Diffamation : décision du 20 décembre 2018 Cour d’appel de Paris RG n° 17/05313

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Diffamation : décision du 20 décembre 2018 Cour d’appel de Paris RG n° 17/05313
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 7

ARRÊT DU 20 Décembre 2018

(n° , pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : S N° RG 17/05313 – N° Portalis 35L7-V-B7B-B3CB4

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 Mai 2016 par le Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS RG n° 13/15361

APPELANTE

Madame Agnès X…

[…]

représentée par Me Elise Y…, avocat au barreau de PARIS, toque : R045

substituée par Me Vincent Z…, avocat au barreau de PARIS, toque : R045

INFIMES

Me C… Yohann (SELARL C…) – Mandataire liquidateur de la Société FINSYS

[…]

représenté par Me Karine A…, avocat au barreau de PARIS, toque : P0527

SAS IT&M Consulting (anciennement PS INGENIERIE)

[…]

N° SIRET : 794 782 144

représentée par Me Stéphanie N… , avocat au barreau de PARIS

PARTIEINTERVENANTE :

AGS CGEA IDF OUEST

[…]

représenté par Me Hélène O…, avocat au barreau de PARIS, toque : E0696

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 Octobre 2018, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de chambre,

Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Conseiller

Madame Bérengère DOLBEAU, Conseiller

Greffier : Mme Anna TCHADJA-ADJE, lors des débats

ARRET :

– CONTRADICTOIRE

– mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par, Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE Présidente de chambre et par Madame Anna TCHADJA-ADJE, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Mme X… a été embauchée suivant contrat à durée indéterminée à compter du 1er février 2005 en qualité de chargée de recrutement et de relations commerciales position 3.1 coefficient hiérarchique 170 de la convention collective Syntec par la société Financial System (ci-après Finsys), société dont l’activité est le conseil en organisation et commercialisation des systèmes d’information et conseil en management.

Sa rémunération était fixée à 3584€, outre une part variable, en contrepartie d’un horaire de travail suivant une convention de forfait de 216 jours par an;

Par avenant du 25 novembre 2005, lui a été accordée une prime brute de 3 % du chiffre d’affaires hors taxe pour tout d’apport d’affaire hors appel d’offres avec un nouveau client ou un client existant.

Par avenant du 1er juillet 2006, Mme X… a été promue responsable de recrutement et des relations commerciales, position 3.2 coefficient 210, son salaire a été porté à 3762,50€ . Sa rémunération a été ensuite régulièrement augmentée en 2010 et 2011 pour atteindre à cette date 63000€ annuels.

Lors de la réunion des délégués du personnel du 3 avril 2013, la société comptant alors 17 salariés a fait état de difficultés économiques nécessitant une réorganisation. Elle a également énoncé le constat que les attributions de Mme X… n’étaient plus adaptées à la situation de l’entreprise et qu’il avait été décidé de modifier ses fonctions afin qu’elles soient principalement axées sur le recrutement des collaborateurs salariés et le suivi des missions, devenant Chargée d’Affaires, poste qui a été proposé à Mme X… pour courrier du 15 avril 2013, l’employeur se prévalant des dispositions de l’article L 1222-6 du code du travail. Sa rémunération fixe était maintenue et la clause d’apport d’affaires révisée.

Mme X… a refusé cette modification le 10 mai suivant. La société lui a indiqué, le 7 juin 2013, qu’elle la maintenait à son poste, précisant que sa rémunération serait calculée conformément à l’avenant n°6 concernant la part fixe et l’avenant n° 2 pour la commission d’apport d’affaires.

Par courrier du 2 septembre 2013, Mme X… a demandé à la société de régulariser ses commissions pour un montant de 6405,13€ .

Le 31 octobre 2013, la société Finsys a cédé ses activités métiers d’assistance MOA et opérationnelle en Banque/Finance à la société PS Ingenierie devenue IT&Consulting , avec effet du 1er octobre précédent, ce qui a entraîné le transfert du contrat de travail de Mme X….

Entre temps le 21 octobre 2013, Mme X… a saisi le conseil de prud’hommes de Paris d’une demande de résiliation judiciaire du contrat aux torts de la société Finsys, de rappel de commissions , de divers indemnités et dommages et intérêts, la rupture du contrat devant produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le 29 octobre 2013, son nouvel employeur au motif que l’intitulé de ses fonctions, ‘ Responsable des ressources humaines et Directrice commerciale’ ne correspondait pas à la réalité de ses prérogatives, puisque cet intitulé concernait le suivi de l’ensemble des salariés de la société PS Ingenierie et de celles du groupe IT&M, a proposé à Mme X… un avenant à son contrat de travail désignant son emploi comme ‘ Directrice d’agence’ sans modification de sa rémunération, modification refusée le 7 novembre suivant par la salariée.

Ultérieurement la société a notifié à Mme X… ses horaires de travail compte tenu de la remise en cause jurisprudentielle des conventions en forfait jours prévus par la convention Syntec et lui a attribué le développement de nouveaux secteurs d’activité, ceux dont elle avait la charge étant transférés à d’autres salariés.

Le 13 janvier 2014, Mme X… a fait l’objet d’un avertissement pour avoir pris une demi journée de congés sans accord préalable de son employeur.

Le 24 mai suivant, Mme X… a pris acte de la rupture de son contrat aux torts exclusifs de la société PS Ingenierie à raison d’une modification unilatérale de son contrat de travail, des pressions , tentatives de déstabilisation et du harcèlement moral subi ayant dégradé son état de santé.

Par jugement du 21 janvier 2015, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de la société Finsys et désigné en qualité de liquidateur Maître C…, appelé à la procédure devant le conseil de prud’hommes, de même que l’AGS.

Par jugement du 10 mai 2016, le conseil de prud’hommes a débouté Mme X… de l’intégralité de ses demandes, les autres parties de leurs demande de frais irrépétibles et laissé les dépens à la charge de Mme X….

Celle-ci a interjeté appel par déclaration du 8 juin 2016 du jugement notifié le 26 mais précédent à l’encontre du liquidateur es qualités , de la société IT&M Consulting et de l’AGS.

Aux termes de ses écritures développées oralement à l’audience, Mme X… demande à la cour de :

-Dire que les sociétés Finsys et IT&M Consulting ont modifié unilatéralement son mode de commissionnement de Madame X… sans obtenir son accord ;

-Dire et juger que la société IT & M Consulting a modifié unilatéralement sa durée de travail, ses attributions, sans obtenir son accord ;

– Constater qu’elle a été victime d’actes constitutifs de harcèlement moral.

– Requalifier la prise d’acte de la rupture du contrat de travail du 26 mai 2014 en licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– Annuler l’avertissement en date du 13 janvier 2014 ;

– Condamner solidairement Monsieur C…, Liquidateur Amiable de la société Finsys, en ordonnant l’inscription au passif de la liquidation de la somme correspondante, et la société IT & M Consulting à lui rembourser la somme de 6 893,65 € au titre des primes qu’elle aurait dû percevoir entre les mois de juin et septembre 2013 ainsi que la somme de 689,36 euros au titre des congés payés y afférents ;

-Condamner la société IT & M Consulting à lui rembourser la somme de 21 877,33 € au titre des primes qu’elle aurait dû percevoir depuis le mois de septembre 2013 ainsi que la somme de 2 187,73 € au titre des congés payés y afférents ;

– Condamner solidairement Monsieur C…, Liquidateur Amiable de la société Finsys, en ordonnant l’inscription au passif de la liquidation la somme et la société IT & M Consulting à lui verser les sommes suivantes :

* 35.980,95 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 3.598,09 € à titre de congés payés y afférents ;

* 36.980,39€ € à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement ;

*143.924 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

*71.962 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral ;

*71.962 € à titre de dommages et intérêts pour violation de l’obligation de

sécurité de résultat ;

*4000€ d’indemnité de frais irrépétibles,

– Débouter la société IT & M Consulting de sa demande au titre du préavis ;

– Condamner la société IT & M Consulting à lui remettre, sous astreinte de 50 euros par document et par jour de retard à compter de la notification de l’arrêt à intervenir, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi rectifiés.

-Assortir les condamnations des intérêts au taux légal et prononcer la capitalisation des intérêts;

-Déclarer l’arrêt est opposable à l’AGS-CGEA à l’exception de la condamnation fondée sur l’article 700 du Code de procédure civile.

Mme X… observe que du fait de sa prise d’acte, il n’y a plus lieu de statuer sur la demande de résiliation judiciaire, la cour devant néanmoins examiner les griefs invoqués au soutien de cette demande initiale.

Elle soutient que son contrat a été modifié sans son accord en ce qui concerne sa rémunération par la société Finsys avant le transfert de son contrat, puisque jusqu’en juin 2013, son commissionnement était appliqué sur l’ensemble des affaires apportées qu’elles soient issues ou non d’un appel d’offre et qu’à compter de juin, les contrats issus d’appels d’offre ont été exclus du calcul des commissions. Elle fait valoir que la société ne pouvait passer outre l’usage qu’elle avait elle-même instauré et n’a pas régulièrement dénoncé, de sorte qu’il doit être pris en compte même si elle était la seule salariée de sa catégorie d’emploi.

Elle fait observer que la société IT&M Consulting a adopté ce même calcul de commissionnement, alors que les usages adoptés par l’employeur cédant sont transférés au nouvel employeur et estime que l’absence de paiement des commissions qui représente une part significative de sa rémunération par les deux sociétés constitue un manquement qui justifie la prise d’acte.

L’appelante considère qu’il en est de même de la modification imposée de sa durée contractuelle de travail par la société IT&M, que ne peut permettre l’annulation en 2013 par la jurisprudence de la convention de forfait telle que prévue par la convention collective Syntec, ce d’autant que la nouvelle durée était de 38h30 avec des jours de RTT et non un retour à la stricte durée légale du travail.

Elle ajoute que ses fonctions ne pouvaient être modifiées notamment dans leur dimension RH sans son accord sous prétexte d’ajuster l’intitulé de son poste, par rapport à ceux du groupe ; que face à son refus et sa réaction, la société a pris la décision particulièrement humiliante de lui retirer le portefeuille de clientèle (banque et finances) qu’elle avait développé chez le précédent employeur depuis 9 ans. Elle ajoute que les atteintes à son contrat, les humiliations publiques qu’elle a subies tant de la part de son ancien employeur que de la part de la société cessionnaire, comme le dénigrement auquel elle a dû faire face, l’agressivité de la RRH, et l’avertissement injustifié constituent des agissements de harcèlement moral, qui ont contribué à sa déstabilisation et à la dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé.

Elle en déduit que les deux employeurs successifs ont manqué gravement à leurs obligations et qu’elle était fondée à mettre fin au contrat, prise d’acte qui doit produire les effets d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et entraîner le paiement des indemnités conventionnelles de préavis et de licenciement comme l’indemnisation de ses préjudices en ce compris celui occasionnée par le harcèlement moral et le manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, puisqu’elle n’a pas bénéficié d’une visite médicale de reprise lors de son retour d’arrêt maladie le 24 mars 2014.

Aux termes de ses conclusions développées oralement à l’audience, Maître C… en qualité de liquidateur de la société Finsys demande à la cour de :

-Confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

-Débouter la salariée de ses demandes,

-Condamner Mme X… à lui verser la somme de 2000€ en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

Il relève en premier lieu que la société Finsys ne peut être tenue pour responsable de manquements commis par le cessionnaire à l’égard de la salariée et conteste le harcèlement moral qui lui est imputé, tenant en des humiliations publiques. Il fait observer que sur ce point l’attestation de M D… n’est pas fiable, puisqu’en sa qualité de consultant il travaillait à l’extérieur de la société chez des clients, qu’il peut seulement faire état de mouvement de colère de gérant lors de réunions auxquelles la salariée n’assistait pas. Sans méconnaître la réalité de tensions dans la société lors de la mise en oeuvre du plan de restructuration, il soutient qu’elles ne peuvent constituer des actes de harcèlement.

Il conteste toute modification de la rémunération de Mme X… depuis 2005 et relève que l’avenant prévoyait une prime brute de 3% sur les seuls apports d’affaires hors appels d’offres clients, qui étaient gérés par le responsable de la société et explique la réduction de son commissionnement par la baisse du chiffre d’affaires et le fait qu’elle ait pu percevoir des commissions sur six dossiers d’appels d’offre par un défaut de vigilance qui ne peut être analysé comme la mise en place d’un usage.

Il ajoute que les difficultés économiques de la société étaient réelles et justifiaient la modification du contrat proposée, le poste de RRH étant inadapté à un effectif réduit suite à plusieurs départs, que le refus de Mme X… a conduit à la poursuite du contrat tel qu’initialement négocié. Il soutient que l’ensemble des commissions dues à la salariée lui ont été réglées, ce jusqu’à la cession. Le liquidateur fait observer que Mme X… n’a jamais invoqué une détérioration de son état de santé n’ayant jamais été en arrêt de travail avant son transfert et conteste la violation de l’obligation de sécurité faute de préjudice démontré.

Aux termes de ses écritures développées oralement à l’audience, l’AGS demande à la cour de:

– confirmer le jugement,

– débouter Mme X… de ses demandes.

Faisant siennes les conclusions du mandataire judiciaire sur la résiliation judiciaire et les manquements imputés à la société Finsys, l’AGS relève qu’une condamnation solidaire de la liquidation judiciaire et de la société IT&M Consulting n’est pas possible, la solidarité ne se présumant pas et résultant soit de la loi soit du contrat, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

Elle ajoute qu’une condamnation in solidum n’est pas non plus possible, puisqu’elle suppose une pluralité de responsables et différents faits générateurs ayant concouru à la réalisation de l’entier dommage , ce qui n’est pas le cas en l’espèce, puisque le seul reproche adressé à la société est la réduction unilatérale du commissionnement de Mme X…, qui n’est pas établie.

Elle rappelle ses plafonds et limites de garanties et que la procédure collective a interrompu les intérêts légaux.

Aux termes de ses écritures développées à l’audience, la société IT&MConsulting demande à la cour de :

-confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

-débouter Mme X… de l’ensemble de ses demandes,

-condamner à titre reconventionnel Mme X… au paiement d’une indemnité de brusque rupture de 28788€,

-à titre subsidiaire, réduire le montant des demandes,

-condamner Mme X… à lui verser la somme de 4000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

La société rappelle que le contrat de travail incluait dans la rémunération un commissionnement de 3% sur les apports d’affaire hors appels d’offre client reçus par Finsys et une prime de 0,5% du CA HT réalisé par son équipe commerciale et estime que Mme X… ne peut invoquer un usage consistant à appliquer le commissionnement de 3% sur l’ensemble des apports d’affaire, faute de rapporter la preuve de son caractère général, qui ne peut s’appliquer à un cas isolé. Elle ajoute qu’une simple tolérance voire une erreur ne peuvent fonder un usage et qu’en tout état de cause, la modification de la rémunération doit être conséquente pour justifier une prise d’acte, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Elle en déduit que la salariée a été remplie de ses droits par les deux sociétés successives et que si un usage a existé dans la société Finsys, il a été dénoncé avant le transfert, de sorte qu’elle n’était pas tenue de l’appliquer.

En ce qui concerne les autres modifications du contrat évoquées par l’appelante, la société soutient que la modification de la durée du travail a été sollicitée en raison de l’annulation par la jurisprudence des dispositions de la convention collective Syntec relatives aux conventions de forfait jour, que suite au refus de la salariée, la modification n’a pas été mise en place, Mme X… ne fournissant aucune pièce relative à son horaire . Elle conteste que le changement de l’intitulé de ses fonctions qui avait pour but une harmonisation avec l’organisation du service RH du groupe et du service commercial puisse constituer une modification du contrat, puisque les fonctions réellement exercées par la salariée n’étaient pas changées, ni sa rémunération. De la même façon elle fait observer que Mme X… ne bénéficiait d’aucune contractualisation des secteurs développés et qu’elle pouvait les modifier, sans que cette décision ne manifeste une humiliation ou un dénigrement. Elle conteste le harcèlement moral allégué et relève que l’avertissement pour absence non autorisé est justifié et ne procède pas de ce comportement, comme la violation de son obligation de sécurité du fait de l’absence de visite médicale dans le délai de 8 jours de la reprise, qui du fait des congés prises par la salariée devait s’effectuer au plus tard le 3 avril 2014, date à laquelle elle a à nouveau été placée en arrêt maladie.

Elle objecte en ce qui concerne les demandes que le montant du salaire mensuel est de 9596€ et non de 11993€ et que Mme X… ne produit aucun élément sur l’évolution de sa situation professionnelle.

Considérant que la prise d’acte produit les effets d’une démission que la salariée a quitté brusquement la société, sans exécuter son préavis, elle doit lui verser une indemnité compensatrice à ce titre.

Par arrêt avant dire droit du 13 septembre 2018, la cour a ordonné la réouverture des débats afin de recueillir les observations des parties, sur le point sa savoir sur le paiement pendant 8 ans de commission calculées en appliquant un taux de 3% sur l’ensemble des affaires apportées qu’elles résultent ou non d’appel d’offre, caractérise un engagement unilatéral de la société d’appliquer le taux de commission sur l’ensemble des commissions.

A l’audience du 17 octobre 2018, Mme X… a fait valoir que le taux de commissionnement sans distinction de l’origine des apports ne constitue pas une erreur, mais une pratique constante et récurente qui caractérise un usage, que la société Finsys n’a jamais évoqué l’existence d’un usage ou d’un engagement unilatéral dénoncé.

Maître C… es qualités estime qu’aucun engagement unilatéral n’est caractérisé, qu’il n’existe aucun écrit en ce sens, qu’il n’existe pas non plus d’usage, que les commissions perçues sur six dossiers constituent des erreurs dans le calcul du commissionnement.

La société P… estime qu’il n’existe pas de volonté explicite et certaine de l’employeur de s’engager à appliquer le commissionnement sur l’ensemble des affaires apportées quelque soit leur origine, que cette avantage n’a pas été appliqué systématiquement ; qu’en tout état de cause, une dénonciation est intervenue par l’employeur, de sorte qu’il ne peut justifier la rupture du contrat de travail.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour se réfère expressément aux écritures développées à l’audience.

MOTIFS :

-Sur la prise d’acte aux torts de l’employeur :

Par application de l’article L 1231-1 du code du travail, le contrat de travail à durée indéterminée peut être rompu à l’initiative de l’employeur ou du salarié, ou d’un commun accord.

La prise d’acte permet au salarié de rompre le contrat, en raison de faits qu’il reproche à son employeur. Cette rupture produit les effets soit d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifient, soit d’une démission dans le cas contraire. Dans la mesure où la prise d’acte à la suite d’une action en résiliation judiciaire par le salarié, entraîne la rupture immédiate du contrat, il n’y a pas lieu de statuer sur la demande de résiliation. Toutefois, doit être examiné l’ensemble des manquements invoqués par le salarié au soutien de la demande de résiliation et de la prise d’acte, ces manquements qu’il lui appartient de démontrer devant être

suffisamment graves pour faire obstacle à la poursuite du contrat de travail.

Mme X… évoque au titre des manquements les modifications multiples de son contrat de travail et le harcèlement moral dont elle a été l’objet tant de la part de la société Finsys avant le transfert de son contrat que de la société PS Ingenierie devenue IT&M Consulting .

-Sur les modifications du contrat de travail:

* Sur la modification du commissionnement des affaires apportées:

Mme X… allègue une modification unilatérale du mode de commissionnement par la société Finsys, poursuivie par la société IT&M Consulting.

L’avenant n° 2 signé par Mme X… le 25 novembre 2005 prévoyait que la salariée perçoive une prime pour tout apport d’affaire hors appel d’offre client, reçu directement ou indirectement par Finsys, prime dont le taux était de 3% du chiffre d’affaire HT.

Les différents tableaux, produits par l’appelante établissent qu’avant juin 2013, elle percevait la prime de 3% sur des affaires apportées dans le cadre d’appel d’offre réalisé par les clients, tels les sociétés BPN CIB, Natixis , Banque de France, Caisse des dépôts, ce qui constituait un avantage par rapport aux termes de l’avenant rappelé ci-dessus.

En outre, Mme E… atteste non pas qu’à compter de juin 2013 la société Fynsis a donné pour consigne de ne plus verser de commissions, comme l’indique le liquidateur dans ses écritures mais de ne plus verser certaines commissions. Elle ajoute que le gérant de la société lui a demandé de modifier son tableau des primes et commissions, ce qui est confirmé par la comparaison des tableaux de suivi des années 2012 et 2013 et des onglets relatifs aux commissions.

N’opérant, ainsi qu’en attestent ces pièces, aucune distinction et ni aucun contrôle de l’origine des affaires apportées (hors et sur appel d’offre)jusqu’en juin 2013, le liquidateur es qualités ne peut soutenir que l’application du taux de 3% sur l’ensemble des affaires apportées résulte, notamment pour les clients cités plus haut, d’une erreur ou d’une tolérance compte tenu de la durée de ce mode de fonctionnement.

Toutefois, Mme X…, ne peut prétendre que l’avantage consistant à calculer la prime de 3% sur l’ensemble des affaires apportées sans distinction de leur origine, caractérise un usage dès lors que l’existence d’un usage créateur de droits, suppose la réunion de trois conditions cumulatives, à savoir la constance, la fixité et la généralité de l’application de l’avantage en cause. En l’espèce cette dernière condition fait défaut, puisque Mme X… ne démontre pas que cet avantage était accordé à l’ensemble des salariés de l’entreprise ou à ceux d’une même catégorie, étant l’unique représentante de sa catégorie, ce qu’elle ne discute pas.

A défaut d’engagement explicite démontré par Mme X… de la part de l’employeur de lui accorder cet avantage, n’est pas non plus caractérisée l’existence d’un engagement unilatéral de la part de ce dernier.

Il s’en déduit qu’elle ne peut invoquer un droit à voir calculer sa prime de 3% sur l’ensemble des affaires apportées pour la période de juin à septembre 2013 à l’égard de la société Finsys et d’octobre 2013 à la date de sa prise d’acte à l’égard de la société IT&M Consulting , venant aux droits de la société PS Ingenierie entreprise cessionnaire. Aucun manquement des employeurs successifs dans l’exécution du contrat de travail n’est en conséquence établi. Le jugement sera confirmé sur ce point.

*Sur la modification de la durée contractuelle du travail:

Il est constant que l’employeur ne peut modifier la durée du travail du salarié prévue au contrat sans son accord, impossibilité qui s’applique au passage d’une durée de travail sous le régime d’un forfait annuel en jours à un horaire hebdomadaire.

En l’espèce, le contrat de travail de Mme X… la soumettait à un forfait de 216 jours de travail par an, prévu par la convention collective et lui accordait 11 jours de RTT.

L’appelante justifie que le 13 décembre 2013, la société PS Ingénierie lui a notifié une modification de ses horaires fixés de 9h30 à 12h30 et de 13h30 à 18h30 sauf le vendredi après-midi de 13h30 à 17h, soit une durée hebdomadaire de 38, 50 heures, modification qu’elle a justifiée par l’annulation jurisprudentielle des dispositions de la convention collective relatives aux conventions de forfait annuel en jours. Le courrier précisait que ces horaires étaient déjà ceux en vigueur au sein de la société pour les cadres autonomes et que cet aménagement ne modifiait pas la temps de travail contractuellement fixé et ne visait qu’à permettre le respect de la législation.

Cette organisation du temps de travail a été rappelée le 1er avril 2014 à la faveur d’une communication sur les temps de pause considérés comme trop longs par la responsable des ressources humaines, à plusieurs salariés dont Mme X…, horaire applicable aux cadres et non cadres, salariés sédentaires, dont faisait partie l’appelante. La société prétend que Mme X… du fait de son refus ne s’est pas vue appliquer ces horaires . Toutefois, ses bulletins de salaires à compter de la fin de l’année 2013 ne mentionnent pas le forfait annuel comme c’était le cas en octobre précédent.

Par ailleurs, contrairement à ce que soutient l’intimée, le nouvel horaire proposé ne constituait pas la conséquence de l’annulation des conventions de forfait annuel en jours prévus par la convention collective. En effet, celle-ci impose d’appliquer la durée légale hebdomadaire de travail soit 35 heures de travail qui ne génère pas de RTT, ce qui ne résulte pas non plus des mentions des bulletins de salaire qui tout en indiquant un temps de travail de 151h67 décomptent des RTT. Dès lors, la modification d’horaire est établie et ne pouvait être imposée à Mme X… sans son accord.

*Sur la modification de l’intitulé du poste et des fonctions:

Lors du transfert de son contrat de travail à la société PS Ingenierie, Mme X… occupait un poste intitulé, responsable des ressources humaines et directrice commerciale.

La société PS Ingenierie , en raison de son intégration dans un groupe et de l’organisation qui en résulte, a proposé à Mme X… le 29 octobre 2013, sans modification de ses attributions ni de sa rémunération, un avenant visant à transformer l’intitulé de ses fonctions, en ‘directrice d’agence’, celle-ci correspondant au périmètre de l’entité cédée, ce que cette dernière a refusé.

Or Mme X… n’établit pas que cette nouvelle dénomination lui a été effectivement appliquée. Sur ce point ses bulletins de paie d’octobre 2013 à mai 2014 qualifient son emploi de Responsable Ressources humaines et Directrice commerciale, le bulletin de décembre 2013 mentionnant directrice d’agence ayant été corrigé.

Par ailleurs, son intégration dans une structure plus importante et au sein de l’organisation qui y était préalablement adoptée, imposait une nécessaire adaptation du périmètre de son poste, dès lors que les fonctions de responsable des ressources humaines regroupaient le suivi de l’ensemble des salariés des sociétés du groupe et les négociations avec les institutions représentatives du personnel, ce qui ne correspondait pas aux fonctions antérieures de l’appelante . Il en était de même en ce qui concerne ses fonctions de directrice commerciale, ce d’autant que sa rémunération et son coefficient demeuraient inchangés. En conséquence, le manquement imputé à l’employeur n’est pas caractérisé.

*Sur la privation de son portefeuille de clientèle et l’absence de moyens pour exécuter sa mission:

La société PS Ingénérie a sollicité de Mme X… le 9 janvier 2014, le transfert à d’autres collaborateurs, des dossiers du secteur banque et finances, ce qui représentait l’ensemble de la clientèle développée chez son précédent employeur, lui affectant la prise en charge du développement des autres secteurs d’activité couvrant l’ensemble des autres codes Naf tout en maintenant sa rémunération calculée sur la base du salaire perçu en 2013, les objectifs pour l’année 2014 ne lui étant fixés que le 1er juillet 2014. Or comme l’observe la société, Mme X… n’était pas en charge d’un portefeuille ou d’une clientèle dont le périmètre lui était contractuellement garanti, de sorte que cette décision de transfert ne nécessitait pas d’être validée par un avenant signé du salarié.

De la même façon, si Mme X… indique que l’employeur ne lui a pas fourni les outils nécessaires à la prospection commerciale qui lui avait été confiée, il apparaît que dès janvier 2014 le président lui avait indiqué qu’elle avait carte blanche pour procéder à l’achat du fichier commercial de son choix ; que la responsable des ressources humaines lui a précisé qu’une réponse lui serait fournie le 28 mars 2014. En outre il apparaît qu’ayant entrepris réellement le développement de nouveaux secteurs de clientèle fin janvier 2014, la salariée a été en absence pour maladie du 14 février au 21 mars 2014 et a de fait disposé d’autres outils, ce dont témoignent son mail du 29 janvier 2014 et les actions de prospection qu’elle avait menées (Pièce 58). Dans ces conditions, ce grief n’est pas établi.

– Sur le harcèlement moral :

Aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et sa dignité, d’altérer sa santé physique, mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L’article L.1154-1 de ce même code prévoit qu’en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et il incombe alors à l’employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Mme X… soutient avoir subi des agissements de harcèlement moral tant de la part de la société Finsys que de la société PS Ingenierie.

S’agissant de la société Finsys son ancien employeur, elle invoque la modification imposée de sa rémunération et des humiliations publiques.

Au soutien de ses allégations, elle produit des courriers et mails adressés à la société Finsys en juin 2013, des mails échangés avec M D… le 10 juin 2013, les attestations de M D… et de Mme F….

Comme indiqué ci-dessus, elle ne peut se prévaloir d’une modification unilatérale d’un usage quant au mode de calcul des primes.

Les courriers échangés par Mme X… et le gérant de la société Finsys entre le 10 mai 2013 date à laquelle la salariée a refusé la modification de sa rémunération variable et le transfert du contrat en octobre 2013, attestent de tensions suite à cette réponse et celle à sa suite du gérant de revenir à une application stricte de l’avenant. Toutefois , les courriers en réponse de M G…, gérant de la société ne contiennent pas d’expressions agressives ou discourtoises.

Mme X… fait état d’un échange verbal vif le 10 juin 2013, qu’elle mentionne dans son mail adressé à M D… du même jour, sans que ce comportement ne soit corroboré par d’autre élément que ses affirmations. En effet, si M D… atteste du comportement menaçant du gérant à l’égard de l’appelante à cette date, le mail du même jour de Mme X… (pièce 11) établit qu’il n’a pas assisté à ces faits dont elle lui a fait part . Il n’indique d’ailleurs pas avoir été alors présent dans les locaux de l’entreprise.

En ce qui concerne la réunion du 8 octobre 2013 également visée dans la lettre de Mme X… du 16 octobre, M D… fait état d’une colère du gérant, dirigée contre lui-même et l’appelante, fait qui est cependant demeuré isolé. Sur ce point, il convient de remarquer que Mme E…, qui travaillait dans un bureau proche de celui de M G… et de Mme X… ne fait état dans son attestation, d’aucune manifestation d’agressivité récurrente à l’égard de cette dernière de la part du gérant. Par ailleurs, l’appelante évoque des humiliations publiques de la part du gérant, que ne sont pas corroborées par les pièces versées aux débats.

Dès lors, Mme X… n’établit pas d’éléments qui pris dans leur ensemble matérialisent des agissements de harcèlement moral de la part de la société Finsys. Sa demande sur ce point doit être rejetée et le jugement confirmé.

En ce qui concerne la société PS Ingenierie, Mme X… évoque les multiples modifications de son contrat de travail, la dépossession de son portefeuille de clientèle, le dénigrement de sa personne et de ses compétences, par le président et la responsable des ressources humaines, des mesures vexatoires.

Au soutien de ces allégations, Mme X… verse aux débats des courriers de M H… président de la société, ainsi que des mails de Mme I… responsable des ressources humaines, un avertissement du 13 janvier 2014, l’attestation de M J… de la société Natixis, différents arrêts de travail à compter du 9 décembre 2013, pour anxiété insomnie sévère, épuisement professionnel syndrome anxio-dépressif réactionnel.

Or, au delà du seul désaccord entre les parties quant au mode de calcul de la commission de la salarié et au changement de dénomination de son emploi visés dans leurs échanges, les courriers de l’employeur produits par Mme X… lui imputent un esprit procédurier depuis son arrivée dans la société, un travestissement de la vérité afin de servir ses intérêts dans la procédure les opposant, évoque le caractère artificiel des fonctions dont elle a eu la charge chez son ancien employeur, autant d’expressions de nature à caractériser le dénigrement évoqué de sa personne et de ses compétences.

Mme I…, responsable des ressources humaines, emploie dans ses mails un ton teinté d’ ironie et ponctuellement agressif à l’égard de la salariée, lui reprochant ses mensonges, un manque d’honnêteté, un manque de disponibilité pour participer à un cocktail de rencontre avec l’équipe de la société Finsys le 5 décembre 2013 que Mme I… devait organiser et dont la tenue avait été évoquée dès octobre 2013(pièce 59). Pour nombre d’entre eux adressés en copie au responsable de la société, ces mails caractérisent également une remise en cause de la personne de la salariée, de ses compétences et de ses capacités d’adaptation.

Il est par ailleurs justifié d’un avertissement délivré par Mme I… à Mme X… le 13 janvier 2014 pour avoir pris une demi-journée de congés sans avoir obtenu l’accord de la direction, le même courrier lui refusant un autre jour posé afin que la salariée se consacre à la passation du portefeuille de contrats dont elle avait antérieurement la gestion.

De même, les échanges de mails des 23 et 24 janvier 2014 entre M H… et Mme X…, mettent en évidence le reproche fait à cette dernière d’avoir lors d’un rendez-vous de passation de clientèle communiqué de façon calomnieuse et diffamatoire, à l’égard de la société et de son représentant, conduisant à l’interdiction à la salariée d’effectuer les rendez-vous prévus le lendemain, puis suite à la réunion avec Mme X… le 24 janvier, le constat par l’employeur que cette dernière continuait ‘à être dans le déni le plus total’. Or, il est attesté par M J… directeur back office chez Natixis que le rendez-vous du 23 janvier 2014 en cause s’était passé sans difficulté, Mme X… ayant mis en valeur l’entreprise PS Ingenierie . Il ajoute que la relation avec la société avait pris fin notamment en raison de l’incapacité de celle-ci à fournir un profil commercial de la même compétence que Mme X….

Ces éléments, mis en lien avec la décision brutale prise à la même période en janvier 2014, de transférer tous ses dossiers de Mme X…, relevant du secteur banque et finance, développé chez son ancien employeur spécialisé en ce domaine, pour lui confier l’ensemble des autres secteurs d’activité, caractérisent des faits qui pris dans leur ensemble laissent présumer un harcèlement moral de nature à entraîner une dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé, laquelle est suffisamment caractérisée par les arrêts de travail produits à compter de décembre 2013.

Si la société IT&M Ingenierie conteste les agissements de harcèlement moral, elle ne produit pas de pièces établissant que les décisions prises étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Elle ne s’explique pas sur le ton inadapté des courriers et mails rappelés plus haut. Elle ne produit aucune pièce émanant de MM K… et L…, relative aux réunions de passation de clientèle, menées d’une façon qualifiée de désastreuse, le 23 janvier 2014 par Mme X… et ne justifie ainsi aucunement qu’elle disposait d’information suffisamment inquiétante par les faits dénoncés, pour la conduire à décider immédiatement d’écarter Mme X… des réunions suivantes ayant le même objet. La décision de lui retirer le secteur Banque et finance, pour lui affecter l’ensemble des autres secteurs d’activité, n’est étayée par aucune pièce attestant d’une insatisfaction de l’employeur quant au développement et au suivi des clients par Mme X… depuis son arrivée dans la société en octobre 2013, alors que son évaluation 2012 révélait une bonne connaissance et maîtrise de ce secteur et que les anciens clients témoignent de ses qualités professionnelles, certains d’entre eux indiquant ne pas avoir retrouvé les mêmes qualités chez ses successeurs et avoir interrompu les relations.

S’agissant de l’avertissement du 13 janvier 2014, la société rappelle à juste titre que les congés doivent être validés par l’employeur. Toutefois les échanges avec Mme I… établissement que Mme X… avait adressé via Mme E… cette demande au responsable, lequel absent n’a pas répondu. En outre, la société ne démontre pas qu’il existait des consignes claires sur les procédures de demandes de congés, communiquées aux salariés dont les contrats avaient été transférés deux mois plus tôt . A cet égard, l’avenant n’en fait pas mention et sa rédaction même par l’emploi du terme ‘dorénavant’ démontre le contraire. La société ne peut se prévaloir d’une demande précédente conforme de Mme X…, puisque la demande de congés en cause est en fait postérieure et date du 26 mars 2014 comme en atteste la pièce produite. Dans ce contexte, cette sanction apparaît disproportionnée et doit être annulée.

Par ailleurs, la dégradation de l’état de santé de Mme X… est établie par les arrêts maladie qu’elle produit, dont la communication régulière à l’employeur n’est pas discutée et qui mentionnent un épuisement professionnel, des troubles dépressifs, état de santé qui lors de la contre-visite du 6 mars 2014 sollicitée par la société a conduit le médecin à estimer l’arrêt de travail justifié.

Il s’en déduit que les agissements de harcèlement moral sont établis.

-Sur le manquement à l’obligation de sécurité:

Mme X… invoque à ce titre l’absence de visite médicale de reprise à la fin de son arrêt de travail le 21 mars 2014, en application de l’article R4624-22 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, qui l’impose après un arrêt de travail de trente jours, ce qui était le cas, cette visite devant être organisée dans les huit jours de la reprise, soit avant le 31 mars suivant, ce dont l’employeur ne justifie pas. Toutefois, l’appelante ne caractérise pas d’un préjudice subi du fait de cette situation.

Si les agissements de harcèlement visés ci-dessus ont contribué à dégrader l’état de santé de Mme X… et constituent un manquement de la société à son obligation d’assurer la santé et de préserver la sécurité qui incombe à l’employeur, en revanche celle-ci ne justifie pas d’un préjudice distinct de celui occasionné par le harcèlement. Cette demande sera en conséquence rejetée.

La modification unilatérale de la durée du travail de la salariée, comme les agissements de harcèlement moral qu’elle a subis, constituent des manquements de l’employeur à ses obligations, suffisamment graves pour empêcher la poursuite de la relation de travail et justifier la prise d’acte de Mme X… le 26 mai 2014 pendant un arrêt maladie. Dès lors , à défaut pour Mme X… de solliciter qu’elle produise les effets d’un licenciement nul, elle doit produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

-Sur les demandes financières de Mme X…:

*Sur le rappel de prime:

Dès lors qu’elle ne dispose pas d’un droit à voir appliquer sur l’ensemble des affaires apportées le taux de 3%, Mme X… doit être déboutée de sa demande de rappel de prime tant à l’égard de la société Finsys représentée par son liquidateur qu’à l’égard de la société IT&M Consulting . Le jugement sera confirmé sur ce point.

* Sur les dommages et intérêts au titre du harcèlement moral :

Compte tenu de la durée de la relation contractuelle de huit mois avec la société IT&M Consulting , de la dégradation de l’état de santé mise en évidence par la durée des arrêts de travail et leurs motifs, il convient de lui accorder une somme de 5000€ de dommages et intérêts, qui sera supportée par la société IT&M Consulting seule, le harcèlement de la part de la société Finsys n’étant pas établi.

*Sur les indemnités et dommages et intérêts liés à la rupture du contrat :

Dans la mesure où la rupture du contrat trouve son origine dans des manquements exclusivement imputables à la société ayant repris le contrat de travail de Mme X…, son ancien employeur, la société Finsys ne peut être tenu des conséquences financières de la rupture. Mme X… sera déboutée des demandes de fixation de créances au passif de cette société, de même que des demandes de garantie contre l’AGS.

L’appelante, cadre peut prétendre à un préavis d’une durée de trois mois. Son salaire moyen de référence selon le calcul le plus avantageux sur douze mois antérieurs aux arrêts maladie s’élève à la somme de 10811,08€. La société sera condamnée à lui verser la somme de 32433,24€ outre 3243,32€ de congés payés afférents.

Mme X…, sollicite la fixation de l’indemnité conventionnelle de licenciement sur la base d’une ancienneté de 9 ans et 3 mois non discutée qui prend en compte les périodes de suspension du contrat de travail. Elle a en conséquence droit à la somme de 33334,16€.

Dès lors que Mme X… a travaillé plus de deux ans dans une entreprise dont l’effectif était d’au moins onze salariés, conformément aux dispositions de l’article L 1235-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, elle a droit à une indemnisation qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

L’appelante âgée de 43 ans à la date de la rupture du contrat a perdu le bénéfice d’une ancienneté de plus de 9 ans. Toutefois, elle ne produit pas de pièces sur l’évolution de sa situation professionnelle suite à cette rupture. Dès lors, il convient de lui accorder une somme de 65000€.

La société IT&M Consulting sera condamnée à lui verser ces sommes et le jugement réformé de ce chef.

La société IT&M Consulting sera également tenue de remettre à Mme X… un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conforme à la présente décision sans qu’il y ait toutefois lieu d’ordonner une astreinte.

La société IT&M Consulting conformément aux dispositions de l’article L 1235-4 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige sera tenue de rembourser à Pôle Emploi les indemnités chômage versés à Mme X… dans la limite de deux mois.

Il sera rappelé que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l’employeur de la convocation au bureau de conciliation, les autres sommes portant intérêts au taux légal à compter de l’arrêt. Les intérêts échus seront capitalisés conformément à l’article 1343-2 du code civil.

La société IT&M Consulting sera déboutée de sa demande reconventionnelle.

Il convient de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de Mme X… seule dans les limites énoncées au dispositif.

Succombant en ses prétentions, la société IT&M consulting sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant publiquement, en dernier ressort, contradictoirement par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement en ce qu’il a débouté Mme X… de ses demandes :

-de rappel de prime sur les affaires apportées,

– de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité,

Infirme pour le surplus,

Dit que la prise d’acte du 26 mai 2014 produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la société IT&M Consulting à verser à Mme X… les sommes suivantes:

*32433,24€ d’indemnité compensatrice de préavis, outre 3243,32€ de congés payés afférents,

*33334,16€ d’indemnité conventionnelle de licenciement,

*65000€ d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

*5000€ de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral,

Prononce l’annulation de l’avertissement du 13 janvier 2014,

Condamne la société IT&M Consulting à remettre à Mme X… un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes à la présente décision,

Dit que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l’employeur de la convocation au bureau de conciliation, les autres sommes porteront intérêts au taux légal à compter de l’arrêt,

Ordonne la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil,

Dit que la société IT&M Consulting sera tenue de rembourser à Pôle Emploi les indemnités chômage versées à Mme X… sans la limite de deux mois,

Condamne la société IT&M Consulting à verser à Mme X… la somme de 3000€ de frais irrépétibles,

Condamne la société IT&M Consulting aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

 


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