Designer : 6 septembre 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/17061

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Designer : 6 septembre 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/17061
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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 2-3

ARRÊT AU FOND

DU 06 SEPTEMBRE 2022

N° 2022/304

Rôle N° RG 19/17061 –

N° Portalis DBVB-V-B7D-BFD4V

[P] [G] [U] [V]

C/

[K] [Y] épouse [V]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Alexandra BOISRAME

Me Christelle VALDAJOS-SARTI

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Grande Instance de GRASSE en date du 07 Octobre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 15/03049.

APPELANT

Monsieur [P], [G], [U] [V]

né le 04 Mars 1953 à [Localité 4]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Alexandra BOISRAME, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Camille FRIEDRICH, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

INTIMEE

Madame [K] [Y] épouse [V]

née le 15 Février 1971 à [Localité 7] (RUSSIE)

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Christelle VALDAJOS-SARTI, avocat au barreau de GRASSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 24 Mai 2022 en chambre du conseil. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Monsieur Thierry SIDAINE, Conseiller, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Catherine VINDREAU, Président

Monsieur Thierry SIDAINE, Conseiller

Mme Aurélie LE FALC’HER, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Mme Anaïs DOMINGUEZ.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 06 Septembre 2022.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 06 Septembre 2022.

Signé par Madame Catherine VINDREAU, Présidente et Madame Anaïs DOMINGUEZ, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*-*-*-*-*

EXPOSE DU LITIGE

M. [P] [V] et Mme [K] [Y] se sont mariés le 24 novembre 2001 à [Localité 5], contrat de mariage de séparation de biens préalablement dressé le 29 octobre 2001 par Maître [X], notaire à [Localité 5].

Un enfant est issu de cette union, [C] née le 9 décembre 2003 à [Localité 6].

Dans la procédure en divorce initiée par M. [P] [V], le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Grasse a, par ordonnance de non-conciliation en date du 3 novembre 2015, autorisé les époux à introduire l’instance et statuant sur les mesures provisoires :

– constaté que les époux résident séparément,

– attribué à M. [P] [V] la jouissance du domicile conjugal et du mobilier le garnissant,

– autorisé Madame [K] [Y] à reprendre ses vêtements et objets personnels,

– débouté Madame [K] [Y] de sa demande de pension alimentaire au titre du devoir de secours,

– ordonné une mesure d’expertise psychologique familiale à visée thérapeutique,

A titre provisoire, jusqu’à ce qu’i1 soit statué après dépôt du rapport :

– dit que 1’autorité parentale à l’égard de1’enfant commun sera exercée conjointement par les parents,

– fixé la résidence de l’enfant au domicile du père,

– dit que le droit de visite de la mère se déroulera dans un lieu neutre, géré par :

L’ASSOCIATION MONYOYE,

– fixé à la somme de 600 euros par mois le montant de la contribution de la mère à l’entretien et à l’éducation de l’enfant.

Par acte d’huissier délivré le 27 octobre 2016, M. [P] [V] a fait assigner son conjoint en divorce sur le fondement des dispositions des articles 237 et 238 du code civil.

Par jugement du 7 octobre 2019, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Grasse a notamment :

– prononcé le divorce en application des articles 237 et 238 du code civil le divorce.

– dit n’y avoir lieu d’ordonner la liquidation du régime matrimonial, ni de designer un notaire et un juge commis.

– condamné M. [P] [V] à payer à Madame [K] [Y] une prestation compensatoire en capital d’un montant de 45 000,00 euros.

– condamné M. [P] [V] à payer à Madame [K] [Y] la somme de 74 077,13 euros au titre de la première créance entre époux.

– condamné M. [P] [V] à payer à Madame [K] [Y] la somme de 22 000 euros au titre de la seconde créance entre époux.

– rappelé que les parties perdront l’usage du nom de leur conjoint.

– constaté que 1’autorité parentale à l’égard de l’enfant commun est exercée conjointement par les parents.

– fixé la résidence habituelle de l’enfant au domicile de M. [P] [V].

– dit que le droit de visite de Mme [K] [Y] au profit d'[C] sera librement établi.

– débouté Madame [K] [Y] de sa demande de fixer un droit de visite hebdomadaire à raison d’une heure en fin de semaine.

– fixé le montant de la contribution à l’entretien et l’éducation de l’enfant à la somme de 100 euros par mois que Madame [K] [Y] devra verser à Monsieur [P] [V], et au besoin 1’y a condamné.

– condamné M. [P] [V] à payer à Mme [K] [Y] la somme de 2500 euros, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

– condamné Monsieur [P] [V] aux entiers dépens de l’instance qui seront recouvrés conformément 51 la loi sur l’aide juridictionnelle.

M. [P] [V] a formé appel de ce jugement par déclaration au greffe de la cour d’appel de céans en date du 6 novembre 2019.

Par arrêt du 8 mars 2022, la cour a invité les parties à présenter leurs observations sur la fin de non-recevoir résultant de l’application des dispositions de l’article 267 du code civil et 1116 du code de procédure civile quant à l’examen par le juge du divorce des demandes relatives aux créances entre époux alors qu’il n’a pas été justifié des désaccords subsistants au moment de l’introduction de l’instance.

Par conclusions notifiées par RPVA le 6 mai 2022 auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé exhaustif des moyens et prétentions, M. [P] [V] demande à la cour de :

Vu le jugement rendu par le juge aux affaires familiales près le tribunal de grande instance de Grasse le 7 octobre 2019,

– juger que la déclaration d’appel de Monsieur [P] [V] est recevable et bien fondée,

– Réformer le jugement en ce qu’il a :

.condamné Monsieur [P] [V] à payer à Madame [K] la somme de 45 000 € (quarante cinq mille euros) en capital à titre de prestation compensatoire.

. dit qu’en matière de créance entre époux, le délai de prescription est suspendu et ne court pas.

. condamné Monsieur [P] [V] à payer à Madame [K] [Y] la somme de 74.077,13 € (soixante-quatorze mille soixante-dix-sept euros et treize centimes) au titre de la première créance entre époux,

. condamné Monsieur [P] [V] à payer à Madame [K] [Y] la somme de 22.000 € (vingt-deux mille euros), au titre de la seconde créance entre époux,

. fixé le montant de la contribution à l’entretien des enfants à la somme de 100,00 € (cent euros) par mois que Madame [Y] devra verser à Monsieur [P] [V], et au besoin l’y condamne,

. condamné Monsieur [P] [V] à payer à Madame [K] [Y] la somme de 2.500,00 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

. condamné Monsieur [P] [V] aux entiers dépens de l’instance qui seront recouvrés conformément à la loi sur l’aide juridictionnelle,

. accordé à Maître VALDAJOS-SARTI le bénéfice des dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile,

Statuant de nouveau,

A titre principal,

A titre principal,

Vu les articles 267 du Code Civil et 1115 et 1116 du Code de Procédure Civile,

– juger qu’il n’existe aucune déclaration commune d’acceptation d’un partage judiciaire indiquant les points de désaccord entre les époux, ni aucun projet établi par le Notaire désigné sur le fondement du 10° de l’article 255 du Code Civil,

– juger que les demandes de Madame [K] [Y] de créances à l’encontre de Monsieur [P] [V] sont irrecevables,

– débouter Madame [K] [Y] de sa demande de prestation compensatoire et de toutes autres demandes de ce chef,

A titre subsidiaire,

Si par extraordinaire les demandes de créances entre époux étaient jugées recevables,

– juger que Madame [K] [Y] ne rapporte pas la preuve d’une sur contribution aux charges du ménage portant sur la période de juin 2013 à décembre 2013 et du mois de février 2014 à juillet 2014,

-juger que Monsieur [P] [V] établit que la seconde créance de 22 000 € constitue bien des fonds propres,

– débouter Madame [K] [Y] de ses demandes de créances à l’encontre de Monsieur [P] [V],

– débouter Madame [K] [Y] de sa demande de prestation compensatoire et de toute autre demande de ce chef,

– juger que la demande de créance de Monsieur [V] à l’encontre de Madame [Y] est recevable,

– condamner Madame [K] [Y] à payer à Monsieur [P] [V] la somme de 7 226.24€ au titre de créances entre époux due par cette dernière à Monsieur [P] [V],

A titre infiniment subsidiaire

Si une prestation compensatoire devait être mise à la charge de Monsieur [P] [V] il y aurait lieu d’ordonner la compensation entre la somme due par ce dernier à ce titre à son épouse et la somme de 7226.24€ due par Madame [K] [Y] à Monsieur [P] [V] au titre des créances entre époux,

En tout état de cause,

– condamner Madame [K] [Y] à payer à Monsieur [P] [V] la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

– condamner Madame [K] [Y] aux entiers dépens, distraits au profit de Maître Alexandra BOISRAME, sur ses offres de droit.

Sur la recevabilité des demandes relatives aux créances entre époux, M. [P] [V] dit qu’ aux termes des dispositions des articles 267 du Code Civil, et 1115 et 1116 du Code de Procédure Civile, il est constant que le juge du divorce ne peut statuer sur les demandes relevant de la liquidation et du partage des intérêts patrimoniaux des époux que s’il est justifié de leurs désaccords subsistants au moment de l’introduction de l’instance, notamment par la production d’une déclaration commune d’acceptation d’un partage judiciaire indiquant les points de désaccord des époux, ou un projet établi par le notaire désigné sur le fondement du 10° de l’article 255 du Code Civil.

Il rappelle qu’aux termes de son assignation 27 octobre 2016, il ne formulait aucune demande relevant de la liquidation et du partage des intérêts patrimoniaux des époux.

Il relève qu’à aucun moment, alors même que la procédure de divorce a été engagée en 2015, et qu’un préalable de divorce par consentement mutuel avait été diligenté par les avocats des parties, Mme [K] [Y] n’avait pas sollicité la moindre créance à l’encontre de son époux.

Il note qu’aux termes de ses écritures prises après l’arrêt avant dire droit, Mme [K] [Y] indique que sa demande de règlement des créances entre époux serait recevable, au visa de l’article 1479 alinéa 1er auquel renvoie l’article 1543, ainsi qu’une jurisprudence de la 1ère Chambre Civile du 26 septembre 2012.

Il affirme que la jurisprudence visée ne concerne en rien le problème de compétence soulevé par la Cour de céans.

Il estime que contrairement à ce que soutient Mme [K] [Y] le règlement des créances entre époux liées à la contribution aux charges du mariage constitue des intérêts patrimoniaux relevant de la sphère liquidative. Il rappelle qu’en pareil cas, la Cour de cassation a rappelé que la liquidation englobe tous les rapports pécuniaires entre les parties, comprenant ainsi toutes demandes relatives notamment aux contributions aux charges du mariage (Cass. Civ. 1°, 14.05.2014, n°13-14.087).

En l’espèce il affirme s’agissant d’une difficulté liée aux contributions des époux aux charges du mariage que ce point relève de la liquidation, et devra être tranché par le juge de la liquidation.

M. [P] [V] note que Mme [K] [Y] sollicite que la créance entre époux sollicitée par lui à son encontre soit déclarée irrecevable pour avoir été invoquée pour la première fois en cause d’appel.

Il affirme qu’il ne s’agit pas d’une demande nouvelle au sens de l’article 564 du Code de Procédure Civile puisque si sa demande de créance a été sollicitée en cause d’appel pour la première fois, elle n’a pu apparaître qu’en cause d’appel, lorsqu’il a organisé une expertise comptable afin de démontrer les contributions aux charges du mariage des époux, et par conséquent, qui a permis de constater que Madame [Y] était alors débitrice à l’encontre de son époux sur ce point. Il indique que c’est au vu de la révélation de ce fait, qu’il a pu solliciter la condamnation de son épouse.

En outre, il dit qu’il s’agit d’une prétention tendant aux mêmes fins que celle invoquée en première instance, s’agissant d’une difficulté liée aux contributions aux charges du mariage.

Par conséquent, il estime qu’il ne saurait y avoir une quelconque irrecevabilité de la demande de Monsieur [V], si par extraordinaire, la cour de céans devait déclarer les demandes de créances entre époux, recevables, par application de l’article 267 du Code Civil.

Si les demandes de Mme [K] [Y] étaient déclarées recevables, s’agissant de la première créance entre époux de 74 077.13 €, M. [P] [V] relève que Mme [K] [Y] prétend être créancière d’une somme de 150 886.91 € au titre de salaires qu’elle aurait perçu durant les années 2013 et 2014 et qu’il aurait détournés sur son compte.

M. [P] [V] rappelle que les époux sont mariés sous le régime de la séparation de biens et que conformément à leur contrat de mariage, ils sont présumés contribuer aux charges du mariage en proportion de leurs facultés respectives.

Il dit que Mme [K] [Y] a contribué aux charges du ménage selon ses ressources. Il rappelle qu’elle était interdite bancaire depuis le mois d’août 2010 et que dans ces conditions, ses salaires étaient versés sur deux comptes lui appartenant.

M. [P] [V] soutient que les frais de fonctionnement du ménage étaient supérieurs à 7 000 € par mois et que la somme de 1 500 € laissée à Mme [K] [Y] correspondait à ses dépenses personnelles.

Il explique avoir fait diligenter une expertise par un expert-comptable commissaire aux comptes, qui a analysé à partir les flux d’entrée et de sortie de trésorerie sur les deux comptes bancaires utilisés pour les besoins du ménage.

L’expert aurait constaté :

– que les revenus globaux du ménage étaient de l’ordre de 130 000 € par an en moyenne entre 2011 et 2014,

– que Mme [K] [Y] était bien interdite bancaire jusqu’en 2014,

– que le compte secondaire dont elle avait la libre disponibilité doit être considéré comme utilisé à des dépenses personnelles, déduction faite des charges payées pour la nourriture et produits d’entretien d’un montant limité à environ 6 000 € par an.

L’expert démontrerait que Mme [K] [Y] a bénéficié à titre personnel en dehors des charges du ménage, d’une trésorerie personnelle, soit un trop perçu sur 3 ans de 7 226.24 €.

Par conséquent, M. [P] [V] dit que non seulement Mme [K] [Y] ne peut revendiquer aucune créance en raison des revenus perçus en 2012, 2013 et 2014, et que de surcroît, il est créancier envers elle de la somme de 7226.24€.

S’agissant de la seconde créance concernant un livret A de Mme [K] [Y] dont il aurait détourné 22 000 € le 15 août 2014, M. [P] [V] explique que ces 22 000 € n’étaient pas des fonds propres de Mme [K] [Y], mais correspondaient à des dividendes qu’il avait perçus et qui ont finalement par la suite, été réinjectés pour tenter de sauver la Société ELYSEES FINANCE.

Il soutient que Mme [K] [Y] ne démontre pas que ces 22 000 € correspondaient à des fonds propres.

Sur la demande de prestation compensatoire, M. [P] [V] rappelle que les époux se sont mariés le 24 novembre 2001, sous le régime matrimonial de la séparation de biens.

Il explique qu’il a rencontré sa future épouse par l’intervention d’une agence matrimoniale alors qu’elle résidait en Russie où elle exerçait la profession d’enseignante en mathématiques et physique, lui-même étant alors gérant de la société ELYSEES FINANCE, dont l’objet social était la gestion de patrimoine.

Il dit qu’il a proposé à son épouse de travailler avec lui et de développer des ventes immobilières à la clientèle Russe. Il affirme qu’elle a vu ainsi son salaire évoluer entre 2008 et 2012, de 700 € nets à 1 500 € nets, par mois, puis de 2013 et 2014, à la somme de 8 700 € nets, en qualité de directrice administrative.

Il estime que c’est donc grâce à lui qui que Mme [K] [Y] a pu développer une solide expérience professionnelle dans le cadre de la vente immobilière, et de la gestion du patrimoine de sorte qu’au cours du mariage, sa situation professionnelle s’est améliorée.

Il dit qu’en raison d’une situation financière extrêmement difficile rencontrée par la Société ELYSEES FINANCE, une rupture conventionnelle a dû intervenir.

Il estime curieux que non seulement, Mme [K] [Y] n’ait jamais cherché d’emploi les premiers mois qui ont suivi la procédure de divorce, se contentant de percevoir pendant deux années les substantielles allocations chômage de 5450 €, mais également ait recherché par la suite un emploi dans la grande distribution, loin de ses compétences en matière de gestion de patrimoine et de vente immobilière.

M. [P] [V] explique être gestionnaire de plusieurs sociétés, les sociétés principales sont les sociétés ELYSEES FINANCE et GLOBAL FINEXPERT.

Il dit que ces deux sociétés sont des sociétés déficitaires et que les autres sociétés sont en sommeil ou pour lesquelles il n’était que gérant non rémunéré et dont il ne possédait aucune action.

Il dit avoir versé aux débats les bilans des sociétés ELYSEES FINANCE et GLOBAL FINEXPERT et précise que la société ELYSEES FINANCE est fermée depuis le 31 décembre 2019, seule la Société GLOBAL FINEXPERT étant donc en activité.

Il indique que la Société ELYSEES FINANCE est fermée depuis le 31 décembre 2019 et que la situation de la SASU GLOBAL FINEXPERT est totalement obérée, l’expert-comptable attestant le 7 avril 2022 que cette Société est en état de cessation des paiements, et qu’une demande de liquidation judiciaire auprès du tribunal de commerce est en cours.

Il dit justifier ne plus disposer d’un compte courant d’associé.

M. [P] [V] explique avoir été contraint d’emprunter des sommes substantielles à sa mère car il n’avait plus aucune disponibilité.

M. [P] [V] dit que sa situation est toujours la même depuis 2016, et qu’il perçoit uniquement sa retraite de 3 400 € par mois.

Il dit que ses charges sont équivalentes sauf en ce qui concerne sa fille [C], dont il a la charge exclusive, cette dernière poursuivant des études à l’IUT de [Localité 6].

Il précise exposer des charges de logement pour sa fille à hauteur de la somme de 650€ par mois, outre les frais de scolarité et d’entretien.

M. [P] [V] dit justifier d’une diminution de son patrimoine puisqu’il n’est plus propriétaire de l’appartement de [Localité 3].

Il pense que Mme [K] [Y] a nécessairement fait des économies sur l’allocation Pole Emploi de 5 450 € qu’elle a perçue pendant deux ans.

M. [P] [V] estime que la disparité des revenus n’est pas substantielle et que la demande de prestation compensatoire doit être rejetée.

S’agissant de l’enfant, M. [P] [V] sollicite la confirmation du jugement qui a mis à sa charge une contribution limitée à la somme de 100€ par mois.

Par conclusions notifiées par RPVA le 18 mai 2022 auxquelles il est expressément renvoyé pour l’exposé exhaustif des moyens et prétentions, Mme [K] [Y] demande à la cour de :

– déclarer ses demandes recevables et bien fondées ;

– rejeter l’intégralité des demandes, fins et conclusions de Monsieur [V] ;

– déclarer irrecevable la demande de créance entre époux de Monsieur [V] à l’égard de Madame, invoquée pour la première fois en cause d’Appel ;

– confirmer le jugement dont appel, en ce qu’il a :

. prononcé, en application des articles 237 et 238 du Code civil le divorce des parties ;

. ordonné la mention du présent Jugement en marge des actes d’État civil des parties ;

. dit qu’en matière de créances entre époux le délai de prescription est suspendu ou ne court pas ;

. condamné Monsieur [V] à payer à Madame la somme de 22 000 € au titre de la seconde créance entre époux,

. constaté que l’autorité parentale à l’égard de l’enfant commun était exercée conjointement par les parents ;

. fixé la résidence habituelle de l’enfant au domicile de Monsieur [P] [V],

. dit que le droit de visite de Madame au profit d'[C] sera librement établi,

. débouté Madame de sa demande de fixer un droit de visite hebdomadaire a raison d’une heure en fin de semaine ;

. condamné Monsieur [P] [V] à payer à Madame la somme de 2500 € sur le

fondement l’article 700 ;

. condamné Monsieur [P] [V] aux entiers dépens de l’instance qui seront recouvrés conformément à la loi sur l’aide juridictionnelle ;

. accordé à Maître Christelle Valdajos-Sarti le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

– infirmer le jugement de première instance en ce qu’il a :

. dit n’y avoir lieu d’ordonner la liquidation du régime matrimonial, ni de désigner un notaire et un juge commis,

. condamné Monsieur [P] [V] à payer à Madame une prestation compensatoires en capital d’un montant de 45 000 €,

. condamné Monsieur [P] [V] à payer à Madame la somme de 74 077,13 € au titre de la première créance entre époux ;

. fixé le montant de la contribution à l’entretien des enfants la somme de 100 € par mois que Madame devra verser à Monsieur et au besoin l’y condamne ;

Statuant à nouveau :

– condamner Monsieur [P] [V] à payer à Madame [Y] la somme de 150.886 €, au titre de la première créance entre époux à titre principal,

A titre subsidiaire, confirmer le Jugement de première instance en ce qu’il a retenu la somme de 74.007,13 €,

– condamner Monsieur [P] [V] à payer à Madame une prestation compensatoire en capital d’un montant de 100. 000 €,

A titre subsidiaire, confirmer le jugement de première instance en ce qu’il a retenu la somme de 45.000 €,

En tout état de cause,

– condamner Monsieur [P] [V] à payer à Madame la somme de 10.000 € de dommages et intérêts pour immixtion fautive de son conjoint dans ses affaires personnelles,

– débouter Monsieur [P] [V] de sa demande de contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant commun, vu l’état d’impécuniosité de la concluante.

– condamner Monsieur [P] [V] à payer à Madame [K] [Y] la somme de 5.000 €, au titre de la procédure d’appel, en application de l’article 700 du code de procédure civile.

– condamner Monsieur [P] [V] aux dépens, distraits au profit de Maître Christelle VALDAJOS, sur ses offres de droit.

Mme [K] [Y] explique que sur la période 2013 à 2014, son salaire était intégralement versé sur le compte bancaire CAISSE D’EPARGNE de M. [P] [V] auquel lui seul pouvait accéder et que seuls 1.500 € étaient reversés mensuellement sur un second compte bancaire CAISSE D’EPARGNE de M. [P] [V] mais sur lequel elle disposait d’une procuration.

Mme [K] [Y] affirme que la somme de 1.500 € qui lui était reversée était utilisée pour assurer les dépenses courantes de la famille.

Elle dit qu’il en résulte qu’au titre de l’année 2013, M. [P] [V] lui doit 85 819 € à titre de créances entre époux.

De la même manière, elle dit qu’au titre de l’année 2014, alors que son salaire était fixé pendant 11 mois de l’année à 8692 €, elle n’a perçu qu’une somme située entre 1500 € et 5692 €, soit un manque à gagner de 65 067,01 €.

Mme [K] [Y] estime démontrer donc l’existence d’une créance entre époux d’un montant total de 150 886,97 €,

En outre, Mme [K] [Y] dit rapporter la preuve que Monsieur [V] s’est permis de vider son livret A personnel en effectuant un retrait de 22.000 € le 15.08.2014.

Mme [K] [Y] estime que sa demande de condamnation de son mari à lui payer une créance entre époux ne se heurte pas à une fin de non-recevoir puisqu’il résulte de l’article 1479, alinéa 1er, auquel renvoie l’article 1543, que le règlement des créances n’est pas une opération de partage.

Mme [K] [Y] soutient que le remboursement d’une créance entre époux peut être demandé par l’époux créancier à tout moment pendant le cours du mariage et que si, lors de sa dissolution, le règlement n’est pas intervenu, les époux se préoccuperont de procéder à leur liquidation éventuelle et à leur règlement.

Elle affirme que le recouvrement peut être poursuivi à tout moment durant le cours du régime, sans qu’il soit nécessaire d’attendre sa dissolution

Elle dit qu’il est de jurisprudence constante que le règlement des créances entre époux séparés de biens ne constitue pas une opération de partage et qu’elle est donc parfaitement fondée à demander, le paiement des deux créances dont elle bénéficie sur monsieur [V] et qui ne souffre d’aucune contestation juridique.

Elle fait valoir en outre que l’irrecevabilité peut être relevée d’office par le juge que si elle est d’ordre public et soutient que l’irrecevabilité tirée de l’article 1116 du code de procédure civile n’est pas une irrecevabilité d’ordre public et ne peut donc être relevée d’office.

Mme [K] [Y] conclut que la fin de non-recevoir n’est donc pas encourue et que la demande de règlement de créance entre époux peut parfaitement être formulée en dehors de toute liquidation, le règlement des créances entre époux sortant de la sphère liquidative, l’article 267 n’a pas à s’appliquer.

Mme [K] [Y] dit par ailleurs que l’exigibilité des créances entre époux dépendant du droit commun des obligations et que le juge du divorce peut parfaitement statuer, en première instance, comme en appel sur le sort des créances entre époux.

En outre, Mme [K] [Y] dit qu’il s’agirait d’un cas flagrant d’ingérence frauduleuse d’un époux dans les affaires de l’autre, l’époux ayant aliéné 80 % des revenus de son épouse pendant des années en versant 80% du salaire de Madame sur le compte bancaire de Monsieur et en ne reversant que 20% du salaire de Madame sur le compte joint.

Mme [K] [Y] affirme ensuite que la créance entre époux dont elle dispose à l’encontre de son époux est une créance délictuelle du fait de l’immixtion fautive de son époux dans ses affaires personnelles.

Elle dit qu’il s’agit d’une créance délictuelle et quasi délictuelle qui peut être rattachée à une ingérence d’un des conjoints dans des opérations d’aliénation et d’encaissement du prix d’un bien propriété de l’autre époux.

Mme [K] [Y] dit qu’il faudra établir un compte des fruits et chiffrer le préjudice causé par l’immixtion fautive à l’occasion de la liquidation.

Mme [K] [Y] estime enfin vu la fraude dont s’est rendu coupable M. [P] [V] en aliénant la majorité du revenu de son épouse pendant plusieurs années, qu’il doit être condamné à lui payer une somme supplémentaire de 10.000 € à titre de dommages et intérêts.

Concernant l’argument de l’époux relatif à la contribution des charges du mariage pour neutraliser sa demande de créance entre époux, Mme [K] [Y] demande à la cour de constater qu’elle a contribué aux charges du mariage de manière excessive, au-delà de ce que lui impose la loi puisque par rapport à un salaire de 1.500 € elle aurait contribué bien au-delà de ses facultés.

Elle estime que les charges du mariage ne peuvent être évaluées à une somme supérieure à 2.500 €/mois de sorte qu’elle dit disposer de ce fait d’un recours contre son conjoint sur ce fondement.

Enfin, concernant l’argument relatif à la créance entre époux que détiendrait M. [P] [V] à son égard, elle dit que cet argument est invoqué pour la première fois en cause d’appel et doit être déclaré irrecevable comme n’ayant jamais été développé en première instance.

Dans ces conditions, Mme [K] [Y] dit qu’il conviendra de confirmer le jugement de première instance en ce qu’il a condamné M. [P] [V] à lui payer les deux créances entre époux que cette dernière détient sur M. [P] [V].

Elle demande donc à la cour de condamner M. [P] [V] à lui payer la somme de 172.886,97 € (150.886,97 € + 22.000 €), au titre de la créance entre époux outre 10.000 € de dommages et intérêts pour immixtion fautive de son conjoint dans ses affaires personnelles.

S’agissant de la prestation compensatoire, Mme [K] [Y] dit qu’elle ne travaille plus au sein de l’enseigne de Grande distribution son contrat ayant pris fin le 04.11.2018 et qu’elle est actuellement en recherche d’emploi.

Elle rappelle son relevé Pole Emploi du 29 mars 2020, aux termes duquel elle perçoit la somme de 580 €/mois (Pièce n°79).

Elle explique qu’en 2019 et 2020, ses dépenses incompressibles s’élevaient effectivement à 953 €/mois.

Elle affirme que M. [P] [V] est gestionnaire de plusieurs sociétés soit en qualité de représentant légal soit en qualité de co-représentant légal soit en qualité d’actionnaire, d’associé voire salarié :

– Société ELYSEES FINANCE

– Société GLOBAL FINEXPERT

– Société ELYSEES DIFFUSION

– Société TOURAUT

– Société NICOLAS

– Société GLORIA.

Elle relève qu’il résulte du compte de résultat de l’année 2018 que sa société GLOBAL FINEXPERT a réalisé un bénéfice de 8432 €, somme qu’il conviendra d’ajouter aux pensions de retraite de M. [P] [V].

Mme [K] [Y] dit que même si ses sociétés sont déficitaires, il n’en demeure pas moins que M. [P] [V] est créancier à leur égard.

Elle affirme que ces créances prennent la forme de comptes courants d’associé et lui procure des revenus supplémentaires de 2.000 €/mois.

Les revenus de M. [P] [V] seraient donc les suivants :

– 39.963 € au titre des pensions de retraite,

– 8432 € au titre du bénéfice de sa société GLOBAL FINEXPERT,

(compte de résultat de l’exercice 2018 de GLOBAL FINEXPERT),

– 24.000 € au titre de ses comptes courant d’associé (2.000 €/mois),

soit 6032 € par mois.

Mme [K] [Y] dit que M. [P] [V] fait état de dépenses qui ne sont pas incompressibles : 1.502 €/mois de prêts de véhicule pour sa BMW, l’abonnement CanalSat à 60 €/mois ne paraît pas incompressible et la nourriture du chien de 110 €/mois.

Elle estime que sur ses 3.746 € de charges déclarées, il n’y aurait que 2.073 € de dépenses à prendre en compte.

Mme [K] [Y] rappelle la durée du mariage de 18 ans.

Elle dit qu’elle est âgée de 49 ans et M. [P] [V] de 67 ans étant précisé qu’ils sont tous deux en bonne santé.

Mme [K] [Y] rappelle qu’elle est initialement diplômée en Russie pour exercer la profession d’enseignante en mathématiques et physique.

Elle affirme que quand elle a accouché d'[C], M. [P] [V] l’a dissuadée de reprendre le travail pour rester femme et foyer et élever l’enfant commun de sorte qu’elle n’a pu reprendre le travail qu’en 2007, alors qu'[C] avait 7 ans.

Elle dit avoir travaillé pour son époux, pour l’aider dans ses ventes immobilières avec la clientèle russe de 2007 à 2014 et avoir perçu un salaire réel entre 700 € et 1.500 €.

Elle dit que ses perspectives d’évolution de carrière sont inexistantes.

Mme [K] [Y] note que M. [P] [V] est propriétaire personnellement de deux biens immobiliers pour un patrimoine évalué à plus d’un million d’euros, acquis avant mariage, sa maison située à [Localité 5] avec jardinier et piscine étant évaluée à 900.000 € et son appartement à [Localité 3] à 200.000 €.

Mme [K] [Y] soutient que la rupture du lien matrimonial a créé une disparité dans les conditions de vie respectives des parties et elle s’estime fondée à solliciter une prestation compensatoire de 100.000 €.

S’agissant de l’enfant, Mme [K] [Y] dit qu’elle est dans l’incapacité de pouvoir à la part contributive mise à sa charge de 600 € par mois.

Elle demande à la cour, d’infirmer la décision déférée et de débouter M. [P] [V] de sa demande de pension alimentaire vu son état d’impécuniosité.

Le 23 juin 2021, le magistrat de la mise en état a enjoint les parties à produire diverses pièces financières aux fins d’appréhender leur situation la plus contemporaine en termes de revenus et de charges, et les a informées qu’à défaut de production de ces documents, la cour serait conduite à en tirer toutes conséquences.

Vu l’accord de M. [P] [V] sur ce point pour permettre l’admission des dernières écritures et pièces de Mme [K] [Y], la cour a ordonné, à l’audience du 24 mai 2022 et avant la clôture des débats, la révocation de l’ordonnance de clôture de l’instruction rendue le 10 mai 2022. La clôture de l’instruction a été fixée au jour de l’audience. Les conclusions et pièces notifiées contradictoirement avant ou jusqu’à cette date sont donc recevables.

MOTIFS

Sur la recevabilité de l’appel :

Rien dans les éléments soumis à l’appréciation de la cour ne permet de critiquer la régularité de l’appel par ailleurs non contestée.

Il sera donc déclaré recevable.

Sur le fond :

Il y a lieu de rappeler à titre liminaire, d’une part qu’en vertu de l’article 954, alinéa 2 du code de procédure civile, les prétentions des parties sont récapitulées sous forme de dispositif, et d’autre part que la cour ne statue que sur les demandes énoncées au dispositif des dernières conclusions. Elles doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau récapitulatif des pièces est annexé.

La cour ne statue pas sur des demandes indéterminées, trop générales ou non personnalisées, qui relèvent parfois de la reprise dans le dispositif des conclusions d’une partie de l’argumentaire contenu dans les motifs. Ainsi, la cour ne statue pas sur les demandes de constat, de donner acte ou de rappel de textes qui ne correspondent pas à des demandes précises.

En l’espèce les parties s’opposent sur les créances entre époux, la contribution à l’entretien et l’éducation de l’enfant, la demande de prestation compensatoire et les dommages et intérêts.

La décision déférée sera donc confirmée dans l’ensemble des autres dispositions non soumises à la censure de la cour.

Sur la recevabilité des demandes relatives aux créances entre époux :

L’assignation en divorce datée du 27 octobre 2016 étant postérieure au 1er janvier 2016 les demandes des parties relatives aux conséquences patrimoniales du divorce sont soumises aux dispositions de l’article 267 du Code civil dans sa rédaction issue de l’ordonnance n°2015-1288 du 15 octobre 2015.

L’article 267 du code civil dispose : “A défaut d’un règlement conventionnel par les époux, le juge statue sur leurs demandes de maintien dans l’indivision, d’attribution préférentielle et d’avance sur part de communauté ou de biens indivis.

Il statue sur les demandes de liquidation et de partage des intérêts patrimoniaux, dans les conditions fixées aux articles 1361 à 1378 du Code de procédure civile, s’il est justifié par tous moyens des désaccords subsistant entre les parties, notamment en produisant :

– une déclaration commune d’acceptation d’un partage judiciaire, indiquant les points de désaccord entre les époux ;

– le projet établi par le notaire désigné sur le fondement du 10° de l’article 255.

Il peut, même d’office, statuer sur la détermination du régime matrimonial applicable aux époux”.

L’article 1116 du code de procédure civile dans sa version applicable à l’espèce modifiée par le décret n°2016-185 du 23 février 2016 dispose :

” Les demandes visées au deuxième alinéa de l’article 267 du code civil ne sont recevables que si les parties justifient par tous moyens de leurs désaccords subsistants et si cette justification intervient au moment de l’introduction de l’instance. Toutefois, le projet notarié visé au quatrième alinéa de l’article 267 du code civil peut être annexé ultérieurement aux conclusions dans lesquelles la demande de liquidation et de partage est formulée.

La déclaration commune d’acceptation prévue au troisième alinéa de l’article 267 du code civil est formulée par écrit et signée par les deux époux et leurs avocats respectifs. Les points de désaccord mentionnés dans la déclaration ne constituent pas des prétentions au sens de l’article 4 du présent code”.

Ainsi, les demandes de liquidation et de partage ne sont recevables que si les parties justifient par tous moyens de leurs désaccords subsistants et si cette justification intervient au moment de l’introduction de l’instance.

En vertu de l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut du droit d’agir.

Les règles procédurales afférentes à la liquidation du régime matrimonial des époux à laquelle il doit être procédé en cas de divorce, doit englober tous les rapports pécuniaires entre les parties, elles sont d’ordre public et la fin de non-recevoir résultant du non-respect des règles précitées doit être relevée d’office.

En l’espèce, M. [P] [V] et Mme [K] [Y] font valoir des créances entre époux.

Mme [K] [Y] a sollicité le paiement de créances entre époux d’un montant de 150 886,97 €, qui en outre relèvent pour partie de créances salariales.

En outre, Mme [K] [Y] dit rapporter la preuve que Monsieur [V] s’est permis de vider son livret A personnel en effectuant un retrait de 22.000 € le 15.08.2014.

En cause d’appel, Mme [K] [Y] indique que ses créances trouvent également un fondement délictuel ou quasi délictuel.

Dans l’assignation en divorce qu’il a fait délivrer à Mme [K] [Y], M. [P] [V] a mentionné: ” Ils n’ont acquis aucun bien indivis. Par conséquent il n’y a pas lieu à liquidation”.

Il n’a pas été justifié dans l’acte introductif d’instance des désaccords subsistants entre les époux.

Les créances alléguées par M. [P] [V] et Mme [K] [Y] sont liées à la question de la contribution aux charges du mariage et les époux ne justifient pas de leurs désaccords sur cette question.

Le premier juge a dit : “à défaut d’un règlement conventionnel par les époux de leurs intérêts pécuniaires et patrimoniaux et en l’absence de justification par les parties des désaccords subsistants entre elles quant à la liquidation et au partage de leurs intérêts patrimoniaux, il n’ y a pas lieu d’ordonner la liquidation en application de l’article 267 du code civil, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n°2015-1288 du 15 octobre 2015 l’assignation en divorce étant postérieure au 1er janvier 2016 “.

Ainsi, après avoir constaté que les époux ne justifiaient pas de leurs désaccords subsistants, le juge aux affaires familiales a néanmoins statué sur les créances entre époux.

Il convient donc d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné M. [P] [V] à payer à Mme [K] [Y] la somme de 74.077,13 € au titre de la première créance entre époux et la somme de 22.000 € au titre de la seconde créance entre époux et, en application des dispositions de l’article 267 du code civil et de l’article 1116 du code de procédure civile de déclarer irrecevables les demandes de M. [P] [V] et Mme [K] [Y] relatives aux créances entre époux étant rappelé qu’il appartient aux parties de s’adresser en cas de besoin à un notaire afin de procéder à la liquidation de leur régime matrimonial, et, à défaut d’accord, d’agir en partage conformément aux articles L.213-3 du Code de l’organisation judiciaire, 1136-1 et 1136-2 du code de procédure civile, ainsi que des articles 1360 et suivants du code de procédure civile.

Sur la contribution à l’entretien et l’éducation de l’enfant :

En application de l’article 371-2 du code civil, chacun des parents contribue à l’entretien et l’éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l’autre parent, ainsi que des besoins des enfants. Cette obligation ne cesse pas de plein droit à la majorité des enfants.

S’agissant de la situation financière des parties, elle s’analyse à la date de la décision déférée. Mais de par l’effet dévolutif de l’appel, la cour doit prendre en compte toutes les modifications intervenues jusqu’à l’ordonnance de clôture.

Pour fixer à 100 € la contribution maternelle à l’entretien et l’éducation de l’enfant le premier juge a retenu que : “Outre 1’opacité des charges et revenus de Monsieur [P] [V], Madame [K] [Y] ne justifie pas de sa situation financière actuelle. De plus, elle présente un état des charges mensuelles bien supérieurs à ses revenus sans démontrer la manière dont elle gère ce déficit”.

En cause d’appel, Mme [K] [Y] produit son avis d’imposition 2019 mentionnant au tire des revenus 2018 des salaires de 10 993 €.

Au cours de l’année 2020, Mme [K] [Y] dit avoir trouvé un emploi précaire moyennant un salaire de 1.150 €/mois du mois de février 2020 au 18 mars 2020.

Elle dit ne percevoir que des allocations Pôle Emploi mais, malgré l’injonction du conseiller de la mise en état du 23 juin 2021, elle ne joint à ses écritures du 18 mai 2022 aucun justificatif actualisé de ses revenus. Elle produit en pièce n°79 un relevé Pôle Emploi du 29 mars 2020 qui date donc de plus de deux ans, qui mentionne que du 1er mars 2019 au 30 avril 2019 elle a perçu une ARE d’un montant journalier de 29,09 €.

M. [P] [V] s’étonne à juste titre qu’au regard de son expérience en matière de gestion du patrimoine bien établie, Mme [K] [Y] n’en ressort aucune perspective d’emploi.

S’agissant de ses charges, outre celles de la vie courante Mme [K] [Y] produit une quittance de loyer du mois de février 2020 mentionnant un loyer de 693 € charges comprises.

Le premier juge a évalué ses charges incompressibles à 951,50 euros mensuels.

De son côté, M. [P] [V] indique que la situation de la SASU GLOBAL FINEXPERT est totalement obérée, que son expert-comptable atteste qu’elle est en état de cessation des paiements, et qu’une demande de liquidation judiciaire auprès du tribunal de commerce est en cours.

Il produit son avis d’impôt 2021 qui mentionne au titre des revenus 2020 des pensions de retraite de 41 118 € soit 3 426 € en moyenne mensuelle.

Mme [K] [Y] ne rapporte nullement la preuve que les revenus mensuels de M. [P] [V] “seraient en réalité a minima de 10.000 € “.

A juste titre Mme [K] [Y] relève que les charges dont fait état M. [P] [V] afférentes à l’acquisition de véhicules de 1.502 €/mois pour sa Mercedes et 383 € supplémentaires pour sa BMW ne sont pas de dépenses incompressibles.

Il convient à ce titre de rappeler que de par leur caractère vital les aliments sont dus en priorité avant l’exécution de toute autre obligation de nature différente et notamment avant le remboursement de crédits contractés pour la constitution d’un patrimoine immobilier ou l’acquisition de biens de consommation non indispensables, surtout si ces crédits génèrent des charges excessives au regard des facultés contributives.

S’agissant de l’enfant, M. [P] [V] justifie des charges qu’il expose pour sa fille [C] qui poursuit des études supérieures à l’IUT de [Localité 6].

Il produit le contrat de bail de l’enfant mentionnant un loyer de 650€ par mois. Il rappelle qu’il supporte seul les frais de scolarité et d’entretien de l’enfant.

Au regard des revenus et charges des parties, de l’âge de l’enfant et de ses besoins, c’est par une juste appréciation que le juge aux affaires familiales a fixé à la somme mensuelle de 100 euros la contribution de Mme [K] [Y] à son entretien et son éducation.

L’évolution de la situation des deux parties notamment celle de Mme [K] [Y] telle qu’elle résulte des pièces qu’elle a versées au dossier ne démontre pas son état d’impécuniosité et ne remettent pas en cause l’équilibre financier ni l’appréciation du montant de la contribution à l’entretien et l’éducation de l’enfant.

Il convient donc de confirmer le jugement déféré de ce chef.

Sur la prestation compensatoire :

L’article 270 du code civil énonce que l’un des époux peut être tenu de verser à l’autre une prestation destinée à compenser, autant qu’il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives.

Ce n’est que si l’analyse du patrimoine des parties tant en capital qu’en revenus disponibles fait apparaître, au détriment de l’un des époux, une inégalité, présente ou se réalisant dans un avenir prévisible, du fait de la rupture du lien conjugal qu’il y a lieu à compensation.

Pour déterminer l’existence du droit et apprécier le montant de la prestation compensatoire, les juges doivent se placer à la date où le divorce a pris force de chose jugée et non à la date où ils statuent ni au moment où les effets du divorce ont été reportés entre les parties.

L’existence du droit et le montant de la prestation compensatoire s’apprécient à la date du prononcé du divorce passé en force de chose jugé.

Lorsque ni l’appel principal limité, ni les conclusions d’appel incident limité n’ont remis en cause le prononcé du divorce, le jugement de divorce est passé en force de chose jugée à la date de l’appel incident limité.

En l’espèce, dès lors que ni l’appel limité de l’époux ni les conclusions d’appel incident limité de l’épouse n’ont remis en cause le prononcé du divorce, il convient de se situer au jour où le prononcé du divorce est passé en force de chose jugée, soit au 21 avril 2020, date de dépôt des conclusions prises par l’intimé dans le délai de l’article 909 du code de procédure civile.

L’article 272 du code civil dispose que dans le cadre de la fixation d’une prestation compensatoire, par le juge ou par les parties, ou à l’occasion d’une demande de révision, les parties fournissent au juge une déclaration certifiant sur l’honneur l’exactitude de leurs ressources, revenus, patrimoine et conditions de vie.

En cause d’appel, Mme [K] [Y] produit une déclaration sur l’honneur aux termes de laquelle elle déclare percevoir des salaires de 10 993 € et disposer d’un actif mobilier constitué d’un livret A portant un solde de 20 500 €.

Les situations financières de M. [P] [V] et Mme [K] [Y] ont été analysées au chapitre de la contribution à l’entretien et l’éducation de l’enfant et il en résulte que la rupture du mariage crée une disparité au détriment de l’épouse.

En application de l’article 271 du code civil, la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l’époux à qui elle est versée et les ressources de l’autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l’évolution de celle-ci dans un avenir prévisible.

A cet effet, le juge prend en considération notamment :

– la durée du mariage ;

– l’âge et l’état de santé des époux ;

– leur qualification et leur situation professionnelles ;

– les conséquences des choix professionnels faits par l’un des époux pendant la vie commune pour l’éducation des enfants et du temps qu’il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne ;

– le patrimoine estimé ou prévisible des époux, tant en capital qu’en revenu, après la liquidation du régime matrimonial ;

– leurs droits existants et prévisibles ;

– leur situation respective en matière de pensions de retraite en ayant estimé, autant qu’il est possible, la diminution des droits à retraite qui aura pu être causée, pour l’époux créancier de la prestation compensatoire, par les circonstances visées au sixième alinéa.

Il convient de rappeler que le mariage a été célébré le 24 novembre 2001 et que l’ordonnance de non-conciliation autorisant les époux à résider séparément a été rendue le 3 novembre 2015, le mariage vif ayant donc duré 14 années à cette date.

M. [P] [V] est âgé de 69 ans et Mme [K] [Y] de 51 ans.

Une enfant aujourd’hui majeure est issue du mariage dont M. [P] [V] supporte la charge financière à titre principal.

Les parties sont mariées sous le régime de la séparation de biens et ne déclarent aucun bien indivis. M. [P] [V] et Mme [K] [Y] font chacun valoir des créances entre époux décrites ci-dessus.

M. [P] [V] est propriétaire de sa résidence principale sise à [Localité 5] estimée à 736250 €.

Il précise que son appartement qui était occupé par sa mère sis à [Localité 3] a été vendu pour une somme de 165 000 €, qui a été très largement dépensée afin de rembourser différents crédits et a permis de faire de nouveau un apport en compte courant, afin d’apurer des dettes de la Société ELYSEES FINANCE.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, c’est par une juste appréciation que le premier juge a fixé à 45000 € la prestation compensatoire due par M. [P] [V] à Mme [K] [Y] pour compenser la disparité créée par la rupture du mariage.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la demande de dommages et intérêts de Mme [K] [Y]

En cause d’appel, Mme [K] [Y] présente une demande nouvelle de dommages et intérêts pour “immixtion fautive de son conjoint dans ses affaires personnelles”, et demande que M. [P] [V] soit condamné à lui payer une somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts.

Au soutien de sa demande Mme [K] [Y] dit “L’époux a aliéné 80 % des revenus de son épouse pendant des années en versant 80% du salaire de Madame sur le compte bancaire de Monsieur et en ne reversant que 20% du salaire de Madame sur le compte joint :

Il s’agit d’une créance délictuelle et quasi délictuelle”.

D’une part à ce stade la réalité des créances de Mme [K] [Y] n’est pas établie et elle ne rapporte pas la preuve ni du comportement fautif de M. [P] [V]. Elle ne produit en outre aucun élément permettant de chiffrer son préjudice à hauteur de 10000 €.

Il convient donc de débouter Mme [K] [Y] de sa demande de dommages et intérêts.

Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code procédure civile :

Mme [K] [Y] qui succombe en ses prétentions, sera condamnée au paiement des dépens d’appel, ceux de première instance restant répartis conformément à la décision entreprise.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [P] [V] les frais non compris dans les dépens. Il y a donc lieu de condamner Mme [K] [Y] à lui payer la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, après débats en chambre du conseil,

En la forme,

Reçoit l’appel,

Au fond,

Confirme l’intégralité de la décision entreprise à l’exception des dispositions relatives aux créances entre époux, et aux dommages et intérêts.

Statuant à nouveau de ces chefs,

Déclare irrecevables les demandes de Mme [K] [Y] au titre des créances entre époux,

Déclare irrecevable la demande de M. [P] [V] au titre des créances entre époux,

Renvoie les parties aux opérations de liquidation de leur régime matrimonial,

Par dispositions nouvelles,

Déboute Mme [K] [Y] de sa demande de dommages et intérêts,

Condamne Mme [K] [Y] au paiement des dépens d’appel, ceux de première instance restant répartis conformément à la décision entreprise,

Condamne Mme [K] [Y] à payer à M. [P] [V] la somme de 2500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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