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ARRET N°
N° RG 20/00224
N° Portalis DBWA-V-B7E-CE4D
Mme [Y] [G] [X] veuve [A]
C/
M. [T] [D]
COUR D’APPEL DE FORT DE FRANCE
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 31 JANVIER 2023
Décision déférée à la cour : Jugement du Tribunal Judiciaire de Fort-de-France, en date du 16 Juin 2020, enregistré sous le n° 18/01590 ;
APPELANTE :
Madame [Y] [G] [X] veuve [A]
Habitation Caritan
[Localité 1]
Représentée par Me Régine CELCAL-DORWLING-CARTER de la SELARL DORWLING-CARTER-CELCAL, avocat au barreau de MARTINIQUE
INTIME :
Monsieur [T] [D]
[N] [J]
[Adresse 5]. 8
[Localité 1]
Représenté par Me Odile SAINT-CYR, avocat au barreau de MARTINIQUE
MINISTERE PUBLIC :
L’affaire a été communiquée au Ministère Public représenté, par Mme F. REYREAUD, Vice-Procureure Placée, qui a fait connaître son avis le 19 Mai 2021.
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été communiquée à l’audience publique du 25 Novembre 2022 sur le rapport de Madame Christine PARIS, devant la cour composée de :
Présidente : Mme Christine PARIS, Présidente de Chambre
Assesseur : Mme Claire DONNIZAUX, Conseillère
Assesseur : M. Thierry PLUMENAIL, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffière, lors des débats : Mme Micheline MAGLOIRE,
Les parties ont été avisées, dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, de la date du prononcé de l’arrêt fixée au 31 Janvier 2023 ;
ARRÊT : Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’alinéa 2 de l’article 450 du code de procédure civile.
EXPOSE DU LITIGE
Madame [Y] [G] [X] et Monsieur [M] [A] se sont mariés le 1er décembre 2007 après avoir fait précéder leur union d’un contrat de séparation de biens établi le 27 novembre 2007 par devant Me [W] [U], notaire au [Localité 4] (Martinique).
Aucun enfant n’est issu de cette union.
Par acte notarié en date du 20 mars 2015 par devant Maître [X] [F], notaire à [Localité 2] (Martinique), Monsieur [M] [A] a reconnu Monsieur [T] [C] [D], son fils naturel.
Aux termes d’un second acte notarié en date du 5 juin 2015, par devant Maître [X] [F], Monsieur [M] [A] a fait donation à son épouse Madame [Y] [X] de la totalité des meubles et objets mobiliers à l’usage commun des époux garnissant leur résidence principale, de l’immeuble qui servira d’habitation principale aux époux, lors du décès, ou les droits sociaux donnant droit à l’attribution de celui-ci, ou encore le bénéfice du droit au bail y afférent, ainsi que l’entreprise commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou libérale sous réserve s’il y a lieu, de l’obtention de tout agrément professionnel ou administratif, ou les droits sociaux représentatifs de telles entreprises
sous réserve des dispositions statutaires.
Par acte de cession de parts sociales en date du 3 septembre 2015, Monsieur [M] [A] a cédé à Monsieur [T] [D] la pleine propriété d’une part sociale de la société civile d’exploitation agricole ‘ [Adresse 3] ‘.
Monsieur [M] [A] est décédé le 5 janvier 2016.
Par exploit d’huissier en date du 26 juillet 2018, Madame [Y] [X] veuve [A] a fait assigner Monsieur [T] [D] aux fins notamment d’ordonner le partage de l’indivision et de déclarer recevable la reconnaissance de la donation entre époux du 5 juin 2015 reçue par Maître [X] [F].
Par jugement contradictoire rendu en date du 16 juin 2020,
le tribunal judiciaire de Fort de France a notamment statué comme suit :
– DÉCLARE nul l’acte notarié du 5 juin 2015 ;
– DÉCLARE l’action en partage judiciaire recevable ;
– ORDONNE la liquidation et le partage des actifs de la succession de Monsieur [M] [A], né le 21 mai 1929 à [Localité 2] et décédé le 5 janvier 2016 à [Localité 2] ;
– DÉSIGNE pour y procéder Maître [X] [F], notaire associé à la société civile professionnelle ‘ [P] [K], [M] [B], [X] [F] et [S] [R], Notaires associés ‘, ainsi que le juge délégué à la surveillance des opérations de partage, étant précisé que ce magistrat est celui désigné par l’ordonnance de service en vigueur au sein de ce tribunal ;
– FIXE à la somme de 5.000 euros la provision à valoir sur les frais du notaire, versé directement entre les mains de celui-ci, et constituant une avance, à valoir sur les actes nécessaires pour parvenir au partage ;
– CONDAMNE l’ensemble des parties à consigner ce montant;
– CONSTATE son incompétence pour se prononcer sur la possession d’état de Monsieur [T] [D] ;
– CONDAMNE Madame [Y] [X] veuve [A] à verser à Monsieur [T] [D] la somme de 2.500 euros en vertu des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– ORDONNE l’exécution provisoire de la décision.
Par déclaration électronique au greffe le 30 juin 2020, Madame [Y] [X] veuve [A] a interjeté appel de chacun des chefs du jugement susvisé.
Monsieur [T] [D] s’est constitué intimé le 26 août 2020.
L’affaire a été communiquée au ministère public pour avis le 11 mai 2021.
Par conclusions en date du 19 mai 2021, communiquées par voie électronique aux parties le jour même aux parties constituées, le ministère public requiert la confirmation du jugement.
Il est d’avis que l’appel interjeté est recevable, que le tribunal a justement retenu que Monsieur [M] [A] n’était pas sain d’esprit lors de la signature de l’acte de donation litigieux et que la demande d’annulation de l’acte de reconnaissance de paternité de Monsieur [T] [D] formulée par Madame [Y] [X] veuve [A] est irrecevable car prescrite.
Dans ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 13 juin 2022, Madame [Y] [X] veuve [A] demande à la cour de :
– DÉBOUTER Monsieur [T] [D] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
– DÉCLARER irrecevables les nouvelles prétentions formulées par Monsieur [T] [D] en application de l’article 564 du code de procédure civile ;
– DÉCLARER l’appel de Madame [Y] [X] veuve [A] recevable et bien fondé ;
– DÉCLARER Monsieur [T] [D] irrecevable en vertu de l’estoppel et mal fondé en sa contestation de la donation notariée du 5 juin 2015 ;
– INFIRMER le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Fort-de-France le 16 juin 2020, en ce qu’il a déclaré nul l’acte de donation en date du 5 juin 2015 ;
À titre principal,
– DÉCLARER valide l’acte de donation entre époux dressé par-devant M. [X] [F], notaire à [Localité 2], le 5 juin 2015 ;
– CONFIRMER le jugement en ce qu’il a ordonné le partage de l’indivision successorale de Monsieur [M] [A] ;
– DÉSIGNER tel notaire qu’il lui plaira afin de procéder à la liquidation de la succession de Monsieur [M] [A] ;
À titre subsidiaire,
Si par extraordinaire, la Cour jugeait nul l’acte de donation entre époux du 05 juin 2015,
– DÉCLARER fondée l’exception de nullité de la reconnaissance paternelle postnatale du 20 mars 2015, avec toutes conséquences de droit ;
– DÉCLARER fondée l’exception de nullité de l’acte de cession de parts sociales du 3 septembre 2015 au profit de Monsieur [T] [D], avec toutes conséquences de droit ;
En tout état de cause,
– DÉCLARER Madame [Y] [X] veuve [A] légataire universelle avec des droits en pleine propriété et en usufruit aux termes du testament notarié de 2011 ;
En tout état de cause,
– CONDAMNER Monsieur [T] [D] à payer à Madame [Y] [X] veuve [A] la somme de 7.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– CONDAMNER Monsieur [T] [D] aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, Madame [Y] [X] veuve [A] se prévaut du principe valant fin de non recevoir de l’estoppel. Elle indique que Monsieur [T] [D] ne saurait à la fois prétendre que Monsieur [M] [A] était sain d’esprit en mars et septembre 2015 et dire qu’en juin 2015, date de la donation litigieuse, il ne l’était plus. Elle précise également qu’après avoir appelé à la validité du testament du 7 juin 2011, Monsieur [T] [D] sollicite désormais sa nullité. L’appelante estime que ce principe est un moyen de défense qui ne constitue pas une prétention nouvelle et qui peut donc être présenté pour la première fois en cause d’appel.
Afin que soit déclaré valable l’acte de donation querellé, Madame [Y] [X] veuve [A] soutient tout d’abord que la preuve de l’insanité d’esprit de Monsieur [M] [A] au moment de l’acte n’est pas rapportée. Selon elle, seules des déclarations sans valeurs probantes ont fondé le jugement entrepris et aucune expertise médicale ni certificat médical probant ne sont versés aux débats. Elle conteste par ailleurs l’authenticité du bulletin d’hospitalisation dont se prévaut Monsieur [T] [D] dont elle a réclamé en vain l’original par sommation. La requérante fait observer que la seule prescription d’un médicament aux fins de traiter une démence d’Alzheimer est insuffisante pour caractériser une insanité d’esprit. Elle verse aux débats divers témoignages de proches afin de justifier que son époux avait conscience de la donation litigieuse et de ses conséquences. En revanche Madame [Y] [X] veuve [A] conteste les déclarations versées par Monsieur [T] [D] en faisant valoir qu’elles proviennent de témoins complaisants qui n’ont pas connu Monsieur [M] [A]. Elle expose à ce titre que les faits qui y sont relatés ne sont pas datés et soulève pour certains leur illisibilité.
Elle s’insurge à l’encontre de l’attestation de Monsieur [O] [H] [Z], petit neveu de Monsieur [M] [A], et médecin en angiologie, en ce qu’il ne possède aucune compétence en gériatrie, n’a jamais été le médecin de son époux et est intéressé par la succession de son défunt mari dont il est le petit neveu. Elle a d’ailleurs porté plainte à son encontre devant le conseil de l’ordre des médecins. Elle précise également que les deux éléments médicaux versés aux débats sont postérieurs aux actes notariés contestés.
Madame [Y] [X] veuve [A] fait remarquer par ailleurs que Monsieur [M] [A] a pu dresser trois actes authentiques par devant notaire, sans que ce dernier ne relève aucune insanité d’esprit. Elle expose que Maître [X] [F], notaire à l’origine de l’acte de donation litigieux, a attesté le 15 juin 2021 que c’est en toute lucidité, de façon éclairée et en pleine conscienc,e que Monsieur [M] [A] a apposé sa signature sur l’acte de donation. Elle rappelle que dès le 7 juin 2011, Monsieur [M] [A] avait également manifesté sa volonté de protéger son épouse au terme de son testament. Ainsi considérant que son époux disposait de toutes ses capacités intellectuelles à la date de signature de l’acte de donation, elle sollicite que la demande d’annulation dudit acte soit rejetée.
Madame [Y] [X] veuve [A] soulève également l’irrecevabilité des demandes nouvelles formées en cause d’appel par Monsieur [T] [D] et visant à retenir la nullité du testament du 7 juin 2011 et la réduction des libéralités consenties par le de cujus. A cet égard, elle fait observer que si Monsieur [T] [D] prétend au titre de sa demande de nullité que son père présentait en 2011 des facultés mentales altérées, elle remarque pour autant qu’il ne soulève aucune insanité d’esprit quand ce dernier le reconnaît quelques années plus tard en 2015. Quant à la demande de réduction des libéralités consenties, outre d’être nouvelle et irrecevable, Madame [Y] [X] veuve [A] soutient qu’elle est prescrite. Monsieur [M] [A] étant décédé le 5 janvier 2016, elle fait remarquer que Monsieur [T] [D] disposait ainsi jusqu’au 5 janvier 2021 pour agir en réduction des libéralités.
Subsidiairement, si l’acte de donation est déclaré nul, Madame [Y] [X] veuve [A] se prévaut de l’exception de nullité de l’acte de reconnaissance de paternité du 20 mars 2015 et de l’acte de cession de parts sociales du 3 septembre 2015 avec pour conséquence que l’intimé n’a plus de filiation et qu’il ne peut participer aux opérations de liquidation.
Dans ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 16 juin 2022, Monsieur [T] [D] demande à la cour de :
– DÉCLARER Monsieur [T] [D] recevable et bien fondé en ses demandes, fins et prétentions, et le dire bien fondé;
– CONFIRMER la décision du tribunal judiciaire de Fort-de-France du 16 juin 2020.
Et en conséquence :
– DÉCLARER nulle et de nul effet la donation entre époux en date du 5 juin 2015, reçue par Maître [X] [F], Notaire à [Localité 2], alors que Monsieur [M] [A] n’était pas sain d’esprit ; ce, avec toutes les conséquences de droit ;
– DÉCLARER nulle et de nul effet le testament en date du 7 juin 2011, reçue par Maître [W] [U], Notaire au [Localité 4], alors que Monsieur [M] [A] n’était pas sain d’esprit ; ce, avec toutes les conséquences de droit ;
– ORDONNER le partage de l’indivision successorale entre lui et Madame [Y] [X] veuve [A] ;
– DESIGNER tel autre notaire qu’il lui plaira afin de procéder à la liquidation de la succession de feu [M] [A] ;
En tout état de cause et à titre reconventionnel,
Surabondamment,
– DÉCLARER nulles et de nul effet les clauses de cette donation entre époux en date du 5 juin 2015, reçue par Maître [X] [F], Notaire à [Localité 2] ; en ce qu’elles ont prétendu révoquer un testament antérieur sans respecter les exigences des articles 1035 du code civil et 9-2 de la loi du 25 ventôse an XI modifiée par la loi du 28 décembre 1966, avec toutes les conséquences de droit ;
– DÉCLARER irrecevables l’intégralité des demandes fins et conclusion de Madame [Y] [X] veuve [A] et notamment sa demande de contestation de l’acte de reconnaissance en application du principe que « nul ne peut se contredire au détriment d’autrui » ;
– DÉCLARER irrecevable la contestation par Madame [Y] [X] veuve [A] de la filiation de Monsieur [T] [D] vis-à-vis de son père [M] [A] qui est parfaitement établie aux termes de l’acte de reconnaissance du 5 mars 2015, conforme à sa possession d’état d’enfant naturel depuis sa naissance à [Localité 8] né le 12 novembre 1951 jusqu’au décès de son père le 5 janvier 2016, soit durant 65 ans ; donc insusceptible de toute contestation ;
– ORDONNER le rapport à la succession par Madame [Y] [X] veuve [A] de l’appartement de [Localité 7] acquis avec des deniers reçus de son époux, ainsi que de tous les comptes titres et actions, outre les intérêts au taux légal et l’augmentation du même montant de la masse partageable ;
– RÉDUIRE les libéralités consenties par le de cujus Monsieur [M] [A], tant à son épouse Madame [Y] [X] veuve [A] qu’à tout autre, de manière à ce qu’il ne soit pas porté atteinte à la réserve successorale de Monsieur [T] [D] ;
– CONDAMNER Madame [Y] [X] veuve [A] à payer à Monsieur [T] [D] la somme de 2.500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral en application des dispositions des articles 1240 et suivants du code civil ;
– CONDAMNER Madame [Y] [X] veuve [A] à payer la somme de 5.000 euros à Monsieur [T] [D] en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– CONDAMNER Madame [Y] [X] veuve [A] aux entiers dépens qui seront recouvrés par Maître Odile SAINT-CYR conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Monsieur [T] [D] soutient que Madame [Y] [X] veuve [A] a contraint Monsieur [M] [A] à établir une donation à son profit alors qu’atteint de la maladie d’Alzheimer, il n’était pas sain d’esprit. Il rappelle que son père, qui a toujours souhaité que son patrimoine immobilier ne quitte sa famille, a offert un appartement de luxe à [Localité 7] à l’appelante, libéralité devant être rapportée à la succession. Pour justifier cette insanité d’esprit, Monsieur [T] [D] se prévaut de plusieurs attestations afin d’établir que Monsieur [M] [A] était atteint d’une pathologie altérant ses capacités mentales et donc son consentement. Il produit en outre en partie le dossier médical de Monsieur [M] [A] qu’il s’est procuré, et demande à Madame [Y] [X] veuve [A], qui considère ce document comme falsifié, d’en produire l’original. Monsieur [T] [D] soutient que l’attestation de Monsieur [O] [Z], médecin et neveu de Monsieur [M] [A], ne viole en rien le secret médical et considère que la plainte déposée devant le conseil de l’ordre des médecins à son encontre relève d’une dénonciation calomnieuse voire de la subornation de témoins. Il sollicite à cet égard l’octroie de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral.
Monsieur [T] [D] soutient également que la demande de nullité de l’acte de cession de parts sociales d’octobre 2015 est sans intérêt, puisque par le biais de l’indivision successorale, il demeurera propriétaire de cette part. En outre il considère que cette demande devra être rejetée car nouvelle en cause d’appel.
Il considère par ailleurs que la demande en appel de Madame [Y] [X] veuve [A] visant à annuler l’acte de reconnaissance de Monsieur [T] [D] est irrecevable en ce qu’elle se heurte au principe de l’estoppel.
A cet égard, il fait grief à l’appelante de se prévaloir de la maladie d’Alzheimer de son époux pour obtenir l’annulation dudit acte et de vouloir en même temps écarter l’insanité d’esprit de Monsieur [M] [A] afin de juger l’acte de donation querellé valable. Outre le fait que cette demande soit également nouvelle en appel, Monsieur [T] [D] explique de surcroît que si Madame [Y] [X] veuve [A] conteste la paternité, il lui reviendra de rapporter la preuve de ce que Monsieur [M] [A] n’est pas son père. En tout état de cause il met en avant que cette demande est irrecevable car prescrite pour avoir été introduite plus de 5 ans après le décès de Monsieur [M] [A].
Monsieur [T] [D] se prévaut par ailleurs de la nullité de la révocation des testaments antérieurs contenue dans l’acte litigieux du 5 juin 2015 qui n’a pas été convenu en présence de deux notaires ou d’un notaire assisté de deux témoins. Ainsi, l’intimé considère que le testament établi le 7 juin 2011 reste valable. Pour autant il en sollicite la nullité en mettant en avant que Monsieur [M] [A] présentait au moment de sa rédaction des facultés mentales altérées.
En tout état de cause, Monsieur [T] [D] sollicite la réduction des libéralités consenties par le de cujus à Madame [Y] [X] veuve [A] qui excéderaient la quotité disponible afin qu’il ne soit pas porté atteinte à sa réserve successorale. Il expose que cette demande n’est pas prescrite, la présente action en partage étant pendante devant les juridictions depuis juillet 2018, date d’interruption du délai de prescription.
Le ministère public dans son avis du 19 mai 2021demande la confirmation du jugement.
L’affaire a été fixée à l’audience du 24 juin 2022.
Par arrêt en date du 4 octobre 2022 la cour a statué comme suit:
Invite les parties à faire valoir leurs observations sur la recevabilité des conclusions notifiées par voie électronique le 16 juin 2022 à 11h27 par Maître Odil SAINT-CYR ;
Invite les parties à faire valoir leurs observations sur un rabat de l’ordonnance de clôture et clôture au jour des plaidoiries dans l’hypothèse où elles estimeraient recevables les conclusions notifiées le 16 juin 2022 ;
Renvoie l’affaire à l’audience collégiale du 25 novembre 2022 à 9H00 et dit que les observations des parties sur ces seuls points
devront intervenir pour le 28 octobre 2022 au plus tard.
Réserve les dépens
Sur réouverture des débats par conclusions déposées le 9 novembre 2022 Madame [Y] [X] veuve de Monsieur [A] demande à la cour de statuer ce que de droit sur les conclusions notifiées hors délai et s’en rapporte à la sagesse de la juridiction concernant la médiation.
Par observations communiquées le 21 novembre 2022 Monsieur [D] fait valoir que dans l’avis de renvoi du 19 mai 2022 un calendrier de procédure avait été mis en place prévoyant les conclusions de l’appelante pour le 9 juin 2022 et une clôture le 16 juin 2022. Or ce n’est que le 13 juin 2022 que l’appelante concluait et l’intimé y répondait à 11h27 après avoir indiqué au conseiller de la mise en état qu’il craignait ne pouvoir conclure avant la clôture. Il précise qu’à l’audience l’appelante n’a pas souhaité répondre aux conclusions et a sollicité le maintien des plaidoiries. Il demande donc le rabat de la clôture afin de permettre la recevabilité des conclusions notifiées le jour de la clôture. Il indique qu’il a longtemps cherché une résolution amiable à ce litige et qu’il n’est pas opposé sur le principe d’une médiation mais qu’il ne peut envisager de devoir faire l’avance des frais de médiation.
L’affaire a été retenue à l’audience collégiale du 25 novembre 2022 et mise en délibéré au 31 janvier 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
L’appelant ne s’oppose pas au rabat de l’ordonnance de clôture et ne souhaite pas répondre aux conclusions notifiées le jour de la clôture après son prononcé.
Il convient en conséquence d’ordonner le rabat de l’ordonnance de clôture du 16 juin 2022 et de prononcer la clôture au jour de l’audience du 24 juin 2022.
Aux termes des dispositions de l’article 131-1 du code de procédure civile, le juge saisi d’un litige peut, après avoir recueilli l’accord des parties, désigner une tierce personne afin d’entendre les parties et de confronter leurs points de vue pour leur permettre de trouver une solution au conflit qui les oppose.
Aux termes des dispositions de l’article 131-3 du code de procédure civile la durée initiale de la médiation ne peut excéder trois mois. Cette mission peut être renouvelée une fois, pour une même durée, à la demande du médiateur.
Aux termes des dispositions de l’article 131-9 la personne qui assure la médiation tient le juge informé des difficultés qu’elle rencontre dans l’accomplissement de sa mission.
Aux termes des dispositions de l’article 131-10 le juge peut mettre fin à tout moment à la médiation sur demande d’une partie ou à l’initiative du médiateur.
Compte tenu de l’accord des parties sur le principe d’une médiation, il convient de l’ordonner.
L’intimé fait valoir qu’il ne peut verser la provision en raison de ses difficultés financières. Néanmoins dans ses conclusions il indique que le notaire avait précisé que les sommes versées par la SCEA pour la location des propriétés s’élevaient à plusieurs dizaines de milliers d’euros.
Il convient de rappeler que, sur accord des héritiers acceptants, le notaire peut verser à chacun d’eux une provision, à valoir sur leurs droits.
Il convient d’inviter l’intimé, après avoir obtenu l’accord de l’appelante qui y a intérêt, à demander au notaire une provision pour lui permettre de faire face aux frais de médiation.
L’instance étant en cours les dépens seront réservés.
PAR CES MOTIFS
La cour,
ORDONNE le rabat de l’ordonnance de clôture du 16 juin 2022 ;
DÉCLARE recevable les conclusions communiquées le 16 juin 2022 ;
ORDONNE la clôture à l’audience du 24 juin 2022 ;
ORDONNE une médiation civile ;
DÉSIGNE en qualité de médiateur Monsieur [I] [L], [Adresse 6] qui aura pour mission de réunir les parties pour leur permettre de trouver une solution au conflit qui les oppose ;
DIT que cette médiation devra être réalisée dans un délai de trois mois à compter du versement de la consignation et qu’elle pourra, le cas échéant, être renouvelée pour une période de trois mois à la demande du médiateur ;
DIT que les parties consigneront la somme de 750 € chacune à titre de provision à valoir sur la rémunération du médiateur, par chèque établi à l’ordre du régisseur de la cour d’appel de Fort de France dans le délai de 2 mois à compter de l’arrêt ;
DIT que le défaut de consignation dans le délai susvisé entraîne la caducité de la décision ordonnant la médiation, sauf relevé de caducité ;
CONSTATE le retrait de l’affaire du rôle ;
DIT que l’affaire sera rétablie à la demande de l’une des parties ;
RÉSERVE les dépens.
Signé par Mme Christine PARIS, Présidente de Chambre et Mme Béatrice PIERRE-GABRIEL, Greffière, lors du prononcé à laquelle la minute a été remise.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,