Dirigeant de fait : 11 mai 2023 Cour de cassation Pourvoi n° 21-17.226

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Dirigeant de fait : 11 mai 2023 Cour de cassation Pourvoi n° 21-17.226
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CIV. 2

FD

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 11 mai 2023

Cassation partielle

Mme TAILLANDIER-THOMAS, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 457 F-D

Pourvoi n° G 21-17.226

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 11 MAI 2023

La société [3], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° G 21-17.226 contre l’arrêt rendu le 8 avril 2021 par la cour d’appel de Grenoble (chambre sociale, protection sociale), dans le litige l’opposant à l’union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales Rhône-Alpes, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Leblanc, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [3], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l’URSSAF Rhône-Alpes, et l’avis de Mme Tuffreau, avocat général référendaire, après débats en l’audience publique du 21 mars 2023 où étaient présents Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Leblanc, conseiller rapporteur, Mme Renault-Malignac, conseiller, et Mme Catherine, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Grenoble, 8 avril 2021), à la suite d’un contrôle de l’application de la législation de la sécurité sociale portant sur les années 2012 à 2015, l’URSSAF de Rhône-Alpes a notifié à la société [3] (la société) une lettre d’observations du 12 mai 2015 réintégrant, notamment, dans l’assiette des cotisations sociales, les sommes versées à une autre société constituée par son ancien président, puis lui a adressé, le 7 décembre 2015, une mise en demeure pour obtenir notamment le paiement des cotisations afférentes à l’affiliation au régime général des présidents des sociétés par actions simplifiées.

2. La société a saisi d’un recours une juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale.

Sur le moyen, pris en ses deux premières branches

Enoncé du moyen

3. La société fait grief à l’arrêt de rejeter son recours, alors :

« 1° / qu’en statuant sur la question de l’affiliation au régime général de la sécurité sociale du dirigeant de fait de la société sans l’avoir appelé en la cause, la cour d’appel n’a pas mis la Cour de cassation en mesure d’exercer son contrôle au regard de l’article 14 du code de procédure civile ;

2°/ qu’en statuant sur la question de l’affiliation au régime général de la sécurité sociale du dirigeant de fait de la société sans l’avoir appelé en la cause, la cour d’appel a derechef violé les articles L. 311-2 et L. 311-3 du code de la sécurité sociale pris en leur version applicable. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

4. L’URSSAF conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient qu’il est contraire à la thèse soutenue devant les juges du fond.

5. Cependant, le moyen, qui se borne à soutenir que les juges du fond ont omis d’appeler en la cause l’intéressé, ne contredit aucune thèse soutenue devant eux.

6. Le moyen est, dès lors, recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu les articles 14 du code de procédure civile, L. 311-2 et L. 311-3, 23°, du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige :

7. Il résulte du premier de ces textes que nul ne peut être jugé sans avoir été entendu ou appelé.

8. Selon le troisième, sont affiliés obligatoirement aux assurances sociales du régime général, prévues par le deuxième, notamment, les présidents et dirigeants des sociétés par actions simplifiées.

9. Pour valider le redressement litigieux, l’arrêt relève que l’assemblée générale de la société avait désigné comme présidente une société ayant pour unique actionnaire son ancien président et que la convention passée avec cette société avait eu pour effet de maintenir celui-ci dans les fonctions de direction de la société. Il retient que la somme fixée par l’assemblée générale de la société rémunérait le dirigeant de fait de cette société par actions simplifiées.

10. En statuant ainsi, sans qu’ait été appelée en la cause l’intéressé, alors qu’elle était saisie d’un litige portant sur sa qualité de dirigeant de la société cotisante et son affiliation aux assurances sociales du régime général, la cour d’appel a violé les textes susvisés.

Sur le moyen, pris en ses troisième et quatrième branches

Enoncé du moyen

11. La société fait le même grief à l’arrêt, alors :

« 3°/ que, selon l’article L. 243-7-2 du code de la sécurité sociale, dans sa version issue de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009, afin d’en restituer le véritable caractère, les URSSAF « sont en droit d’écarter, comme ne leur étant pas opposables, les actes constitutifs d’un abus de droit, soit que ces actes aient un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d’une application littérale des textes à l’encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n’aient pu être inspirés par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les contributions et cotisations sociales d’origine légale ou conventionnelle auxquelles le cotisant est tenu au titre de la législation sociale ou que le cotisant, s’il n’avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles » ; qu’en cas de redressement fondé sur l’abus de droit reproché au cotisant ; l’URSSAF doit appliquer la procédure afférente ; qu’elle doit notamment, à la demande du cotisant et en cas de désaccord sur les rectifications, soumettre la procédure à l’avis du comité des abus de droit ; qu’en l’espèce, tel qu’il ressort des propres constatations de l’arrêt, le chef de redressement n° 5 infligé à la société tient à la manoeuvre reprochée à la société ayant consisté, selon l’URSSAF, à procéder à un « montage juridique (….) vis[ant] à éluder les charges sociales dues au régime général. De fait, lorsque les parties tentent d’échapper à leur statut social par le biais d’un montage juridique en ayant recours à la forme sociétaire, les juges négligent la société pour requalifier la relation » ; que l’URSSAF a reproché à la société d’avoir conclu une convention avec son ancien dirigeant, « dont il résulte qu’elle fait double emploi avec l’exercice de ses fonctions de président » et que ce dernier « a continué d’exercer ses fonctions de président de la société à travers la SASU [4] et qu’il doit être assujetti au régime général de sécurité sociale » ; que ce motif de redressement tiré du reproche fait à la société d’avoir entendu « éluder les charges sociales dues au régime général » par le fait d’un « montage juridique » répond clairement à la définition de l’abus de droit tel que découlant de la loi ; qu’en écartant néanmoins l’application de la procédure d’abus de droit sur le fondement des motifs impropres selon lesquels « [il] ne peut être déduit de ces énonciations, nonobstant l’opinion des premiers juges, ni qu’un caractère fictif ait été attribué aux actes par lesquels la société a confié sa direction générale à la société [4] créée par son président, ni que ces actes aient été soupçonnés de n’avoir été inspirés par aucun autre motif que celui d’éluder ou d’atténuer les contributions et cotisations sociales », le contrat de prestation de services ne serait pas dépourvu d’une cause licite, il correspondrait à une réalité économique et enfin l’URSSAF n’avait pas appliqué la pénalité applicable en cas d’abus de droit, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses constatations desquelles il ressortait que le chef redressement était fondé sur la volonté, selon elle, de la société exposante « [d’]éluder les charges sociales dues au régime général » par le fait d’un « montage juridique », ce qui correspond juridiquement à la définition de l’abus de droit du cotisant, a violé les articles L. 243-7-2 et R. 243-60-1 du code de la sécurité sociale dans leur version applicable au litige ;

4°/ qu’il est retenu dans la lettre d’observations du 12 mai 2015, au titre du chef de redressement n° 5, que ce chef de redressement infligé à la société
tient à la manoeuvre reprochée à la société ayant consisté à procéder à un « montage juridique (….) visa[ant] à éluder les charges sociales dues au régime général. De fait, lorsque les parties tentent d’échapper à leur statut
social par le biais d’un montage juridique en ayant recours à la forme sociétaire, les juges négligent la société pour requalifier la relation », l’URSSAF reprochant à la société d’avoir conclu une convention avec son ancien dirigeant « dont il résulte qu’elle fait double emploi avec l’exercice de ses fonctions de président » et que « ce dernier a continué d’exercer ses fonctions de président de la société à travers la SASU [4] et qu’il doit être assujetti au régime général de sécurité sociale » ; que l’URSSAF a entendu en cela retenir, d’une part, que la société avait procédé à un montage juridique par le biais d’une société créée pour l’occasion et, d’autre part, que ce montage avait pour but d’éluder le paiement par la société de cotisations de sécurité sociale, ce qui correspond juridiquement à la définition de l’abus de droit au sens de l’article L. 243-7-2 du code de la sécurité sociale ; qu’en décidant au contraire que la lettre d’observations ne
reposait pas, en son chef de redressement n° 5, sur un abus de droit reproché à la société exposante et en écartant en conséquence l’application de la procédure en question, la cour d’appel a dénaturé les dispositions précitées de la lettre d’observations, ensemble le principe interdisant aux juges de dénaturer les pièces qu’il examine. »

 


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