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N° T 18-82.865 F-D
N° 167
VD1
12 MARS 2019
REJET
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
– La commune de Puyvert, partie civile,
contre l’arrêt de la chambre de l’instruction de la cour d’appel de NÎMES, en date du 19 mars 2018, qui, dans l’information suivie, sur sa plainte, contre Mme P… V… du chef de diffamation publique envers une administration publique, a annulé sa plainte avec constitution de partie civile et la procédure subséquente ;
La COUR, statuant après débats en l’audience publique du 22 janvier 2019 où étaient présents dans la formation prévue à l’article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Soulard, président, Mme Durin-Karsenty, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Bray ;
Sur le rapport de Mme le conseiller DURIN-KARSENTY, les observations de la société civile professionnelle NICOLA, DE LANOUVELLE et HANNOTIN, avocat en la Cour, et les conclusions de M. le premier avocat général CORDIER ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 48 1° de la loi du 29 juillet 1881, L. 2122 du code général des collectivités territoriales 591 et 593 du code de procédure pénale, et des principes selon lesquels « les lois spéciales dérogent aux lois générales » et « la loi nouvelle incompatible avec l’ancienne abroge tacitement celle-ci », défaut de motifs et manque de base légale ;
“en ce que la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Nîmes a prononcé l’annulation de la procédure ouverte sur plainte avec constitution de partie civile de la commune de Puyvert en date du 24 novembre 2016 du chef de diffamation envers une administration publique ;
“aux motifs qu’aux termes de l’article 48 1° de la loi du 29 juillet 1881 « dans le cas d’injure ou de diffamation envers les cours, tribunaux et autres corps indiqués en l’article 30 (armées, corps constitués et administrations publiques) la poursuite n’aura lieu que sur une délibération prise par eux en assemblée générale et requérant les poursuites ou, si le corps n’a pas d’assemblée générale, sur la plainte du chef de corps ou du ministre duquel ce corps relève » ; qu’en l’espèce, en application de ce texte, la poursuite en diffamation ne pouvait être exercée que sur délibération prise par le conseil municipal en assemblée générale et requérant poursuite ; que ne répond pas à cette exigence la délibération du conseil municipal du 28 mars 2014 portant délégation d’attributions au maire et antérieure de plus de deux ans à la publication du 31 août 2016 qualifiée de diffamatoire par la partie civile ; que l’absence de délibération préalable à la plainte avec constitution de partie civile constitue une cause de nullité de la procédure, laquelle est d’ordre public ; qu’ il y a lieu en conséquence de prononcer la nullité de l’entière procédure ;
“1°) alors que la commune avait fait valoir dans son mémoire de l’article 198 du code de procédure pénale qu’en vertu de la délégation d’attributions reçue du conseil municipal, la délibération spéciale d’une commune prévue à l’article 48 de la loi du 29 juillet 1881 pour ester en matière de diffamation prend la forme d’une décision municipale du maire et ce d’autant plus qu’une fois donnée sa délégation, le conseil municipal ne peut plus intervenir par voie de délibération pour décider d’une action en justice ; qu’en s’abstenant de répondre à ce moyen péremptoire, la cour a entaché son arrêt d’un défaut de motifs en violation des textes susvisés ;
“2°) alors que, si l’article 48 de la loi du 29 juillet 1881, qui a entendu réserver l’initiative des poursuites en matière de diffamations et d’injures principalement à celui qu’elles visent a, dans le cas des diffamations et injures spéciales, déterminé le titulaire du droit de décider de l’opportunité des poursuites et a ainsi, lorsque la diffamation ou l’injure vise un corps constitué, attribué ce pouvoir à l’assemblée générale dudit corps, à l’exception du chef de celui-ci, la finalité de ces dispositions ne saurait se trouver contredite ni, par voie de conséquence, s’opposer à la possibilité donnée à un conseil municipal par des dispositions légales ultérieures de pouvoir déléguer partie de ses attributions, et notamment celle d’intenter toute action en justice en son nom, au maire de la commune ; que, dès lors, l’article L. 2122 16° du code général des collectivités territoriales autorisant le conseil municipal à déléguer l’exercice d’une partie de ses attributions au maire, et notamment celle d’intenter au nom de la commune les actions en justice, la cour ne pouvait, sans violer ce texte et méconnaître la lettre et l’esprit de l’article 48 de la loi du 29 juillet 1881, déclarer irrecevable l’action introduite par la commune de Puyvert représentée par son maire régulièrement autorisé à intenter toute action en justice devant toutes les juridictions ;
“3°) alors subsidiairement qu’à supposer que l’article L. 2122 16° du code général des collectivités territoriales soit incompatible avec l’article 48 1° de la loi du 29 juillet 1881, il y a lieu de rappeler que les règles spéciales dérogent aux règles générales et de considérer que dans le cas particulier de diffamation envers une commune la procédure obéit aux règles spécifiques énoncées par le premier de ces textes, exclusives du second ; qu’en décidant le contraire, la cour a violé les textes et principe susvisés ;
“4°) alors subsidiairement qu’à supposer que l’article L. 2122 16° du code général des collectivités territoriales soit incompatible avec l’article 48 1° de la loi du 29 juillet 1881 et que le premier texte ne constitue pas une règle spéciale dérogeant au second plus général, il y a lieu de rappeler qu’il y a abrogation tacite en dehors de toute formule d’abrogation lorsque les dispositions de la loi nouvelle sont inconciliables ou contradictoires avec celles de la loi ancienne et incompatibles avec leur maintien et de considérer que, dans le cas particulier de diffamation envers une commune, la procédure obéit aux règles spécifiques énoncées par le premier de ces textes incompatibles avec le second en raison de l’abrogation partielle de celui-ci ; qu’en statuant ainsi, la cour a violé les textes et principe susvisés” ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu’à la suite de la mise en ligne sur le blog ” Puyvert.info”, d’un article intitulé ” un bien joli coup de pub”, dont elle considérait le contenu diffamatoire à son égard, la commune de Puyvert a porté plainte et s’est constituée partie civile en visant les articles 29 et 30 de la loi du 29 juillet 1881 ; qu’à la suite du réquisitoire introductif, le juge d’instruction a mis en examen Mme V… de ce chef ; que cette dernière a déposé une requête en nullité de la plainte précitée ;
Attendu que, pour accueillir le moyen de nullité, l’arrêt retient en substance qu’en application de l’article 48, 1° de la loi du 29 juillet 1881, la poursuite en diffamation ne pouvait être exercée que sur délibération prise par le conseil municipal en assemblée générale et requérant les poursuites ; que les juges relèvent que ne répond pas à cette exigence la délibération du conseil municipal du 28 mars 2014 portant délégation d’attributions au maire et antérieure de plus de deux ans à la publication litigieuse du 31 août 2016 qualifiée de diffamatoire par la partie civile ; que les juges concluent que l’absence de délibération préalable à la plainte avec constitution de partie civile constitue une cause de nullité de la procédure, laquelle est d’ordre public ;
Attendu qu’en se déterminant ainsi, la chambre de l’instruction a fait l’exacte application des textes visés au moyen ;
Qu’en premier lieu, la plainte déposée par une commune doit être précédée, comme l’exige l’article 48, 1° de la loi du 29 juillet 1881, d’une délibération du conseil municipal, laquelle doit mentionner avec une précision suffisante les faits qu’elle entend dénoncer, ainsi que la nature des poursuites qu’elle requiert sans que ses insuffisances puissent être réparées par le réquisitoire introductif ;
Qu’en deuxième lieu, si, aux termes de l’article L. 2122-22, 16° du code général des impôts, le maire peut, par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie et pour la durée de son mandat, d’intenter au nom de la commune les actions en justice ou de défendre la commune dans les actions intentées contre elle, dans les cas définis par le conseil municipal, ce texte n’a pu déroger, même implicitement, à la disposition spéciale édictée, en matière pénale, par l’article 48, 1° de la loi du 29 juillet 1881, subordonnant l’exercice des poursuites à une délibération du corps constitué prise en assemblée générale ;
Qu’enfin, les dispositions du 1° de ce même article 48, qui subordonnent la mise en oeuvre de l’action publique à une délibération prise en assemblée générale ne constituent pas une restriction excessive au droit de porter plainte pour une commune ;
D’où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l’arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le douze mars deux mille dix-neuf ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 48 1° de la loi du 29 juillet 1881, L. 2122 du code général des collectivités territoriales 591 et 593 du code de procédure pénale, et des principes selon lesquels « les lois spéciales dérogent aux lois générales » et « la loi nouvelle incompatible avec l’ancienne abroge tacitement celle-ci », défaut de motifs et manque de base légale ;
“en ce que la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Nîmes a prononcé l’annulation de la procédure ouverte sur plainte avec constitution de partie civile de la commune de Puyvert en date du 24 novembre 2016 du chef de diffamation envers une administration publique ;
“aux motifs qu’aux termes de l’article 48 1° de la loi du 29 juillet 1881 « dans le cas d’injure ou de diffamation envers les cours, tribunaux et autres corps indiqués en l’article 30 (armées, corps constitués et administrations publiques) la poursuite n’aura lieu que sur une délibération prise par eux en assemblée générale et requérant les poursuites ou, si le corps n’a pas d’assemblée générale, sur la plainte du chef de corps ou du ministre duquel ce corps relève » ; qu’en l’espèce, en application de ce texte, la poursuite en diffamation ne pouvait être exercée que sur délibération prise par le conseil municipal en assemblée générale et requérant poursuite ; que ne répond pas à cette exigence la délibération du conseil municipal du 28 mars 2014 portant délégation d’attributions au maire et antérieure de plus de deux ans à la publication du 31 août 2016 qualifiée de diffamatoire par la partie civile ; que l’absence de délibération préalable à la plainte avec constitution de partie civile constitue une cause de nullité de la procédure, laquelle est d’ordre public ; qu’ il y a lieu en conséquence de prononcer la nullité de l’entière procédure ;
“1°) alors que la commune avait fait valoir dans son mémoire de l’article 198 du code de procédure pénale qu’en vertu de la délégation d’attributions reçue du conseil municipal, la délibération spéciale d’une commune prévue à l’article 48 de la loi du 29 juillet 1881 pour ester en matière de diffamation prend la forme d’une décision municipale du maire et ce d’autant plus qu’une fois donnée sa délégation, le conseil municipal ne peut plus intervenir par voie de délibération pour décider d’une action en justice ; qu’en s’abstenant de répondre à ce moyen péremptoire, la cour a entaché son arrêt d’un défaut de motifs en violation des textes susvisés ;
“2°) alors que, si l’article 48 de la loi du 29 juillet 1881, qui a entendu réserver l’initiative des poursuites en matière de diffamations et d’injures principalement à celui qu’elles visent a, dans le cas des diffamations et injures spéciales, déterminé le titulaire du droit de décider de l’opportunité des poursuites et a ainsi, lorsque la diffamation ou l’injure vise un corps constitué, attribué ce pouvoir à l’assemblée générale dudit corps, à l’exception du chef de celui-ci, la finalité de ces dispositions ne saurait se trouver contredite ni, par voie de conséquence, s’opposer à la possibilité donnée à un conseil municipal par des dispositions légales ultérieures de pouvoir déléguer partie de ses attributions, et notamment celle d’intenter toute action en justice en son nom, au maire de la commune ; que, dès lors, l’article L. 2122 16° du code général des collectivités territoriales autorisant le conseil municipal à déléguer l’exercice d’une partie de ses attributions au maire, et notamment celle d’intenter au nom de la commune les actions en justice, la cour ne pouvait, sans violer ce texte et méconnaître la lettre et l’esprit de l’article 48 de la loi du 29 juillet 1881, déclarer irrecevable l’action introduite par la commune de Puyvert représentée par son maire régulièrement autorisé à intenter toute action en justice devant toutes les juridictions ;
“3°) alors subsidiairement qu’à supposer que l’article L. 2122 16° du code général des collectivités territoriales soit incompatible avec l’article 48 1° de la loi du 29 juillet 1881, il y a lieu de rappeler que les règles spéciales dérogent aux règles générales et de considérer que dans le cas particulier de diffamation envers une commune la procédure obéit aux règles spécifiques énoncées par le premier de ces textes, exclusives du second ; qu’en décidant le contraire, la cour a violé les textes et principe susvisés ;
“4°) alors subsidiairement qu’à supposer que l’article L. 2122 16° du code général des collectivités territoriales soit incompatible avec l’article 48 1° de la loi du 29 juillet 1881 et que le premier texte ne constitue pas une règle spéciale dérogeant au second plus général, il y a lieu de rappeler qu’il y a abrogation tacite en dehors de toute formule d’abrogation lorsque les dispositions de la loi nouvelle sont inconciliables ou contradictoires avec celles de la loi ancienne et incompatibles avec leur maintien et de considérer que, dans le cas particulier de diffamation envers une commune, la procédure obéit aux règles spécifiques énoncées par le premier de ces textes incompatibles avec le second en raison de l’abrogation partielle de celui-ci ; qu’en statuant ainsi, la cour a violé les textes et principe susvisés” ;
Attendu qu’il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu’à la suite de la mise en ligne sur le blog ” Puyvert.info”, d’un article intitulé ” un bien joli coup de pub”, dont elle considérait le contenu diffamatoire à son égard, la commune de Puyvert a porté plainte et s’est constituée partie civile en visant les articles 29 et 30 de la loi du 29 juillet 1881 ; qu’à la suite du réquisitoire introductif, le juge d’instruction a mis en examen Mme V… de ce chef ; que cette dernière a déposé une requête en nullité de la plainte précitée ;
Attendu que, pour accueillir le moyen de nullité, l’arrêt retient en substance qu’en application de l’article 48, 1° de la loi du 29 juillet 1881, la poursuite en diffamation ne pouvait être exercée que sur délibération prise par le conseil municipal en assemblée générale et requérant les poursuites ; que les juges relèvent que ne répond pas à cette exigence la délibération du conseil municipal du 28 mars 2014 portant délégation d’attributions au maire et antérieure de plus de deux ans à la publication litigieuse du 31 août 2016 qualifiée de diffamatoire par la partie civile ; que les juges concluent que l’absence de délibération préalable à la plainte avec constitution de partie civile constitue une cause de nullité de la procédure, laquelle est d’ordre public ;