Dette locative : expulsion du locataire

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Dette locative : expulsion du locataire
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Nos Conseils :

– Sur la demande de constat de la résiliation du bail : Assurez-vous de respecter les délais et procédures prévus par la loi pour que votre action soit recevable.

– Sur la résiliation du bail : Vérifiez que les conditions pour l’application de la clause résolutoire sont bien remplies avant de prendre des mesures.

– Sur la demande de suspension de la clause résolutoire et de délais de paiement : Si vous êtes en situation de régler votre dette locative, vous pouvez demander des délais de paiement au juge, mais assurez-vous de respecter les conditions fixées pour éviter l’expulsion.

Résumé de l’affaire

L’établissement NEOTOA a consenti un bail d’habitation à M. [W] [H] en novembre 2022, mais ce dernier a accumulé un arriéré locatif important. NEOTOA a saisi le Juge des Contentieux de la Protection pour obtenir l’expulsion de M. [W] [H] et le paiement de la dette. M. [W] [H] a expliqué sa situation difficile due au décès de son fils et à un arrêt maladie, mais a indiqué vouloir reprendre le paiement du loyer. Il a également mentionné son intention de déposer un dossier de surendettement. La décision du tribunal est en attente.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

19 avril 2024
Tribunal judiciaire de Rennes
RG n°
24/00663
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE RENNES
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 2]
JUGEMENT DU 19 Avril 2024

N° RG 24/00663 – N° Portalis DBYC-W-B7I-KZD4

JUGEMENT DU :
19 Avril 2024
N° 24/279

OPH NEOTOA

C/

[W] [H]

EXÉCUTOIRE DÉLIVRÉ
LE 19/04/24
à NEOTOA
COPIE CERTIFIEE CO NFORME
à Mr [H] [W]
COPIE PREFECTURE
Au nom du Peuple Français ;

Rendu par mise à disposition le 19 Avril 2024 ;

Par Maud CASAGRANDE, Vice-Président au Tribunal judiciaire de RENNES statuant en qualité de juge des contentieux de la protection, assisté de Annie SIMON, Greffier ;

Audience des débats : 22 Mars 2024.

Le juge à l’issue des débats a avisé les parties présentes ou représentées, que la décision serait rendue le 19 Avril 2024, conformément aux dispositions de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

Et ce jour, le jugement suivant a été rendu par mise à disposition au greffe ;

ENTRE :

DEMANDEUR

OPH NEOTOA
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par Mme [E] [Z], munie d’un pouvoir

ET :

DEFENDEUR :

M. [W] [H]
[Adresse 1]
[Localité 3]
comparant en personne

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 18 novembre 2022, l’établissement NEOTOA a consenti un bail d’habitation à M. [W] [H] sur des locaux situés au [Adresse 1]), moyennant le paiement d’un loyer mensuel de 474,65 €.

Par acte de commissaire de justice du 13 juillet 2023, le bailleur a fait délivrer au locataire un commandement de payer la somme principale de 3 069,20 € au titre de l’arriéré locatif, visant la clause résolutoire prévue dans le contrat.

La Commission de Coordination des Actions de Prévention des Expulsions locatives (CCAPEX) a été informée de la situation de M. [W] [H] le 17 juillet 2023.

Par assignation du 10 janvier 2024, l’établissement NEOTOA a ensuite saisi le Juge des Contentieux de la Protection du Tribunal Judiciaire de Rennes aux fins de voir, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :
-Constater l’acquisition de la clause résolutoire,
-Ordonner l’expulsion de M. [W] [H] ainsi que celle de tous occupants de son chef avec, au besoin, le concours de la force publique,
-A titre subsidiaire, en cas d’octroi de délais de paiement, prononcer l’exigibilité de la dette et la poursuite de la procédure d’expulsion à défaut du règlement d’une échéance,
-Condamner M. [W] [H] au paiement des sommes
suivantes :
“6 212,31 € au titre de l’arriéré locatif arrêté au 5 janvier 2024, avec intérêts au taux légal à compter du commandement de payer,
“une indemnité mensuelle d’occupation d’un montant égal à celui du loyer et des charges, à compter de la résiliation du bail et jusqu’à libération des lieux,
“50 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

L’assignation a été notifiée au représentant de l’État dans le département le 12 janvier 2024, et un diagnostic social et financier a été réalisé. Ses conclusions ont été reçues au greffe avant l’audience, à laquelle il en a été donné lecture.

À l’audience du 22 mars 2024, l’établissement NEOTOA a maintenu l’intégralité de ses demandes, précisant que la dette locative, actualisée au 22 mars 2024, s’élevait désormais à 7 280,85 €. L’établissement NEOTOA a déclaré qu’il n’y avait pas eu de reprise du paiement intégral du loyer courant avant l’audience, au sens de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989, le dernier règlement étant intervenu au mois d’avril 2023.

M. [W] [H] a exposé que sa situation personnelle était très difficile suite au décès de son fils. Il a indiqué que sa perte de revenus a été causée par un arrêt maladie, les indemnités journalières n’étant versées que de façon irrégulière. Il a précisé toutefois avoir obtenu une rupture conventionnelle à la fin du mois de janvier 2024, si bien qu’il souhaitait reprendre le paiement de son loyer. Il a expliqué percevoir une pension d’invalidité d’un montant de 400 € et être dans l’attente de la perception des allocations chômage.
M. [W] [H] a sollicité l’octroi de délais de paiement, outre la suspension des effets de la clause résolutoire pendant le cours de ces délais.

En application de l’article 24 V de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, les parties ont été invitées à produire tous éléments relatifs à l’existence d’une procédure de traitement du surendettement au sens du livre VII du code de la consommation.
Sur ce point, M. [W] [H] a indiqué vouloir déposer un dossier de surendettement.

À l’issue des débats, la décision a été mise en délibéré jusqu’à ce jour, où elle a été mise à disposition des parties au greffe.

MOTIVATION

Sur la demande de constat de la résiliation du bail

Sur la recevabilité de la demande

L’établissement NEOTOA justifie avoir notifié l’assignation au représentant de l’État dans le département plus de six semaines avant l’audience.

Il justifie également avoir saisi la Commission de Coordination des Actions de Prévention des Expulsions locatives (CCAPEX) deux mois au moins avant la délivrance de l’assignation.

Son action est donc recevable au regard des dispositions de l’article 24 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989.

Sur la résiliation du bail

Aux termes de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989, dans sa version en vigueur à la date de la conclusion du contrat de bail litigieux, toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux.

En l’espèce, un commandement de payer reproduisant textuellement les dispositions légales et la clause résolutoire contenue dans le contrat de location a été signifié au locataire le 13 juillet 2023. Or, d’après l’historique des versements, la somme de 3 069,20 € n’a pas été réglée par ce dernier dans le délai de deux mois suivant la signification de ce commandement et aucun plan d’apurement n’a été conclu dans ce délai entre les parties.

Le bailleur est donc bien fondé à se prévaloir des effets de la clause résolutoire, dont les conditions sont réunies depuis le 14 septembre 2023.

Sur la demande de suspension de la clause résolutoire et de délais de paiement :

Selon l’article 24 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, le juge peut, à la demande du locataire, du bailleur ou d’office, à la condition que le locataire soit en situation de régler sa dette locative et qu’il ait repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l’audience, accorder des délais de paiement dans la limite de trois années, par dérogation au délai prévu au premier alinéa de l’article 1343-5 du code civil, au locataire en situation de régler sa dette locative.

Lorsque le juge est saisi en ce sens par le bailleur ou par le locataire, et à la condition que celui-ci ait repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l’audience, les effets de la clause de résiliation de plein droit peuvent être suspendus pendant le cours des délais ainsi accordés par le juge. Cette suspension prend fin dès le premier impayé ou dès lors que le locataire ne se libère pas de sa dette locative dans le délai et selon les modalités fixés par le juge. Ces délais et les modalités de paiement accordés ne peuvent affecter l’exécution du contrat de location et notamment suspendre le paiement du loyer et des charges. Si le locataire se libère de sa dette locative dans le délai et selon les modalités fixées par le juge, la clause de résiliation de plein droit est réputée ne pas avoir joué. Dans le cas contraire, elle reprend son plein effet.

En l’espèce, M. [W] [H] n’a pas repris le paiement intégral du loyer courant avant l’audience. Son bailleur s’étant, en outre, opposé à la poursuite du bail, les effets de la clause résolutoire ne peuvent être suspendus et l’expulsion de M. [W] [H] ne peut qu’être prononcée.

En vertu de l’article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues. Ces délais ne peuvent avoir pour effet de suspendre la résiliation du bail.

En l’espèce, il ressort des éléments du dossier, et notamment de l’audience et du diagnostic social et financier réalisé dans les conditions de l’article 24 III de la loi du 6 juillet 1989, que les revenus du foyer de M. [W] [H] ne lui permettent pas d’assumer régulièrement le paiement du loyer actuel ni, à plus forte raison, d’envisager un plan d’apurement de la dette.

Dans ces conditions, il convient de rejeter également sa demande de délais de paiement.

Sur la dette locative

Selon l’article 7,a) de la loi du 6 juillet 1989, le locataire est obligé de payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus.

Aux termes de l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver tandis que celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement.

L’article 1103 du même code prévoit, par ailleurs, que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

En l’espèce, l’établissement NEOTOA verse aux débats un décompte démontrant qu’à la date du 21 mars 2024, M. [W] [H] lui devait la somme de 7 280,85 €, soustraction faite des frais de procédure.

M. [W] [H] n’apportant aucun élément de nature à remettre en cause ce montant, il sera condamné à payer cette somme au bailleur, avec intérêts au taux légal à compter du 13 juillet 2023 sur la somme de 3 069,20 €, à compter de l’assignation sur la somme de 3 143,11 € et à compter de la signification de la présente décision pour le surplus, conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 1344-1 du code civil.

Sur l’indemnité d’occupation

En cas de maintien dans les lieux du locataire ou de toute personne de son chef malgré la résiliation du bail, une indemnité d’occupation égale au montant du loyer et des charges sera due.

L’indemnité d’occupation est payable et révisable dans les mêmes conditions que l’étaient le loyer et les charges et sera comptabilisée à compter du 23 mars 2024. Elle ne cessera d’être due qu’à la libération effective des locaux avec remise des clés à l’établissement NEOTOA ou à son mandataire.

Sur les frais du procès et l’exécution provisoire

Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité et de la situation économique de la partie condamnée.

M. [W] [H], qui succombe à la cause, sera condamné aux dépens de la présente instance, conformément à l’article 696 du code de procédure civile.

En revanche, compte tenu de sa situation économique, il n’y a pas lieu de le condamner à une quelconque indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Selon l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.

Toutefois, selon l’article 514-1 du même code, le juge peut écarter l’exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire. Il statue, d’office ou à la demande d’une partie, par décision spécialement motivée.

En l’espèce, compte tenu du montant de la dette et de l’absence totale de reprise du paiement des loyers depuis l’assignation, il n’y a pas lieu d’écarter l’exécution provisoire de la présente décision.

PAR CES MOTIFS,

La Juge des Contentieux de la Protection, statuant après débats publics, par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,

CONSTATE que la dette locative visée dans le commandement de payer du 13 juillet 2023 n’a pas été réglée dans le délai de deux mois,

CONSTATE que M. [W] [H] n’a pas repris le versement intégral du loyer courant avant la date d’audience et que l’établissement NEOTOA s’oppose à la poursuite du bail,

CONSTATE, en conséquence, que le contrat conclu le 18 novembre 2022 entre l’établissement NEOTOA, d’une part, et M. [W] [H], d’autre part, concernant les locaux situés au [Adresse 1]) est résilié depuis le 14 septembre 2023,

DIT n’y avoir lieu d’octroyer des délais de paiement à M. [W] [H], sans préjudice des délais qui pourraient lui être accordés dans le cadre d’une procédure de surendettement,

ORDONNE à M. [W] [H] de libérer de sa personne, de ses biens, ainsi que de tous occupants de son chef, les lieux situés au [Adresse 1]) ainsi que, le cas échéant, tous les lieux loués accessoirement au logement,

DIT qu’à défaut de libération volontaire, il pourra être procédé à son expulsion et à celle de tous occupants de son chef avec l’assistance de la force publique,

DIT que le sort des meubles sera régi conformément aux dispositions des articles L. 433-1 et L. 433-2 du code des procédures civiles d’exécution,

RAPPELLE que l’expulsion ne pourra avoir lieu qu’hors période hivernale et à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la délivrance d’un commandement d’avoir à libérer les lieux,

CONDAMNE M. [W] [H] à payer à l’établissement NEOTOA la somme de 7 280,85 € (sept mille deux cent quatre-vingts euros et quatre-vingt-cinq centimes) au titre de l’arriéré locatif arrêté au 22 mars 2024 (indemnités d’occupation du mois de février 2024 incluses), avec intérêts au taux légal à compter du 13 juillet 2023 sur la somme de 3 069,20 €, à compter de l’assignation sur la somme de 3 143,11 € et à compter de la signification de la présente décision pour le surplus,

CONDAMNE M. [W] [H] au paiement d’une indemnité d’occupation mensuelle égale au loyer et aux charges qui auraient été dus en cas de poursuite du bail,

DIT que cette indemnité d’occupation, qui se substitue au loyer à compter du 23 mars 2024, est payable dans les mêmes conditions que l’étaient le loyer et les charges, jusqu’à libération effective des lieux et remise des clés au bailleur ou à son mandataire,

DIT n’y avoir lieu d’écarter l’exécution provisoire de droit de la présente décision,

DÉBOUTE l’établissement NEOTOA de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE M. [W] [H] aux dépens comprenant notamment le coût du commandement de payer du 13 juillet 2023 et celui de l’assignation du 10 janvier 2024.

Ainsi jugé par mise à disposition au greffe le 19 avril 2024, et signé par la juge et la greffière susnommées.

La Greffière La Juge


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