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COUR DE CASSATION
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Audience publique du 16 septembre 2020
Rejet non spécialement motivé
M. CATHALA, président
Décision n° 10649 F
Pourvoi n° K 19-11.838
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 16 SEPTEMBRE 2020
M. W… O…, domicilié […] , a formé le pourvoi n° K 19-11.838 contre l’arrêt rendu le 8 novembre 2018 par la cour d’appel de Papeete (chambre sociale), dans le litige l’opposant à la société Hôtel Kia Ora Rangiroa, société anonyme, dont le siège est […] , défenderesse à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Depelley, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Colin-Stoclet, avocat de M. O…, de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de la société Hôtel Kia Ora Rangiroa, après débats en l’audience publique du 18 juin 2020 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Depelley, conseiller référendaire rapporteur, Mme Richard, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l’encontre de la décision attaquée, n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l’article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. O… aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par M. Cathala, président et Mme Richard, conseiller le plus ancien en ayant délibéré, conformément aux dispositions des articles 452 et 1021 du code de procédure civile en remplacement du conseiller référendaire rapporteur empêché, en son audience publique du seize septembre deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Colin-Stoclet, avocat aux Conseils, pour M. O….
IL EST FAIT GRIEF à l’arrêt attaqué d’avoir débouté M. O… de ses demandes dirigées contre la société Hôtel Kia Ora Rangiroa en paiement d’une indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents, de dommages-intérêts pour licenciement illicite et d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS propres QUE M. O… a été licencié, alors qu’il se trouvait en arrêt maladie, par lettre du 21 février 2013 ainsi rédigée : « il vous est reproché principalement un comportement récurrent agressif, menaçant, insultant et dangereux à l’égard du personnel de la cuisine. En effet, vous avez été recruté en qualité de chef exécutif de cuisine le 16 janvier 2012. Après une période d’essai relativement satisfaisante sur le plan de vos compétences professionnelles, votre comportement à l’égard du personnel placé sous votre autorité s’est radicalement transformé. Vous êtes devenu agressif, menaçant, irrespectueux, voire insultant. Vous avez commencé à faire régner au sein des cuisines une véritable terreur dont j’ignorais l’ampleur puisque le personnel terrorisé n’osait trop se plaindre de peur de représailles de votre part. Quelques salariés néanmoins se sont parfois risqués à dénoncer le harcèlement dont ils étaient victimes de votre part. Les représentants du personnel ont d’ailleurs à plusieurs reprises mis à l’ordre du jour des réunions mensuelles le comportement agressif du chef exécutif à l’égard du personnel. Votre comportement permanent est d’ailleurs à l’origine de plusieurs démissions fermement circonstanciées. A partir de la fin de l’année, j’ai commencé à recevoir des courriers et attestations du personnel dénonçant votre attitude agressive, voire dangereuse, puisque vous n’hésitez pas à jeter parfois des objets (…) à travers la cuisine, selon votre humeur. De même, plusieurs employés sont venus dans mon bureau en larmes et tremblant m’avouer qu’ils ne supportaient plus votre harcèlement et qu’ils envisageaient de démissionner. Nombreux sont ceux qui dénoncent à présent les violentes altercations dont ils ont été les témoins ou les victimes (
) A plusieurs reprises dès le second semestre 2012, je vous ai fait des observations et mises en garde verbales vous invitant à modérer vos propos et vos attitudes. Sachant que les chefs de cuisine ont parfois un fort tempérament et que vous avez apporté de multiples améliorations à l’alimentation de notre restaurant, j’ai pris votre défense à plusieurs reprises tout en vous invitant à vous modérer. Peine perdue. J’ai également organisé des réunions du personnel. Devant les employés de la cuisine, vous vous êtes excusé et avez promis de modifier votre attitude mais vos promesses sont restées sans suite (
) Par ailleurs, il vous est reproché d’avoir adressé au PDG et au directeur financier de la société, le 10 janvier dernier, un courrier très critique, diffamatoire et insultant à l’égard de votre directeur, à savoir moi-même. (
) En résumé, votre violence tant verbale que physique, votre agressivité permanente, votre comportement, insultant, menaçant dangereux et déloyal et d’une manière générale, votre personnalité totalement ingérable, constituent une menace et un danger pour la santé et la sécurité du personnel, portent atteinte à l’image et à la réputation de notre établissement, perturbent gravement la bonne marche de l’entreprise, et sont, par voie de conséquence, constitutifs de la faute grave privative de préavis et de toute indemnité … » ; que l’article Lp. 1212-3 du code du travail de la Polynésie française prévoit que lorsque le contrat de travail est suspendu, l’employeur ne peut le résilier sauf, notamment, s’il justifie d’une faute grave du salarié ; que le 10 janvier 2013, soit moins de deux mois avant la convocation à l’entretien préalable, M. O… a adressé aux propriétaires de l’hôtel le courriel suivant (
) ; que cette lettre ne se contente pas de critiquer le directeur de l’hôtel auprès de ses supérieurs hiérarchiques, mais elle dénonce de façon virulente et insulte sans apporter d’éléments de nature à justifier son contenu ; qu’il est légitime de chercher à se défendre lorsqu’un supérieur hiérarchique se révèle particulièrement injuste mais le classement sans suite de la plainte pour harcèlement moral déposée à l’encontre du directeur par M. O… démontre que celui-ci ne se trouvait pas dans un tel contexte ; que les termes du courriel et l’attitude de dénigrement adoptée par M. O… constituent une faute grave ; qu’en outre, les pièces versées aux débats font ressortir le comportement difficilement supportable de M. O… ; qu’elles font également ressortir que, si l’employeur a été rapidement avisé des agissements de l’appelant, il a tenté d’améliorer la situation avant de prendre des mesures plus sévères mais que cette situation a perduré et s’est envenimée jusqu’au mois de janvier 2013 ; que de nombreuses attestations produites par l’employeur sont datées du mois de janvier 2013 et font état de faits alors encore actuels, qui n’étaient donc pas prescrits lors de l’engagement de la procédure ; que ces attestations sont confirmées par les personnes entendues lors de l’enquête préliminaire, dont les propos ne sauraient être mis en doute compte tenu du cadre dans lequel ils ont été tenus ; qu’ainsi, R… K…, second de cuisine, C… L…, cuisinier, et F… Y…, chef de partie, évoquent une attitude violente de M. O… à l’égard de ses subordonnés et une perte de sang-froid ; que T… D…, chef de partie pâtisserie, souligne un manque de communication de la part de M. O… et R… X…, « un problème de comportement avec les personnels » et ajoute qu’aux réunions des délégués du personnel, il était question de l’agressivité de M. O… ; que V… M… précise que les salariés de la cuisine se plaignaient d’être « traités comme des chiens » et qu’un jeune salarié a eu une crise de tétanie puis a démissionné à cause de M. O… ; qu’R… J… expose qu’il a également démissionné à cause de M. O… qui était colérique, irrespectueux et insultant ; que Q… I… fait état de plusieurs démissions dues à l’attitude de M. O…, et N… E… ainsi que V… I…, d’insultes ; que le médecin du travail corrobore l’avis d’une grande partie du personnel travaillant sous l’autorité de M. O… puisque, le 26 novembre 2013, il écrit au directeur : «
En 2012, j’avais constaté dans le personnel de restauration et plus particulièrement de cuisine un très fort état de stress, de pression, de démotivation et d’angoisse avec menaces de démissions lié, selon leurs dires, à un management inapproprié
» ; qu’il convient de rappeler l’obligation de sécurité de résultat mise à la charge de l’employeur en matière de santé ; que le licenciement est justifié par une faute grave et que le comportement de M. O… imposait de mettre fin immédiatement à la relation de travail ;
Et AUX MOTIFS adoptés QUE le comportement de M. O… à l’égard des autres salariés de l’entreprise était connu de l’employeur depuis le 29 mars 2012, date à laquelle M. J… a justifié sa démission par les conditions de travail imposées par le requérant ; que le 15 juin 2012, l’employeur était alerté sur une altercation entre le requérant et R… K… ; que le 25 juin 2012, les délégués du personnel mettaient à l’ordre du jour « l’agressivité du chef exécutif envers son personnel » ; que lors de la réunion du 28 juin 2012, la direction les informait que M. O… « a reconnu s’être emporté et s’est engagé à ce que de tels excès ne se reproduisent plus » ; que les inquiétudes des représentants du personnel ont été renouvelées à la suite de plusieurs démissions, lors de la réunion du 29 novembre 2012 au cours de laquelle la direction a mis en avant la surcharge de travail comme motif principal ; que M K… a justifié sa démission, le 8 octobre 2012, par le « comportement colérique, capricieux et irrespectueux » de M. O… ; que M. L… a dénoncé dès le 1er octobre 2012 le comportement « agressif et violent » de M. O… envers le personnel de cuisine et de restauration ; que par attestation du 26 janvier 2013, M. X… assure avoir « pu constater à plusieurs reprises le comportement agressif et excessif et avoir adressé plusieurs mails à la direction lors de la constatation de ces faits » ; qu’il précise que lors des réunions mensuelles des délégués du personnel et du comité d’entreprise, le comportement agressif de M. O… est régulièrement abordé ; que M. I… explique avoir reçu plusieurs employés dans son bureau afin de se plaindre du comportement colérique et irrespectueux de M. O… et mentionne que ce comportement a été abordé lors de plusieurs discussions des représentants du personnel ; qu’il déclare que suite à ces plaintes, le directeur et lui-même avaient convoqué le requérant pour le mettre en garde ; que si les faits dénoncés sont manifestement très antérieurs à l’engagement de la procédure de licenciement, l’employeur peut justifier son délai à réagir par la nécessité de prendre conscience du problème et de l’évaluer ; que cette évaluation est incontournable, s’agissant de mauvaises relations personnelles dans un cadre professionnel où M. O… avait une position hiérarchique à l’égard d’un certain nombre de plaignants et où les situations de tension sont intrinsèques au travail, marqué par les périodes de pression pour assurer le service ; que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse caractérisant la faute grave, tant le comportement de M. O… à l’encontre d’une partie de ses collègues imposait qu’il soit mis fin immédiatement à son engagement, l’employeur étant tenu à une obligation de sécurité de résultat en matière de santé physique et psychique de ses salariés ;
1) ALORS QUE la faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, la mise en oeuvre de la rupture du contrat de travail doit intervenir dans un délai restreint après que l’employeur a eu connaissance des faits allégués dès lors qu’aucune vérification n’est nécessaire ; que M. O… soulignait le « décalage » entre les faits présentés et « le temps de réaction extrêmement long de la direction pour y mettre un terme », qu’il faisait valoir que les griefs formulés à son encontre étaient bien antérieurs à la mise en oeuvre de la procédure disciplinaire et que les premiers juges eux-mêmes avaient relevé que les faits dénoncés étaient très antérieurs à l’engagement de la procédure de licenciement ; qu’en décidant que la rupture était justifiée par une faute grave sans vérifier, comme elle y était invitée, si la procédure de licenciement avait été mise en oeuvre dans un délai restreint après que l’employeur ait eu connaissance des faits fautifs, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles Lp 1212-3, Lp 1222-1, 1225-3, Lp 1225-4 et Lp 1225-5 du code du travail de la Polynésie française ;
2) ALORS QU’en retenant, par motifs adoptés des premiers juges, que si les faits dénoncés étaient effectivement très antérieurs à l’engagement de la procédure disciplinaire, l’employeur pouvait justifier son délai à réagir par la nécessité de prendre conscience du problème et de l’évaluer, quand seule la nécessité de vérifier la réalité, la nature et l’ampleur exactes des faits dont il a connaissance permet à l’employeur de ne pas engager immédiatement les poursuites disciplinaires, la cour d’appel a violé les articles Lp. 1212-3, Lp 1222-1, Lp1225-3, Lp 1225-4 et Lp 1225-5 du code du travail de la Polynésie française.
3) ALORS en outre QUE le seul fait, pour un salarié, d’adresser à l’employeur un courrier dénigrant son supérieur hiérarchique, même en employant des termes violents voire insultants et sans justifier d’éléments précis de nature à établir ses reproches, ne rend pas impossible le maintien de l’intéressé dans l’entreprise ; qu’en retenant que la lettre adressée le 10 janvier 2013 par M. O… aux propriétaires de l’hôtel critiquant le directeur de l’hôtel de façon virulente et insultant sans justification constituait une faute grave, la cour d’appel a violé les articles Lp. 1212-3, Lp 1222-1, Lp1225-3, Lp 1225-4 et Lp 1225-5 du code du travail de la Polynésie française.