Designer : 9 mai 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 20/02579

·

·

Designer : 9 mai 2023 Cour d’appel de Lyon RG n° 20/02579
Ce point juridique est utile ?

N° RG 20/02579 – N° Portalis DBVX-V-B7E-M6QH

Décision du

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de ROANNE

Au fond

du 14 avril 2020

RG : 17/00840

[H]

C/

[H]

[H]

[H]

S.A. ALLIANZ VIE

G.I.E. GROUPEMENT D’INTERET ECONOMIQUE (GIE) AFER

S.A. PREDICA

S.A. CNP ASSURANCES

S.A. CARDIF ASSURANCE VIE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

1ère chambre civile B

ARRÊT DU 09 Mai 2023

APPELANT :

M. [P] [Z] [H]

né le 19 Mars 1960 à ROANNE (42)

[Adresse 16]

[Localité 7] SUISSE

Représenté par Me Margaux CAPDEVIELLE, avocat au barreau de LYON, toque : 2471

INTIMES :

Mme [R] [H]

née le 16 Août 1962 à ROANNE (42)

[Adresse 5]

[Localité 10]

Représentée par Me Gaël SOURBE de la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON, toque : 1547

ayant pour avocat plaidant Me Philippe NUGUE de la SELEURL PHILIPPE NUGUE AVOCAT, avocat au barreau de LYON, toque : 658

M. [D] [H]

né le 29 Septembre 1964 à ROANNE (42)

[Adresse 18]

[Localité 1]

Représenté par Me Gaël SOURBE de la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON, toque : 1547

ayant pour avocat plaidant Me Philippe NUGUE de la SELEURL PHILIPPE NUGUE AVOCAT, avocat au barreau de LYON, toque : 658

M. [J] [H]

né le 01 Octobre 1968 à ROANNE (42)

[Adresse 4]

[Localité 11]

Représenté par Me Gaël SOURBE de la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON, toque : 1547

ayant pour avocat plaidant Me Philippe NUGUE de la SELEURL PHILIPPE NUGUE AVOCAT, avocat au barreau de LYON, toque : 658

Société ALLIANZ VIE

[Adresse 3]

[Localité 17]

Représentée par Me Laurence CHANTELOT de la SELARL SELARL CHANTELOT ET ASSOCIES, avocat au barreau de ROANNE

ayant pour avocat plaidant Me Emmanuelle CARDON de la SCP Herald anciennement Granrut, avocat au barreau de PARIS

GROUPEMENT D’INTERET ECONOMIQUE (GIE) AFER

[Adresse 8]

[Localité 14]

Représentée par Me Catherine GAUTHIER de la SELARL LEVY ROCHE SARDA, avocat au barreau de LYON, toque : T 713

ayant pour avocat plaidant Me Françoise CHAROUX, avocat au barreau de PARIS

Société PREDICA

[Adresse 6]

[Localité 13]

Représentée par Me Nathalie CARON, avocat au barreau de LYON, toque : 152

ayant pour avocat plaidant Me Stéphanie COUILBAULT-DI TOMMASO de la SELARL CABINET MESSAGER – COUILBAULT, avocat au barreau de PARIS, toque : D1590

Société CNP ASSURANCES

[Adresse 9]

[Localité 15]

Représentée par Me Jean-louis ROBERT de la SELARL SELARL ROBERT, avocat au barreau de ROANNE

Société CARDIF ASSURANCE VIE

[Adresse 2],

[Localité 12]

Représentée par Me Véronique FONTAINE de la SCP BCF AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 714

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 17 Mars 2022

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 17 Janvier 2023

Date de mise à disposition : 25 avril 2023 prorogé au 02 Mai 2023, prorogé au 09 Mai 2023, les avocats dûment avisés conformément au code de procédure civile

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

– Olivier GOURSAUD, président

– Stéphanie LEMOINE, conseiller

– Bénédicte LECHARNY, conseiller

assistés pendant les débats de Elsa SANCHEZ, greffier

A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Olivier GOURSAUD, président, et par Elsa SANCHEZ, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

MM. [D], [J] et [P] [H] et Mme [R] [H] (les consorts [H]) sont les quatre enfants de [I] [X], décédée à [Localité 11] le 30 décembre 2016.

Les descendants de la défunte ont reçu lecture de deux testaments olographes signés par cette dernière les 31 mars 2008 et 12 août 2008 et déposés en l’étude de Me [A], aux termes desquels, [I] [X] a entendu instituer M. [P] [H] « légataire universel de tous [ses] biens meubles et immeubles ».

Par courrier adressé à Me [A] le 7 février 2017, M. [D] [H], M. [J] [H] et Mme [R] [H] ont, par l’intermédiaire de leur conseil, fait part de leur opposition quant à l’exécution du testament en l’état au motif que ce dernier « priverait les héritiers réservataires de la pleine jouissance de leurs droits ».

En réponse, le notaire a indiqué, par lettre recommandée du 10 février 2017, qu’il refusait la mission d’exécuteur testamentaire.

Parallèlement, par arrêt du 20 février 2018, la cour d’appel de Lyon a ordonné le séquestre des sommes dues au titre des contrats d’assurance-vie conclus par la défunte auprès de la société Allianz vie, du GIE Afer, de la société CNP assurance, de la société Cardif assurance-vie et de la société Prédica, dont M. [P] [H] a été institué bénéficiaire par voie testamentaire.

Par exploit d’huissier de justice des 4, 5 et 6 octobre 2017, MM. [D] et [J] [H] et Mme [R] [H] ont fait assigner M. [P] [H], le GIE Afer, la société Prédica, la société CNP assurances et la société Cardif assurances vie, en réduction du legs universel et en réintégration des sommes correspondant aux contrats d’assurance à l’actif successoral.

Par jugement du 14 avril 2020, le tribunal judiciaire de Roanne a :

– dit que le legs universel consenti par testament olographe par [I] [H] à M. [P] [H] devra être réduit à la quotité disponible et à la part d’héritier réservataire de ce dernier,

– dit que, du vivant de [I] [H], M. [P] [H] a perçu la somme de 3.116.563 € à titre de libéralités,

– dit que les sommes perçues à ce titre par M. [P] [H] ne devront pas excéder la quotité disponible et sa part d’héritier réservataire,

– dit qu’à défaut, M. [P] [H] devra verser à M. [D] [H], M. [J] [H] et Mme [R] [H] les sommes excédentaires,

– dit que les sommes correspondant aux contrats d’assurance-vie conclus par [I] [H] doivent être qualifiées de libéralités et ainsi ajoutées à l’actif successoral,

– condamné M. [P] [H] à payer à M. [D] [H], M. [J] [H] et Mme [R] [H] la somme de 3 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [P] [H] à payer au GIE Afer, à la société Predica, à la société CNP assurances, à la société Cardif assurances vie et à la société Allianz vie la somme de 500 € chacun en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné M. [P] [H] aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit de Me Nugue pour ceux dont il a été fait l’avance sans avoir reçu provision,

– ordonné l’exécution provisoire de la présente décision,

– débouté les parties de leurs plus amples demandes.

Par déclaration du 6 mai 2020, M. [P] [H] a interjeté appel.

Par ordonnance du 7 août 2020, le premier président de la cour d’appel de Lyon a débouté M. [P] [H] de sa demande de suspension de l’exécution provisoire.

Au terme de ses dernières conclusions, notifiées le 11 février 2022, M. [P] [H] demande à la cour de :

– déclarer son appel du 6 mai 2020 à l’encontre du jugement rendu le 14 avril 2020 par le tribunal judiciaire de Roanne recevable et bien fondé,

– réformer le jugement du tribunal judiciaire de Roanne du 14 avril en ce qu’il :

dit que du vivant de [I] [H], M. [P] [H] a perçu la somme de 3.116.563,00 € à titre de libéralités,

dit que les sommes perçues à ce titre par [P] [H] ne devront pas excéder la quotité disponible et sa part d’héritier réservataire,

dit qu’à défaut, [P] [H] devra verser à [D] [H], [J] [H] et [R] [H] les sommes excédentaires,

dit que les sommes correspondant aux contrats d’assurance vie conclues par [I] [H] doivent être qualifiées de libéralités et ainsi ajoutées à l’actif successoral,

condamne M. [P] [H] à payer à M. [D] [H], M. [J] [H] et Mme [R] [H] la somme de 3.500€ en application de l’article 700 du code de procédure civile,

condamne [P] [H] à payer à GIE Afer, à la société Predica, la société CNP assurances, la société Cardif assurance vie et à la société Allianz vie la somme de 500€ chacun en application de l’article 700 du code de procédure civile,

condamne [P] [H] aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit de Me Nugue pour ceux dont il a fait l’avance sans avoir reçu provision,

ordonne l’exécution provisoire de la présente décision,

déboute les parties de leurs plus amples demandes,

et statuant à nouveau,

– rejeter la demande incidente de M. [J] [H], M. [D] [H] et Mme [R] [H] demandant qu’il soit jugé qu’il a reçu à titre de libéralité la somme de 4.751.524,19 €, à parfaire et les débouter de leur demande de condamnation,

– rejeter comme infondée et injustifiée la demande incidente de M. [J] [H], M. [D] [H] et Mme [R] [H] tendant à obtenir :

d’ordonner le séquestre de l’ensemble des sommes dues au titre des contrats d’assurance-vie souscrits par [I] [H] auprès de Maître [O] [U], notaire à [Localité 11],

d’ordonner l’emploi par Maître [O] [U] des sommes dues au titre des contrats d’assurance-vie souscrits par [I] [H] aux seules fins de :

règlement des sommes dues par [P] [H] à l’administration fiscale au titre des droits d’enregistrement de la succession de [I] [H],

pour le reliquat éventuel, règlement des sommes dues par [P] [H] à M. [J] [H], Mme [R] [H] et M. [D] [H] la différence correspondant à l’excès des sommes reçues par lui au-delà de la quotité disponible et sa part d’héritier réservataire, et les débouter,

– ordonner la libération des fonds dus au titre des contrats d’assurance-vie souscrits par [I] [H] et détenus entre les mains de Maître [U], notaire à [Localité 11] à son profit,

– juger qu’il ne s’oppose pas à la demande en partage successoral formulée par M. [J] [H], M. [D] [H] et Mme [R] [H] et la désignation de Maître [U], notaire à [Localité 11],

– rejeter comme infondées l’ensemble des demandes formulées par M. [J] [H], M. [D] [H] et Mme [R] [H] et les débouter,

– condamner les compagnies d’assurances Allianz vie, groupement d’intérêt économique Afer, Cardif assurance vie, Oredica, CNP assurances venant aux droits de la société écureuil vie, à lui verser les fonds détenus au titre des contrats d’assurance vie,

– rejeter toutes demandes plus amples et contraires,

– condamner M. [J] [H], M. [D] [H] et Mme [R] [H] à lui payer la somme de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [J] [H], M. [D] [H] et Mme [R] [H] aux entiers dépens de l’instance distraits au profit de Maître Capdevielle, avocat sur son affirmation de droit.

Au terme de leurs dernières conclusions notifiées le 15 décembre 2021, [R], [D] et [J] [H] demandent à la cour de :

– confirmer le jugement du tribunal judicaire de Roanne rendu le 14 avril 2020 sous le numéro RG 17-00840,

pour le surplus,

sur les demandes de M. [P] [H] en ce qui concerne les libéralités soumises à rapport,

– débouter M. [P] [H] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

– juger que le legs universel consenti par [I] [H] à M. [P] [H] doit être réduit à la quotité disponible,

– juger que M. [P] [H] a reçu à titre de libéralités la somme de 4.751.524,19 euros, à parfaire,

à défaut sur ce seul dernier point,

– juger que les sommes reçues par M. [P] [H] de [I] [H] pour un montant de 2.054.000 € et consignées dans l’acte sous seing privé du 20 août 2010 ne sont pas atteintes de prescription,

en tout état de cause sur les sommes reçues par [P] [Z] [H],

– juger que les sommes reçues par M. [P] [H] excèdent d’ores et déjà la quotité disponible et sa part d’héritier réservataire,

– condamner M. [P] [H] à leur verser la différence correspondant à l’excès des sommes reçues par lui au-delà de la quotité disponible et sa part d’héritier réservataire,

sur les demandes de M. [P] [H] et des sociétés Predica, CNP assurances et Allianz en ce qui concerne les assurances-vie,

– débouter M. [P] [H], la société Predica, la société CNP assurances et la société Allianz de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

– juger que au regard du contexte, la désignation par [I] [H] de M. [P] [H] comme seul bénéficiaire des polices d’assurance-vie constitue une libéralité,

– juger que les sommes correspondant aux contrats d’assurance-vie doivent être ajoutées à l’actif successoral,

à défaut,

– ordonner le séquestre de l’ensemble des sommes dues au titre des contrats d’assurance-vie souscrits par [I] [H] (Allianz vie n°8006044424, Afer n°12182937 et n°12182929, CNP caisse d’épargne n°85911891406, Cardif 269518186/154.ep, Predica n°701.za0004822g, n°701.ya0029853t, n°701.66832084 et n°701.arc240525 l) auprès de Maître [O] [U], notaire à [Localité 11],

– ordonner l’emploi par Maître [O] [U] des sommes dues au titre des contrats d’assurance-vie souscrits par [I] [H] (Allianz vie n°8006044424, Afer n°12182937 et n°12182929, CNP caisse d’épargne n°85911891406, Cardif 269518186/154.ep, ‘Predica n°701.za0004822g, n°701.ya0029853t, n°701.66832084 et n°701.arc240525 l) aux seules fins de :

règlement des sommes dues par [P] [H] à l’administration fiscale au titre des droits d’enregistrement de la succession de [I] [H],

pour le reliquat éventuel, règlement des sommes qui leur sont dues par [P] [H], la différence correspondant à l’excès des sommes reçues par lui au-delà de la quotité disponible et sa part d’héritier réservataire,

en tout état de cause,

– ordonner le partage judiciaire de l’indivision née entre eux et M. [P] [H],

– designer Maître [O] [U], notaire à [Localité 11], avec pour mission de :

dresser l’acte de partage à venir,

procéder aux publications obligatoires,

– condamner M. [P] [H] au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, à leur verser la somme de 10.000 € au titre des frais exposés et non compris dans les dépens,

– condamner M. [P] [H] au titre des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Sourbe pour ceux des dépens dont il a été fait l’avance sans avoir reçu provision.

Au terme de ses dernières conclusions notifiées le 30 mars 2021, la société Allianz vie demande à la cour de :

– infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Roanne le 14 avril 2020 en ce qu’il a qualifié le contrat d’assurance vie Modularis n°8006044424 de donation indirecte,

– lui donner acte de ce que, le cas échéant, elle s’en rapporte à l’appréciation de la cour d’appel de céans s’agissant du caractère manifestement exagéré des primes versées par Mme [H] sur son contrat d’assurance vie Modularis n°8006044424 et du rapport à la succession dans la limite de la partie des primes jugées excessives,

en tout état de cause,

– juger qu’elle ne pourra être condamnée à aucun paiement dès lors qu’elle a procédé au règlement des capitaux décès issus du contrat Modularis n°8006044424 entre les mains du notaire en charge de la succession, en exécution du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Roanne, de sorte qu’il appartiendra au notaire de répartir lesdits capitaux décès conformément à la décision à intervenir,

– condamner la partie succombante à lui verser la somme de 4.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la partie succombante aux entiers dépens de l’instance, dont distraction au profit de la SCP Chantelot et associés, sur le fondement de l’article 699 du code de procédure civile.

Au terme de ses dernières conclusions notifiées le 22 octobre 2020, le groupement d’intérêt économique Afer demande à la cour de :

sur la demande de condamnation du GIE Afer à verser à M. [P] [H] « les fonds détenus au titre des contrats d’assurance vie », – dire M. [P] [H] mal fondé en sa demande et l’en débouter,

– dire qu’il ne possède plus aucun fonds afférent aux adhésions n°12182937 et n°12182929 du fait du règlement de la somme de 166.889,04 € nette, due au titre des capitaux décès, entre les mains de l’étude [W] et associés, notaire à [Localité 11], en exécution du jugement du 14 avril 2020 dont appel,

pour le surplus,

– statuer ce que de droit sur le mérite de l’appel interjeté,

en tout état de cause,

– condamner M. [P] [H] à lui payer la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile en sus de la somme de 500 € allouée de ce chef par le jugement entrepris,

– condamner M. [P] [H] aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Catherine Gauthier (de la SELARL Levy Roche Sarda), avocat, dans les termes de l’article 699 du code de procédure civile.

Au terme de ses dernières conclusions notifiées le 29 mars 2021, la société Predica demande à la cour de :

– juger que les contrats d’assurance vie de [I] [H] sont bien des contrats d’assurance vie qui n’ont pas à être requalifiés en donations,

– prendre acte de ce qu’elle s’en remet à la décision à intervenir quant à l’éventuel caractère manifestement exagéré des primes versées par [I] [H] sur ses contrats, et à la réintégration éventuelle subséquente de la partie jugée manifestement exagérée à la succession dans la limite des capitaux décès assurés,

– juger qu’elle ne pourra être tenue à aucun paiement dès lors qu’elle s’est dessaisie des capitaux assurés en vertu du jugement assorti de l’exécution provisoire et qu’il appartiendra au notaire de répartir les fonds reçus conformément à la décision à intervenir,

– rejeter toute demande complémentaire à son encontre,

– condamner toute partie perdante à lui verser une somme de 2.700€ au titre de ses frais irrépétibles sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner toute partie perdante aux dépens de l’instance, dont distraction au profit de Maître Nathalie Caron, avocat au barreau de Lyon, en vertu des articles 696 et 699 du code de procédure civile.

Au terme de ses dernières conclusions notifiées le 16 octobre 2020, la société CNP assurances demande à la cour de :

– rejeter la demande de requalification en libéralités des primes versées par Mme [H] sur son contrat d’assurance vie,

– dire quelle s’en rapporte à la décision de la cour sur le caractère manifestement exagéré des primes versées et leur réintégration à la succession,

– condamner la partie perdante à lui payer la somme de 4 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Au terme de ses dernières conclusions notifiées le 27 octobre 2020, la société Cardif assurance vie demande à la cour de :

sur la demande de M. [P] [H] de condamnation de la société Cardif assurance vie à lui verser les fonds au titre du contrat d’assurance vie,

– confirmer le jugement de première instance en toutes ses dispositions,

– rejeter en tant que besoin la demande de M. [P] [H] tendant sa condamnation à lui verser les fonds au titre du contrat d’assurance vie, compte tenu du caractère libératoire du paiement des fonds au bénéfice de l’étude notariale en charge du règlement de la succession,

sur les autres demandes de M. [P] [H],

– statuer ce que de droit,

sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens,

– condamner la partie succombante à lui payer une indemnité d’un montant de 1 500€ en application de l’article 700 du code de procédure civile, au stade de l’appel, en sus du paiement de la somme de 500€ en première instance,

– condamner la partie succombante aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 17 mars 2022.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.

MOTIFS DE LA DECISION

1. Sur le partage successoral et la réduction du legs universel

M. [P] [H] ne s’oppose pas à la demande de partage successoral formée par les consorts [R], [D] et [J] [H]. Il observe qu’il ne pourra toutefois pas être établi sur la seule base des éléments contenus dans l’inventaire de Maître [U], notaire, qui ne tient pas compte d’une parcelle sise à [Localité 19] (42) et d’une autre sise à [Localité 20] (19), ainsi que de parts dans une banque espagnole.

Les consorts [R], [D] et [J] [H] prennent acte de ce que M. [P] [H] ne s’oppose pas à cette demande mais sollicitent qu’il apporte des éléments de preuve quant à l’existence de parcelles à [Localité 19] et [Localité 20], ainsi que des parts dans une banque espagnole.

Réponse de la cour

Il convient, à défaut de partage amiable, d’ordonner l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de [I] [H] et des intérêts patrimoniaux ayant existé entre elle et M. [P] [H]. Maître [U], notaire à [Localité 11], étant désigné pour établir l’acte de partage, étant précisé qu’il appartient à chacune des parties de lui fournir les éléments dont elle a connaissance, intéressant la liquidation de la succession.

Par ailleurs, il y a lieu de dire que le legs universel consenti par [I] [H] par testament olographe du 12 août 2008 à M. [G] [H], doit être réduit au montant de la quotité disponible en présence de quatre héritiers réservataires.

2. Sur le quantum des sommes mises à disposition de M. [P] [H] par [I] [H]

M. [P] [H] fait valoir :

– qu’il n’a jamais contesté avoir reçu des sommes de la part de sa mère lorsqu’il a rencontré des difficultés financières, ce qui ressort d’un acte sous seing privé du 20 août 2010, aux termes duquel [I] [H] reconnaît lui avoir prêté la somme de 1 554 000 € et s’être engagée par une garantie à premier demande à hauteur de 500 000 €,

– qu’il a été condamné par le tribunal au remboursement d’un contrat de prêt consenti, en juin 2006, par [I] [H] auprès de M. [M] [B] et de la société Arthur Investment pour lequel il est totalement étranger, dès lors qu’il n’est devenu dirigeant de cette société qu’un an et demi après la signature de l’acte litigieux,

– que les transferts de fonds antérieurs à l’année 2010 sont repris dans l’acte sous seing privé établi le 20 août 2010, et notamment les sommes prêtées entre 2005 et 2006 au profit de la société Max Technology dont il est le gérant,

– que les consorts [R], [D] et [J] [H] réclament d’autres sommes, notamment la somme de 1 000 000 €, en se fondant sur une lettre d’intention qui n’a jamais reçu exécution et la somme de 894 000 €, en se fondant sur un contrat de prêt non signé et dont il ne faisait pas partie, qui sont injustifiées,

– qu’on ne peut lui reprocher d’avoir perçu la somme de 894 000 € alors que ces sommes ont été versées au profit de M. [M] [B], administrateur de la société Arthur Investment à une époque où il n’était pas le gérant de cette société,

– que le contrat de bail conclu le 1er janvier 2005 entre [I] [H] et lui-même ne peut être remis en cause, dès lors qu’il a effectivement existé et a été exécuté,

– qu’il conteste avoir reçu la somme de 27 000 € par chèques,

– qu’il conteste avoir reçu, pour la société Max Technology, la somme de 150 000 €,

– que les consorts [R], [D] et [J] [H] ne rapportent pas la preuve de l’encaissement de ces sommes alors même qu’ils disposent des relevés bancaires de leur mère.

Les consorts [R], [D] et [J] [H] font valoir :

– que M. [P] [H] ne justifie pas de ce que M. [M] [B] était le gérant effectif de la société Arthur Investment à la date du prêt ni qu’il ne détenait pas la totalité du capital de cette société à cette époque,

– qu’ils établissent que la somme de 894 000 € a été prêtée au profit exclusif de M. [P] [H] par l’intermédiaire de la société qu’il contrôle,

– que contrairement à ce qui est affirmé par M. [P] [H], la somme de 1 554 000 € inscrite à l’acte sous seing privé du 20 août 2010 ne peut correspondre à la somme de 1 537 224,10 € dès lors que la différence entre ces deux sommes est non seulement importante mais également très précise, soit 16 775,90 €,

– que la somme de 1 537 224,10 € est distincte de celle inscrite à l’acte sous seing privé du 20 août 2010 et correspond à d’autres libéralités dont M. [P] [H] a bénéficié,

– que l’existence du prêt de 894 000 € au bénéfice de la société Arthur Investment est corroborée par la convention de postposition et l’attestation fiscale auxquels sont annexés des preuves de virement,

– que la preuve d’un chèque du 28 mai 2006 d’un montant de 20 000 € tiré au profit de M. [P] [H] est corroborée par un extrait du compte bancaire de [I] [H] en juin 2006,

– que la preuve d’un chèque du 21 juin 2006 d’un montant de 150 000 € tiré au profit de la société Max Technology dirigée par [P] [H] est corroborée par un extrait du compte bancaire de [I] [H] en juin 2006,

– que la preuve d’un chèque du 24 juillet 2006 d’un montant de 7 000 € tiré au profit de [P] [H] est corroborée par un extrait du compte bancaire de [I] [H] d’août 2006,

– que la preuve d’un virement du 30 août 2006 à destination de [P] [H] pour un montant de 50 000 € est rapportée par le relevé du 11 septembre 2006 qui indique comme motif du virement « aide financière de la maman à son fils pour l’installation dans le pays société constituée en Suisse »,

– que les libéralités consenties à M. [P] [H] s’élèvent à la somme de 4 751 524,19 €, somme à parfaire.

Réponse de la cour

M. [P] [H] reconnaît avoir perçu les sommes de 1.554.000 euros et 500 000 euros, soit la somme totale de 2.054.000 euros mentionnée dans l’acte sous-seing-privé rédigé par sa mère, le 20 août 2010, qu’il a contresigné.

L’acte mentionnant que ces sommes représentent la somme totale ayant été versée à M. [P] [H] ‘ou à ses sociétés qu’il contrôle’, il y a lieu de considérer que les sommes dont les consorts [H] font état, qui lui ont été remises antérieurement à cet acte, sont comprises dans ce total, en l’absence de toute autre preuve. Par ailleurs, en cas de donation faite par le défunt à un héritier par interposition d’une société dont ce dernier est associé, le rapport est dû à la succession en proportion du capital qu’il détient. M. [P] [H] étant l’unique gérant ou le principal actionnaire des sociétés Max technology et JP aviation, il y a lieu de comptabiliser les fonds remis.

En va-t-il ainsi :

– du ‘contrat de prêt’ de 660 000 euros du 25 mai 2008,

– des sommes qu’il a directement perçues de 50.000 euros suivant virement du 30 janvier 2006, de 20.00 euros suivant virement du 1er avril 2006, de 50 000 euros suivant virement du 19 avril 2006, de 50 000 euros suivant virement du 30 août 2006, de 163 763 euros ,

– des sommes versées aux sociétés Max technology et JP aviation qu’il gérait, de 200 000 euros suivant virement du 6 septembre 2005, de 100 000 euros par virement du 4 octobre 2005, de 140 000 euros par virement du 1er décembre 2005, de 50 000 euros par virement du 9 mars 2006, de 50 000 euros par virement du 16 mai 2006 et de 3 461,19 euros par chèque du 7 novembre 2006,

représentant la somme totale de 1 537 224,10 euros.

A ces sommes que M. [P] [H] reconnaît avoir perçues directement ou par l’intermédiaire des sociétés qu’il dirigeait, il convient d’ajouter:

– le chèque n°1733076QH du 28 mai 2006 d’un montant de 20 000 euros, dont le versement est corroboré par un extrait du compte de [I] [H] de juin 2006,

– le chèque n° 1733082QH établi le 21 juin 2006 d’un montant de 150 000 euros, dont le versement est corroboré par un extrait du compte de [I] [H] de juillet 2006,

– le chèque n° 1733093QH établi le 24 juillet 2006 d’un montant de 7 000 euros, dont le versement est corroboré par un extrait du compte de [I] [H] d’août 2006.

En revanche, le chèque n° 1733108QH établi le 20 septembre 2006, d’un montant de 4 500 euros, ne peut être pris en compte, à défaut pour les intimés d’établir qu’il a été encaissé.

Au total, il y a lieu de relever que l’acte sous-seing-privé du 20 août 2010, qui mentionne que les sommes mises à disposition de M. [P] [H] et des sociétés qu’il contrôle s’élève à cette date à la somme totale de 1 554 000 euros, a omis certains versements, puisqu’ils s’élèvent à la somme totale de 1.714.224,10 euros. Cependant, contrairement à ce qui est soutenu par les consorts [H], en l’absence de preuve contraire, il y a lieu de considérer, ainsi qu’il est mentionné dans l’acte, qu’il récapitule les versements effectués, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’ajouter les virements et encaissements de chèques précités à la somme de 1.554.000 euros, qui est mentionnée. L’objectif d’un tel acte est en effet de récapituler tous les fonds mis à disposition qui n’ont pas fait l’objet d’un écrit.

En revanche, s’agissant du prêt de 894 000 euros consenti par acte du 13 juin 2006 par [I] [H] au profit de M. [M] [B], qui était à cette époque l’administrateur de la société Arthur investment, il y a lieu de relever que même s’il existe une convention de postposition signée le 22 juin 2006 entre ces mêmes personnes, le contrat de prêt produit n’est pas signé, les consorts [H], qui possèdent les relevés de compte de leur mère, n’établissent pas que des fonds de ce montant ont été versés, ni que M. [P] [H], qui est devenu le gérant de cette société plus d’un an après cette date, en était le dirigeant effectif avant et donc le bénéficiaire indirect, ainsi qu’ils le soutiennent.

En conséquence, il convient d’écarter cette somme.

De même, la somme de 1.000 000 d’euros faisant l’objet de la lettre d’intention du 21 avril 2008 ne peut être prise en compte, à défaut pour les consorts [H], qui sont en possession des relevés bancaires de la défunte, d’établir l’existence d’un transfert de fonds intervenu en exécution de cette lettre.

En outre, ainsi que l’ont pertinemment retenu les premiers juges, à défaut pour les consorts [H] d’apporter des éléments de fait et de droit de nature à remettre en cause la validité du contrat de bail conclu le 1er janvier 2005 entre [I] [H] et son fils, il n’y a pas lieu de considérer que les sommes qu’il a perçues à ce titre sont de nature à être rapportées à la succession.

Enfin, il y a également lieu de retenir les remises de fonds postérieures à l’acte sous-seing-privé du 20 août 2010, soit:

– la somme de 19.500 euros virée le 8 novembre 2012 du compte Caisse d’Epargne de [I] [H] n° 14265 00600 04716171019 à M. [P] [H]

– la somme de 10.300 euros virée le 28 août 2014 du même compte,

En revanche, les fonds versés à Mme [K], épouse de M. [P] [H], ne peuvent être prises en compte, en l’absence de tout élément permettant d’établir que ce dernier en était le bénéficiaire.

Au total, les fonds mis à disposition de M. [P] [H] ou des sociétés qu’il contrôle s’élèvent à la somme de: 1.714.224,10 euros au titre des prêts antérieurs au 20 août 2010 + 500 000 euros au titre de la garantie à première demande mentionnée dans l’acte du 20 août 2010, que M. [P] [H] reconnaît avoir perçue + 29 800 euros au titre des remises de fonds postérieures au 20 août 2010, soit la somme totale de 2 244 024,10 euros.

Le jugement est donc infirmé de ce chef.

3. Sur la nature juridique des sommes mises à disposition de M. [P] [H] par [I] [H]

M. [P] [H] soutient :

– que les sommes prêtées par [I] [H] avaient pour simple but de lui éviter d’avoir à subir une procédure de surendettement personnel, de sorte qu’elle n’était animée d’aucune intention libérale,

– que l’acte sous seing privé du 20 août 2010 précise que les sommes prêtées par [I] [H] devront être remboursées,

– que la signature de l’acte avec l’ensemble de la fratrie démontre l’absence d’intention libérale,

– que dans leur acte introductif d’instance, les consorts [H] reconnaissent que ces sommes constituent des dettes et non des libéralités et qu’ils n’ont modifié les termes de leurs écritures qu’après la réception des conclusions en défense devant le tribunal judiciaire de Roanne.

Il en déduit:

– que la prescription ayant commencé à courir à compter du 20 août 2010, jour de la reconnaissance de dette, le délai de prescription de 5 ans est acquis depuis a minima le 20 août 2015,

– que les créances étaient déjà prescrites au jour du décès de [I] [H] le 30 décembre 2016,

– que la plainte avec constitution de partie civile déposée le 4 mars 2014 n’a pas interrompu la prescription puisqu’elle n’a pas été déposée par [I] [H], seule créancière de M. [P] [H].

Les consorts [R], [D] et [J] [H] demandent que les sommes mises à disposition par [I] [H] au profit de M. [P] [H] et celles faisant l’objet d’une reconnaissance de dette, soient rapportées à l’actif successoral. Ils font valoir :

– que la famille [H] a été, de 1923 à 2005, à la tête d’une puissante société industrielle Roannaise que M. [P] [H] a été amené à gérer et qui a finalement été placée en redressement judiciaire puis vendue au groupe Diam en 2004,

– que M. [P] [H] a, par la suite, cherché à conserver son train de vie et notamment sa passion pour l’aviation,

– que M.[P] [H] a essayé de trouver des solutions, notamment par des recherches sur internet, pour obtenir rapidement et facilement des revenus et pour déshériter ses cohériteirs, à laquelle il a été répondu qu’il suffisait de dépenser son argent et de faire des dettes,

– que c’est à l’époque de ces questions posées sur internet que [I] [H] a réglé diverses sommes pour son compte,

– qu’à la même époque, en août 2008, [I] [H] a modifié son testament pour instituer M. [P] [H] légataire universel de tous ses biens meubles et immeubles et bénéficiaire de tous ses contrats d’assurance-vie et il ne ressort de ces dispositions aucune volonté d’être remboursée pour les sommes versées,

– qu’en juillet 2008, [I] [H] leur a écrit une lettre aux termes de laquelle son intention libérale envers M. [P] [H] ressort clairement,

– que l’acte sous-seing-privé du 20 août 2010 n’a été conclu qu’après la découverte fortuite par [J], [R] et [D] de mouvements de fonds à destination de M. [P] [H] contraignant [I] [H] à demander une reconnaissance de dette à son fils,

– que le caractère occulte de ces mouvements de fonds a été soulevé par le banquier de [I] [H] qui lui a conseillé de faire valider les opérations par son notaire.

Ils en déduisent:

– que les sommes dont M. [P] [H] a bénéficié constituent des libéralités rapportables à la succession,

– que même si la cour devait considérer que les sommes renseignées à l’acte sous-seing-privé du 20 août 2010 correspondent à des dettes, elles ne peuvent être prescrites dès lors que la prescription a été interrompue par leur plainte avec constitution de partie civile régularisée en 2014.

Réponse de la cour

C’est par de justes motifs que la cour adopte expressément, que les premiers juges ont retenu que [I] [H] était animée d’une intention libérale lorsqu’elle a procédé à ces transferts de fonds, la circonstance qu’ils aient parfois été qualifiés de prêts étant sans incidence, compte tenu de la volonté affirmée et répétée de la défunte de ‘soutenir’ M. [P] [H] et de le favoriser par rapport à ses frères et soeurs, ainsi qu’elle l’a, notamment, expressément indiqué dans une lettre du 9 juillet 2008 adressée à l’ensemble de la fratrie ou dans son testament, par lequel elle l’institue comme légataire universel, démontrant ainsi son souhait de tout lui donner, ou encore en ne cherchant jamais à obtenir le remboursement des sommes qu’elle disait avoir prêtées.

Il est ajouté que la circonstance que les consorts [R], [D] et [J] [H] aient qualifié devant le tribunal judiciaire, de dettes, les sommes dont M. [P] [H] était redevable envers la succession, ne peut être considérée comme un aveu judiciaire liant la cour, à défaut d’avoir été soutenu dans la même instance.

Dès lors, c’est à juste titre que les premiers juges ont rejeté le moyen soulevé par M. [P] [H], tiré de la prescription de l’action en recouvrement de ses dettes.

Par voie de conséquence, il convient de dire que la somme précitée de 2 244 024,10 euros reçue par M. [P] [H] est une libéralité, qui doit être rapportée à la succession, mais seulement dans la mesure où elle excède la quotité disponible.

4. Sur le rapport des contrats d’assurance-vie

M. [P] [H] fait valoir :

– que le montant total détenu sur les contrats d’assurance-vie s’élève à la somme de 747 168,08 € et non 1 418 737,80 € comme l’a retenu le tribunal,

– qu’eu égard au montant de l’actif successoral qui s’élève à la somme de 1.360.770 € et au regard de la donation-partage du 20 décembre 2002 par laquelle [I] [H] a gratifié ses quatre enfants de la somme de 3 884 427,67€, il ne peut être soutenu que les primes versées sur les contrats d’assurance-vie sont manifestement disproportionnés,

– que [I] [H] était âgée entre 64 et 80 ans lorsqu’elle a souscrit les contrats d’assurance-vie, ce qui établit la présence d’un aléa et qu’elle était en pleine capacité de ses facultés mentales comme en atteste un certificat médical du 22 février 2015,

– que contrairement à ce qui a été retenu par le tribunal, à la lecture du testament du 12 août 2008, il apparait clairement que [I] [H] fait la distinction, par deux phrases différentes, entre le legs de ses biens meubles et immeubles et la désignation de M. [P] [H] comme bénéficiaire des contrats d’assurance-vie,

– que les clauses du contrat d’assurance-vie désignant le bénéficiaire peuvent parfaitement être remplacées par des dispositions testamentaires,

– qu’en instituant M. [P] [H] bénéficiaire de « tous ses contrats d’assurance-vie », [I] [H] n’avait pas besoin de préciser de manière exhaustive les contrats dont elle entendait lui faire bénéficier.

Les consorts [R], [D] et [J] [H] font valoir :

– qu’il résulte d’une lettre du mois de juillet 2008 et de la modification de son testament en août 200, ainsi que du vocabulaire employé dans ces documents, que la défunte avait la volonté non-équivoque de gratifier M. [P] [H] à cause de mort de l’ensemble de son patrimoine, comprenant ses contrats d’assurance-vie,

– qu’en ne précisant pas chacun des contrats dont elle entendait gratifier M. [P] [H], [I] [H] a entendu les intégrer de façon distincte et indissociable à sa succession, celle-ci étant entendue globalement,

– que si [I] [H] avait stipulé, dans ses contrats, que les bénéficiaires seraient « ses enfants à parts égales, à défaut ses héritiers » c’est qu’elle avait la volonté de réunir à l’actif successoral le capital détenu au titre des contrats d’assurance-vie.

La compagnie Allianz vie fait valoir, s’agissant du contrat d’assurance « Modularis » n°8006044424 :

– que la qualification de donation indirecte retenue par les premiers juges n’est pas motivée dès lors que la preuve de ce que [I] [H] ait eu l’intention libérale de se dépouiller irrévocablement au profit de M. [P] [H] n’est pas rapportée,

– que l’assureur n’a pas connaissance de l’étendue du patrimoine de l’assuré lorsque celui-ci demande à conclure un contrat d’assurance-vie de sorte qu’il ne lui appartient pas d’apprécier l’éventuel caractère manifestement exagéré des primes,

– que le caractère manifestement exagéré des primes doit s’apprécier au moment de leur versement et non au jour du décès du souscripteur, au regard de son âge et de sa situation patrimoniale et familiale.

La société Predica et la société CNP assurances soutiennent que les contrats d’assurance-vie ne peuvent être requalifiés en donation indirecte. Ils font valoir que la volonté de [I] [H] de se dépouiller irrévocablement n’est pas établie dès lors qu’elle a fait de ces contrats des instruments financiers et qu’elle disposait d’une faculté de rachat partiel ou total, sans frais ni pénalité. Ils s’en remettent à l’appréciation de la cour quant au caractère manifestement exagéré ou non des primes versées par [I] [H].

La société Cardif assurance vie s’en remet à l’appréciation de la cour.

Réponse de la cour

Il résulte de l’article L. 132-13-2 du code des assurances, que lorsque les primes versées pour alimenter un contrat d’assurance-vie sont manifestement exagérées eu égard aux facultés du défunt, ces sommes sont rapportables à la succession. Par ailleurs, doit être réintégré à l’actif successoral, le contrat d’assurance-vie dépourvu d’aléa au jour de la souscription, caractérisé par l’absence d’incertitude quant à la date d’exécution de la prestation de l’assureur ou quant à la désignation du bénéficiaire.

Il résulte des pièces de la procédure, que [I] [H] a souscrit neuf contrats d’assurance-vie:

Allianz Vie, n°8006044424, souscrit le 10 avril 1997

montant au jour du décès: 155.495,33 €

Association AFER, n°121882937, souscrit le 1er juillet 1990

montant au jour du décès: 113.356,81 €

Association AFER, n°12182929, souscrit le 1er juillet 1998

montant au jour du décès : 54.555,48 €

Caisse d’épargne et CNP Assurance, n°85591189140, souscrit le 6 février 2008

montant au jour du décès : 170.950,98 €

Cardif Assurance-vie, n°269518186/154.EP, souscrit le 10 mai 2002

montant au jour du décès: 36.290,16 €

Predica, n°701.ZA0004822G, souscrit le 12 septembre 1994

montant au jour du décès :113.938,83 €

Predica, n°701.YA0029853T, souscrit le 19 février 1998

montant au jour du décès: 27.472,28 €

Predica, n°701.66832084, souscrit le 12 juillet 2006

montant au jour du décès : 12.383,60 €

Predica, n°701.arc240525 L, souscrit le 2 mai 2005

montant au jour du décès 62.824,61 €

soit la somme totale de 747 168;08 euros.

Compte tenu du montant de l’actif successoral, qui s’élève à la somme de 1 360 770 euros avant rapport des libéralités précitées, et de la donation-partage du 20 décembre 2002 par laquelle [I] [H] a versé à ses quatre enfants la somme de 3 884 427,67 euros, il ne peut être retenu que les primes versées étaient manifestement exagérées eu égard aux facultés de la défunte.

Par ailleurs, il est constant qu’à la date de souscription du dernier contrat d’assurance-vie en 2008, [I] [H], qui était âgée de 80 ans, n’avait pas de problème de santé particulier, étant précisé qu’elle est décédée en 2016. Il existait donc bien une incertitude quant à la date d’exécution de la prestation de l’assureur ou quant à la désignation du bénéficiaire.

Enfin, la désignation ou la substitution du bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie peut être réalisée par voie testamentaire, comme il en a été le cas en l’espèce. Il ressort des termes employés par [I] [H] dans son testament olographe du 12 août 2008, qu’elle n’a pas entendu que le capital d’assurance-vie soit pris en considération dans l’actif successoral, pour le calcul de la réserve et de la quotité disponible puisqu’en indiquant ‘Je nomme légataire universel de tous mes biens meubles et immeubles mon fils [P] [H]. Je nomme également [P] [H] bénéficiaire de tous mes contrats d’assurance-vie.’, elle a différencié le legs qu’elle transmettait à M. [P] [H] et sa désignation en qualité de bénéficiaire des contrats d’assurance-vie, en utilisant deux phrases distinctes et en utilisant un vocabulaire différent (légataire et bénéficiaire).

En conséquence de l’ensemble de ces éléments, il convient d’infirmer le jugement et de dire que ces sommes, qui ne font pas partie de l’actif successoral, ne doivent pas y être ajoutées.

5. Sur la libération du produit des contrats d’assurance-vie

M. [P] [H] soutient :

– que rien ne justifie la séquestration des fonds contenus dans les contrats d’assurance vie qui doivent être libérés à son profit,

– que la demande de séquestration judiciaire de l’ensemble des produits des contrats d’assurance-vie ne peut prospérer dans la mesure où, lorsque la cour statuera, le litige entre la fratrie sera tranché ainsi que la qualification des contrats d’assurance-vie qui n’auront pas à être séquestrés si la cour retient l’absence de rapport,

– que les consorts [R], [D] et [J] [H] sont mal fondés d’indiquer qu’ils craignent un défaut de paiement des droits de partage par leur frère dès lors qu’ils ont pris une hypothèque sur un bien immobilier lui appartenant pour la somme de 836 041,53€.

Les consorts [R], [D] et [J] [H] font valoir :

– que les droits de succession que M. [P] [H] va devoir payer sont importants compte tenu des libéralités qu’il a perçues et de sa quote-part dans la succession de [I] [H] s’élevant à 43,75% (réserve héréditaire et quotité disponible),

– qu’ils ne sont pas assurés que [P] [H] va s’acquitter de ces droits de succession alors même qu’ils seront tenus solidairement du paiement,

– que le fait que [P] [H] soit résidant en Suisse est un obstacle à une probable exécution forcée de la décision à intervenir,

– que compte tenu des dettes nombreuses dettes qu’il a contractées et du fait que les sociétés qu’il créer se retrouvent en état de cessation des paiements, la fiabilité de [P] [H] en tant que débiteur est très faible,

– que l’arrêt à intervenir ne mettra pas nécessairement fin au litige successoral si les consorts [R], [D] et [J] [H] décident d’engager un pourvoi en cassation et surtout, le litige ne sera pas clos puisqu’un partage judiciaire sera ordonné,

– que l’hypothèque judiciaire provisoire prise sur la propriété de [P] [H] sise à [Localité 19] n’est pas suffisante pour s’opposer au séquestre du produit des contrats d’assurance-vie puisque ce bien est grevé de multiples autres hypothèques, que la valeur du bien est inférieure aux créances dont ils peuvent se prévaloir et que l’hypothèque ne couvre pas les très importants droits de succession qui devront être acquittés par [P] [H].

La compagnie Allianz vie, le GIE Afer, la société Predica et la société Cardif assurance vie font valoir qu’en exécution du jugement du 14 avril 2020 rendu par le tribunal judicaire de Roanne, lequel était assorti de l’exécution provisoire, ils ont procédé au règlement des capitaux décès issus des contrats d’assurance-vie au entre les mains du notaire chargé du règlement de la succession de sorte qu’ils ne peuvent être condamnés à aucun règlement dans la mesure où ils ne détiennent plus les fonds.

Réponse de la cour

Il est constant que le produit des contrats d’assurance-vie dont M. [P] [H] est bénéficiaire est séquestré entre les mains du notaire chargé de la succession.

Compte tenu du montant important de la succession en litige, des libéralités reçues par M. [P] [H] qui devront le cas échéant être rapportées à la succession et des importants droits de succession qu’il devra régler, il convient, compte tenu des nombreuses dettes qu’il a contractées tout au long de son existence et de la faiblesse de ses ressources actuelles, de maintenir le séquestre de l’ensemble du produit des contrats d’assurance-vie en la comptabilité du notaire chargé de la succession jusqu’à son règlement complet, afin de permettre le règlement des sommes dues par M. [P] [H] à l’administration fiscale et à l’indivision.

6. Sur les autres demandes

Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

L’équité commande de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, en appel.

Les dépens d’appel sont à la charge M. [P] [H] qui succombe en la plupart de ses demandes.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu’il condamne:

– M. [P] [H] à payer à M. [D] [H], M. [J] [H] et Mme [R] [H] la somme de 3 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– M. [P] [H] à payer au GIE Afer, à la société Predica, à la société CNP assurances, à la société Cardif assurances vie et à la société Allianz vie la somme de 500 € chacun en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– M. [P] [H] aux dépens avec droit de recouvrement direct au profit de Me Nugue pour ceux dont il a été fait l’avance sans avoir reçu provision,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Ordonne l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de [I] [H];

Désigne Maître [O] [U], notaire à [Localité 11], pour procéder aux opérations de partage;

Commet le juge du tribunal judiciaire de Roanne chargé du suivi des partages successoraux pour surveiller ces opérations;

Dit que le notaire rendra compte au juge commis des difficultés rencontrées et pourra solliciter de lui toute mesure de nature à en faciliter le déroulement;

Dit que dans le délai d’un an suivant sa désignation, sauf prorogation, le notaire dressera un état liquidatif qui établira les comptes entre copartageants, la masse partageable, les droits des parties et la composition des lots à répartir;

Dit que si un acte de partage est établi, en application des dispositions de l’article 842 du code civil, le notaire en informera le juge qui constatera la clôture de la procédure;

Dit qu’en cas de désaccord des copartageants sur le projet d’état liquidatif dressé par le notaire, ce dernier transmettra au juge commis un procès-verbal reprenant les dires respectifs des parties ainsi que le projet d’état liquidatif;

Dit que le legs universel consenti par [I] [H] par testament olographe du 12 août 2008 à M. [G] [H], doit être réduit au montant de la quotité disponible;

Dit que M. [G] [H] a reçu de [I] [H] la somme de 2 244 024,10 euros à titre de libéralités;

Dit que M. [G] [H] doit rapporter à la succession la somme excédant la quotité disponible;

Dit que le produit des neuf contrats d’assurance-vie souscrits par [I] [H], soit le contrat Allianz Vie, n°8006044424 du 10 avril 1997, le contrat AFER, n°121882937 du 1er juillet 1990 , le contrat AFER, n°12182929 du 1er juillet 1998, le contrat Caisse d’épargne et CNP Assurance, n°85591189140 du 6 février 2008, le contrat Cardif Assurance-vie, n°269518186/154.EP du 10 mai 2002, le contrat Predica, n°701.ZA0004822G du 12 septembre 1994, le contrat Predica, n°701.YA0029853T du 19 février 1998, le contrat Predica, n°701.66832084, du 12 juillet 2006, le contrat Predica, n°701.arc240525 L du 2 mai 2005 et dont M. [G] [H] est le bénéficiaire ne constitue pas une libéralité;

Dit que le produit de ces contrats d’assurance-vie ne doit pas être rapporté à la succession;

Dit que le produit de ces contrats d’assurance-vie doit rester séquestré entre les mains du notaire chargé de la succession, jusqu’à son règlement complet, afin de permettre le règlement des sommes dues par M. [P] [H] à l’administration fiscale et à l’indivision;

Dit n’y avoir lieu à faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

Déboute les parties de toutes leurs autres demandes.

Condamne M. [G] [H] aux dépens de la procédure d’appel, et accorde aux avocats qui en ont fait la demande le bénéfice de l’article 699 du code de procédure civile.

La greffière, Le Président,

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x