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Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 7
ARRÊT DU 10 SEPTEMBRE 2020
(n° , 10 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 18/05977 – N° Portalis 35L7-V-B7C-B5TS4
Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Mars 2018 -Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de MELUN – RG n° 16/00301
APPELANT
M. [I] [N]
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représenté par Me Amine TRIDI, avocat au barreau de PARIS, toque : E0493
INTIMEE
SAS TRAVAUX PUBLICS SEINE ET MARNAIS (TPSM)
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Philippe ROZEC, avocat au barreau de PARIS, toque : R045
COMPOSITION DE LA COUR :
En application :
– de l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19;
– de l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété, notamment ses articles 1er et 8 ;
– de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 modifiée relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période ;
L’affaire a été retenue selon la procédure sans audience le 04 Juin 2020, les avocats y ayant consenti expressément ou ne s’y étant pas opposés dans le délai de 15 jours de la proposition qui leur a été faite de recourir à cette procédure;
La cour composée comme suit en a délibéré :
Madame Hélène FILLIOL, Présidente de Chambre,
Madame Brigitte DELAPIERREGROSSE, Présidente de Chambre,
Monsieur François MELIN, Conseiller.
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE,
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
-signé par Madame Hélène FILLIOL, Présidente de Chambre, et par Madame Lucile MOEGLIN, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
M. [N] a été engagé, en qualité de responsable magasin, à compter du 6 août 2007 par la société Travaux Publics Seine et Marnais, ci-après « TPSM », dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée. Cette entreprise compte 106 salariés.
M. [N] a été promu responsable achats et logistique à compter du 1er juillet 2014.
M. [N] est devenu, le 3 novembre 2014, membre suppléant de la délégation unique de l’entreprise, dans le collège ETAM.
M. [N] a été convoqué à un entretien préalable fixé le 24 août 2015 en vue de son éventuel licenciement, au motif qu’après avoir consommé de l’alcool, il avait, le 14 août 2015, provoqué un incendie dans les vestiaires de l’entreprise.
Le 16 septembre 2015, l’inspecteur du travail a rejeté la demande d’autorisation de procéder au licenciement du salarié, car l’entretien préalable avait été organisé moins de cinq jours après la présentation de la convocation à cet entretien.
L’employeur a alors engagé une seconde procédure de licenciement au regard des mêmes faits. Le salarié a été mis à pied à titre conservatoire le 21 septembre 2015 et a été de nouveau convoqué à un entretien préalable le 1er octobre 2015.
Le 23 novembre 2015, l’inspecteur du travail a rejeté la demande d’autorisation de licenciement, au motif que l’employeur n’établissait pas que le salarié avait déclenché l’incendie.
L’employeur a formé un recours contre cette décision.
Le salarié a dès lors été auditionné par les services du Ministère du travail le 29 mars 2016.
Par un courrier en date du 4 avril 2016, le salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail en invoquant divers manquements de son employeur.
M. [N] a saisi le conseil de prud’hommes de Melun le 29 avril 2016 pour obtenir la requalification de la prise d’acte de rupture de son contrat de travail en un licenciement nul ainsi que le paiement de diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.
Par un jugement du 29 mars 2018, le conseil, dans sa formation de départage, a :
– débouté M. [N] de ses demande concernant la prise d’acte et de ses demandes subséquentes,
– requalifié la prise d’acte de la rupture en démission,
– condamné la société au paiement de la somme de 8. 535 € à titre de rappel de salaire suite à annulation de deux mises à pied conservatoires,
– enjoint à la société de remettre au salarié des bulletins de salaire conformes au présent jugement,
– débouté le salarié de sa demande de régularisation de son salaire suite à son accident de travail,
– condamné le salarié au paiement des sommes suivantes :
* 5. 400 € au titre de préavis,
* 250 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
* les dépens de la présente instance.
Le 2 mai 2018, M. [N] a interjeté appel de ce jugement.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Selon ses conclusions transmises le 20 mai 2020, M. [N] demande à la cour de:
– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société à payer la somme de 8 535 euros à titre de rappel de salaire ;
– l’infirmer pour le surplus ;
– juger que la prise d’acte de rupture du contrat de travail en date du 4 avril 2016 est requalifiée en licenciement nul ;
– juger que le salarié a été victime de harcèlement moral au travail ;
– condamner la société au paiement des sommes suivantes :
* 3. 400 € bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis égale à deux mois de salaire,
* 340 € bruts à titre de congés payés sur indemnité compensatrice de préavis,
* 3. 512, 22 € à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,
* 21. 600 € à titre d’indemnité pour licenciement nul,
* 99. 450 € à titre d’indemnité forfaitaire égale aux salaires qu’aurait perçu le salarié depuis son départ en date du 8 avril 2016 jusqu’à la fin de sa durée de protection légale,
* 10. 000 € en réparation de son préjudice moral pour harcèlement moral au travail,
* 3. 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Outre, les intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes pour les créances salariales et à compter de l’arrêt à intervenir pour les créances indemnitaires ;
-faire injonction à la société de remettre au salarié les documents suivants, conformes à la décision à intervenir, sous astreinte de 50. 00 € par jour et par document de retard passé un délai de 15 jours après le prononcé de la décision :
* un solde de tout compte, un certificat de travail, une attestation Pôle Emploi, sous astreinte de 50 euros par jour et par document de retard passé un délai de 15 jours après le prononcé de la décision,
* des fiches de paie modifiées faisant mention d’un accident du travail sur la période du 14 août 2015 au 15 décembre 2015 inclus, avec régularisation du salaire correspondant ;
– débouter la société de son appel incident et de ses demandes ;
– la condamner aux entiers dépens.
Selon ses conclusions transmises le 11 octobre 2018, la société Travaux Publics Seine et Marnais conclut à la confirmation du jugement sauf en ce qu’il a condamné la société au paiement de la somme de 8. 535 € à titre de rappel de salaire en raison de l’annulation de la période de mise à pied conservatoire et sollicite la condamnation du salarié au paiement des sommes suivantes :
* 3. 400 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
* 3. 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
* les entiers dépens.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la prise d’acte
Par un courrier du 4 avril 2016, M. [N] a pris acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur dans les termes suivants :
‘(…)
Je suis embauché par vos soins depuis le 6 août 2007.
Dans le courant de l’année 2014, je suis devenu responsable achat et logistique.
Je suis également, comme vous le savez, délégué du personnel depuis le 20 octobre 2014.
Un incendie s’est déclaré dans les locaux de TPSM le 14 août 2015 et, depuis cette date, vous m’en rendez responsable, et ce publiquement.
Vous avez sollicité l’autorisation de me licencier à l’Inspection du Travail, laquelle autorisation vous a été refusée le 23 novembre 2015 (vous avez exercé un recours hiérarchique actuellement en cours).
J’ai repris mon travail fin décembre 2015, à l’issue de mon accident du travail.
Depuis cette date, vous n’avez eu de cesse d’adopter un comportement déplacé à mon égard, en contravention avec les règles du code du travail.
Par la présente, je suis contraint, eu égard à votre comportement, de vous notifier la prise d’acte de rupture de mon contrat de travail à vos torts.
Les raisons en sont notamment les suivantes :
– accusation publique et diffamatoire ;
– déclaration inexacte à la CPAM sur les circonstances de mon accident de travail ;
– modification unilatérale de mon contrat de travail ; discrimination et différence de traitement avec les autres salariés de l’entreprise ;
– non paiement de mes heures ;
– non réponse à mes sollicitations ;
– aucune sécurité au sein des locaux de TPSM ;
– etc.
En outre, depuis mon retour dans l’entreprise, je subis un véritable harcèlement moral au travail de votre part.
Enfin, vous entravez gravement mon activité de représentant du personnel.
Par conséquent, et comme indiqué ci-avant, je vous notifie la prise d’acte de rupture immédiate de mon contrat de travail, à vos torts.
Je vous remercie de m’adresser les documents relatifs à la rupture de mon contrat de travail (attestation Pôle Emploi, certificat de travail, bulletin de paie de mars 2016, solde de tout compte) et de me régler sans délai, mon solde de tout compte avec notamment le paiement des congés payés acquis et en cours non pris.
Bien entendu, je me réserve expressément le droit de saisir le Conseil des Prud’hommes territorialement compétent, afin qu’il soit statué sur les effets de cette prise d’acte de rupture à vos torts exclusifs.
(…)’.
Dans ce cadre, il y a lieu de rappeler, de manière générale, que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse si le salarié établit des faits suffisamment graves imputables à l’employeur et empêchant la poursuite du contrat de travail et, à défaut, les effets d’une démission.
Il y a donc lieu d’examiner successivement les griefs invoqués par le salarié, afin d’établir dans un premier temps si leur réalité est avérée.
En premier lieu, le salarié indique que l’employeur l’a mis, de manière injustifiée, à pied à titre conservatoire à du 17 août 2015 au 23 novembre 2015, qu’il n’a pas payé un rappel de salaire à ce titre alors que la procédure de licenciement n’a pas abouti, et que la régularisation de salaire opérée en octobre et en novembre 2015 pour des montants de 650 euros et 3 000 euros n’est pas suffisante, dès lors que la somme de 8 535 euros lui est due à ce titre, comme l’a retenu le jugement.
L’employeur répond que le salarié bénéficiait d’un arrêt de travail au cours de cette période, qu’il a perçu des indemnités journalières de sécurité sociale à ce titre et qu’il a bénéficié d’une régularisation de salaire d’un montant de 650 euros en octobre 2015 et de 3 000 euros en novembre 2015, pour compléter les indemnités journalières, et que ces sommes doivent être déduites des prétentions indemnitaires du salarié.
A ce sujet, la cour relève que :
– en réalité, il y a eu deux mises à pied successives, l’une décidée le 17 août 2015 dans le cadre de la première procédure de licenciement, l’autre du 21 septembre 2015 suite à la mise en oeuvre de la seconde procédure ;
– l’inspecteur du travail n’ayant pas donné son autorisation de licenciement dans ces deux procédures, les deux mises à pied ont été annulées de plein droit, peu important que l’employeur ait engagé un recours hiérarchique ;
– il appartenait donc à l’employeur de payer les salaires correspondants ;
– la réalité du manquement de l’employeur est donc à cet égard avéré ;
– l’employeur sera donc condamné à payer M. [N] la somme de 4 885 euros (8 535 euros de salaire au titre de la période – 3 650 euros déjà versés par l’employeur), sans qu’il y ait lieu de prendre en considération les indemnités journalières perçues par le salarié. Le jugement sera donc infirmé en ce qu’il a condamné l’employeur à payer la somme de 8 535 euros à titre de rappel de salaire.
En deuxième lieu, M. [N] soutient que la direction de l’entreprise a exercé des pressions sur le personnel de l’entreprise afin d’obtenir des attestations le présentant comme l’auteur de l’incendie du 14 août 2015, ce qu’il nie être. Il produit deux pièces au soutien de cette allégation.
La cour relève que :
– par son attestation, M. [Y] n’indique pas avoir lui-même subi une pression de l’employeur mais précise que le directeur général exerce ‘une pression notable sur un certain nombre de salariés’ et qu’il lui a ‘été relaté que [S] [M] a également subi des pressions’. Or, ces indications sont très générales et n’ont pas de ce fait de portée probatoire ;
– il produit également ce qu’il présente comme un mail que Mme [M], l’une de ses collègues, se serait envoyé à elle-même le 24 septembre 2015, avant de le lui transférer le 13 octobre 2015. Or, aucun élément du dossier ne permet de retenir avec certitude que cette pièce a bien été établie par Mme [M], étant par ailleurs précisé que celle-ci n’a pas attesté dans le dossier et que M. [N] n’explique pas pourquoi Mme [M] aurait rédigé un mail le 24 septembre 2015 mais qu’elle ne le lui aurait envoyé que le 13 octobre 2015. De surcroît, à supposer que ce mail ait bien été rédigé par Mme [M], il y a lieu de relever que si celle-ci indique que l’employeur a fait pression sur elle afin qu’elle atteste, elle ajoute que l’employeur entendait seulement qu’elle relate ce que M. [N] lui avait dit quant à l’origine de l’incendie du 14 août 2015 et ce qu’elle avait elle-même déclaré à ce propos à la réunion du CHSCT . Il ne résulte pas des termes de cette pièce que l’employeur lui aurait demander de mentir ou de fournir un témoignage non sincère;
– ainsi, la réalité du grief invoqué par M. [N] n’est pas établie.
En troisième lieu, le salarié soutient que l’employeur l’a publiquement présenté comme un incendiaire auprès du comité d’entreprise, de l’inspection du travail, de l’assureur, de la caisse primaire d’assurance maladie et de la presse locale, ce que conteste l’employeur.
La cour retient toutefois que :
– dès lors que l’employeur envisageait de licencier M. [N] pour faute et que celui-ci était membre suppléant de la délégation unique de l’entreprise, il a nécessairement dû exposer les motifs du licenciement au comité d’entreprise et à l’inspection du travail. M. [N] ne peut donc pas lui en faire grief, étant précisé que s’il impute à l’employeur des accusations diffamatoires, il ne fournit aucun élément en ce sens ;
– l’employeur ne pouvait, à l’égard de son assureur, que relater les circonstances à l’origine, d’après lui, du sinistre, dès lors qu’il avait décidé d’établir une déclaration de sinistre ;
– dans la déclaration d’accident du travail, l’employeur a certes indiqué à la CPAM que la victime tentait d’éteindre un feu qu’elle avait elle-même allumé pour faire une blague à son collègue. Néanmoins, il lui appartenait bien de faire état des circonstances de l’accident du travail telles qu’il les percevait afin que la CPAM puisse ensuite instruire le dossier, le cas échéant en diligentant une enquête ;
– M. [N] indique que l’employeur l’a accusé publiquement devant la presse d’être à l’origine de l’incendie du 14 août 2015. Il procède toutefois à ce sujet par une simple affirmation générale;
– il résulte de ce qui précède que la réalité du troisième grief invoqué par M. [N] n’est pas établie.
En quatrième lieu, M. [N] fait grief à l’employeur d’avoir porté dans la rubrique ‘Analyse de la période écoulée’ de sa fiche d’évaluation du 18 décembre 2015 la mention suivante : ‘E.M. : Pb de comportement lié à la consommation d’alcool pendant les heures de travail ; E.M. : Incendie des vestiaires le 14 août 2015″. L’employeur répond en substance que ces éléments sont avérés.
Dans ce cadre, la cour retient que :
– à la date de l’entretien d’évaluation, l’inspection du travail avait rejeté la demande d’autorisation de licenciement dans les deux procédures engagés par l’employeur. Il n’appartenait donc pas à l’employeur de faire état de l’incendie du 14 août 2015 ;
– la mention d’un problème de consommation d’alcool par le salarié est également fautive, alors que la preuve d’un tel problème n’est pas rapportée et qu’il est constant qu’aucune procédure disciplinaire n’avait été, par le passé, engagée en considération d’une consommation excessive d’alcool ;
– la réalité du quatrième grief est donc retenue.
En cinquième lieu, M. [N] soutient que l’employeur a procédé à une modification unilatérale de ses fonctions et qu’au retour de son arrêt maladie le 14 décembre 2015, il a constaté qu’il devait faire contresigner ses bons de commande alors qu’il pouvait les signer seul auparavant. Il ajoute qu’il n’a plus alors été autorisé à répertorier les heures supplémentaires des salariés de son service, comme il le faisait auparavant, et qu’il n’a plus été convié aux réunions hebdomadaires des chefs de service.
L’employeur conteste ces allégations et fait état d’une réorganisation des services décidée en 2014 et mise en oeuvre en 2015, qui a conduit à créer un échelon intermédiaire entre la direction et les chefs de service, ce qui a conduit à certaines évolutions.
Dans ce cadre, la cour retient que :
– aucun élément du dossier ne conduit à retenir qu’il relevait des attributions du salarié de signer seul les bons de commande ou de répertorier les heures supplémentaires des salariés du service;
– l’employeur produit des comptes-rendus de réunions tenues en 2015 dont il résulte que M. [N] participait bien à des réunions hebdomadaires ;
– la preuve d’une modification des fonctions du salarié n’est pas rapportée, de sorte que la réalité du grief n’est pas établie.
En sixième lieu, M. [N] soutient que l’employeur a commis des entraves à son mandant de délégué du personnel et fait valoir qu’il n’y avait pas de local destiné au comité d’entreprise ou au délégué unique du personnel, un ordinateur personnalisé, et une base de données économiques et sociale. Il ajoute que l’employeur l’a contraint, le 17 mars 2016, à utiliser ses heures de délégation en dehors de ses heures de travail, qu’il ne l’a pas convié à une réunion des membres du personnel le 17 septembre 2015, et qu’il ne lui a pas transmis les comptes-rendus des réunions de la délégation unique du personnel des 28 août et 5 octobre 2015. Il ajoute également que ses effets personnels ont été jetées par la direction.
La cour retient toutefois que :
– les griefs se rapportant au local, à l’ordinateur et à une base de données sont évoqués de manière générale et sans élément de preuve, étant précisé par ailleurs que M. [N] n’allègue que ces faits, à les supposer établis, auraient eu une incidence sur l’exercice de son propre mandat;
– au soutien de son allégation selon laquelle l’employeur l’aurait contraint à utiliser ses heures de délégation hors de ses heures de travail, M. [N] produit uniquement un planning hebdomadaire du magasin (pièce 43) et une feuille de présence à une réunion de la délégation unique du personnel (pièce 44). Or, ces pièces n’établissent pas la réalité du grief ;
– le code du travail ne prévoit pas l’obligation d’adresser aux membre de la délégation unique du personnel les comptes-rendus des réunions, étant par ailleurs précisé que M. [N] était en arrêt de travail pour maladie lors des réunions des 28 août et 15 octobre 2015 qu’il invoque ;
– le salarié affirme sans aucun élément de preuve que l’employeur aurait jeté ses effets personnels;
– la réalité du grief invoqué n’est donc pas retenue.
En septième lieu, M. [N] soutient qu’il a été victime d’une différence de traitement salarial et fait valoir que son salaire est resté, de janvier à mars 2016, ‘bloqué à 2.700, 00 euros bruts, contrairement aux autres salariés de l’entreprise’. L’employeur conteste toute différence de traitement.
A ce sujet, la cour relève qu’en application de l’article L 1134-1 du code du travail, il appartenait au salarié de soumettre au juge des éléments de faits susceptible de caractériser une inégalité. Or, il se borne à procéder à l’affirmation relevée ci-dessus, sans fournir aucune autre précision ni envisager la situation d’un ou de plusieurs collègues.
En huitième lieu, M. [N] soutient qu’il n’a pas bénéficié de la seconde moitié de la prime de fin d’année qui lui était due en décembre 2015 (après un acompte en juin 2015), alors qu’il avait reçu une telle prime les autres années.
La cour relève toutefois que :
– le contrat de travail ne prévoit pas une telle prime de fin d’année ;
– si M. [N] allègue de manière générale qu’il percevait tous les ans cette prime de fin d’année, il se réfère en réalité uniquement aux années 2011 et 2015 (conclusions p. 42) ;
– M. [N] produit aux débats quelques bulletins de paie mais aucun d’entre eux ne fait apparaître une telle prime ;
– il n’allègue pas que cette prime aurait un fondement contractuel ou lui serait due en vertu d’un usage ou d’un engagement unilatéral de l’employeur ;
– en définitive, le salarié n’établit pas le bien-fondé de ses allégations concernant cette prime ;
– la réalité du grief n’est donc pas établie.
En neuvième lieu, M. [N] reproche à l’employeur de ne pas avoir assuré la sécurité au sein de l’entreprise en ce qui concerne le stockage de l’essence et des produits chimiques. Il ajoute qu’il y avait dans la cour une benne contenant de l’enrobé.
La cour relève toutefois que le salarié se borne à se prévaloir d’un document établi par l’entreprise elle-même qui constitue un plan d’actions au regard des normes de l’Afnor, et qui indique notamment que, dans le magasin, les produits chimiques doivent être rassemblés. Or, il ne résulte pas de ce document une infraction de l’employeur à ses obligations, alors que le salarié ne produit aucun autre élément au soutien de son allégation. La réalité du grief n’est donc pas retenue.
En dixième lieu, M. [N] reproche à l’employeur de l’avoir harcelé moralement.
Dès lors, il y a lieu de rappeler, de manière générale, que :
– l’article L 1152-1 du code du travail dispose qu’ ‘aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel’ ;
– l’article L1152-2 énonce qu’ ‘aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés’ ;
– l’article L 1154-1 ajoute que ‘lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles’.
Il appartient donc à la cour de déterminer si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement.
A ce sujet, la cour relève que :
– le salarié soutient que l’employeur l’a accusé publiquement d’être responsable de l’incendie du 14 août 2015, lui a retiré certaines de ses responsabilités, l’a écarté de certaines réunions, ne lui a pas versé une partie de la prime de fin d’année 2015, et l’a entravé dans son activité de représentant du personnel. Ces griefs sont ceux qui ont été examinés ci-dessus. Or, la cour a relevé que leur réalité n’était pas établie ;
– le salarié indique, sans autre précision, qu’il a reçu des appréciations négatives lors de l’entretien d’évaluation de l’année 2015. Toutefois, cette évaluation fait apparaître 18 points positifs et 9 points négatifs, ce qui ne permet pas d’en conclure que l’évaluation a été globalement négative, étant précisé que le salarié ne fournit aucun élément tendant à contester les appréciations de son employeur ;
– le salarié indique que l’employeur ne lui a pas fourni les documents nécessaires à la portabilité de ses droits suite à la radiation de sa mutuelle. Toutefois, il procède par une simple affirmation et n’explique pas comment un agissement de l’employeur, à le supposer avéré, par hypothèse postérieur à la rupture du contrat de travail pourrait constituer un harcèlement moral ;
– le salarié indique que l’employeur a envisagé de le faire travailler les semaines des 15 et 22 août 2016, alors que sa conjointe devait accoucher le 24 août 2016. Toutefois, il procède par une simple affirmation, étant par ailleurs rappelé que la période visée est postérieure de plus de quatre mois et demi à la prise d’acte.
Ainsi, la réalité d’aucun des faits invoqués au soutien de l’allégation de harcèlement moral n’est avérée.
Suite à l’examen qui vient d’être effectué de l’ensemble des griefs adressés à l’employeur par le salarié en vue de la qualification de la prise d’acte, la cour retient que seule la réalité de deux de ces griefs est établie, à savoir ceux concernant le rappel de salaire dû au titre des mises à pied conservatoires annulées et l’indication dans le formulaire d’évaluation du 18 décembre 2015 de problème de consommation d’alcool et de la responsabilité du salarié lors de l’incendie du 14 août 2015.
Ainsi que l’a retenu à juste titre le conseil de prud’hommes dans sa formation de départage, le salarié ne démontre pas l’existence de manquements suffisamment graves de l’employeur empêchant la poursuite du contrat de travail, dès lors que les agissements de l’employeur s’expliquaient par la procédure de licenciement qui était en cours et qui l’était encore à la date de la prise d’acte.
La prise d’acte produit donc les effets d’une démission, de sorte que les demandes d’indemnité compensatrice de préavis, de congés payés afférents, d’indemnité conventionnelle de licenciement, d’indemnité pour licenciement nul, d’indemnité forfaitaire, et de dommages et intérêts pour harcèlement moral seront rejetées.
Sur la demande renconventionnelle au titre du préavis
Le jugement a condamné M. [N] à payer à la société la somme de 5 400 euros au titre du préavis.
Néanmoins, l’employeur demande, devant la cour, une somme de 3 400 euros à ce titre.
Le jugement sera donc infirmé de ce chef et le salarié condamné à payer cette dernière somme.
Sur la demande de documents sociaux
La demande formée par le salarié de remise d’un solde de tout compte, d’un certificat de travail et d’une attestation Pôle Emploi sera rejetée, faute d’objet.
L’employeur sera en revanche condamnée à fournir un bulletin de paie récapitulatif conforme à cet arrêt.
Sur l’article 700 du code de procédure civile
Les demandes des parties formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile seront rejetées.
Sur les dépens
Chaque partie conservera la charge de ses dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, par un arrêt contradictoire, en dernier ressort, mis à disposition,
CONFIRME le jugement sauf en ce qu’il a condamné :
– la société Travaux Publics Seine et Marnais à payer à M. [N] la somme de 8. 535 € à titre de rappel de salaire suite à annulation de deux mises à pied conservatoires,
– M. [N] à payer à la société la somme de 5 400 euros au titre du préavis,
– M. [N] à payer à la société la somme de 250 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau,
CONDAMNE la société Travaux Publics Seine et Marnais à payer à M. [N] la somme de 4 885 euros de rappel de salaire au titre des deux mises à pied conservatoires, avec intérêts au taux légal à compter de la convocation de l’employeur devant le conseil de prud’hommes ;
CONDAMNE la société Travaux Publics Seine et Marnais à fournir à M. [N] un bulletin de paie récapitulatif conforme à cet arrêt ;
CONDAMNE M. [N] à payer à la société Travaux Publics Seine et Marnais la somme de 3 400 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé de cet arrêt ;
ORDONNE la compensation ;
REJETTE le surplus des demandes formées par les parties ;
DIT que chaque partie conservera la charge de ses dépens d’appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE