Diffamation : décision du 22 janvier 2019 Cour de cassation Pourvoi n° 18-82.612

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Diffamation : décision du 22 janvier 2019 Cour de cassation Pourvoi n° 18-82.612
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N° T 18-82.612 FS-D

N° 3604

VD1
22 JANVIER 2019

CASSATION

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :


Mme Myriam X…, épouse Y…, en sa qualité de représentante légale de sa fille mineure Y…, partie civile,

contre l’arrêt n° 5 de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de PARIS, 4e section, en date du 28 mars 2018, qui, dans l’information suivie sur sa plainte du chef de diffamation publique envers un particulier, a confirmé l’ordonnance du juge d’instruction déclarant sa constitution de partie civile irrecevable ;

La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 11 décembre 2018 où étaient présents : M. Soulard, président, M. Parlos, conseiller rapporteur, M. Straehli, Mme Durin-Karsenty, MM. Ricard, Bonnal, Mme Ménotti, M. Maziau, conseillers de la chambre, M. Barbier, Mme de-Lamarzelle, conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Quintard ;

Greffier de chambre : Mme Darcheux ;

Sur le rapport de M. le conseiller PARLOS, les observations de Me LE PRADO, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l’avocat général QUINTARD ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 79, 85 et 86 du code de procédure pénale, 29 de la loi du 29 juillet 1881 et R. 621-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;

“en ce que l’arrêt attaqué a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de B… Y… ;

“aux motifs propres que «le magistrat instructeur a déclaré ladite plainte irrecevable au motif qu’il résulte des dispositions de l’article 85 du code de procédure pénale que le droit pour la partie lésée de provoquer l’ouverture d’une information ne s’étend pas aux contraventions, et qu’en l’espèce, « le fait que les propos litigieux aient été adressés par courriel aux parties civiles ainsi qu’à deux inspectrices de la circonscription du […] de paris ne saurait être assimilé à une publicité, une simple diffusion ne devant pas être confondue avec une communication au public ; qu’il apparaît que le courrier postal n’a été adressé qu’aux parties civiles, tandis que le courriel a effectivement été adressé en copie à « […] » et à Arlette Z… ayant une adresse électornique à l’académie de Paris ; que cependant ces deux correspondants, appartenant visiblement à l’académie et à l’inspection de l’éducation nationale, sont indiscutablement liés à l’expéditeur par une communauté d’intérêts, de sorte que la publicité des propos, au sens de l’article 23 de la loi du 29 juillet 1881, n’est pas caractérisée ; que c’est donc à bon droit que le juge d’instruction, relevant que les propos ne pouvaient, le cas échéant, recevoir qu’une qualification contraventionnelle, a déclaré irrecevable la plainte avec constitution de partie civile par une ordonnance qui sera confirmée ;

“et aux motifs éventuellement adoptés que « le fait que les propos litigieux aient été adressés par courriel aux parties civiles et à deux inspectrices de la circonscription du […]arrondissement de Paris, ne saurait être assimilé à une publicité, une simple diffusion ne devant pas être confondue avec une communication au public ; que les propos litigieux ont été adressés par courrier aux seules parties civiles ; qu’en conséquence, en l’absence de publicité, seule l’infraction de diffamation non publique envers un particulier pourrait être retenue ; que, s’agissant d’une contravention de 1re classe, M. Cédric Y… et Mme Myriam Y… ne sont pas recevables à porter plainte avec constitution de partie civile devant un juge d’instruction ; que dès lors, il ne peut être donné aucune suite à leur plainte ;

“1°) alors que le juge d’instruction, saisi par une plainte avec constitution de partie civile de faits dénoncés comme constituant un délit, ne peut, par son seul examen abstrait et sans instruction préalable, se prononcer sur le caractère délictuel ou contraventionnel desdits faits pour décider qu’ils revêtent une qualification contraventionnelle et en déduire l’irrecevabilité de cette plainte ; qu’en l’espèce, la chambre de l’instruction a retenu, sans instruction préalable et par une simple lecture abstraite de la plainte avec constitution de partie civile et des pièces qui y étaient jointes, que le courriel contenant le compte-rendu du conseil des maîtres en cause n’avait été adressé qu’à des personnes appartenant à un groupement lié à l’expéditeur par une communauté d’intérêts, de sorte que sa diffusion n’était pas publique ; qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, la liste effective des destinataires de ce compte-rendu et s’il avait été adressé à d’autres personnes, la chambre de l’instruction, dont la décision d’irrecevabilité équivaut à un refus d’informer, a méconnu les dispositions susvisées ;

“2°) alors que ne constitue pas un groupement de personnes liées par une communauté d’intérêts les membres d’un établissement d’enseignement privé sous contrat et les membres de l’académie et de l’inspection de l’éducation nationale ; qu’en retenant, pour qualifier de non publique la diffusion du compte-rendu du conseil des maîtres diffamatoire en cause par l’établissement d’enseignement privé sous contrat « Lucien A… », qu’il avait été adressé à des personnes liées à lui par une communauté d’intérêts dès lors que les destinataires appartenaient à l’académie et à l’inspection d’éducation nationale, la chambre de l’instruction a méconnu les dispositions susvisées ;

“3°) alors que les sanctions prises par les organes disciplinaires des établissements privés d’enseignement placés sous contrat ne sont pas soumises au contrôle de l’autorité académique ; que dès lors, n’est pas partagé dans un groupe de personnes liées par une communauté d’intérêt le rapport disciplinaire d’un conseil des maîtres d’un établissement primaire privé sous contrat adressé à l’inspection de l’éducation nationale ; qu’en jugeant le contraire, la chambre de l’instruction a méconnu les dispositions susvisées ;

“4°) alors qu’en statuant ainsi, sans mieux s’expliquer sur la liste précise des membres de l’académie et de l’inspection de l’éducation nationale à qui le rapport du conseil des maîtres en cause avait été adressé, dont certains pouvaient n’avoir aucun intérêt à connaître des allégations diffamatoires qu’il contenait à l’endroit de B… Y…, la chambre de l’instruction n’a pas justifié sa décision au regard des dispositions susvisées ;

Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches ;

Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, le 17 mars 2017, la directrice de l’école privée Lucien A… , sous contrat d’association avec l’Etat, a envoyé, par courriel aux adresses électroniques de M. Y…, d’une inspectrice d’académie et de la boîte de réception structurelle […], et par lettre recommandée à l’adresse postale de M. et Mme Y…, le compte-rendu du conseil des maîtres au sujet du comportement de leur fille mineure, B…, alors âgée de sept ans et scolarisée dans l’établissement, concluant à une prise en charge de l’enfant en dehors de cette école et comportant les passages qui suivent, relatifs, d’une part, à l’enfant : “Pendant la récréation, elle embrasse de force les garçons, les lèche, monte sur eux à califourchon, touche leurs parties intimes. Il faut en permanence gérer des situations très critiques” (…) “La maîtresse n’a aucune possibilité de savoir où elle se trouve sachant que B… a été retrouvée (souvent grâce aux caméras de surveillance et à la vigilance des membres des équipes de sécurité, des équipes pédagogiques et des équipes technique) dans des lieux interdits d’accès aux élèves : (..) – dans des classes de collège situées au 4ème étage pendant un cours de musique, pendant une évaluation de mathématiques en 3ème où elle a empêché les élèves de travailler en disant qu’elle était capable de sauter du 4ème étage, – au secrétariat où elle a rampé au milieu des câbles, où elle a presque démoli le photocopieur, où elle est montée sur les meubles pour tenter d’ouvrir la fenêtre en disant qu’elle voulait sauter (2ème étage)”, d’autre part, aux parents, dans le courriel : “Négligence des parents pour défaut de soins”, “En la mettant à l’école, les parents de B… la mettent en danger”, “Les parents sont responsables de la situation de leur enfant’, “Les parents sont responsables de ne pas avoir pris en charge leur enfant. Il faut la faire soigner en urgence”, et dans le courrier recommandé : “En la mettant à l’école, les parents de B… la mettent en danger”, “Les parents sont responsables de la situation de leur enfant”, “Les parents sont responsables de ne pas avoir pris en charge leur enfant. Il faut la faire soigner en urgence” ; qu’estimant que leur fille était atteinte dans son honneur et sa considération, M. et Mme Y…, ont, au nom de leur enfant mineure, le 1er juin 2017, porté plainte et se sont constitués parties civiles ; que, par ordonnance en date du 9 novembre 2017, le juge d’instruction, constatant que les textes litigieux n’avaient pas été rendus publics et que seule une contravention de diffamation non publique pouvait être retenue, a déclaré la plainte irrecevable ; que la partie civile a relevé appel de cette décision ;

Attendu que, pour confirmer l’ordonnance du premier juge, l’arrêt énonce que ces deux correspondants, appartenant à l’académie et à l’inspection de l’Education nationale, sont indiscutablement liés à l’expéditeur par une communauté d’intérêts, de sorte que la publicité des propos, au sens de l’article 23 de la loi du 29 juillet 1881, n’est pas caractérisée ;

Attendu qu’en l’état de ces énonciations, et dès lors qu’entre le chef d’un établissement scolaire sous contrat d’association, responsable, au titre de la vie scolaire, de l’ordre dans l’établissement, de l’application du règlement intérieur et de la mise en oeuvre de la procédure et du prononcé des sanctions disciplinaires, et les membres de l’inspection académique il existe un groupement de personnes liées par une communauté d’intérêts, l’Etat devant veiller, quelles que soient les modalités de scolarisation, à la mise en oeuvre d’une procédure disciplinaire garantissant les droits des élèves, notamment le principe du contradictoire et les droits de la défense, ainsi qu’à la protection de l’enfance, la chambre de l’instruction a justifié sa décision ;

D’où il suit que les griefs doivent être écartés ;

 


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