Diffamation : décision du 18 juin 2019 Cour de cassation Pourvoi n° 18-83.886

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Diffamation : décision du 18 juin 2019 Cour de cassation Pourvoi n° 18-83.886
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N° C 18-83.886 F-D

N° 1191

SM12
18 JUIN 2019

REJET

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l’arrêt suivant :

La Cour de cassation statue sur le pourvoi formé par :

– M. O… W…,

contre l’arrêt de la cour d’appel de SAINT-DENIS DE LA RÉUNION, chambre correctionnelle, en date du 5 avril 2018, qui, pour injure publique envers un particulier, l’a condamné à 1 000 euros d’amende avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils.

La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 21 mai 2019 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, M. Parlos, conseiller rapporteur, Mme Durin-Karsenty, conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Bétron ;

Sur le rapport de M. le conseiller PARLOS, les observations de la société civile professionnelle RICHARD, Me BALAT, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l’avocat général référendaire CABY ;

Des mémoires en demande et en défense ont été produits.

Faits et procédure

1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure ce qui suit. Le 5 novembre 2016, le journal de l’Ile de la Réunion a publié, après un article intitulé “ambiance tendue entre deux syndicats et le maire”, dans un encart au bas de l’article, les propos suivants du maire de la commune du Port, M. W…, rapportés par un journaliste : “L’agitateur, c’est le délégué syndical E… K…. Je le connais bien. C’est un pauvre type qui ne sait plus trop où il est”.

2. M. K… a fait citer M. W… du chef d’injure publique envers un particulier devant le tribunal correctionnel, qui l’a déclaré coupable.

3. Sur l’appel du prévenu, la cour d’appel a confirmé la décision des premiers juges.

Sur le moyen unique de cassation

Enoncé du moyen

4. Le moyen est pris de la violation des articles 29 et 33 de la loi du 29 juillet 1881, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale.

5. Le moyen critique l’arrêt attaqué “en ce qu’il a déclaré M. O… W… coupable de complicité d’injure publique envers un particulier, en répression l’a condamné à la peine de 1 000 euros d’amende avec sursis et a prononcé sur intérêts civils,

“1°) alors que toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation ; qu”en déclarant M. W… coupable de complicité d’injure publique envers un particulier, motif pris qu”il avait publiquement traité M. K… de « pauvre type ›› et que l’imputation faite à un syndicaliste d’agiter le climat social d’une mairie pour défendre les droits du personnel de cette institution ne portait pas atteinte à son honneur ou à sa considération et ne caractérisait pas une diffamation, bien qu’une telle imputation, dont il résultait que M. K… usait de ses fonctions syndicales à seul dessein d’instaurer un désordre social au sein de la mairie du Port, était de nature à porter atteinte à son honneur ou sa considération, la cour d’appel a exposé sa décision à la cassation ;

“2°) alors que lorsque les expressions outrageantes ou appréciations injurieuses sont indivisibles d’une imputation diffamatoire, le délit d’injures est absorbé par celui de diffamation et ne peut être relevé seul ; qu’en décidant néanmoins, pour déclarer M. W… coupable de complicité d’injure publique envers un particulier, que l’expression « pauvre type ›› était divisible des propos rapportés par les prévenus, qualifiant M. K… d’agitateur du climat social de la mairie du Port, dès lors qu’elle ne se rapportait pas aux modalités de l’action syndicale de la partie civile, mais à son parcours syndical, bien que cette appréciation ait été indivisible, en ce qu’elle en était le prolongement ou la conclusion, de l’allégation à caractère diffamatoire selon laquelle M. K… était un agitateur du climat social au sein de la mairie du Port, de sorte que M. W… devait être relaxé des fins de la poursuite du chef d’injure publique, la cour d’appel a violé les textes visés au moyen ;

“3°) alors que, subsidiairement, toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait est une injure ; qu’en décidant que l’expression « pauvre type ›› constituait par nature un terme de mépris caractérisant l’injure, bien qu’un tel propos, qui ne dépasse pas les limites admissibles d’une polémiques née d’un conflit social, n’ait pu constituer une injure, la cour d’appel a exposé sa décision à la cassation ;

“4°) alors que, très subsidiairement, si les termes de mépris ou invectives sont réputés de droit prononcés avec une intention coupable, l”excuse de provocation est de nature à leur ôter leur caractère punissable ; qu’en se bornant à énoncer, pour déclarer M. W… coupable de complicité d’injure publique envers un particulier, que le débat politique et syndical, même prégnant entre les parties, et les relations mêmes tendues des syndicats avec le maire dans le contexte duquel les faits sont intervenus, ne constituaient pas une excuse de provocation, sans rechercher, comme elle y était invitée, si indépendamment de ces relations conflictuelles, les propos imputés à M. W… ne pouvaient présenter un caractère punissable, dès lors qu’ils constituaient, en tout état de cause, une réplique directe aux provocations de M. K…, qui avait mis en cause son intégrité et sa neutralité dans l’exercice de ses fonctions de maire de la commune du Port, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision de retenir M. W… dans les liens de la prévention ;

“5°) alors que, à titre encore plus subsidiaire, en se bornant à énoncer, pour déclarer M. W… coupable de complicité d’injure publique envers un particulier, qu’en tant que maire d’une commune, il ne pouvait sérieusement ignorer que la totalité de ses propos seraient publiés, dès lors qu’il s’adressait à un journaliste qui lui avait demandé de réagir à des propos tenus par des syndicalistes lors d’une conférence de presse, sans indiquer concrètement en quoi M. W… ne pouvait légitimement ignorer que les propos qui lui étaient imputés étaient destinés à être rendus publics, nonobstant le fait qu’ils avaient été tenus à un journaliste, la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision”.

Réponse au moyen

6. Pour retenir le demandeur dans les liens de la prévention, l’arrêt énonce, par motifs propres et adoptés, que l’expression “pauvre type” constitue par nature un terme de mépris caractérisant l’injure au sens de la loi sur la presse, le prévenu ne pouvant ignorer que ses propos seraient publiés, dès lors qu’il s’adressait à un journaliste qui lui demandait de réagir à des propos tenus par des syndicalistes lors d’une conférence de presse.

7. Après avoir rappelé que l’expression “pauvre type” employée dans le titre de l’encart reprend les propos de M. W… cités plus longuement dans ce même encart et que le terme “agitateur” renvoie à l’action syndicale de la partie civile et notamment aux conditions dans lesquelles son syndicat avait déposé un préavis de grève, telles que décrites plus haut dans l’article, les juges relèvent, par motifs adoptés, que, s’il n’est pas contesté que ce dernier terme vise un fait précis susceptible de faire l’objet d’un débat contradictoire sur la preuve de sa vérité, l’imputation faite à un syndicaliste d’agiter le climat social de la mairie pour défendre les droits du personnel de cette institution ne porte nullement atteinte à l’honneur ou à la considération du syndicaliste et ne caractérise donc pas une diffamation.

8. Ils ajoutent, par motifs propres, que le débat politique et syndical et les relations tendues des syndicats avec le maire dans le contexte duquel les faits sont intervenus ne constituent pas l’excuse de provocation.

9. De ces constatations et énonciations, procédant de l’appréciation souveraine des juges du fond des circonstances extrinsèques aux propos litigieux, il résulte, d’une part, qu’ils ont exactement apprécié le sens et la portée des propos injurieux incriminés, tenus dans l’intention de les voir diffusés.

10. Il en ressort, d’autre part, que ces propos n’étaient pas absorbés par d’autres, contenant l’imputation de faits précis portant atteinte à l’honneur et à la considération de la partie civile.

11. Il en découle, enfin, que les propos poursuivis n’ont pas constitué une riposte immédiate et irréfléchie à une provocation, mais, visant la personne même de la partie civile, ont dépassé les limites admissibles de la polémique syndicale.

12. Ainsi, la cour d’appel a-t-elle justifié sa décision et le moyen doit-il être écarté.

13. Par ailleurs l’arrêt est régulier en la forme.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

FIXE à 2 500 euros la somme que M. O… W… devra payer à M. K… au titre de l’article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-huit juin deux mille dix-neuf ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.

 


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