsi qu’à l’URSSAF, alors que la caisse de retraite du bâtiment n’a pris une inscription de privilège que le 7 février 2018, date à laquelle il n’était plus dirigeant, si bien que cette faute est imputable à son successeur et ne peut lui être reprochée.

Sur ce, en application de l’article L. 653-8 du code de commerce, est passible d’une interdiction de gérer le dirigeant qui a omis sciemment de demander l’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de 45 jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir par ailleurs demandé l’ouverture d’une procédure de conciliation.

En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que M. [U] n’a pas déclaré la cessation des paiements, dont la date a été irrévocablement fixée par le tribunal de commerce au 15 mai 2017, date à laquelle il était encore gérant de la société Alti et qui correspond au premier solde débiteur du compte courant de la société rendant impossible le paiement des arriérés de cotisations dues à la caisse Pro BTP et à l’URSSAF, alors qu’il disposait d’un délai de

45 jours à compter de cette dernière date pour y procéder. Il a donc manqué à son obligation déclarative sans pour autant avoir demandé l’ouverture d’une procédure de conciliation.

En outre, il ressort de la déclaration de créance de l’URSSAF que cette dernière n’était plus payée depuis le 31 juillet 2017 et que les défauts de paiement étaient récurrents chaque mois depuis cette date, ce qu’en sa qualité de gérant de la société Alti, M. [U] ne pouvait pas ignorer. C’est donc sciemment qu’il n’a pas déclaré l’état de cessation des paiements de la société Alti.

Le grief sera par conséquent retenu.

– Sur le détournement de l’actif

La SCP [F] – [P] – [E] ès qualités et le ministère public expliquent qu’il ressort de l’examen des comptes que 24 virements d’un montant total de 18 798 euros ont été effectués au profit de M. [U] entre le 9 août 2017 et le 28 mai 2018, auxquels s’ajoutent des paiements par carte bancaire non identifiés. Le ministère public ajoute que le commissaire-priseur n’a pu établir l’inventaire de la société.

M. [U] soutient qu’aucun justificatif de nature à étayer ces allégations n’est produit, qu’il n’a perçu que la somme de 5 580 euros, dont il convient de déduire les virements qu’il a effectués en retour totalisant 1 000 euros, de sorte qu’il n’est pas responsable du détournement reproché.

Sur ce, il résulte de l’application combinée des articles L. 653-4, 5° et L. 653-8 du code de commerce qu’est sanctionné par la faillite personnelle ou l’interdiction de gérer le fait pour un dirigeant d’avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l’actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale.

En l’espèce, il ressort des relevés bancaires de la société Alti qu’entre le 9 août 2017 et le 9 janvier 2018, les deux destinataires suivants ont reçu des virements de la part de cette dernière :

o le compte dénommé ” [U] SG Perso ” : 1 830 euros, qui correspond au compte personnel de M. [U],

o le compte dénommé ” BET [U] ” : 4 000 euros, qui est le nom d’une autre société appartenant à M. [U] selon l’extrait Kbis versé aux débats.

Dans ces conditions, la preuve est rapportée que M. [U] a bien été directement ou indirectement le destinataire de ces virements bancaires à hauteur de la somme de 5 830 euros.

Alors qu’il reconnaît avoir perçu une partie de ces sommes (4 580 euros), M. [U] n’explique pas les raisons pour lesquelles il a effectué ces virements à son profit. Aussi, ces paiements qui sont dépourvus de cause, s’analysent en un détournement d’actif de la société.

La SCP [F] – [P] – [E] ès qualités produit en outre la convention de compte courant de la société Alti identifiant M. [U] comme le représentant légal de la société, ainsi qu’un courriel de la banque teneuse du compte précisant que ce compte n’avait pas fait l’objet d’une procuration. Il s’en déduit que M. [U] était la seule personne susceptible d’être à l’origine de ces virements constitutifs d’un détournement d’actif de la société.

Le grief est donc constitué.

– Sur la poursuite abusive dans un intérêt personnel d’une exploitation déficitaire ne pouvant conduire qu’à la cessation des paiements

Au soutien de son appel, M. [U] fait valoir que le critère de l’intérêt personnel n’est pas rempli puisqu’il n’a bénéficié d’aucun virement.

La SCP [F] – [P] – [E] ès qualités ne retient pas ce grief dans ses dernières écritures.

Le ministère public estime qu’à défaut de preuve de versement de rémunérations entre la date de cessation des paiements et la démission de l’appelant, cette faute ne pourra être retenue.

Il résulte de l’application combinée des articles L. 653-4, 4° et L. 653-8 du code de commerce que le tribunal peut prononcer une faillite personnelle ou une mesure d’interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement toute entreprise commerciale ou artisanale à l’encontre de tout dirigeant, de droit ou de fait, d’une personne morale, contre lequel a été relevé le fait d’avoir poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu’à la cessation des paiements de la personne morale.

En l’espèce, le grief n’est plus soutenu dans le dernier état des écritures du ministère public et du mandataire liquidateur.

Il sera donc écarté.

– Sur l’emploi de moyens ruineux

La SCP [F] – [P] – [E] ès qualités soutient en ce sens que M. [U] a détourné la somme de 36 426,58 euros du précompte des salariés de la société.

Le ministère public ne soutient pas ce grief et M. [U] ne répond pas sur ce point.

Sur ce, il résulte de l’application combinée des articles L. 653-5, 2° et L. 653-8 du code de commerce qu’est sanctionné par la faillite personnelle ou l’interdiction de gérer le fait pour un dirigeant d’avoir, dans l’intention d’éviter ou de retarder l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, fait des achats en vue d’une revente au-dessous du cours ou employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds.

En l’espèce, en l’absence de toute preuve des faits allégués, le grief doit être écarté.

– Sur la sanction

M. [U] est âgé de 46 ans et n’a pas fourni d’éléments sur ses ressources et charges. Il ressort toutefois de la procédure qu’il est célibataire et dirige la SARL Bet [U] qui exerce une activité d’études techniques thermiques, fluides et énergétiques.

Trois griefs ont en définitive été retenus, dont un a été commis dans l’intérêt personnel de M. [U]. Ces griefs retenus, en ce qu’ils manifestent une méconnaissance du rôle de dirigeant de société et pour l’un a été commis dans l’intérêt personnel du gérant, revêtent une gravité certaine et justifient de prononcer à l’encontre de M. [U] une interdiction de gérer d’une durée de 3 ans, le jugement étant confirmé de ce chef.

– Sur les demandes accessoires

M. [U], qui demeure condamné en cause d’appel, sera condamné aux dépens d’appel, le jugement étant confirmé s’agissant des dépens de première instance.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant publiquement, contradictoirement et dans les limites de l’appel,

Infirme le jugement entrepris en ce qu’il a condamné M. [V] [U] au paiement de la somme de 170 000 euros au titre de sa contribution à l’insuffisance d’actif ;

Le confirme pour le surplus ;

Statuant à nouveau du chef infirmé,

Déboute la SCP [F] – [P] – [E] ès qualités de sa demande de condamnation sur le fondement de la responsabilité pour insuffisance d’actif ;

Y ajoutant,

Condamne M. [V] [U] aux dépens d’appel.

La greffière,

Liselotte FENOUIL

La présidente,

Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT

 


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