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1ère Chambre
ARRÊT N°499/2018
N° RG 16/06419 – N° Portalis DBVL-V-B7A-NHWL
M. [L] [Q]
Mme [Y] [Q] épouse [G]
C/
Mme [I] [Q] épouse [W]
M. [Q] [Q]
Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 18 DÉCEMBRE 2018
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Françoise COCCHIELLO, Présidente de Chambre, entendue en son rapport
Assesseur : Madame Brigitte ANDRÉ, Conseillère,
Assesseur : Madame Christine GROS, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Marie-Claude COURQUIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 30 Octobre 2018
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 18 Décembre 2018 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANTS :
Monsieur [L] [Q]
né le [Date naissance 1] 1945 à [Localité 1] ([Localité 1])
[Adresse 1]
[Adresse 2]
Représenté par Me Johanna AZINCOURT de la SELARL AZINCOURT, avocat au barreau de RENNES
Madame [Y] [Q] épouse [G]
née le [Date naissance 2] 1950 à [Localité 1] ([Localité 1])
[Adresse 3]
[Adresse 4]
Représentée par Me Johanna AZINCOURT de la SELARL AZINCOURT, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉS :
Madame [I] [Q] épouse [W]
née le [Date naissance 3] 1946 à [Localité 1] ([Localité 1])
[Adresse 5]
[Adresse 6]
Représentée par Me Bertrand GAUVAIN de la SCP GAUVAIN-DEMIDOFF, Postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me Corinne DEMIDOFF, Plaidant, avocat au barreau de RENNES
Monsieur [Q] [Q]
né le [Date naissance 4] 1948 à [Localité 1] ([Localité 1])
La Noellais
[Adresse 7]
Représenté par Me Béatrice HUBERT, avocat au barreau de RENNES
EXPOSE DU LITIGE :
De l’union de M. [Q] [Q] et de Mme [X] [K], épouse [Q] sont nés quatre enfants :
– M. [L] [Q], né le [Date naissance 1] 1945,
– Mme [I] [Q], épouse [W], née le [Date naissance 3] 1946,
– M. [Q] [Q], né le [Date naissance 4] 1948,
– Mme [Y] [Q], épouse [G] née le [Date naissance 2] 1950,
M. [Q] [Q] père est décédé le [Date décès 1] 2002 et Mme [X] [K], épouse [Q] est décédée le [Date décès 2] 2009.
Le 8 septembre 2010, Maître [O] [J] a dressé un procès-verbal de carence et de difficultés.
Par acte des 29 avril, 3 et 5 mai 2011, M. [L] [Q] a fait assigner ses frère et soeurs, Mme [I] [Q] épouse [W], M. [Q] [Q], Mme [Y] [Q] épouse [G], devant le tribunal de grande instance de Rennes aux fins de partage judiciaire de la communauté ayant existé entre leur parents et de leurs successions.
Par un jugement du 26 mai 2016, le tribunal a :
– déclaré l’action recevable,
– ordonné l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la communauté ayant existé entre les époux [K], ainsi que leurs successions respectives,
– commis pour y procéder Maître [J], notaire, et dit que chaque héritier pourra se faire assister d’un autre notaire de son choix,
– dit que M. [Q] [Q] pourra faire valoir à la succession sa créance de salaire différé à hauteur de 2080 x Smic horaire x 213 x8,
– dit que Mme [I] [Q] épouse [W], pourra faire valoir à la succession se créance de salaire différé à hauteur de 2080 x Smic horaire x 213 x 3,
– débouté M. [Q] [Q] et Mme [I] [Q] épouse [W] de leur demande d’homologation du projet de partage du 8 septembre 2010,
– ordonné une expertise et désigné M. [P] [E] pour décrire et évaluer les immeubles indivis,
– dit n’y avoir lieu à statuer pour le surplus, notamment les demandes d’attribution préférentielle formées par M. [Q] [Q],
– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– dit que les dépens, comprenant ceux relatifs à l’expertise une fois celle-ci terminée, seront employés en frais privilégiés de partage inscrits au passif de la succession, avec application de l’article 699 du code de procédure civile.
M. [L] [Q] et Mme [Y] [Q] épouse [G] ont interjeté appel de ce jugement par déclaration du 18 août 2016. L’appel est expressément limité à toutes les dispositions du jugement à l’exception de celle qui ordonne l’expertise.
Par une ordonnance du 20 février 2018, le magistrat de la mise en état a révoqué l’ordonnance de clôture prononcée le 20 février 2018.
La clôture de la mise en état a été prononcée à l’audience, le 30 octobre 2018.
Par conclusions du 29 septembre 2018, M. [L] [Q] et Mme [Y] [Q] sollicitent de la cour de :
Vu l’article 783 du code de procédure civile,
Vu l’article 909 du code de procédure civile,
Vu l’article 562 du code de procédure civile,
Vu l’article 16 du code de procédure civile,
Vu les articles L.321-13 et suivants du code rural,
Vu l’article L.311-1 du code rural,
Vu les articles 843 et 851 du code civil,
– infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Rennes le 26 mai 2016 en ce qu’il a :
commis Maître [J] pour procéder aux opérations de compte-liquidation et partage,
dit que M. [Q] [Q] pourra faire valoir à la succession sa créance de salaire différé à hauteur de 2080 x smic horaire x 2/3 x 8,
dit que Madame [I] [W] pourra faire valoir à la succession sa créance de salaire différé à hauteur de 2080 x smic horaire x 2/3 x 3,
dit n’y avoir lieu à statuer sur le surplus et donc sur les demandes de rapport à succession formées par M. [L] [Q] et Mme [Y] [G] ;
Statuant à nouveau :
– désigner pour procéder aux opérations de compte-liquidation et partage M. le Président de la chambre des notaires de [Localité 2] ou son délégataire, à l’exclusion de Maître [J], Maître [S] et Maître [R] intervenus dans le cadre du partage amiable,
– débouter M. [Q] [Q] et Madame [I] [W] de leurs demandes de créance de salaire différé,
– dire et juger que M. [Q] [Q] et Mme [I] [W] devront rapporter aux successions de leurs parents les donations et avantages dont ils ont bénéficié,
– confirmer pour le surplus le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Rennes le 26 mai 2016,
– condamner in solidum M. [Q] [Q] et Mme [I] [W] à payer à M. [L] [Q] et Mme [Y] [G] la somme, à chacun, de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner in solidum M. [Q] [Q] et Mme [I] [W] aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL Johanna Azincourt en vertu de l’article 699 du code de procédure civile.
Par conclusions du 30 septembre 2018, M. [Q] [Q] demande à la cour de :
-Avant dire droit, ordonner le rejet des conclusions n° 7 ainsi que les pièces n° 39 à 43 produites par M. [L] [Q] et Mme [Y] [Q] épouse [G] pour non respect du principe du contradictoire conformément aux dispositions de l’article 16 du code de procédure civile,
– sur le fond :
– dire et juger M. [Q] [Q] recevable et bien fondé en son appel incident,
– confirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a limité la créance de salaire différé dont est titulaire M. [Q] [Q] à seulement 8 années et uniquement pour la période de 1988 à 1996,
En conséquence,
‘ dire et juger que M. [Q] [Q] est titulaire d’une créance de salaire différé sur 10 années pour les périodes suivantes:
du 30.09.1966 au 30.06.1968
du 01.10.1969 au 30.09.1973
du 27 mars 1988 au 31.12.1995
– dire et juger que la créance de salaire différé dont est titulaire M. [Q] [Q] sera portée à la masse passive de la succession et calculée selon les modalités prévues par l’article L.321-13 alinéa 2 du code rural en fonction du taux horaire brut du SMIC en vigueur au jour du partage, soit: Créance = 2080 x taux du Smic horaire x 2/3 x 10,
– débouter les appelants de l’ensemble de leurs demandes,
– dire et juger que M. [L] [Q] devra produire les contrats d’assurance-vie de la poste et du CMB ;
– condamner in solidum M. [L] [Q] et Mme [G] à payer à M. [Q] [Q] (fils) la somme de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [L] [Q] et Mme [Y] [G] aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Par conclusions du 26 avril 2018, Mme [I] [Q], épouse [W] demande à la cour de :
A titre liminaire,
– ordonner la suppression sur le fondement de l’article 41 alinéa 4 de la loi du 9 juillet 1981 du passage contenu dans les conclusions signifiées le 28 mars 2017 par M. [L] [Q] et Mme [Y] [Q] épouse [G] : ‘Mme [W] a fait preuve d’une malhonnête patente devant le premier juge au risque de commettre une véritable escroquerie au jugement’,
– condamner sur ce même fondement, M. [L] [Q] et Mme [Q] à verser à Mme [W] la somme de 1000 € à titre de dommages et intérêts,
– débouter Mme [G] et M. [L] [Q] de leur appel,
– dire et juger irrecevables comme nouvelle en cause d’appel la demande de M. [Q] [Q] au titre de l’attribution préferentielle des terres situées à Montreuil-Le-Gast et à titre subsidiaire, dire qu’en tout état de cause, il sera sursis à statuer sur cette attribution dans l’attente de l’évaluation de l’expert,
– confirmer le jugement en toutes ces dispositions y additant condamner les appelants à verser la somme de 4000 euros par application à I’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
CELA ETANT EXPOSE :
1) Sur la désignation du notaire :
Considérant que [L] [Q] et [Y] [Q] soutiennent que Maître [J] qui a pris le relai de Maître [L] pour la gestion de la succession a manqué à son devoir d’information à leur égard et a toujours agi dans l’intérêt de leurs frère et soeur, tant pour les demandes d’évaluation des terres que pour celles concernant le salaire différé, ne tenant pas compte de leurs observations et contestations, qu’ils n’ont pas confiance en elle,
Considérant qu'[Q] [Q] et [I] [Q] font chacun valoir que Maître [J] avait été choisie par [L] [Q], que Maître [J] connait le dossier dont elle s’occupe depuis 2001, ayant proposé quatre projets de partage et ayant dressé un procès-verbal de difficultés en raison de l’opposition de [L] [Q] ; qu’il n’existe aucun motif de désigner un autre notaire, sinon la mauvaise foi de [L] [Q], que Maître [J] appliquera la décision de la cour en ce qui concerne la créance de salaire différé,
Mais considérant que Maître [J] a élaboré plusieurs projets en tenant compte des contestations élevées par les uns et les autres, tenter de rapprocher les points de vue ; qu’il ne peut lui être reproché, sinon sans fondement, d’avoir été partiale et lente dans les opérations de liquidation des successions,
Que par ailleurs, Maître [J] connaît bien les successions,
Considérant que la demande de désignation d’un autre notaire sera rejetée, non fondée,
2) Sur la créance de salaire différé invoquée par M. [Q] [Q] :
Considérant que [L] [Q] et [Y] [Q] relèvent la mauvaise foi de [I] et [Q] [Q] qui tentent de laisser croire que leurs parents les ont sacrifiés au profit des deux autres enfants ; qu’ils contestent la demande de reconnaissance d’une créance de salaire différé au profit de [Q] [Q], exposant qu’ils n’en ont jamais reconnu le principe et que les échanges sur ce point dans le cadre du partage amiable qui comporte des transactions de part et d’autre mais qui, en l’espèce, n’a pas abouti, ne peuvent être interprêtés comme tel ; qu’ils contestent ensuite que [Q] [Q] soit justifié en sa demande : que pour ce qui concerne la durée, ils rappellent qu'[Q] [Q] ne peut ainsi se prévaloir de la qualité d’aide familial qu’à compter de sa majorité soit le 30 septembre 1966, qu’il ne peut se prévaloir non plus de la période où il était au service militaire ( juillet 1968 et octobre 1969),
Qu’ils soutiennent que :
pour la première période (1962, 30/12/1973) et la seconde période ( 27/03/1988 -25/06/1990) les attestations ne sont pas probantes tant sur la réalité de son travail que sur son absence de rémunération, que les relevés MSA ne sont guère probants sinon révélant un rachat de ses droits par [Q] [Q] à postériori et en cours de procédure, qu’ils soulignent qu’il a été scolarisé, que ses parents ne l’avaient pas déclaré avant 1974 ;
pour la troisième période du 7 juin 1990 au premier janvier 1996 : M. [Q] [Q], bien qu’ayant cédé l’exploitation pour un franc symbolique le 26 mars 1988 à ses parents, a continué à travailler en qualité d’exploitant ; qu’il a déposé le 7 juin 1990 une déclaration de cessation de paiements mais a continué à exploiter et ce, grace à la déclaration de son père qui a accepté de prêter son nom et de se déclarer exploitant agricole ; qu’en 1988, puis en 1990, ses parents étaient âgés, que le père avait pris sa retraite le premier janvier 1975 à l’âge de 60 ans pour inaptitude totale en application de l’article L 351-8 du Code de la sécurité sociale et ne pouvait cumuler sa retraite avec une activité agricole, sinon pour assurer sa subsistance sur une petite parcelle, comme la loi l’y autorisait, et que, compte tenu des changements législatifs intervenus bouleversant l’activité des agriculteurs, il n’avait plus les connaissances requises pour s’occuper de la gestion de l’exploitation, que sa déclaration auprès de la MSA ne suffit pas pour contredire cette réalité, qu’aucune créance de salaire différé ne lui est due sur la période allant du 27 mars 1988 au 31 décembre 1995,
Qu’ils soutiennent que M. [Q] [Q] a été rémunéré :
-qu’il n’a jamais rapporté la preuve de l’absence de revenus sur les années 1988 à 1996, ne produisant pas ses avis d’imposition, que les attestations produites ne sont pas régulières et ne sont pas probantes, imprécises et muettes sur l’absence de rémunération, et qu’elles ont été obtenues par [Q] [Q] afin de percevoir une retraite agricole ; qu’il ne justifie pas non plus s’être acquitté du prix des biens matériels (stocks de fourrage, vaches laitières, bâtiments agricoles) se trouvant sur l’exploitation lorsqu’il l’a reprise le premier janvier 1996, que par ailleurs, il a signé un bail en mai 1997 ;
-qu’il a obtenu un paiement anticipé du vivant de ses parents conformément aux dispositions de l’article L321-17 du Code rural, qu’il a bénéficié en 1996 de la cession de quatre-vingt-seize vaches allaitantes, de matériel, de stock de fourrage, des bâtiments d’exploitation ; qu’il a bénéficié de divers avantages, jouissance gratuite des terres de ses parents entre 1974 et 1979, il n’a plus payé son fermage à compter de sa mise en liquidation judiciaire, que ses parents, qui étaient cautions, de ses engagements ont payé ses prêts personnels, que les dépenses faites sur l’exploitation qui n’ ont pas eu pour effet de la moderniser mais de lui permettre de changer d’orientation en produisant du cheptel à viande ont été réalisées grâce à l’engagement de ses parents,
Considérant que M. [Q] [Q] fils expose qu’il ne fait que reprendre ce qu’il a demandé devant Maître [J], soit 10 années de salaire différé portant sur trois périodes distinctes, aide familial entre le 30/09/1966 et le 30/06/1968, aide familial à son retour du service militaire entre le 01/10/1969 et le 30/09/1973, puis aide familial entre le 27 mars 1988 et le 31 décembre 1995, après la cession, causé par le comportement du Crédit agricole dicté par son frère [L], de son exploitation à ses parents pour un franc symbolique le 26 mars 1988 et sans qu’il puisse être soutenu qu’il continuait à être en réalité exploitant ; qu’il estime que le principe de ce salaire différé n’est pas contestable, faisant état de la reconnaissance de l’existence de cette créance par ses parents qui avaient ‘ officialisé’ le principe dans un projet de donation-partage au profit de leurs quatre enfants et faisant état également de la reconnaissance qu’en avait faite [L] [Q] lors du second projet de partage du premier février 2010 ; qu’il expose avoir remplacé l’ouvrier agricole de leurs parents à son départ, M. [T] [B], qu’il a eu le statut d’aide familial à partir de 1988 alors que ses parents avaient la qualité d’exploitants agricoles producteurs de lait jusqu’en 1979 et producteurs de viande jusqu’en 1996 ; qu’il justifie son travail par de nombreux témoignages, dont le caractère probant est indiscutable, par des documents administratifs (pièces récentes émanant de la MSA, correspondances du GAMEX, groupement d’assureurs des exploitants) ; qu’il justifie n’avoir reçu aucune rémunération pour cette aide (expliquant que la somme de 16910 F sur la déclaration fiscale de ses parents en 1994 correspond à l’évaluation fiscale de la nourriture et de l’argent de pôche qu'[Q] [Q] ‘coûtait’ à ses parents) alors que [L] et [Y] pouvaient entreprendre des études coûteuses financées par leurs parents, qu’il produit des agendas tenus par ses parents qui démontrent qu’il n’a rien perçu, qu’il n’a pas non plus reçu de rémunération indirecte,
Qu’il ajoute avoir lui-même fait prospérer l’exploitation, grâce aux prêts qu’il a contractés et remboursés, qu’il a investi dans la modernisation de l’exploitation (drainage et construction des bâtiments d’élevage, achat d’un hangar ensuite reconstruit), investi dans l’achat de taurillons, alors que ses parents n’engageaient eux-mêmes aucune dépense pour celle-ci et bénéficiaient de ses efforts financiers lors de la reprise en 1988 (prix de vente des taurillons placé en assurance-vie CMB et à la Poste pour 800000 F au profit des quatre enfants, indemnité d’assurance à la suite de l’incendie du hangar pour 80000 F, prime à la cessation de la production laitière de 80000 F),
Mais considérant que selon les termes de l’article L 321-13 du Code rural, le demandeur en paiement d’un salaire différé doit justifier avoir participé, après l’âge de dix-huit ans directement et effectivement à l’exploitation sans être associé aux bénéfices et aux pertes et sans avoir perçu un salaire en argent en contrepartie de sa collaboration ; que selon l’article L321-17, la durée ne peut être supérieure à dix ans,
Considérant que les époux [K] avaient souhaité voir reconnu un salaire différé au profit de leur fils [Q] et avaient fait réaliser par leur notaire Maître [L], plusieurs projets de partage que certains des enfants n’avaient pas acceptés ; qu’après l’ouverture des successions des époux [K], des discussions ont eu lieu entre les héritiers en présence du notaire ; que toutefois, ce qui a pu être admis dans le cadre de ces discussions qui auraient permis une résolution amiable des opérations de comptes liquidation partage des successions des parents [K], résulte de transactions que les parties ont pu consentir pour y parvenir mais dès lors que les discussions n’ont pas abouti, rien de ce qui a pu être consenti dans le cadre de ces discussions ne peut être alors invoqué de part et d’autre,
Considérant que le salaire différé est demandé sur trois périodes :
Périodes du 30/09/66 au 30/06/68 et du 01/10/1969 au 30/09/1973 :
Considérant qu’âgé de dix-huit ans le 30 septembre 1966, M. [Q] [Q] a travaillé sur l’exploitation agricole de ses parents, pendant quinze mois ; qu’en janvier 1968, il était manifestement scolarisé, et ses parents ont alors perçu pour leurs deux derniers enfants des allocations familiales pendant plusieurs mois, au moins jusqu’en juillet 1968 ; qu’il est parti effectuer son service militaire, le premier juillet 1968 pour une durée de quinze mois (30 septembre 1969) ; qu’il est ensuite revenu sur l’exploitation familiale pour une seconde période de travail en qualité d’aide familial jusqu’à sa déclaration d’exploitation à titre personnel début octobre 1973, soit 48 mois ; que quelques témoins, Mme [V], Mme [Y] se souviennent l’avoir ‘ toujours vu travailler dans les champs’ de ses parents à ces périodes,
Que les carnets originaux, tenus par les parents [K] des comptes domestiques sont versés aux débats par [I] [Q] et [Q] [Q] sur ces deux périodes, que les parents notaient précisément leurs dépenses et rentrées d’argent à différentes dates ; qu’au titre des dépenses, se trouvaient les sommes au titre d”épicerie’, ‘viande’, ‘poudre pour blé’, ‘grille de rasoir’, ‘produits vétérinaires’, ‘essence’, ‘vidange tracteur’, ‘1000 litres gaz oil’, ‘Mutuel Cheval’, ‘donné à [L]’, ‘donné à [Q] vacances’ ‘ impôts taxe complémentaire’, qu’au titre des recettes étaient mentionnées ‘ pension de guerre’, ‘ beurre à Lucienne’, ‘crème’, ‘oeufs’,’ lait’, ‘allocations familiales’, ‘4 cochons gras’, ‘ 2 tonnes de pommes’, ‘ insémination’ ; que ces documents spontannés et précis retracent manifestement toutes les opérations financières personnelles et relatives à l’exploitation, sont sincères et peuvent justifier, pour n’en porter aucune mention, l’absence sur ces deux périodes de toute rémunération à [Q] [Q] pour la réalisation des ses travaux sur l’exploitation,
Considérant qu’il y a lieu de retenir ces deux périodes, totalisant 63 mois pour calculer la créance de salaire différé,
Période du 26/03/1988 au 31/12/1995 :
Considérant que selon les pièces du débat, M. [Q] [Q] fils s’est installé à son propre compte à la fin de l’année 1973 ; qu’il a obtenu l’agrément de son plan de développement à la condition de respecter son engagement de suivre un stage de formation prévue par la règlementation pour obtenir la qualification professionnelle requise pour le bénéfice du plan de développement ; qu’il a ainsi, entre les années 1974 et 1982 obtenu de la part du Crédit Agricole plusieurs prêts spéciaux de modernisation et également des prêts classiques et que ses parents, [Q] [Q] père et [V] [K] se sont portés cautions de certains de ses engagements ; qu’il a rencontré très tôt des difficultés financières, ayant déjà en 1984 une dette vis-àvis de Gamex qui avait fait opposition sur son compte bancaire, que son véhicule Alfa Romeo a ensuite été saisi ; que dans la mesure où M. [Q] [Q] fils n’a pas respecté son engagement d’obtention de la qualification professionnelle nécessaire à son plan de développement, et ce, malgré de multiples invitations de la commission mixte d’aménagement départementale chargée du contrôle du plan, de la Direction départementale de l’agriculture et du Crédit Agricole, le plan de développement a été annulé et les prêts spéciaux ont été rendus exigibles ; que par ailleurs, les échéances des autres prêts ‘ classiques’ étaient demeurées impayées ; que M. [Q] [Q] fils a été assigné par le Crédit Agricole ainsi que ses parents, cautions en paiement des sommes dues ; que par un jugement du 3 mars 1986, le tribunal de grande instance de Rennes a condamné M. [Q] [Q] fils à payer au Crédit Agricole diverses sommes ( 37790,84 F + 9274, 03F + 42818, 31 F + 69839, 04F + 104309, 87 F + 21712, 57F + 36673, 16F + 13314, 19F + 25699, 71 F +33621, 84 F +7345, 73F +23014, 38 F) et débouté le Crédit agricole de sa demande contre les cautions ; que selon les écritures des appelants, ce jugement a été infirmé partiellement par un arrêt de cette cour du 30 mars 1988, non produit aux débats, qui a condamné les époux [K], cautions des engagements de leur fils à payer diverses sommes au Crédit Agricole,
Que le 26 mars 1988, M. [Q] [Q] fils convenait avec ses parents que ceux-ci reprenaient la ferme de la Noelais ainsi que le cheptel sans exception qu’il soit vif ou mort, …M. [Q] [Q] fils ‘ ne pouvant plus assurer la nourriture des animaux ni l’entretien du matériel ni payer les charges sociales et fiscales ni tenir les terres en l’état’, et ce, pour un franc symbolique comme l’indiquent ses parents le 31 mars 1988,
Que la Mutualité Sociale Agricole faisait savoir à M. [Q] [Q] père que ‘ suite à sa demande’, il avait été procédé à l’immatriculation de son fils [Q] né le [Date naissance 4] 1948 en qualité d’aide familial à compter du 27 mars 1988,
Que c’est cette qualité que contestent les appelants avec raison,
Considérant en effet que M. [Q] [Q] fils a tout d’abord continué d’exploiter après la cession intervenue en mars 1988, que les jugements du tribunal de grande instance de Rennes le plaçant en redressement judiciaire puis en liquidation judiciaire en date du 25 juin 1990 constatent qu’il a justifié ‘ avoir poursuivi son activité jusqu’en juillet 1989, date à laquelle il a vendu ses dernières récoltes’ ;
Qu’ensuite, en raison de sa liquidation judiciaire, M. [Q] [Q] fils ne pouvait plus exploiter personnellement ; que pour déclarer son fils aide familial comme il l’a fait selon le courrier de la MSA, M. [Q] [Q] père devait être lui-même exploitant ; qu’il avait pourtant pris sa retraite de façon anticipée en 1975 pour inaptitude totale et d’ailleurs, son fils avait pris à bail rural en 1979 l’intégralité des terres de la Noelais ; que M. [Q] [Q] père ne pouvait alors cumuler la perception de sa retraite d’exploitant agricole non salarié et de revenus d’une activité agricole, sinon conserver une parcelle de ‘susbsistance’ ; que par ailleurs, il était âgé en 1990 de 76 ans, alors que son état d’inaptitude totale avait justifié son départ en retraite anticipée quinze ans plus tôt ;
Qu’il n’est pas non plus indifférent de remarquer que dès la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif selon jugement du 15 janvier 1996, M. [Q] [Q] fils s’est déclaré à nouveau exploitant,
Considérant que ces différents éléments ne donnent aucun crédit aux déclarations que M. [Q] [Q] père a faites auprès de la MSA dès la fin du mois de mars 1988 de sa qualité d’exploitant agricole et de la qualité d’aide familial de son fils ; que les documents qui émanent de la MSA, notamment le document qu’elle a délivré au cours de cette procédure, et de Gamex sont établis sur la déclaration des intéressés et par conséquent, n’ont pas de valeur probante dès lorsque rien ne permet d’en corroborer le contenu, notamment des attestations rédigées par d’autres personnes que les témoins eux-mêmes, des attestations dont les rédacteurs étaient très jeunes au moment des faits ou n’habitaient pas sur les lieux ; que le seul fait que M. [Q] [Q] fils ait travaillé sur les terres de ses parents ne rapporte pas sa qualité d’aide familial à cette époque,
Considérant enfin que M. [Q] [Q] fils doit justifier qu’il n’a pas été rémunéré sur cette troisième période, que dans la seule déclaration de revenus des parents [Q] versée aux débats qui donne lieu à l’avis d’imposition pour l’IRPP 1994, M. [Q] [Q] père déclare verser une pension alimentaire pour ‘enfant majeur’ de 16910 F; que surtout M. [Q] [Q] fils ne produit aucun document probant, ni les carnets de ses parents sur cette période, ni ses avis d’imposition sur toute cette période ; que l’absence de rémunération dont la preuve lui incombe n’est pas faite,
Considérant qu’aucune créance de salaire différé ne peut lui être reconnue sur cette dernière période,
Considérant qu’il lui est reconnue une créance de salaire différé sur 63 mois, soit 2080 X taux Smic horaire X 2/3 X 5, 25 ( 63 mois),
3) Sur la créance de salaire différé demandée par [I] [Q] :
Considérant que [L] [Q] et [Y] [Q] contestent cette demande ; qu’ils exposent que les attestations dont la valeur probante est discutable, ne permettent pas de savoir ce qu’elle faisait exactement dans l’exploitation, qu’ils estiment ensuite que [I] [Q] ne justifie pas d’une absence de rémunération, notamment alors qu’elle a acquis à l’âge de 21 ans, un appartement à [Localité 2] sans pouvoir justifier de l’origine des fonds, que le prêt de 35000 F consenti par ses parents dont elle fait état et qu’elle justifie par une reconnaissance de dette postérieure à l’achat de l’appartement, n’a pas servi à financer cette acquisition, que [I] [Q] ne justifie pas qu’elle n’a pas été rémunérée, ne pouvant prétendre avoir un apport personnel de 31075 F avec la rémunération perçue en qualité d’extra dans un restaurant et d’ouvrière en lingerie à partir du 26 juin 1967 ; que dès lors, cette rémunération anticipée équivaut à trois ans de salaire différé, qu’ils s’opposent au retrait de leurs propos dans leur écritures affirmant que [I] [Q] a fait preuve de malhonneteté, que subsidiairement, elle devra rapporter la donation des fonds,
Considérant que, invoquant le bénéfice des dispositions de l’alinéa 4 de l’article 41 de la loi du 29 juillet 1989, Mme [I] [Q] expose que les propos contenus dans les conclusions de [L] [Q] et [Y] [Q] à son égard outrepassent la limite de l’immunité judiciaire destinée à assurer les libres droits de la défense dans l’enceinte du prétoire, que ces propos de nature diffamatoire portent atteinte à son honneur et à sa probité, révèlent leur intention de nuire, qu’elle demande la suppression des ces passages,
Considérant ensuite que [I] [Q] expose avoir travaillé sur l’exploitation familiale depuis le 30 août 1964 jusqu’au 26 juin 1967, qu’elle rappelle être titulaire d’un BAP aux travaux ménagers agricoles, qu’elle précise la nature des travaux qu’elle a faits sur l’exploitation, ce dont plusieurs témoins attestent, et ce qu’un projet établi par Maître [J] avait établi ; qu’elle ajoute n’avoir perçu aucune rémunération, produisant aux débats les carnets de comptes tenus par ses parents sur les périodes concernées, qu’elle n’a non plus perçu aucun règlement par anticipation, étant bénéficiaire d’un prêt de 35000 F pour l’achat de son appartement selon une reconnaissance de dette non contestable et apportant ses économies (6075 F) tirées de son travail ; qu’elle a remboursé le prêt,
Mais considérant que que [I] [Q] justifie avoir participé aux travaux des champs et à la traite des vaches, selon les attestations précises de [Z] [K] et [H] [Y] sur la période allant du 31 août 1964 au 27 juin 1967, date à laquelle elle a eu un emploi d’ouvrière en lingerie, qu’elle justifie également, par la production des carnets de comptes 1964, 1965, 1966 et 1967 tenus par ses parents qui présentent en tous points les mêmes caractéristiques que ceux que son frère [Q] a produits sur les années postérieures (1968 à 1973), qu’elle n’a perçu aucune rémunération,
Considérant que [I] [Q] a acquis le 25 février 1968 un appartement à [Localité 2] pour le prix de 58910, 57 F, que dans l’acte, il est précisé que l’acquéreur s’est substitué à son vendeur dans le paiement du solde d’un prêt consenti par le Crédit Foncier, solde qui s’élève à 17835, 67F ; que le solde du prix d’acquisition de l’appartement est alors de 41075 F ; que partie de ce solde du prix (31075F) a été payé comptant par [I] [Q] qui s’engageait à payer la somme de 10000F dans le délai d’un mois ; qu’elle justifie qu’elle a emprunté auprès de ses parents une somme de 35000 F ‘pour l’achat de l’appartement’ et qu’elle a remboursé cet emprunt par 12 versements de la somme de 2000 F et 3 versements de 1000 F ; que les parents reconnaissent le prêt et son remboursement, de sorte que la contestation élevée par les appelants sur cette reconnaissance de dette qu’il n’était pas interdit de constater par écrit quelques mois après le prêt et l’acquisition de l’appartement n’est pas sérieuse ; que certes, la présence d’économies à hauteur de 6075 F pour justifier le financement du solde du prix n’est pas établie, compte tenu de la modestie du salaire de [I] [Q] à l’époque ; que toutefois, rien ne permet de dire que les parents [Q] – [K] ont contribué au paiement par d’autres apports financiers ;
Considérant que l’article 41 alinéas 3 et 4 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse modifiée par la loi n° 2008-1187 du 14 novembre 2008 précise :
‘Ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux.
Pourront néanmoins les juges, saisis de la cause et statuant sur le fond, prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires, et condamner qui il appartiendra à des dommages-intérêts’.,
Que la suppression de propos contenus dans les écritures du 28 mars 2017 de ce qu’elle a ‘ incontestablement fait preuve d’une malhonnêteté patente devant les premiers juges au risque de commettre une véritable escroquerie au jugement’ est demandée ;
Que toutefois la cour n’est pas saisie de ces conclusions, dès lors que les appelantes ont à nouveau conclu le 29 octobre 2018 et alors que [I] [Q] n’a pas actualisé ses conclusions en visant les dernières conclusions des appelants ; que la demande sera par conséquent rejetée,
Considérant en définitive que [I] [Q] justifie d’une créance de salaire différé pendant trente-quatre mois, du 31 août 1964 au 27 juin 1967, soit 2080 X taux Smic horaire X 2/3 X 34 mois,
4) Sur les rapports des donations indirectes et d’avantages consentis à [Q] [Q] par ses parents :
Considérant qu’invoquant les termes de l’article 843 alinéa 1 du Code civil, [L] [Q] et [Y] [Q] exposent que M. [Q] [Q] a bénéficié de nombreux avantages qu’il doit rapporter aux successions de ses parents :
-notamment le remboursement par ses parents de ses dettes (485861,39 F) vis-à-vis du Crédit Agricole ce qu’il a reconnu dans un courrier adressé à Maître [C] le 23 mai 1991, qu’il ne peut invoquer aucune compensation par une prétendue cession de taurillons, ou par la récupération d’une prime d’assurance à la suite de l’incendie d’un hangar),
-l’exploitation des biens immobiliers de ses parents depuis le premier octobre 1973 sans titre, sans bail et sans paiement d’un fermage, et ce, jusqu’au 24 septembre 1979, que cet avantage sera rapporté à la succession,
– la sous-évaluation des fermages : selon le bail consenti en 1979, les fermages pour des terres d’une surface de 34 hectares outre les bâtiments d’exploitation et d’habitation ont été sous-évalués, que le loyer annuel égal à la valeur en argent de 172 quintaux 26 kilogrammes de blé tendre ( 2337, 22 Euros par an) est modique, selon la bail de 1997, le loyer pour la maison était de 6000 F et de 24934, 55 F pour les terres et bâtiments d’exploitation, ce qui est sous-évalué de 40 % par rapport à la valeur locative normale fixé par arrêté préfectoral, que M. [Q] [Q] ne justifie nullement les aménagements qu’il a pu faire pour expliquer cette sous-évaluation, ne prouvant pas avoir payé les factures établies au nom de [Q] [Q], ce d’autant plus qu’il ne payait plus les échéances de ses crédits, qu’il ne justifie pas plus que les terres n’auraient pas été labourables,
-le non paiement des fermages depuis 1981, année de ses premières difficultés financières, qu’il n’a non plus rien payé à l’indivision depuis 2011,
– l’exploitation à partir de 1990 et jusqu’au 7 mai 1997 sans titre, puisqu’il était déclaré ” aide familial” pour lui permettre de continuer l’exploitation et contourner l’interdiction de gérer,
– la cession à titre gratuit des biens mobiliers et du cheptel de l’exploitation à son profit en 1979 et 1996 :
Considérant que M. [Q] [Q] explique :
– que ses parents n’ont pas réglé ses dettes en leur qualité de cautions ‘subsidiaires’ ; qu’il n’a non plus jamais reconnu avoir des dettes vis-à-vis de ses parents lors de son dépôt de bilan, contestant ainsi un document produit par ses frère et soeur ‘ déclaration de cessation de paiements’ qu’il n’a jamais signé, et un document ‘ liste de l’actif et liste du passif’ qu’il estime manifestement fabriqué pour la cause,
-que titulaire des baux que ses parents lui ont consentis en 1979 et 1997, il a régulièrement payé les fermages lesquels n’étaient pas modiques, que les terres n’ont pas été mises à sa disposition gratuitement entre 1974 et 1979,
– qu’ayant cédé leur cheptel de vaches allaitantes en 1978, ses parents n’ont pu les lui céder,
a) remboursement des dettes envers le Crédit Agricole par les parents :
Considérant que ceux-ci auraient été condamnés par arrêt de cette cour en date du 30 mars 1988 à payer au Crédit agricole diverses sommes en leur qualité de cautions des engagements de leurs fils ; que cette décision, certes non produite aux débats mais que M. [Q] [Q] ne peut ignorer, est plausible, au regard de la teneur d’un courrier adressé par [Q] [Q] à Maître [C], mandataire judiciaire à la procédure de liquidation judiciaire dont il a fait l’objet, courrier dans lequel il précisait que ‘le Crédit Agricole a exécuté toutes les cautions selon son bon plaisir’ ; que le principe de l’avantage ainsi consenti à [Q] [Q] fils est établi, qu’il conviendra d’en déterminer le montant au regard de l’arrêt du 30 mars 1988 et au besoin d’autres documents détenus par les parties et de le rapporter à la succession,
Que cet avantage ne saurait être compensé par la présence de 80 taurillons dans le cheptel vif cédé à ses parents par M. [Q] [Q] le 26 mars 1988 pour un euro symbolique, dans la mesure où rien en permet de constater l’existence de ces bêtes ( pièce constatant l’achat par M. [Q] [Q] fils par exemple, présence dans l’inventaire établi au moment de la cession non produit aux débats) à la date de la cession qui n’aurait alors pu avoir lieu pour le prix indiqué ; que la pièce Avoxa n° 25 comporte une mention manuscrite de cession de ces taurillons (code 1) en 1988 sans plus de précision, ce qui ne permet pas de constater l’existence d’une compensation ; que M. [Q] [Q] ne peut ainsi soutenir que ses parents ont procédé à la vente de ceux-ci jusqu’en 1996,
Que de même, rien ne justifie la perception par les parents d’une prime de 80000 F en raison de la destruction d’un hangar par incendie en 1989 ,
b) exploitation sans titre avant le 24 septembre 1979 :
Considérant que M. [Q] [Q] est déclaré exploitant depuis le mois d’octobre 1973, qu’il a contracté en janvier 1974 un prêt pour la construction d’une stabulation à la ‘Noelais’ ; qu’ultérieurement, le premier janvier 1975, son père prenait sa retraite ; qu’en janvier 1977, il faisait réaliser des travaux de drainage sur les terres appartenant à ses parents; que la réalisation de ces travaux lui permettait nécessairement d’exploiter les terres de la Noelais ; que la preuve est établie qu’il exploitait les terres de la Noelais depuis le mois de janvier 1974 et qu’il ne peut soutenir avec sérieux que ses parents auraient continué d’exploiter alors qu’il a été dit plus haut qu’ils ne le pouvaient plus,
Que l’avantage en nature qui résulte de l’exploitation des terres de la Noelais sans aucune contrepartie depuis le mois de janvier 1974 devra être rapporté à la succession,
c) sous-évaluation des loyers des baux ruraux consentis par les époux [Q] à leur fils à partir de 1979 :
Considérant qu’à compter de 1979, M. [Q] [Q] fils a exploité les terres de ses parents dans le cadre de deux baux ruraux, le premier en date du 24 mai 1979 et le second du 7 mai 1997,
Que s’agissant alors de savoir si la sous-évaluation des baux, à la supposer établie, constitue alors un avantage rapportable à la succession, la prescription opposée par [Q] [Q] fils ne peut prospérer, qu’en effet, la demande de rapport né de cette sous-évaluation est formée dans le cadre des opérations de comptes liquidation partage et échappe à toute prescription,
Que la sous-évaluation résulte de ce que compte tenu des termes d’un bail conclu entre les époux [Q] et les époux [I] en 1980, le bail consenti à ces derniers est de 40 % plus élevé que celui consenti à [Q] [Q] fils en 1979, qu’elle résulte pour le bail de 1997 également des termes de l’arrêté préfectoral pour ce qui concerne la valeur locative de la maison et des terres,
Que cette sous-évaluation peut être expliquée, comme le soutient M. [Q] [Q] fils, non par la qualité des terres dont valeur invoquée par les appelants tient compte mais par les améliorations que M. [Q] [Q] fils a apportées aux biens loués, construction de bâtiments pour les taurillons et drainage, lesquelles ont été financées grâce aux fonds prêtés par le Crédit Agricole,
Considérant que les sous-évaluations des loyers ne peuvent être considérées compte tenu de ces circonstances comme des avantages rapportables, étant consenties avec contreparties,
d) non-paiement des fermages avant 1989 :
Considérant qu’un document ( pièce 31 des appelants : liste de l’actif et du passif) est versé aux débats ; que l’écriture en est comparée avec celle d’autres documents versés aux débats ( pièce 48 de M. [Q] [Q], pièce 32 des appelants), qu’il apparaît qu’il est rédigé de la main de M. [Q] [Q] en 1989 ou 1990, que l’allégation de faux invoquée par M. [Q] [Q] n’est pas sérieuse ; que selon ce document, celui -ci reconnait devoir ‘à ses parents propriétaires 7 fermages à 2000 = 140000 ‘,
Considérant que l’avantage que constitue cette absence de paiement pour ce montant sera rapporté à la succession,
e) défaut de paiement des fermages entre 1990 et 1997 :
Considérant qu’il a été précisé plus haut que M. [Q] [Q] fils n’était pas aide familial mais avait continué à exploiter les terres à partir de la liquidation judiciaire du 26 juin 1990 et pendant les années où il était interdit de gérer, jusqu’à la signature d’un bail rural en 1997 ; qu’ il a occupé les terres de ses parents sans verser quoi que ce soit ; qu’il lui a été consenti un avantage entre le 25 juin 1990 et le 7 mai 1997 qu’il doit rapporter à la succession,
f) cession à titre gratuit du cheptel et des biens mobiliers en 1979 puis en 1996 :
Considérant que [Q] [Q] fils a certes exploité les terres de ses parents dans le cadre d’un bail en 1979, travaillant sur celles-ci depuis plusieurs années, qu’il est établi qu’il possédait du matériel ( tracteur, remorque…) grâce aux prêts consentis ainsi que des constructions (silos, étables),
Qu’il appartient aux appelants de justifier qu’en 1978, les parents [Q] ayant l’intention d’éliminer leur chepel laitier, auraient perçu une prime conversion lait-viande qui aurait en définitive profité à M. [Q] [Q] fils ; qu’il apparaît en effet que cette conversion du troupeau laitier en cheptel à viande n’a manifestement pas été réalisée : qu’en reprenant officiellement l’exploitation familiale en 1996, [Q] [Q] fils entendait obtenir des droits supplémentaires ‘ vaches allaitantes campagne 1996″, faisant état de la présence de 38 animaux primés en 1994 et de 38 animaux primés en 1995,
Qu’en tout état de cause, aucun inventaire n’a été réalisé en 1974, en 1979, en 1996 , que l’inventaire auquel les appelants font référence (pièce 43) ne concerne pas la cession entre les parents [Q] et leur fils [Q] ; que si, en 1996, il existait un cheptel de 38 vaches allaitantes, il appartient aux appelants de justifier qu’il s’agissait du cheptel appartenant à leurs parents et non à M. [Q] [Q] qu’il aurait maintenu sur la période 1988 à 1996 ; que par ailleurs, la preuve de la présence de matériel et de fourrage n’est pas établie ; que la demande de rapport n’est pas justifiée,
Sur la demande de production des contrats d’assurance-vie de la Poste et du CMB :
Considérant que cette production par [L] [Q] sera ordonnée,
PAR CES MOTIFS :
Infirme sur le quantum de la créance de salaire différé de M. [Q] [Q] et de Mme [I] [Q] épouse [W], le sursis à statuer,
Dit que M. [Q] [Q] peut faire valoir sur la succession de M.[Q] [Q] et Mme [V] [K] une créance de salaire différé de 2080 X SMIC hroraire X2/3 X 5,25
Dit que M. [I] [Q] épouse [W] peut faire valoir une cérance sur la succession de M. [Q] [Q] et Mme [V] [K] de 2080 X SMIC horaire X 2/3 X 34 mois,
Confirme le jugement pour le surplus,
Y additant,
Ordonne le rapport à la succession de de M. [Q] [Q] et Mme [V] [K] par M. [Q] [Q] de :
De l’avantage consistant en le paiement par M. [Q] [Q] et Mme [V] [K] en leur qualité de cautions, des dettes de leur fils au Crédit Agricole, en exécution des décisions du tribunal de grande instance de Rennes du 3 mars 1986 et de l’arrêt de la cour d’appel du 30 mars 1988,
De l’avantage tiré de l’exploitation sans titre, gratuite, depuis le premier janvier 1974 jusqu’au 24 septembre 1979 des terres des époux [K],
De l’avantage tiré du non – paiement des fermages avant 1989 et évalué à 140000 F,
De l’avantage tiré du non paiement de fermages entre les années 1990 et 1997,
Dit qu’il appartiendra au notaire de chiffrer ces avantages en se faisant assister au besoin par un homme de l’art,
Déboute les appelants du surplus de leurs demandes de rapports par M. [Q] [Q] à la succession de ses parents, et de la demande de rapport formée contre Mme [I] [Q] épouse [W],
Ordonne la production par M. [L] [Q] des contrats d’assurance-vie de la Poste et CMB,
Constate que M. [Q] [Q] ne demande plus l’attribution préferentielle de biens dépendants de la succession des époux [K],
Dit n’ y avoir lieu à indemnité pour frais irrépétibles en cause d’appel,
Fait masse des dépens et dit qu’ils seront supportés à concurrence de la moitié par M. [L] [Q] et Mme [Y] [Q] épouse [G], à concurrence d’un quart par M. [Q] [Q] et d’un quart par Mme [I] [Q] épouse [W], et accorde à la Selarl Johanna Azincourt le bénéfice des dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.
LE GREFFIERLE PRESIDENT