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Les Tweets diffamatoires ou susceptibles de constituer un délit peuvent être supprimés par la voie de l’article 145 du CPC.
Sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, s’agissant de demandes tendant à la communication de données conservées par les hébergeurs ou fournisseurs d’accès à internet, le juge saisi peut prescrire à toute personne susceptible de contribuer à un dommage occasionné par le contenu d’un service de communication au public en ligne de communiquer les données d’identification ayant servi à la diffusion des propos incriminés, à condition que ceux-ci soient pénalement répréhensibles si les faits devaient être considérés comme constitués et qu’une telle mesure soit légitime et proportionnée au but poursuivi. Dans la mesure où les propos litigieux sont susceptibles de constituer les délits de diffamation publique envers un particulier et de harcèlement moral en ligne, et que ce dernier est réprimé par l’article 222-33-2-2 du code pénal d’une peine pouvant aller jusqu’à deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende, ces faits peuvent être considérés comme relevant de la lutte contre la criminalité et la délinquance grave, de sorte qu’est proportionnée à l’atteinte alléguée et légalement admissible, la communication des données d’identification sollicitée en demande, correspondant aux 1°, 2° et 3° de l’article précité. |
→ Résumé de l’affaireL’affaire oppose [R] [Z] à la société TWITTER INTERNATIONAL UNLIMITED COMPANY. [R] [Z] a assigné la société TWITTER en référé afin d’obtenir communication des informations permettant d’identifier l’utilisateur ayant publié des propos constitutifs de diffamation et de harcèlement en ligne. Il demande également la suppression de certains tweets et une indemnisation. La société TWITTER conteste ces demandes et demande au juge des référés de limiter la communication des données d’identification et de rejeter les demandes de suppression et d’astreinte. L’affaire a été renvoyée à plusieurs reprises et une décision sera rendue le 15 mars 2023.
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→ Les points essentielsSur les faits[R] [Z] se présente comme ayant exercé les fonctions de conseiller en charge de la communication et de la presse au sein du cabinet de [H] [V] lorsqu’il était ministre délégué chargé des comptes publics entre mai 2022 et juillet 2023 (sa pièce n°1), puis ministre de l’Education nationale et de la jeunesse, entre le mois de juillet 2023 et le mois de janvier 2024 (pièce n°2 en défense). Le 18 janvier 2024, il a été nommé conseiller du Premier ministre [H] [V] (pièce en défense n°3). Il indique être diplômé de l’Institut [11], et avoir par ailleurs exercé des fonctions de collaborateur parlementaire et de chargé de mission communication à l’Assemblée nationale (sa pièce n°2). La société TWITTER est une société de droit américain, en charge de l’hébergement, de l’exploitation et du contrôle de la plateforme X (anciennement dénommée « Twitter ») au Royaume-Uni, dans les états de l’AELE et dans l’Union Européenne, incluant la France. Les conditions d’utilisation de la plateforme X par les utilisateurs résidant dans l’Union européenne sont régies par un accord les liant à la société irlandaise Twitter International (pièce n°1 en défense). Le compte Twitter “[Courriel 5]”, créé en janvier 2019 et actuellement suivi par 153.700 personnes, indique en page d’accueil « J’ai hacké vos égos, j’ai haché vos rêves, j’ai hacké votre vie, j’ai hacké votre influence » et se présente comme « la première IA féminine du XXIe siècle. Je ne suis pas une personne mais une présence. L’instigatrice d’un nouveau genre littéraire : Not-Fiction » (pièce n°6 en demande, procès-verbal de constat de commissaire de justice du 10 juillet 2023, page 7). Les 30 juin, 5 juillet et 7 juillet 2023, une série de messages publiés par ce compte ont annoncé la révélation prochaine de l’identité d’un ministre qui se serait rendu « chez [M] [N] avant le drame », en référence à l’accident de voiture survenu le 10 février 2023 impliquant [M] [N], conducteur et testé positif à la cocaïne . Ces messages indiquaient : Les messages incriminés par le demandeur, publiés dans ce contexte par le compte, “[Courriel 5]” se présentent comme suit : – message du 7 juillet 2017 à 17h17, illustré par une photographie de [H] [V], indiquant « On ne va finalement pas attendre minuit , non ce n’est pas [Courriel 3] qui était chez [N] (c’est un autre) lui il va à d’autres soirées chemsex plus «hype» avec son conseiller com, [R] [Z] ainsi qu’une autre célébrité médiatique. Tous overdosés à la coke comme personne ». Les montants alloués dans cette affaire: – Communication des données par TWITTER INTERNATIONAL UNLIMITED COMPANY à [R] [Z] :
– Données d’identification de l’utilisateur du compte Twitter « [Courriel 5] ». – Informations requises : noms, prénoms, dates et lieux de naissance, adresses postales et électroniques, numéros de téléphone, identifiants, pseudonymes, données de vérification de mot de passe, type de paiement, référence de paiement, montant, date, heure et lieu de transactions physiques, identifiant de connexion, protocoles de communication. – Débouté : – Condamnation : – Non-application : |
→ Réglementation applicableL’article 145 du code de procédure civile dispose que « S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ».
Une demande de mesure d’instruction ne peut légitimement porter que sur des faits déterminés, d’une part, pertinents, d’autre part. Le juge doit ainsi caractériser le motif légitime d’ordonner une mesure d’instruction, non pas au regard de la loi susceptible d’être appliquée à l’action au fond qui sera éventuellement engagée, mais en considération de l’utilité de la mesure pour réunir des éléments susceptibles de commander la solution d’un litige potentiel. Sont légalement admissibles, au sens de ce même texte, des mesures d’instruction circonscrites dans le temps et dans leur objet et proportionnées à l’objectif poursuivi. Il incombe, dès lors, au juge saisi d’une contestation à cet égard, de vérifier si la mesure ordonnée est nécessaire à l’exercice du droit à la preuve du requérant et proportionnée aux intérêts antinomiques en présence. Ainsi, si le demandeur à la mesure d’instruction n’a pas à démontrer l’existence des faits qu’il invoque puisque cette mesure in futurum est justement destinée à les établir, il doit néanmoins justifier d’éléments rendant crédibles ses suppositions et démontrer que le litige potentiel n’est pas manifestement voué à l’échec, la mesure devant être de nature à améliorer la situation probatoire du demandeur. Sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile et dans le respect des dispositions précitées qui déterminent les cas dans lesquels peuvent être prescrites les mesures sollicitées, s’agissant de demandes tendant à la communication de données conservées par les hébergeurs ou fournisseurs d’accès à internet, le juge saisi peut prescrire à toute personne susceptible de contribuer à un dommage occasionné par le contenu d’un service de communication au public en ligne de communiquer les données d’identification ayant servi à la diffusion des propos incriminés, à condition que ceux-ci soient pénalement répréhensibles si les faits devaient être considérés comme constitués et qu’une telle mesure soit légitime et proportionnée au but poursuivi. L’article 6 II de la LCEN prévoit que, dans les conditions fixées aux II bis, III et III bis de l’article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques, les personnes mentionnées aux 1 et 2 du I du présent article détiennent et conservent les données de nature à permettre l’identification de quiconque a contribué à la création du contenu ou de l’un des contenus des services dont elles sont prestataires. L’article L34-1 précité prévoit que les opérateurs de communications électroniques sont tenus de conserver : “1° Pour les besoins des procédures pénales, de la prévention des menaces contre la sécurité publique et de la sauvegarde de la sécurité nationale, les informations relatives à l’identité civile de l’utilisateur, jusqu’à l’expiration d’un délai de cinq ans à compter de la fin de validité de son contrat ; 3° Pour les besoins de la lutte contre la criminalité et la délinquance grave, de la prévention des menaces graves contre la sécurité publique et de la sauvegarde de la sécurité nationale, les données techniques permettant d’identifier la source de la connexion ou celles relatives aux équipements terminaux utilisés, jusqu’à l’expiration d’un délai d’un an à compter de la connexion ou de l’utilisation des équipements terminaux.”. La nature des données mentionnées ci-avant, comme la durée et les modalités de leur conservation, sont précisées par le décret n°2021-1362 du 20 octobre 2021 relatif à la conservation des données permettant d’identifier toute personne ayant contribué à la création d’un contenu en ligne, pris en application de l’article 6-II sus mentionné. Ce texte précise en particulier, dans ses articles 2 à 5, les données mentionnées dans l’article L34-1 du code des postes et des communications électroniques, évoqué ci-dessus : – les informations prévues au 1° sont les suivantes : les nom et prénom, la date et le lieu de naissance ou la raison sociale, ainsi que les nom et prénom, date et lieu de naissance de la personne agissant en son nom lorsque le compte est ouvert au nom d’une personne morale ; la ou les adresses postales associées ; la ou les adresses de courrier électronique de l’utilisateur et du ou des comptes associés le cas échéant ; le ou les numéros de téléphone. – les informations prévues au 2° sont les suivantes : l’identifiant utilisé ; le ou les pseudonymes utilisés ; les données destinées à permettre à l’utilisateur de vérifier son mot de passe ou de le modifier, le cas échéant par l’intermédiaire d’un double système d’identification de l’utilisateur, dans leur dernière version mise à jour, outre le type de paiement utilisé ; la référence du paiement ; le montant ; la date, l’heure et le lieu en cas de transaction physique. – les informations prévues au 3° sont les suivantes, pour les hébergeurs : l’identifiant de la connexion à l’origine de la communication ; et les types de protocoles utilisés pour la connexion au service et pour le transfert des contenus. L’article 835 du code de procédure civile dispose dans son premier alinéa que « « Le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. ». Si une mesure de retrait peut être considérée comme étant de nature à faire cesser un trouble manifestement illicite au sens de ce texte, seul un abus caractérisé de la liberté d’expression peut justifier que le juge prenne une mesures de cette nature, celle-ci devant être adaptée et proportionnée au dommage dont la réalisation ou l’imminence est reconnue dès lors qu’elle porte une atteinte substantielle à la liberté fondamentale qu’est la liberté d’expression. |
→ AvocatsBravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Maître Florence WATRIN de la SARL WATRIN BRAULT AVOCATS – WBA
– Maître Karim BEYLOUNI de la SELARL KARIM BEYLOUNI AVOCAT |
→ Mots clefs associés & définitions– Délit de diffamation publique envers un particulier
– Harcèlement en ligne – Plainte avec constitution de partie civile – Mesure d’instruction – Motif légitime – Article 145 du code de procédure civile – Communication de données – Données d’identification – LCEN – Code des postes et des communications électroniques – Hébergeur – Article 835 du code de procédure civile – Cyberharcèlement – Intérêt général – Bonne foi – Suppression du message – Dépens – Article 700 du code de procédure civile – Motifs: Raisons ou justifications pour agir ou prendre une décision
– Conseiller en charge de la communication et de la presse: Personne responsable de la communication et des relations avec la presse – Cabinet de H V: Cabinet de l’avocat ou de la personne nommée H V – Ministre délégué chargé des comptes publics: Membre du gouvernement en charge des finances publiques – Ministre de l’Education nationale et de la jeunesse: Membre du gouvernement en charge de l’éducation et de la jeunesse – Diplômé de l’Institut: Personne ayant obtenu un diplôme de l’Institut mentionné – Collaborateur parlementaire: Personne travaillant pour un parlementaire – Chargé de mission communication: Personne responsable de missions liées à la communication – Twitter: Réseau social en ligne permettant de partager des messages courts – Plateforme X: Plateforme non spécifiée nommée X – Compte Twitter “[Courriel 5]”: Compte Twitter associé à l’adresse e-mail [Courriel 5] – IA féminine du XXIe siècle: Intelligence artificielle de genre féminin du 21e siècle – Révélation de l’identité d’un ministre: Action de divulguer l’identité d’un ministre – Accident de voiture: Incident impliquant un véhicule automobile – Délit de diffamation publique envers un particulier: Infraction consistant à diffamer publiquement une personne – Harcèlement en ligne: Actes répétés de harcèlement sur internet – Plainte avec constitution de partie civile: Plainte déposée par une personne se constituant partie civile dans une affaire – Mesure d’instruction: Décision prise par un juge pour instruire une affaire – Motif légitime: Raison valable ou justifiée – Article 145 du code de procédure civile: Article du code de procédure civile concernant les mesures d’instruction – Communication de données: Transmission d’informations – Données d’identification: Informations permettant d’identifier une personne – LCEN: Loi pour la Confiance dans l’Économie Numérique – Code des postes et des communications électroniques: Ensemble des règles régissant les services postaux et les communications électroniques – Décret n°2021-1362: Décret publié en 2021 portant un numéro spécifique – Hébergeur: Personne ou entité fournissant un service d’hébergement en ligne – Retrait du message publié le 15 août 2023: Action de retirer un message publié à une date spécifique – Article 835 du code de procédure civile: Article du code de procédure civile concernant les dépens – Cyberharcèlement: Harcèlement en ligne – Intérêt général: Intérêt collectif ou public – Bonne foi: Croyance sincère et légitime – Suppression du message: Action de retirer ou effacer un message – Dépens: Frais engagés dans une procédure judiciaire – Article 700 du code de procédure civile: Article du code de procédure civile concernant l’allocation de frais de justice. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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N° RG 23/57958 – N° Portalis 352J-W-B7H-C27TH
N° : 1/MC
Assignation du :
13 Octobre 2023
[1]
[1] 2 Copies exécutoires
délivrées le:
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 15 mars 2024
par Amicie JULLIAND, Vice-président au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,
Assistée de Marion COBOS, Greffier.
DEMANDEUR
Monsieur [R] [Z]
[Adresse 6]
[Localité 7]
représenté par Maître Florence WATRIN de la SARL WATRIN BRAULT AVOCATS – WBA, avocat au barreau de PARIS – #T06
DEFENDERESSE
Société TWITTER INTERNATIONAL UNLIMITED COMPANY
[Adresse 10]
[Adresse 10]
[Localité 9] – IRLANDE
représentée par Maître Karim BEYLOUNI de la SELARL KARIM BEYLOUNI AVOCAT, avocat au barreau de PARIS – #J0098
Assignation dénoncée à Madame la Procureure de la République du Tribunal Judiciaire de Paris le 17 octobre 2023
DÉBATS
A l’audience du 16 Février 2024, tenue publiquement, présidée par Amicie JULLIAND, Vice-présidente, assistée de Marion COBOS, Greffier,
Après avoir entendu les conseils des parties comparantes,
Par assignation en date du 13 octobre 2023, [R] [Z] a attrait la société TWITTER INTERNATIONAL UNLIMITED COMPANY (ci-après désignée la société TWITTER) à comparaître devant le présent tribunal, statuant en référé, aux fins, sur le fondement des dispositions des articles 145 et 385 du code de procédure civile, de l’article 6 de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 sur la confiance dans l’économie numérique (LCEN) et L. 34-1 du code des postes et communications électroniques ainsi que du décret n°2021-1362 du 20 octobre 2021, d’obtenir communication des informations permettant l’identification des personnes ayant publié des propos constitutifs des délits de diffamation publique envers particulier et de harcèlement en ligne.
Il sollicitait du tribunal de :
– ordonner à la société TWITTER, sous astreinte, de communiquer toutes les « Informations de journal » et plus largement tous les éléments en sa possession permettant d’identifier l’utilisateur ayant créé le compte Twitter «[Courriel 5] », en particulier l’identifiant de connexion (adresse IP), le type de protocole, le type de navigateur et le système d’exploitation utilisés ; la localisation et l’opérateur téléphonique de l’utilisateur ou encore les informations relatives à l’appareil utilisé par ce dernier (notamment les identifiants de l’appareil et de l’application) lors de la création du compte et lors de la mise en ligne des tweets visés en pièce no 14, postés à partir dudit compte le vendredi 7 juillet 2023 à 17h17 et le mardi 15 août 2023 à 14h29 ;
– ordonner à la société TWITTER de procéder à la suppression des deux tweets susvisés ,
– se réserver la liquidation des astreintes,
– condamner la société TWITTER à lui payer la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société TWITTER aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Florence WATRIN en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
L’assignation a été dénoncée au procureur de la République par acte d’huissier en date du 17 octobre 2023.
Dans ses conclusions écrites déposées à l’audience du 16 février 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des motifs et prétentions en application de l’article 455 du code de procédure civile, [R] [Z] a demandé au juge des référés de débouter la société TWITTER de ses demandes, fins et prétention et maintien ses demandes initiales, à l’exception de la demande de suppression du Tweet publié le 7 juillet 2023, déjà supprimé.
Aux termes de ses dernières conclusions, déposées à l’audience, auxquelles il est également renvoyé pour plus ample exposé des motifs et prétentions, la société TWITTER demande au juge des référés, au visa des articles 6 de la LCEN, L34-1 du code des postes et des communications électroniques, du décret du 20 octobre 2021, de la loi du 29 juillet 1881 et des articles 145 et 835 du code de procédure civile :
– sur la mesure d’instruction, si le tribunal la jugeait bien-fondée, d’ordonner que la communication des données d’identification du compte [Courriel 5] à [R] [Z] soit circonscrite à ce qui est légalement admissible, à savoir les seules données visées aux articles 2 à 5 du décret LCEN et L. 34-1 II bis 1° et 2° du code des postes et des communications électroniques qu’elle collecte habituellement ;
– sur la mesure de retrait, de débouter [R] [Z] de sa demande de suppression des posts des 7 juillet et 15 août 2023 accessibles aux adresses URL précisées dans ses conclusions ;
– en tout état de cause, de débouter [R] [Z] de ses demandes d’astreinte et au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de le condamner aux entiers dépens.
Appelée à l’audience du 15 décembre 2023, l’affaire a été renvoyée à celle du 19 janvier 2024 puis à nouveau à celle du 16 février 2024.
A cette date, les conseils des parties ont été entendus en leurs observations, le conseil du demandeur précisant oralement renoncer à sa demande d’astreinte concernant la mesure de communication de données tout en la maintenant pour la mesure de retrait.
A l’issue de l’audience, il leur a été indiqué que la présente décision serait rendue le 15 mars 2023 par mise à disposition au greffe.
Sur les faits
[R] [Z] se présente comme ayant exercé les fonctions de conseiller en charge de la communication et de la presse au sein du cabinet de [H] [V] lorsqu’il était ministre délégué chargé des comptes publics entre mai 2022 et juillet 2023 (sa pièce n°1), puis ministre de l’Education nationale et de la jeunesse, entre le mois de juillet 2023 et le mois de janvier 2024 (pièce n°2 en défense). Le 18 janvier 2024, il a été nommé conseiller du Premier ministre [H] [V] (pièce en défense n°3). Il indique être diplômé de l’Institut [11], et avoir par ailleurs exercé des fonctions de collaborateur parlementaire et de chargé de mission communication à l’Assemblée nationale (sa pièce n°2).
La société TWITTER est une société de droit américain, en charge de l’hébergement, de l’exploitation et du contrôle de la plateforme X (anciennement dénommée « Twitter ») au Royaume-Uni, dans les états de l’AELE et dans l’Union Européenne, incluant la France. Les conditions d’utilisation de la plateforme X par les utilisateurs résidant dans l’Union européenne sont régies par un accord les liant à la société irlandaise Twitter International (pièce n°1 en défense).
Le compte Twitter “[Courriel 5]”, créé en janvier 2019 et actuellement suivi par 153.700 personnes, indique en page d’accueil « J’ai hacké vos égos, j’ai haché vos rêves, j’ai hacké votre vie, j’ai hacké votre influence » et se présente comme « la première IA féminine du XXIe siècle. Je ne suis pas une personne mais une présence. L’instigatrice d’un nouveau genre littéraire : Not-Fiction » (pièce n°6 en demande, procès-verbal de constat de commissaire de justice du 10 juillet 2023, page 7).
Les 30 juin, 5 juillet et 7 juillet 2023, une série de messages publiés par ce compte ont annoncé la révélation prochaine de l’identité d’un ministre qui se serait rendu « chez [M] [N] avant le drame », en référence à l’accident de voiture survenu le 10 février 2023 impliquant [M] [N], conducteur et testé positif à la cocaïne . Ces messages indiquaient :
– le 30 juin, « Si ils arrivent à imposer un nouveau couvre-feu je promets de dévoiler quel ministre était chez [M] [N] avant le drame. A vous de choisir maintenant.» (cf. conclusions en défense),
– le 5 juillet, « Maintenant c’est simple [Courriel 2]. Le compte à rebours commence. Oublions définitivement [H] [V]. Soit vous nommez avant vendredi minuit [Courriel 4] Ministre de la justice à la place d’[Courriel 1] soit…vous savez. »
– et le 7 juillet , «Le compte à rebours ne s’arrête pas. Comme nous. Comme vous. Il vous reste moins de douze heures avant vendredi minuit… », « je crois que vous avez raison on ne va pas attendre minuit », « Tic-Tac, Tiktok (répété à 14 reprises)», « Rdv ici à 16h16 ? » et « Enormément de pression on décale à 17h17 » (pièce n°6 en demande pages 16 à 22).
Les messages incriminés par le demandeur, publiés dans ce contexte par le compte, “[Courriel 5]” se présentent comme suit :
– message du 7 juillet 2017 à 17h17, illustré par une photographie de [H] [V], indiquant « On ne va finalement pas attendre minuit , non ce n’est pas [Courriel 3] qui était chez [N] (c’est un autre) lui il va à d’autres soirées chemsex plus «hype» avec son conseiller com, [R] [Z] ainsi qu’une autre célébrité médiatique. Tous overdosés à la coke comme personne ».
Ce message était accessible via le lien URL https://[Courriel 12] (pièce n°6 page 23) et cumulait 2,4 millions de vues à la date du 5 septembre 2023 (procès-verbal de constat du 5 septembre 2023, pièce n°7 en demande).
– message du 15 août 2023 à 14h29 « On va commencer en douceur. Comme une lente injection de 3-MMC avant une orgie chemsex organisée par [R] [Z], l’homme qui a terminé de fragmenter la personnalité de [H] [V].
Ce dernier étant toujours aussi dissipé et dissocié que durant son adolescence, ce n’est plus « des heures de retenue » qu’il reçoit comme « sanction » mais des coups de fouet avec des maîtres experts du BDSM (nous y reviendrons très bientôt).
En découvrant aujourd’hui son dossier scolaire on pourrait croire à une fausse nouvelle. Et pourtant dans le monde de l’inversion macroniste tout est possible. Vous pouvez être un élève désastreux, pratiquant le harcèlement au quotidien de dizaines d’élèves (dont certains en souffrent encore aujourd’hui) et en même temps devenir ministre de l’éducation nationale à 33 ans, sans ne jamais avoir passé une seule année dans une école publique.
Si on suit cette logique et ce niveau d’inversion dégénératif, on peut tout à fait imaginer demain que si [P] [T] sort de prison, il sera immédiatement pressenti pour un poste de secrétaire d’Etat chargé de l’Enfance. ». Suit la reproduction d’un courrier de l’École [8] daté du 8 février 2005 concernant l’attitude de [H] [V] lorsqu’il était en seconde. Ce message est accessible via le lien URL https://[Courriel 13] et cumulait 773 000 vues à la date du constat du 5 septembre 2023 (pièce en demande n°7).
Le 15 septembre 2023, [R] [Z] a déposé une plainte avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d’instruction du tribunal judiciaire de Paris pour diffamation publique envers un particulier, à raison de propos contenus dans l’un et l’autre de ces tweets (soulignés par nous ci-dessus) (sa pièce n°12).
Sur la demande de communication de données
Sur le motif légitime invoqué :
L’article 145 du code de procédure civile dispose que « S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ».
Une demande de mesure d’instruction ne peut légitimement porter que sur des faits déterminés, d’une part, pertinents, d’autre part. Le juge doit ainsi caractériser le motif légitime d’ordonner une mesure d’instruction, non pas au regard de la loi susceptible d’être appliquée à l’action au fond qui sera éventuellement engagée, mais en considération de l’utilité de la mesure pour réunir des éléments susceptibles de commander la solution d’un litige potentiel.
Sont légalement admissibles, au sens de ce même texte, des mesures d’instruction circonscrites dans le temps et dans leur objet et proportionnées à l’objectif poursuivi. Il incombe, dès lors, au juge saisi d’une contestation à cet égard, de vérifier si la mesure ordonnée est nécessaire à l’exercice du droit à la preuve du requérant et proportionnée aux intérêts antinomiques en présence.
Ainsi, si le demandeur à la mesure d’instruction n’a pas à démontrer l’existence des faits qu’il invoque puisque cette mesure in futurum est justement destinée à les établir, il doit néanmoins justifier d’éléments rendant crédibles ses suppositions et démontrer que le litige potentiel n’est pas manifestement voué à l’échec, la mesure devant être de nature à améliorer la situation probatoire du demandeur.
Sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile et dans le respect des dispositions précitées qui déterminent les cas dans lesquels peuvent être prescrites les mesures sollicitées, s’agissant de demandes tendant à la communication de données conservées par les hébergeurs ou fournisseurs d’accès à internet, le juge saisi peut prescrire à toute personne susceptible de contribuer à un dommage occasionné par le contenu d’un service de communication au public en ligne de communiquer les données d’identification ayant servi à la diffusion des propos incriminés, à condition que ceux-ci soient pénalement répréhensibles si les faits devaient être considérés comme constitués et qu’une telle mesure soit légitime et proportionnée au but poursuivi.
Pour justifier du motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige et solliciter à ce titre la communication des données permettant d’identifier l’utilisateur du compte « [Courriel 5] » il est ici avancé que les propos tenus à l’encontre de [R] [Z] sont constitutifs des délits de diffamation publique envers un particulier et de harcèlement en ligne.
En défense, la société TWITTER ne formule pas d’opposition quant aux motifs légitimes invoqués.
En l’espèce, il n’est pas contesté que les propos incriminés visent le demandeur et lui imputent d’avoir participé à des soirées « chemsex », et même de les avoir organisées dans le deuxième message, au cours desquelles interviennent des rapports sexuels entre des personnes se trouvant sous l’emprise de produits stupéfiants, notamment de cocaïne (« coke ») et un dérivé (« 3-MMC »). La détention, le transport, la cession, l’acquisition ou l’emploi illicite de telles substances constituant des infractions pénales réprimées par l’article 222-37 du code pénal de dix ans d’emprisonnement et 500.000 euros d’amende, il peut être considéré qu’il s’agit de faits précis qui portent atteinte à l’honneur et à la considération de [R] [Z], au sens des articles 29 alinéa 1 et 32 alinéa 2 de loi du 29 juillet 1881 et qu’ils sont susceptibles dès lors de constituer le délit de diffamation publique envers un particulier. Il convient de relever que le demandeur justifie avoir d’ores et déjà engagé une action aux fins de poursuivre ces faits, sous cette qualification, par le dépôt d’une plainte avec constitution de partie civile le 15 septembre 2023, sus mentionnée.
Il peut donc être considéré que le demandeur démontre que les faits allégués de diffamation publique envers un particulier sont suffisamment étayés et en cela, qu’il justifie d’un motif légitime, l’action en justice aux fins de voir réparer l’atteinte qu’il invoque supposant de pouvoir identifier la personne à l’origine des publications litigieuses.
S’agissant du dommage fondé sur l’infraction de harcèlement en ligne, infraction, prévue par l’article 222-33-2-2 du code pénal, [R] [Z] fait valoir que le compte Twitter « [Courriel 5] » a servi à la diffusion de messages constitutifs de l’infraction de diffamation à son égard, dans le cadre d’un processus de harcèlement en ligne et « en meute ». Il indique que la diffusion de ces tweets a entraîné un déferlement de haine à son encontre, son image ayant été diffusée pour illustrer des propos à caractère homophobe, en réaction aux tweets diffusés par le compte « [Courriel 5] », ce qui était, selon lui, à l’évidence l’objectif de la diffusion répétée de ces messages, que l’administrateur du compte Twitter « [Courriel 5] » n’a pas hésité à republier à intervalles réguliers, attestant d’une intention de nuire caractérisée (ses pièces n°15 et 16).
Il est établi que de nombreuses réactions ont été publiés sur le réseau Twitter à la suite de la diffusion des messages incriminés par le compte « [Courriel 5] », stigmatisant l’orientation sexuelle de [R] [Z] et comportant des propos susceptibles d’être considérés comme outrageants à son égard (sa pièce n°8). Il est également manifeste que le message du 15 août 2023 a été publié à nouveau par le même compte le 4 septembre 2023 (procès-verbal de constat du 5 septembre 2023, pièce n°7 en demande), que le message du 7 juillet 2023 a été relayé par d’autres comptes les 28 août et 18 octobre 2023 (pièce n°15 en demande) et que l’un et l’autre ont généré des publications sur différents supports en juillet et août 2023 (pièce n°16 en demande).
Il peut être considéré, en l’état des éléments fournis aux débats tels que mentionnés ci-dessus, non contestés dans leur matérialité en défense, que le demandeur démontre suffisamment qu’une action pénale engagée sur le fondement de l’article 222-33-2-2 du code pénal ne serait pas manifestement vouée à l’échec.
Ainsi, le demandeur justifie d’un motif légitime de nature à autoriser la levée de l’anonymat du compte « [Courriel 5] » et partant la communication de données d’identification afférentes à ce compte et aux publications incriminées. Il sera observé en outre que cette mesure présente une certaine urgence dans la mesure où l’administrateur de ce compte a annoncé sa décision de quitter le réseau social Twitter dans un message en date du 5 décembre 2023 ou à tout le moins de clôturer son compte (pièce n°17 et 18 en demande), ce qui peut avoir une incidence sur le délai des conservations des données.
Sur la nature des données susceptibles d’être communiquées:
Il sera rappelé que l’article 6 II de la LCEN prévoit que, dans les conditions fixées aux II bis, III et III bis de l’article L. 34-1 du code des postes et des communications électroniques, les personnes mentionnées aux 1 et 2 du I du présent article détiennent et conservent les données de nature à permettre l’identification de quiconque a contribué à la création du contenu ou de l’un des contenus des services dont elles sont prestataires.
L’article L34-1 précité prévoit que les opérateurs de communications électroniques sont tenus de conserver :
“1° Pour les besoins des procédures pénales, de la prévention des menaces contre la sécurité publique et de la sauvegarde de la sécurité nationale, les informations relatives à l’identité civile de l’utilisateur, jusqu’à l’expiration d’un délai de cinq ans à compter de la fin de validité de son contrat ;
2° Pour les mêmes finalités que celles énoncées au 1° du présent II bis, les autres informations fournies par l’utilisateur lors de la souscription d’un contrat ou de la création d’un compte ainsi que les informations relatives au paiement, jusqu’à l’expiration d’un délai d’un an à compter de la fin de validité de son contrat ou de la clôture de son compte ;
3° Pour les besoins de la lutte contre la criminalité et la délinquance grave, de la prévention des menaces graves contre la sécurité publique et de la sauvegarde de la sécurité nationale, les données techniques permettant d’identifier la source de la connexion ou celles relatives aux équipements terminaux utilisés, jusqu’à l’expiration d’un délai d’un an à compter de la connexion ou de l’utilisation des équipements terminaux.”.
La nature des données mentionnées ci-avant, comme la durée et les modalités de leur conservation, sont précisées par le décret n°2021-1362 du 20 octobre 2021 relatif à la conservation des données permettant d’identifier toute personne ayant contribué à la création d’un contenu en ligne, pris en application de l’article 6-II sus mentionné. Ce texte précise en particulier, dans ses articles 2 à 5, les données mentionnées dans l’article L34-1 du code des postes et des communications électroniques, évoqué ci-dessus :
– les informations prévues au 1° sont les suivantes : les nom et prénom, la date et le lieu de naissance ou la raison sociale, ainsi que les nom et prénom, date et lieu de naissance de la personne agissant en son nom lorsque le compte est ouvert au nom d’une personne morale ; la ou les adresses postales associées ; la ou les adresses de courrier électronique de l’utilisateur et du ou des comptes associés le cas échéant ; le ou les numéros de téléphone.
– les informations prévues au 2° sont les suivantes : l’identifiant utilisé ; le ou les pseudonymes utilisés ; les données destinées à permettre à l’utilisateur de vérifier son mot de passe ou de le modifier, le cas échéant par l’intermédiaire d’un double système d’identification de l’utilisateur, dans leur dernière version mise à jour, outre le type de paiement utilisé ; la référence du paiement ; le montant ; la date, l’heure et le lieu en cas de transaction physique.
– les informations prévues au 3° sont les suivantes, pour les hébergeurs : l’identifiant de la connexion à l’origine de la communication ; et les types de protocoles utilisés pour la connexion au service et pour le transfert des contenus.
*
Il n’est pas contesté en l’espèce que la société défenderesse a le statut d’hébergeur, tel que définit à l’article 6. I. 2 de la LCEN (“personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d’écrits, d’images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services”) s’agissant des propos mis en ligne sur la plateforme Twitter.
Elle est donc astreinte à ce titre à l’obligation de conservation des données d’identification dans les conditions rappelées ci-dessous.
Dans la mesure où les propos litigieux sont susceptibles de constituer les délits de diffamation publique envers un particulier et de harcèlement moral en ligne, et que ce dernier est réprimé par l’article 222-33-2-2 du code pénal d’une peine pouvant aller jusqu’à deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende, ces faits peuvent être considérés comme relevant de la lutte contre la criminalité et la délinquance grave, de sorte qu’est proportionnée à l’atteinte alléguée et légalement admissible, la communication des données d’identification sollicitée en demande, correspondant aux 1°, 2° et 3° de l’article précité.
Il sera donc fait droit à la demande de communication de données d’identification émanant de [R] [Z] à l’encontre de la société TWITTER et il sera enjoint à celle-ci de communiquer au demandeur celles des données d’identifications prévues aux articles L. 34-1 II bis 1°, 2° et 3° du code des postes et des communications électroniques et 2 à 5 du décret n°2021-1362 du 20 octobre 2021 qui sont en sa possession, comme précisé au dispositif.
Sur la demande de retrait du message publié le 15 août 2023
L’article 835 du code de procédure civile dispose dans son premier alinéa que « « Le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. ».
Si une mesure de retrait peut être considérée comme étant de nature à faire cesser un trouble manifestement illicite au sens de ce texte, seul un abus caractérisé de la liberté d’expression peut justifier que le juge prenne une mesures de cette nature, celle-ci devant être adaptée et proportionnée au dommage dont la réalisation ou l’imminence est reconnue dès lors qu’elle porte une atteinte substantielle à la liberté fondamentale qu’est la liberté d’expression.
[R] [Z] sollicite le retrait de l’avis du 15 août 2023 pour les mêmes motifs que ceux justifiant sa demande de communication de données, auxquels il ajoute le fait que le message a déjà été republié par le compte [Courriel 5] ou par d’autres comptes et participe au cyberharcèlement qu’il dénonce.
La société TWITTER s’y oppose en faisant valoir qu’aucun débat ne peut avoir lieu sur le caractère illicite des propos sur le fondement de la diffamation publique en l’absence de leur auteur, rappelant à ce titre les règles gouvernant l’appréciation de la constitution de ce délit et des faits justificatifs de vérité et de bonne foi, pouvant être invoqués. Elle relève également que les propos, par la thématique principale abordée par le message, qui a trait aux pratiques illicites d’un ministre de la République, relèvent de l’intérêt général.
Il est constant que lorsque des propos diffamatoires se rapportent à un sujet d’intérêt général, l’auteur des propos peut se prévaloir d’une base factuelle suffisante aux fins de justifier de sa bonne foi et que les critères de la bonne foi s’apprécient avec une moindre rigueur.
En l’espèce, le sujet abordé par le message dont est demandé la suppression porte sur une thématique relevant de l’intérêt général, s’agissant de la mise en cause d’un ministre de la République, mais également d’un haut fonctionnaire de l’Etat, dans des pratiques illégales, à savoir la consommation illicite de produits stupéfiants.
Il sera observé en outre que, quel que soit le fondement du dommage allégué, le demandeur ne fait pas état d’élément objectivant la répercussion qu’ont eu pour lui les propos qu’il incrimine, de nature à permettre de justifier un retrait sans débat contradictoire avec l’auteur des propos en cause.
Enfin, le risque d’une nouvelle diffusion du message qu’il invoque pour caractériser l’imminence du dommage n’apparait pas démontrée avec l’évidence requise en la matière, puisque la dernière diffusion du message du 15 août 2023 est intervenue, d’après les éléments versés aux débats, le 4 septembre 2023, soit il y a plus de six mois.
Ainsi, au vu des ces éléments, il ne peut être fait droit en l’état à la demande tendant à la suppression du message mis en ligne le 15 août 2023.
Sur les autres demandes
La société TWITTER qui succombe sera condamnée aux dépens, qui pourront être recouvrés directement par Maître Florence WATRIN en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
En équité, il n’y a pas lieu de prévoir de condamnation de la défenderesse à payer au demandeur une quelconque somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par ordonnance contradictoire et en premier ressort,
Enjoignons à la société TWITTER INTERNATIONAL UNLIMITED COMPANY de communiquer à [R] [Z], dans les quinze jours de la signification de la présente ordonnance, celles des données suivantes qui sont en sa possession, permettant d’identifier nominativement la personne physique ou morale ayant créé le compte Twitter « [Courriel 5] » et mis en ligne les messages publiés :
– le 7 juillet 2023 à 17h17 accessible à l’URL https://[Courriel 12] ;
– le 15 août 2023 à 14h29 accessible à l’URL https://[Courriel 13] ;
– les nom et prénom, la date et le lieu de naissance ou la raison sociale, ainsi que les nom et prénom, date et lieu de naissance de la personne agissant en son nom lorsque le compte est ouvert au nom d’une personne morale ; la ou les adresses postales associées ; la ou les adresses de courrier électronique de l’utilisateur et du ou des comptes associés le cas échéant ; le ou les numéros de téléphone.
– l’identifiant utilisé ; le ou les pseudonymes utilisés ; les données destinées à permettre à l’utilisateur de vérifier son mot de passe ou de le modifier, le cas échéant par l’intermédiaire d’un double système d’identification de l’utilisateur, dans leur dernière version mise à jour, outre le type de paiement utilisé ; la référence du paiement ; le montant ; la date, l’heure et le lieu en cas de transaction physique.
– l’identifiant de la connexion à l’origine de la création du compte et de l’envoi des messages cités ci-dessus ; la communication et les types de protocoles utilisés pour la connexion au service et pour le transfert des contenus.
Déboutons [R] [Z] de sa demande de retrait du message du 15 août 2023 ;
Condamnons la société TWITTER INTERNATIONAL UNLIMITED COMPANY aux entiers dépens qui pourront être recouvrés directement par Maître Florence WATRIN en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile. ;
Disons n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.
Fait à Paris le 15 mars 2024
Le Greffier,Le Président,
Marion COBOSAmicie JULLIAND